19ième Festival Annuel – Du vendredi 25 février au vendredi 04 mars 2022 : Le cinéma enchantant



DU VENDREDI 25 FÉVRIER AU VENDREDI 04 MARS 2022

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Le cinéma, la musique et le chant

Le cinéma s’est pensé dès le départ comme l’enregistrement du vivant dans toutes ses dimensions. Le mouvement et le son en sont bien sûr les éléments essentiels. Or, il s’est passé plus de 30 ans entre la première projection des Frères Lumière (1895) et Le chanteur de jazz, premier film sonore (1927). Et, de fait, la distinction entre cinéma muet et films parlants est tellement bien établie dans cette chronologie qu’on a tendance à oublier à quel point le cinéma a été obsédé par la question du son – comme par celle de la couleur- dès sa naissance. D’ailleurs, Edison, qui avait déjà inventé le phonographe, travaillait avec acharnement à une invention alliant images en mouvement et accompagnement sonore synchronisé dès 1887. Il était convaincu qu’un film muet n’intéresserait personne … Même après le succès du kinétoscope (« peep-show machine » de son nom commercial !), qui permettait une vision individuelle par un œilleton, et l’ouverture un peu partout aux États-Unis des premiers salons de visionnement, il continua ses recherches d’arrache-pied avec plusieurs ingénieurs et inventeurs de l’époque jusqu’à arriver au kinétophone. Las, qui s’en souvient aujourd’hui. Le kinétophone alliait kinétoscope et phonographe, mais ne tint pas ses promesses. Seuls 45 exemplaires furent construits. On connaît l’histoire. Edison se fera ainsi coiffer sur le poteau par les frères Lumière et le cinématographe balaiera sans ménagement toutes les inventions précédentes qui se retrouvèrent illico remisées au musée. Rendons tout de même hommage dans ce bref rappel historique à Émile Reynaud, figure injustement oubliée aujourd’hui. Ce photographe/dessinateur, inventeur du praxinoscope, est à l’origine des premières projections publiques dès 1892 au Musée Grévin (soit 3 ans avant les frères Lumière). Il projetait ce qu’il appelait des ‘‘pantomimes lumineuses’’. C’est à dire des films d’animation qu’il peignait lui-même directement sur la pellicule 70 mm, accompagnés d’une véritable B.O. composée spécialement pour le film, interprétée au piano et au chant pendant la projection (déjà !) et agrémentée de bruitages divers. Emile Reynaud actionnait son appareil dans la salle et pouvait intervenir sur la vitesse de déroulement : ralenti, accéléré, retour en arrière ou arrêt sur images : tout était déjà là. Malheureusement, le succès des vues Lumière le poussa au désespoir et il jeta presque tous ses films à la Seine… L’Histoire est cruelle.

Or, si le cinématographe triomphe et suscite l’engouement aux quatre coins du monde, la question du son continue à le tarauder. Dans les années 1910, l’enregistrement se fera d’abord sur cylindre de cire, puis sur disque avec notamment les célèbres « phonoscènes » d’Alice Guy qui inventa à cette occasion le playback. Cependant la question de la synchronicité continuait à se poser. Au-delà de 3 à 4 minutes maximum, son et images étaient visiblement décalés. Ce qui est intéressant dans le développement du son au cinéma, c’est que les bruitages, la musique et le chant précèdent de loin la parole. Comme si les dialogues pouvaient finalement être assez facilement inventés ou reconstitués par le spectateur et que ce qui comptait le plus, c’était l’ambiance sonore et tout le parti dramatique insufflé ainsi au récit. D’ailleurs, les dialogues continueront encore longtemps à être résumés assez sommairement sur des intertitres même avec le son synchrone. Ce fut encore le cas pour l’énorme succès du Don Juan de 3 heures produit par la Warner (1926) avec force musique et chansons, mais sans parole. Et même si le parlant connut le développement fulgurant que l’on sait, le cinéma n’a jamais complètement oublié cette primauté de la musique et du chant. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si le premier film parlant de l’histoire du cinéma s’intitule Le chanteur de jazz. C’est par la musique et le chant que le cinéma s’éloigne le plus de sa simple fonction d’enregistrement du réel pour nous entraîner vers le rêve et le spectacle total. Nous acceptons, par convention tacite, que les personnages se mettent tout d’un coup à chanter en plein milieu d’une conversation. Mieux, nous attendons ces moments qui donnent toute leur saveur au film, jusqu’à faire oublier ce que l’intrigue peut avoir de conventionnel ou d’attendu. Nous nous en moquons même comme d’une guigne. Il est frappant de constater à quel point, en pleine montée des fascismes en Europe, le cinéma des années 30 est véritablement un cinéma chanté. En France notamment où les chanteurs les plus talentueux étaient très recherchés par les studios. Certains feront des allers-retours entre le cabaret, le music-hall, l’opérette et le cinéma. D’autres, parmi les plus grands, deviendront et resteront acteurs : Jean Gabin, Danielle Darrieux ou Fernandel pour ne citer que les plus célèbres. Mais c’est le cas dans la plupart des pays européens. Il suffit de citer pour l’Allemagne le nom de Marlene Dietrich.

