1er Festival de Printemps 2005 – L’Enfance d’Ivan



Vendredi 03 juin 2005 à 20h45 – 1er Festival de Printemps 2005

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film  de Andrei Tarkovski – URSS – 1962 – 1h39 – vostf

Orphelin depuis l’assassinat de sa famille par les nazis, Ivan, douze ans, est devenu éclaireur au sein de l’armée soviétique.

Le film est fondé sur quatre rêves d’Ivan, un adolescent orphelin plongé dans la guerre et que les Russes utilisent comme espion. L’enfant, en effet, est habile et rapporte de précieux renseignements en s’infiltrant à l’intérieur des lignes allemandes. Cependant, ses « protecteurs », le capitaine Choline, le lieutenant Galtsev le caporal Katazsonov, veulent l’envoyer à l’école des cadres à l’arrière. Ivan désire rester au front et, pour prouver sa valeur, demande des missions de plus en plus délicates.

Dénonciateur de la guerre et de toute violence, ce premier long-métrage annonce et contient dans ses 85 minutes toute l’œuvre à venir de Tarkovski. Si le réalisateur sut aller plus loin encore dans ses recherches formelles et spirituelles, il n’est pas sûr qu’il ait jamais retrouvé une telle simplicité, touchant le spectateur droit au cœur. Tournant le dos au sentimentalisme, c’est par la pure poésie des scènes oniriques ou du passé que le film dégage une extraordinaire émotion quand ce n’est pas par un sens inné de la composition du plan. Les dernières séquences de L’Enfance d’Ivan restent à cet égard totalement inoubliables.

Filmographie de Andrei Tarkovski : Les Assassins (Court Métrage, 19557), Le Rouleau-compresseur et le Violon (Court Métrage, 1960), L’Enfance d’Ivan (1962), Andrei Roublev (1969), Solaris (1972), Le Miroir (1975), Stalker (1979), Nostalghia (1983), Le Sacrifice (1986).

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L’Enfance d’Ivan devait au départ être réalisé par Edward Gaikovich Abalyan. Ce dernier a été licencié et le scénario a été réécrit avec Andrey Konchalovskiy. Contacté par les studios Mosfilm, Andreï Tarkovski a repris le projet à l’unique condition de réécrire entièrement le scénario et remplacer toute l’équipe technique et les comédiens. Ses conditions ont été acceptées moyennant une réduction du budget du film. À noter également qu’il s’agissait du 1er long-métrage de Tarkovski et déjà un coup de maître.

« L’enfant engagé est la figure la plus archétypale des héros de Tarkovski, tous innocents à leur mesure, tous faibles face à l’époque. Les autres, les adultes, s’ils ont pour chacun leur part dans une compromission avec l’ordre des choses, sont certes lâches, mais pas des salauds pour autant. Ni le soldat qui recule devant l’adoption d’Ivan, ni celui qui ne peut assumer l’amour que lui porte une infirmière, ni même son rival Kholine, abusant de son autorité dans une scène de séduction ratée dans un bois de bouleau se concluant par une forme trop commune de harcèlement, mais dont la compétence militaire n’est, elle, pas remise en doute. Chacun remplit son rôle dans le cadre d’une guerre qu’il faut gagner, mais toute relation humaine dépassant ce cadre strict semble vouée à l’échec. On voit se dessiner ici le grand thème de Tarkovski sur une quête de sens que n’offre pas la simple technicité moderne (passant par l’amour, ici impuissant face au désastre guerrier), la confrontation d’un juste en état de minorité avec ceux qui s’accommodent du vide existentiel laissé au-delà de leur fonction… qu’il s’agisse d’un enfant revendiquant pour lui l’action afin de mieux cacher ses traumas, ou d’une femme amoureuse qui se verra dédaignée par celui qu’elle aime qui ne sait que la morigéner.

