La Raison du plus faible



Vendredi 01 septembre 2006 à 20h45

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Un film de Lucas Belvaux – France, Belgique – 2005 – 1h56 – vostf

L’histoire se passe à Liège, Belgique, aujourd’hui. C’est l’histoire de quatre hommes, d’une femme et d’un enfant que le destin va réunir. Une histoire sans bons et sans méchants. Une histoire de forts et de faibles. Où chacun a ses raisons, où chacun choisit son camp. C’est une histoire où certains mourront pendant que d’autres survivront mais dont personne ne sortira indemne.

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 » Le monde des truands est un milieu que Lucas Belvaux a déjà exploré dans Cavale, deuxième volet de sa trilogie sortie en 2001. Mais tandis que Cavale se centrait sur Bruno, activiste évadé de prison, La Raison du plus faible s’empare de tout un groupe de désœuvrés, réunis autour de Marc, un ex-détenu, interprété par Belvaux lui-même. Le trio de braqueurs à la petite semaine, constitué de deux anciens ouvriers métallurgistes et d’un jeune diplômé au chômage, permet à Lucas Belvaux de raconter la préparation d’un casse de l’intérieur, en examinant les raisons de chacun, ses motivations, offrant ainsi, sur les bases d’un film policier, une analyse sociale et une réflexion sur la condition humaine.

Si l’on adhère à cette histoire de casseurs improvisés, c’est certainement parce que le film prend résolument le parti de placer le spectateur à la place des protagonistes. Une scène en particulier en est emblématique: il s’agit de la scène dans laquelle Marc demande à Robert d’imaginer une scène de casse, en lui faisant vivre les événements, rien que par la parole, comme s’il y était, comme s’il avait effectivement une cagoule sur la tête, un fusil chargé dans les mains et des policiers prêts à riposter. Durant toute la scène, Marc tourne autour de Robert, qui est sans cesse recadré en gros plan. Il vit la scène, ainsi que le spectateur, qui prend conscience qu’un casse, ce n’est pas seulement quelques paroles intimidantes et de l’argent fourré dans un sac, mais surtout une angoisse énorme et des choix cruciaux à faire. «C’est avant d’y être qu’il faut que tu saches jusqu’où tu veux aller», crie Marc à Robert.

S’ils vont jusqu’au bout, c’est parce qu’ils n’ont plus rien à perdre. Chacun des personnages est conscient de l’impasse dans laquelle il se trouve. Dans ce paysage urbain, où les usines et les tours sont omniprésentes, chacun a des raisons de vouloir s’évader. Pour Jean-Pierre, ancien ouvrier en fauteuil roulant, le risque vaut le coup d’être pris car il n’attend plus rien de la vie. Patrick, lui, voudrait offrir une meilleure vie à sa femme et son fils. Pour Robert, cet argent, issu de la vente de l’acier provenant de la destruction de leur usine, n’est qu’un juste retour des choses, une compensation pour la vie qu’on lui a prise en délocalisant l’usine. Belvaux émaille en effet son film de considérations sociologiques qui le font verser dans la contestation, tempérée par le récit et le suspense qui s’installe, mais cependant bien présente. Tout le film n’est en effet que le croisement de deux mouvements contradictoires, celui de la société et celui des individus. Comme cette grille et ces machines qui avancent dans des directions opposées dans l’ouverture du film, les personnages, refusant de suivre le mouvement imposé, vont se mettre au ban de la société. Lucas Belvaux s’inscrit ici véritablement comme un observateur, aussi bien des événements que des sentiments. La caméra aérienne qui balaye la ville à la fin du film prend le recul nécessaire permettant au film de ne pas tomber dans le misérabilisme et l’apitoiement. Natacha Régnier et son fils ne sont plus que de petits points perdus dans l’immensité de l’espace. En de nombreux autres endroits, des rêves naissent et des casses se préparent, semble nous dire la caméra de Belvaux. » (critikat.com)

Le cinéaste, qui s’est inspiré d’une histoire vraie, raconte : « Je suis allé faire un débat dans un cinéma situé à Liège, situé dans un quartier au milieu de tours (…) juste en face d’une tour, que l’on voit dans le film, qui ressemble à un totem et où s’est terminé un fait divers assez célèbre en Belgique. Une fois encerclé par la police, le type a décidé de jeter le butin à la foule, les billets volaient partout, les gens les attrapaient et partaient. Certains ont été rattrapés, mais la police n’a bien sûr pas pu retrouver tout l’argent volé (…) Et puis le type s’est fait tuer. Cette fin m’intéressait visuellement, car tout ce quartier est extrêmement cinégénique. En revanche les personnages, en tant que truands -il s’agissait de grand banditisme- m’intéressaient moins, leurs motivations notamment. J’ai donc gardé le décor, le quartier, quelques éléments dans le mode opératoire (prise d’otages et braquage) et je les ai mixés avec un autre projet que j’avais, que je voulais tourner à Marseille et qui rejoignait un peu cette histoire de gens qui tout à coup décidaient de faire un hold-up« .

Le cinéaste revient sur la dimension personnelle de son film : « Je n’ai jamais milité. Mas là, c’est probablement mon film le plus personnel parce que je parle de gens que certes, je n’ai pas connus (je n’ai pas connus de mecs qui ont fait des casses), mais je me souviens d’un de mes grands-pères, de ma grand-mère… Ce grand-père était sidérurgiste-métallurgiste comme tous ses frères et beaux-frères. C’était une famille de métallos depuis les années 20. J’ai beaucoup pensé à eux, à ce qu’ils ont vécu, à ce qu’ils m’ont raconté, à leurs conditions de travail (…) C’étaient des vies épouvantables et cependant, ils savaient que l’année d’après ce serait un peu mieux, et l’année suivante encore un peu plus et que leurs enfants ne vivraient pas ça« .