En Espagne, nombre d’acteurs viennent directement de la « zarzuela« , sorte d’opérette très populaire. Et jusque dans l’Union soviétique de Staline, en plein réalisme socialiste, la mode est à la chanson, au grand dam de Serguei Eisenstein, tombé en disgrâce. L’Inde, bien sûr est au rendez-vous et ne manquera jamais à l’appel. Si le premier film parlant (Alam Ara en 1931) comprenait déjà 7 chansons, Indrasahba l’année suivante en comptera 71 ! L’Égypte doit aussi être mentionnée dans ce rapide tour du monde du film musical. Les chanteurs et la divine Oum Khalsoum règnent sur les films dès le début du parlant et rayonnent dans tout le monde arabe. L’Amérique du Sud ne sera pas en reste. Le Mexique avec la « musica tropical » et l’Argentine dont le premier film sonore s’intitule nécessairement Tango (1933) rivalisent pour une position hégémonique dans le monde hispanophone et le Brésil puise tout naturellement dans la samba et le carnaval. Mais c’est sans doute à Hollywood – à tout seigneur, tout honneur- que cette filiation sera la plus riche et la plus féconde. À partir de La mélodie de Broadway (1929), le premier film All- Talking, All- Singing, All- Dancing, Hollywood invente un nouveau genre à part entière : la comédie musicale. L’engouement du public est immédiat et ne se démentira pas jusqu’à la fin des années 50. Depuis lors, l’histoire du cinéma américain est régulièrement ponctuée de grands succès qui renouvellent périodiquement le genre. En réalité, un peu partout dans le monde, le film musical renaît continuellement de ses cendres. Il suffit de penser à Jacques Demy en France dans les années 60 ou aux opéras filmés de Zeffirelli dans les années 80. Jusqu’en ce début de XXIème que certains n’hésitent pas à qualifier de « nouvelle ère musicale ». Cette constante de la musique et du chant dans l’art du film ne lasse pas d’interroger. Paul Vecchiali a coutume de dire que « la chanson permet d’aller plus loin dans l’expression des sentiments » et de faire ainsi passer avec délicatesse ce qu’on n’oserait pas dire autrement. Et, au fait pourquoi allons-nous au cinéma ? Si ce n’est pour vibrer avec les personnages, nous projeter dans un ailleurs, faire un détour par les sentiments de l’autre pour nous éclairer sur nous-mêmes. Bon festival !

Josiane Scoleri


  • Chaque film est précédé d’une présentation et suivi d’une discussion avec le public.
  • Tous les films sont en version originale sous-titrée.
  • Présentation des films et animation des débats: Nicolas Engel, Clément Dumas, Ugo Broussot, Paul Vecchiali, Josiane Scoleri et Bruno Precioso.
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  • Programmation : Cinéma Sans Frontières

Programmation :

Vendredi 25 février à 20h : Sélection de courts métrages (Les voiliers du Luxembourg – France, 2005 – 24′; La copie de Coralie – France – 2008 – 22′; Pseudonymes -France – 2011 – 30′) en présence du réalisateur Nicolas Engel.

Samedi 26 février à 14h : La saison du diable (Lav Diaz, Philippines, 2018, 3h54, vostf) en présence de Clément Dumas, spécialiste de Lav Diaz.

Dimanche 27 février à 16h : Ram-Leela (Sanjay Leela-Bastani, Inde, 2013, 2h34, vostf).

Lundi 28 février à 20h : Chico & Rita (Fernando Trueba et Javier Mariscal, Cuba-Espagne, 2011, 1h34, vostf).

Mardi 01 mars : RELÂCHE

Mercredi 02 mars à 20h : Félicité (Alain Gomis, Sénégal, 2017, 2h03, vostf).

Jeudi 03 mars à 20h : Le chant du Missouri (Vincente Minelli, USA, 1944, vostf).

Vendredi 04 mars à 20h : Pas de quartier (Paul Vecchiali, France, 2021, 1h30, vostf) en présence du réalisateur Paul Vecchiali et de l’acteur principal du film Ugo Broussot.

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