A cette facette de l’enfant juste face à la tyrannie du conformisme adulte s’ajoute une autre : celle d’un gamin dévoyé, constamment sur la défensive, aux comportements de petit chef, refoulant cauchemars et mauvais souvenirs, effrayé par sa voix la nuit (par la peur donc que les autres l’entendent gémir, révéler qui il est vraiment), insensible à l’expérience esthétique d’une façon tenant à la fois de la bêtise et de la pathologie (l’épisode des lithographies de Dürer dans lesquels il ne voit que l’ennemi allemand). Cette ambivalence du juste, son absence de pureté inhérente à sa position de faiblesse, Tarkovski en trouvera une incarnation exacte dans le Stalker, à la fois noble et pathétique, plein d’un idéal transcendant et asocial face à la compagnie des hommes. Ivan aussi est double. Il existe un Ivan contre l’époque (celui dont la fraîcheur de son rapport au monde trouble l’ordre institué) et produit  de celle-ci (ce petit soldat qui fait fanatiquement la guerre alors qu’il ne le devrait pas), et l’on peine à dire si son volontarisme exalté est plus fruit du premier ou du second. En ne confrontant pas ces deux facettes, qui prennent le pas tour à tour l’une sur l’autre au gré des scènes, le film souffre d’un certain déséquilibre. Au moment où l’on voudrait que Tarkovski s’attaque de face au caractère schizophrène de son personnage, il l’atomise purement et simplement de son récit, qui ne suivra pas son engagement dans une milice de front au derniers tiers et qui ne nous le fera retrouver qu’au moment où le lieutenant refusant l’amour de Macha découvre sa mort (mort de son propre idéal ? des aspirations de l’amour communes à celles de l’enfance ?). Le film tient sur (et ne résout pas) une ambiguïté problématique : l’enfant Ivan est-il celui qui dans son courage défend la pureté face aux adultes, ou le représentant même, dans son inconscience, d’une pureté gâchée, d’une enfance déniée ? Cette contradiction révèle aussi le trouble moral qu’il y a toujours à se confronter à la Seconde Guerre mondiale (et a-fortiori du point de vue des troupes russes), guerre légitime dans ses fins et inacceptable dans ses moyens, combat  juste et monstrueux. C’est à tout le moins le mérite de Tarkovski que d’avoir vu qu’un héros tient à la fois de l’enfant et du psychotique.

L’Enfance d’Ivan contient fond et forme en son sein toutes les grandes figures de l’œuvre tarkovskienne à venir : mouvements de caméra amples, imbrication du souvenir et des faits, rapport poétique au réel, montage privilégiant la sensation de l’écoulement du temps dans les séquences, expressivité du sound design, recours à la citation culturelle (les gravures montrant sur une page la barbarie teutonne, sur l’autre la figure de Goethe, poète dont personne ne parvient à retrouve le nom) à l’archive (Berlin en ruines, les enfants morts de Goebbels), figure de la mère, d’une femme (Macha) plus humaine que ne le sont ceux qui ne veulent se définir que par leur fonction, intérêt méthodique pour le visage humain, complainte visuelle face à la misère de la condition humaine et, toujours, aspiration de la mise en scène dans le même instant vers un ailleurs, un autre état du monde. » (dvdclassik.com)

Andreï Tarkovski parle de son expérience sur sa 1ère réalisation, L’Enfance d’Ivan : 

 »Au moment de réaliser mon premier film, je me suis posé cette question : suis-je capable ou non de faire un film ? Et pour le savoir je me suis élancé à bride abattue, en me disant que si je réussissais, j’aurais gagné le droit de faire du cinéma. Voilà pourquoi L’Enfance d’Ivan était pour moi si important : une sorte d’examen de passage pour mon droit à la création. (…) C’est après avoir achevé L’Enfance d’Ivan que j’eus le pressentiment que le cinéma était à portée de ma main. (…) Un miracle avait eu lieu : le film était réussi. Quelque chose d’autre était maintenant exigé de moi : comprendre ce qu’était le cinéma. »

L’Enfance d’Ivan a remporté le Lion d’Or lors du Festival de Venise 1962.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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