Samedi 03 Mai 2008 à 20h30 – 6ième Festival
Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Frank Capra – USA – 1944 – 1h55 – vostf
Deux exquises vieilles dames font disparaître de vieux messieurs. Mortimer, leur neveu découvre l’affaire. Mais, l’affaire se corse pour lui quand il découvre que ses cousins, l’un gentil, l’autre méchant, sont également mêlés à l’histoire et que les cadavres s’amoncellent dans la cave.
Notre critique
Par Cécile Fourrage
Deux charmantes vieilles dames aux allures respectables et leurs trois neveux. La vie de la famille Brewster pourrait être sans histoires. Seulement voilà… Il faut savoir que Jonathan Brewster est un dangereux criminel flanqué d’un mystérieux docteur. Il faut savoir aussi que Teddy Brewster se prend pour le président Roosevelt et sonne la charge au clairon dans la maison…. Quant à Mortimer Brewster, accompagné de sa charmante fiancée, il est heureusement parfaitement équilibré. Mais il va devoir faire appel à tout son sang-froid quand il découvre que ses chères tantes sont en fait … Les nombreux visages de la folie.
Difficile de dire qui, dans la famille Brewster, est le plus fou ! À première vue, Teddy, persuadé d’être le président des États-Unis et creusant avec joie le « Canal de Panama » dans la cave semble l’emporter : c’est le « dingo » de la famille. Bien moins inoffensif, son frère Jonathan représente, lui, le monstre, le sadique dont le seul souvenir glace le sang de ses proches. Les tantes, quant à elles, cachent beaucoup mieux leur jeu : perçues par tous comme des anges de bonté, elles sont persuadées de faire le bien. Mais y réussissent-elles ? En faisant le compte de leurs « bonnes actions », elles arrivent à égalité avec les « mauvaises » de l’affreux Jonathan ! Le cas de Mortimer est plus compliqué : à partir du moment où il découvre les activités insoupçonnées de ses tantes, sa raison est mise à rude épreuve. Il se démène pour régler les problèmes de cette famille mais se laisse lui-même envahir par la folie ambiante : il se met à parler seul, hurle au téléphone, jette sa femme dehors et se comporte de telle façon avec le juge que ce dernier se demande s’il envoie le « bon » Brewster à l’asile… Au fur et à mesure que les personnages apparaissent et que l’intrigue se complique, la folie gagne tout le monde.
Une comédie noire
Dans leur recette de vin, les sœurs Brewster ajoutent au doux vin de mûres quelques cuillerées d’une recette maison. De même, pour fabriquer son film, Frank Capra mêle des ingrédients détonants : dans la comédie pure viennent se glisser de nombreuses références aux films d’horreur et aux films noirs. Capra s’amuse à pasticher, à imiter ces genres : dans le film Frankenstein de James Whale, le docteur Frankenstein crée un monstre (joué à l’écran par l’acteur Boris Karloff) dont il perd le contrôle et qui sème la terreur. Dans Arsenic et vieilles dentelles, le docteur Einstein (le nom est à peine changé) a opéré le visage de Jonathan et en a fait le sosie de ce monstre. Les jeux d’ombres, l’utilisation de l’obscurité, de lumières très contrastées ainsi que des gros plans sur les visages inquiétants ou terrifiés évoquent aussi les films d’horreur qui font si peur aux sœurs Brewster. Cependant, Capra ajoute toujours sa touche personnelle pour que la peur se change en rire. Ainsi, même la mort, thème au cœur du film, devient-elle familière et objet de plaisanterie !
Le génie burlesque
Frank Capra est devenu un spécialiste de la comédie américaine après plusieurs tournages dans les studios de la Colombia. C’est dans les années 30-40, souvent avec Robert Riksin comme scénariste, qu’il réalise L’Extravagant Monsieur Deeds (1936), Vous ne l’emporterez pas avec vous (1938), Mr Smith au Sénat (1939), ou encore La vie est belle (1947), qui nous font toujours rire ou pleurer aujourd’hui. Arsenic et vieilles dentelles (1944) a été remarquablement mis en scène par le cinéaste, qui adapte une pièce à grand succès de Joseph Kesselring. Tous les éléments de la comédie burlesque sont ici réunis : une situation des plus extravagantes et une succession de gags de plus en plus rapide. Dès le début du film, « le temps presse » : les nouveaux mariés, Mortimer et Elaine, sont attendus par le taxi, ce qui crée tout de suite une tension. Les tantes les retardent encore en voulant fêter le mariage, puis la découverte de l’affaire déclenche une course folle. Mortimer veut tout faire à la fois : téléphoner au juge, trouver un médecin, cacher ce qui doit l’être, empêcher de nouvelles « bonnes actions », etc. Le rythme s’accélère, les actions s’enchaînent et s’emmêlent pour finir dans un délire général !
Frank Capra a pleinement réussi le défi de l’adaptation cinématographique d’une pièce de théâtre pour en faire un film de près de deux heures en huis clos. C’est en effet devenu une référence en la matière, grâce à un dosage dans la graduation et l’accumulation progressive des situations, des effets et des retournements. Ces éléments, dont la plupart figurent dans la pièce d’origine, sont servis par une interprétation qui a marqué les esprits, dont on retient surtout le couple formé par le piètre chirurgien esthétique Peter Lorre et son malheureux patient Raymond Massey, à qui il a fait la tête de Frankenstein tel qu’il était interprété par Boris Karloff, et surtout Cary Grant interprétant un Mortimer qui plonge progressivement dans une simili-folie. Dans ce rôle, il se déchaîne avec un plaisir évident : son personnage, élégant et séduisant au début de l’histoire, se met à « dérailler » à partir du moment où il ouvre le coffre sous la fenêtre. Il regarde à l’intérieur, referme le couvercle et après quelques secondes, fait un bond et écarquille les yeux ! Ce « retard » de réaction, accompagné de mimiques horrifiées sera utilisé à plusieurs reprises. De plus en plus troublé, il répond à sa main quand le téléphone sonne ou demande au taxi de lui appeler un taxi… Il glousse, saute, culbute, court dans tous les sens, bâillonné et ligoté à sa chaise !
Un sujet fort drôle, un rythme étourdissant, un éventail de rôles important et parfaitement complémentaires, une interprétation percutante, Arsenic et vieilles dentelles est un véritable exercice de style, tout à fait jouissif. Un film délicieux, tout comme le vin aux mûres des vieilles tantes.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri.
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