Samedi 04 juin 2005 à 20h45 – 1er Festival de Printemps 2005
Film de Terrence Malick – USA – 1974 – 1h35 – vostf – interdit au moins de 12 ans
Inspirée par l’histoire authentique de Charlie Stark-Weather, jeune délinquant des années cinquante, Badlands évoque la folle équipée de deux jeunes amants auxquels on refuse le droit de s’aimer. Ils laissent sur leur passage de nombreux cadavres…
Road-movie sanglant (mais non démonstratif), Badlands (La Balade sauvage) est un film qui refuse d’expliquer ou de juger ses « anti-héros« , Terrence Malick tournant délibérément le dos à tout psychologisme. Nous ne saurons jamais vraiment pourquoi Kit et Holly (excellemment interprétés par Martin Sheen et Sissy Spacek) agissent ainsi, comme perdus en eux-mêmes et au sein de paysages naturels magnifiés par les panoramiques de Malick, ni ce qu’ils ressentent vraiment. Ce qui intéresse le cinéaste est de se concentrer sur le phénomène d’aliénation qui lie ses deux jeunes protagonistes à une certaine culture, un certain monde. Du coup, la folle cavale des deux amoureux prend des airs de tragédie plongée dans l’Absurde. On pense bien sûr à d’autres couples criminels célèbres du 7ème art tels Bonnie and Clyde (Arthur Penn, 1967) ou Annie et Bart, les protagonistes de Gun Crazy / Le Démon des Armes (Joseph H. Lewis, 1949). On trouve aussi dans ce film des touches d’humour parfois surprenantes. Mais ce qui frappe le plus le spectateur découvrant cette Ballade sauvage (titre français), au-delà du thème du film, est bien le traitement cinématographique apporté à sa première oeuvre par un débutant au talent et à la maîtrise saisissant. Si son film suivant, Les Moissons du Ciel, fera aussi l’unanimité par sa beauté et son souffle, son troisième et dernier à ce jour, La Ligne Rouge, divisera profondément critique et public en deux camps irréconciliables : ceux qui y voient un pur chef d’oeuvre et ceux qui s’y endorment… (Philippe Serve)
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L’histoire de La Balade sauvage est inspirée d’un fait divers, l’histoire de Mad Dog Killer, Charles Starkweather, et sa petite amie qui ont tué 11 personnes en 1958 dans le Nebraska et le Colorado. Obnubilé par James Dean, le jeune adolescent n’avait que dix-neuf ans au moment des faits et Caril Fugate qui l’accompagnait quatorze. Charles Starkweather finit éléctrocuté tandis que sa petite amie fut relâchée après avoir passé dix-huit ans en prison. Leur histoire inspira un premier film au traitement très différent, The Sadist de James Landis en 1963. Le téléfilm Murder in the heartland de Robert Markowitz sera également tiré du fait divers en 1993. Côté musique, Bruce Springsteen a composé une chanson sur Charles Starkweather intitulée Nebraska sur l’album éponyme sorti en 1985.
Dans tous ses films, Terrence Malick accorde une importance capitale à la photographie et à la lumière. Le cinéaste n’a donc pas hésité à renvoyer les deux premiers techniciens qu’il avait engagé à ce poste avant de se satisfaire du troisième.
Martin Sheen a déjà plusieurs films et surtout téléfilms à son actif quand Terrence Malick fait appel à lui pour La Balade sauvage. Jusque là, le comédien n’avait eu que des rôles secondaires au cinéma. Le film marque donc une avancée importante pour sa carrière. Il faut ensuite attendre 1979 et Apocalypse Now pour que le comédien ait enfin la reconnaissance du grand public. Après avoir joué dans Gandhi, Dead Zone ou encore Wall Street, il se fait plus rare au cinéma mais interprète le rôle du président dans la série télévisée À la Maison blanche (The West Wing), créée par Aaron Sorkin. Sans compter sa très courte apparition dans Trash de Paul Morrissey, La Balade sauvage marque la deuxième intrusion de Sissy Spacek au cinéma après Carnagede Michael Ritchie. Elle trouve ici son premier rôle principal. C’est sur le tournage de La Balade sauvage que Sissy Spacek rencontre son futur mari, le chef décorateur Jack Fisk. La comédienne formée à l’actors’ studio ne connaîtra le succès qu’en 1976 avec Carrie au bal du diable de Brian De Palma. En 1980, elle remporte l’Oscar de la meilleure actrice pour Nashville Lady de Michael Apted. Elle multiplie ensuite les rôles, dans Missing (Porté disparu), Crimes du coeur (Crimes of the Heart) ou encore La Rivière. Dans les années 90, elle revient sur les écrans aux côtés de grands réalisateurs tels que Oliver Stone (JFK), Paul Schrader (Affliction) ou David Lynch (Une histoire vraie).
