Plan 9 from outer space



Vendredi 02 Mai 2008 à 20h30 – 6ième  Festival

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Ed Wood – USA – 1956 – 1h19 – vostf

Des extraterrestres appliquent le plan 9 destine a manoeuvrer les terriens. Plan diabolique, il consiste à la résurrection des morts en introduisant des électrodes à longue portée stimulant la glande pinéale de cadavres récemment enterrés.

Notre critique

Par Cécile Fourrage

Personnage atypique du cinéma hollywoodien, Edward D. Wood Jr est souvent considéré comme l’un des plus mauvais réalisateur de l’histoire du cinéma, et son film Plan 9 From Outer Space, comme le plus mauvais film du monde.

Né en 1924 dans l’état de New-York, Edward D. Wood Jr. fuit l’éducation de petite fille qu’il reçoit de sa mère en se réfugiant dans les cinémas de quartiers. Adolescent, il se passionne pour la photographie et écrit des petits scénarios qu’il fait jouer aux gamins du voisinage. Pendant la seconde guerre mondiale, il s’engage dans les marines. A son retour en 1946, il cherche sa place à Hollywood et se voit confier l’adaptation du livre de Christine Jorgensen sur la transexualité, Glen or Glenda ?. C’est avec ce film très en décalage avec les mœurs de l’époque que l’on plonge dans l’univers déjà fantaisiste d’Ed Wood. Prenant le film très à cœur, il y montre son penchant particulier pour le travestissement, en interprétant lui-même le personnage principal. C’est également dans ce film qu’il dirige pour la première fois Bela Lugosi. Sa rencontre avec la star de Dracula alors à la fin de sa carrière, va bouleverser Ed Wood, qui l’emploiera dans presque tous ses films suivants. A ces débuts, Ed Wood rencontre beaucoup de difficultés financières, toujours à la recherche de producteurs pour ces films. Ce n’est qu’avec La Fiancée du monstre (The Bride and The Monster, 1955) mettant également en scène Bela Lugosi, qu’Ed Wood réussit pour la première fois à rentrer dans ces frais.

Plan 9 From Outer Space est tourné en 1956. Il attendra 3 ans avant de trouver un distributeur acceptant de diffuser son film. Le film est encore un échec public et financier, mais malgré tout, Ed Wood, toujours déterminé et passionné par son art, continue à faire du cinéma à sa manière, s’entourant d’un petit groupe de fidèles, parmi lesquels des gens de l’audiovisuel, mais aussi d’autres grand noms : Tor Johnson, ancien champion de lutte, Vampira, ancienne speakerine, et bien sûr Bela Lugosi. Wood rend hommage à son acteur fétiche mort quelques jours avant le début du tournage, en incluant en incipit de son film, quelques curieuses images du vieil homme qu’il avait filmé en train de cueillir une fleur. Wood y vit une bouleversante poésie, et ne put se résoudre à renoncer à ce personnage pour tenir le rôle principal : pour le remplacer dans les scènes suivantes, il engagea le chiropracteur de sa femme, Tom Mason, (dont la ressemblance avec Bela Lugosi était douteuse) qui dut jouer le film le visage toujours à moitié caché par sa cape, afin de ne pas (trop) faire remarquer le changement d’acteur. Ses films suivants empruntèrent des trajectoires tout aussi chaotiques, ne sortant souvent dans les salles que des années après leur réalisation, faute de moyens. L’accumulation des échecs commerciaux de ses œuvres le plongea progressivement dans la mélancolie et l’alcool, et il mourut à 53 ans des complications de son alcoolisme, en 1978.

Plan 9 From Outer Space raconte l’histoire d’une invasion d’extraterrestres qui font revenir les morts à la vie dans le but de bâtir une armée destructrice et d’asservir la race humaine, en appliquant le diabolique Plan 9. Heureusement, la police et un pilote d’avion décident de mener une enquête pour comprendre les évènements surnaturels. Dès les premières minutes du film, on s’embarque dans une drôle d’aventure. Un scénario assez décousu, des dialogues de mauvais goût, des personnages développés a minima, des décors en carton-pâte grossier. L’ensemble est tellement peu crédible qu’il en devient drôle. Dans ce film de fou, Ed Wood est définitivement au premier plan. Sa réalisation pourrait sembler à première vue comme un bêtiser. Les spectateurs les moins attentifs remarqueront des bévues aussi peu subtiles que des perches de son, des pierres tombales qui bougent au moindre coup de vent, des variations dans le maquillage des acteurs entre les différentes prises…Et les soucoupes volantes sont en assiettes à tartes qui traversent l’écran, suspendues au bout de fils visibles à l’œil nu. C’est un film dont on voit toutes les ficelles, c’est le cas de le dire ! Selon la légende, le cinéaste ne faisait qu’une seule prise par scène, estimant toujours que la première était « parfaite ». Ed Wood semble avoir négligé la presque totalité des détails entourant son œuvre dérisoire, au profit de sa passion pour le cinéma qui émane sur la pellicule. Dans son univers, tout semble alors possible.
Tim Burton lui rendra un hommage touchant en réalisant en 1995 un curieux biopic, Ed Wood, (avec Johnny Depp dans le rôle principal) dans lequel il retrace sa vie mouvementée, ses rencontres, sa carrière et reconstitue quelques scènes de tournage de The Bride of the Monster, Glen or Glenda ? et Plan 9. Avec les yeux de Tim Burton, on comprend alors l’univers d’Ed Wood et l’admiration qu’il lui portait. A propos de Plan 9, il disait « J’ai grandi avec Plan 9, et je l’aime profondément, d’abord parce qu’il a été tourné entre l’aéroport et le cimetière de Burbank, mes lieux favoris quand j’étais enfant, ensuite car c’est le genre de film qui reste en soi quand on le voit très jeune. C’est ce que j’ai toujours aimé dans les films de Wood, leur qualité intemporelle et indéfinissable, entre génie et ringard, très désarticulé : tous ces gens vivent avec passion dans leur monde. Ce sont de véritables fantômes, avec une sorte d’humour tragique. » Tim Burton explique « Rien ne pouvait détourner Ed Wood de son désir de raconter une histoire, ni les câbles dans le champ ni les décors fauchés. C’est une forme à la fois tordue et absolue d’intégrité. »

Ed Wood est avant tout un héros, artiste et marginal d’Hollywood, et sa filmographie illustre sa vision unique du cinéma. Plan 9 From Outer Space, pourtant considéré comme le film le plus raté de l’histoire du cinéma, se retrouve élevé aujourd’hui au rang de culte. Plan 9 est un sommet, c’est le chef d’œuvre d’Ed Wood comme il en a rêvé, et un film tout simplement ahurissant.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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