A travers le film de genre, le cinéaste dresse un sombre état des lieux de la société contemporaine. Il s’explique : « C’est une espèce de constat. Moi, j’ai peur que l’on bascule dans ce genre de violence de fait divers. J’ai l’impression que l’on tend vers une société moins solidaire, où, tout à coup, ce qui construit une société démocratique est en train de disparaître au nom d’autres valeurs, bizarres (…) Je crains que l’on aille vers une société où finalement il y aura une sorte de tolérance, enfin pas vraiment de tolérance, mais d’acceptation d’un monde où les plus fragiles seront obligés de se débrouiller eux-mêmes. Petit à petit, les gens qui dérapent, qui ne savent plus comment faire, ne croiront plus en la démocratie, ils renonceront à l’idée de revendication, d’action commune pour aller vers une économie parallèle, souterraine, pas forcément le braquage, il peut s’agir de deals, de détournements de fonds, des affaires quoi ! Des trucs tombés du camion« …

Comme la trilogie de Lucas Belvaux, le polar social La Raison du plus faible est un film produit par la société Agat Films, collectif de producteurs dont fait notamment partie Robert Guédiguian, cinéaste engagé s’il en est. On retrouve d’ailleurs, sur un mode plus comique, l’un des thèmes centraux de La Raison du plus faible (aller chercher l’argent là où il se trouve) dans un téléfilm signé par le réalisateur marseillais en 1993 : L’Argent fait le bonheur.

Le cinéaste se défend d’avoir signé une apologie du vol : « Je n’ai pas envie de pousser au crime« , explique-t-il. « Je peux comprendre la chose, le fait… mais je ne pense pas que ce soit la solution. Et Marc, le personnage que je joue, est le premier à les mettre en garde, il ne les pousse pas là-dedans. Dans cette histoire de hold-up, il y a une exaltation : tout à coup, le rêve devient possible. Ils fantasment sur le hold-up comme ils fantasment sur la grille de loto : c’est exactement la même mécanique.« 

Acteur-réalisateur, Lucas Belvaux interprète dans son film l’un des braqueurs. Dans la trilogie Un couple épatantCavaleAprès la vie (et particulièrement dans le deuxième volet), il jouait le rôle d’un terroriste. Le cinéaste reconnaît des similitudes entre les deux personnages (« dans [leur] solitude et dans [leur] dimension armée]), mais pointe leurs différences : « Autant l’autre était dans une logique déterminée et sans interruption -c’est à dire qu’il s’est battu, il est allé en prison, il s’est évadé, il reprend la lutte et ne s’arrêtera jamais -autant celui-ci a décidé qu’il arrêtait, que c’était sans issue…. que ça ne lui convenait pas ou plus. On ne sait pas pourquoi il s’arrête, mais il n’a plus envie de la violence. Il a vraiment envie de se réinsérer« .

Le cinéaste s’est immergé dans l’univers qu’il décrit, celui des ouvriers belges. A propos de son souci de dépeindre ce milieu avec honnêteté, il note : « A aucun moment, on est au-dessus de ce que peuvent avoir les gens dont on parle. Leur dignité est aussi dans leur intérieur. Même si ce n’est pas riche, c’est propre et bien tenu. Le film se passe à Liège et les gens qui vivent dans les quartiers où on a tourné sont sociologiquement ce que sont les personnages. Donc, pas de trucs minables ou kitsch. Il ajoute : « On a tourné dans une usine d’embouteillage de bière, dans une laverie et les chaînes n’ont pas été arrêtées parce qu’il y avait un tournage. Rien n’a été bloqué, c’est nous qui sommes rentrés dans la chaîne et on en était tributaire. Si tout à coup, il y avait une panne, on ne tournait pas pendant une demi-heure. Il y a des gens dans des hôtels en Belgique qui ont dormi dans des draps repassés par Natacha Régnier ! « 

Gilbert Melki interprétait l’un des personnages-pivots de la trilogie de Lucas Belvaux Un couple épatant-Cavale-Après la vie : Manise, flic désabusé marié à une héroïnomane. Présent surtout dans le troisième volet, l’acteur y avait livré une composition très remarquée. Par amitié pour le cinéaste, il fait une participation dans La Raison du plus faible, sous les traits d’un patron. D’autre part, Patrick Descamps, qui campe le chômeur en fauteuil roulant, jouait dans la trilogie le rôle de Jaquillat, le dealer qui fournit Manise.

Originaire de Namur, Lucas Belvaux a tourné son film à Liège, et une grande partie de la distribution du film est belge : Natacha Régnier, mais aussi Patrick Descamps, comédien, metteur en scène et directeur du théâtre de l’Ancre à Charleroi, Claude Semal, artiste anticonformiste, chanteur, comédien, humoriste, ou encore Théo Hebrans, acteur qui a joué dans environ 900 pièces de théâtre, uniquement en dialecte wallon !

Lucas Belvaux et Natacha Régnier se sont rencontrés sur le plateau de Demain on déménage, comédie réalisée par leur compatriote Chantal Akerman.

La Raison du plus faible a été présenté en Sélection officielle, en compétition, au 59e Festival de Cannes. S’il était déjà venu à plusieurs reprises sur la Croisette en tant qu’acteur (Poulet au vinaigre, Joyeux Noël), c’est la première fois que Lucas Belvaux se rendait au Festival comme réalisateur.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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