La Balade sauvage est le premier long métrage mis en scène par Terrence Malick. Avant cela, le réalisateur avait signé un court métrage et collaboré à plusieurs scénarios comme celui des Indésirables de Stuart Rosenberg. Egalement scénariste et producteur sur le projet, Terrence Malick dut tourner le film avec très peu d’argent. Le budget final de La Balade sauvage est de 500 000 dollars. Le réalisateur tournera ensuite Les Moissons du ciel en 1978 et La Ligne rouge en 1997 et Le Nouveau monde (The New World) en 2005, une relecture du mythe de Pocahontas.
» Dans La Balade sauvage, il est facile de détecter le goût de Malick pour l’exaltation de la beauté de la nature, son obsession de la rupture avec le père, son attachement aux voix intérieures de ses personnages, ou son penchant pour les références bibliques (destruction de l’Eden, désignation de Kit l’assassin comme ange déchu). Le cinéma de Terrence Malick illustre un sentiment d’appartenance à un au-delà métaphysique. D’où l’étrangeté du comportement de Kit, si désireux de « faire des vagues« , de laisser une trace. D’où les commentaires désarmants d’Holly, si attachée à vivre le bonheur de l’instant qu’elle paraît imperméable au tragique. Il s’agit, comme aurait dit Heidegger de « se montrer« , d' »être là« . L’urgence de ces personnages est celle d’une fureur de vivre, Holly lançant sa baguette de majorette et Kit brandissant sa carabine comme une baguette magique : ils défient le monde. On trouvera l’explication de ces comportements chez le philosophe américain Stanley Cavell, dont Malick fut l’élève, et qui analyse le « décalage entre la profondeur à laquelle une vie d’homme ordinaire demande à être exprimée et la surface des moyens ordinaires à travers laquelle cette vie doit s’exprimer« . Comment cet homme (Kit) qui prétend avoir « beaucoup à dire » mais se révèle incapable de s’exprimer avec ses mots pour justifier ses actes entend-il faire savoir au monde qu’il a existé ? Pourquoi cette fille (Holly) veut-elle raconter cette vie d’enfer en n’utilisant que des clichés de magazines de station-service ? De quel droit ces gens-là ont-ils voulu témoigner de leur trajectoire ? Du droit d’avoir vécu les bonheurs de cette planète, quitte à les avoir vécus hors normes. » (lemonde.fr)
Pour interprèter le rôle du père de Sissy Spacek, Terrence Malick a fait appel à Warren Oates. Le comédien est surtout connu pour sa collaboration avec Sam Peckinpah. Les deux hommes ont tourné quatre films ensemble de Coups de feu dans la sierra en 1962 à Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia dont il tient le rôle principal en 1974. Abonné aux westerns, Warren Oastes a également exploré d’autres genres comme le policier avec Dans la chaleur de la nuit (1967) de Norman Jewison.
Les couples en fuite étaient à la mode en 1973. Deux autres longs métrages importants produits la même année avaient un sujet équivalent à celui de la Balade sauvage : Nous sommes tous des voleurs de Robert Altman et Sugarland express de Steven Spielberg.
Avec La Balade sauvage, Terrence Malick expérimente pour la première fois une narration soutenue par une voix-off, principe qu’il utilisera à nouveau dans ses deux films suivants, Les Moissons du ciel et La Ligne rouge. C’est ici Sissy Spacek qui commente sa fuite avec détachement. La voix-off permet donc de créer une distanciation entre la manière dont le spectateur et les personnages perçoivent les évènements.
La Balade sauvage est produit par Edward R. Pressman. En plus de Terrence Malick, cet industriel finança les films de deux autres jeunes cinéastes : Paul Williams (2) et surtout Brian De Palma avec Soeurs de sang et Le Fantôme du paradis. Pressman produira entre autres dans les années qui suivent Le Bateau de Wolfgang Petersen, Conan le barbare de John Milius, Mort sur le Grill de Sam Raimi, Wall Street d’Oliver Stone ainsi que Bad Lieutenant et The Blackout d’Abel Ferrara.
La Balade sauvage a reçu le coquillage d’or au Festival du film de San Sebastien en 1974 ainsi qu’un prix d’interprétation masculine pour Martin Sheen. L’année suivante, c’était au tour de Sissy Spacek d’être nommée dans la catégorie révélation de l’année aux BAFTA, la cérémonie équivalente des Césars en Angleterre
Terrence Malick joue un petit rôle dans La Balade sauvage. Il est l’homme qui vient sonner à la porte de l’homme riche. Le cinéaste n’avait pas l’intention d’apparaître dans son film à l’origine. Il dut tout simplement remplacer au pied levé le comédien qui devait tenir le rôle.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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