Dimanche 08 octobre 2006 à 10h30 et 14h30 – Festival de Cinéma Indien
Film de Mehboob Khan – Inde – 1952 – 2h41 – vostf
L’antagonisme des personnages, l’une issue de la monarchie, l’autre de la paysannerie, est le ciment de cette histoire d’amour, qui même à grand spectacle, ne cesse pourtant pas d’interroger une nation en lutte pour sa liberté.
Notre critique
Par Philippe Serve
Ramjan Khan, qui deviendra plus tard Mehboob, naît en 1907 dans une famille pauvre du Gujarat. Très jeune, il fuit le foyer familial pour Bombay. Objectif : le cinéma ! Il débute à la Compagnie Impériale du Film comme acteur, décrochant un petit rôle dans AliBaba et les 40 voleurs (1927). Il poursuit sa carrière d’acteur de second rôle à la Sagar Movietone. C’est au milieu des années 30 qu’il parvient à passer de l’autre côté de la caméra et à diriger ses premiers films. Le succès vient alors très vite avec Al Hilal (Le Jugement d’Allah, 1935), inspiré du péplum hollywoodien de Cecil B. de Mille, Le Signe de la Croix (1932). Le film joue sur le spectaculaire, une action pleine de batailles et marque le début de la collaboration entre Mehboob et son cameraman Faredoon Irani. Après Manmohan (1936) inspiré par le célèbre et multi-adapté Devdas et Jagirdar (1937), MK commence à développer un grand intérêt pour les thèmes sociaux et politiques. Il devient socialiste et soutient la lutte pour l’indépendance du pays. Ek hi Raasta (1939) est le premier film « engagé » de Mehboob. Les années qui suivent amplifient le changement de cap avec trois de ses meilleures oeuvres : Aurat (1940), première version du futur Mother India – certains qui l’ont vu le disent comme peut-être supérieur à son propre remake – conte l’amour indéfectible d’une paysanne pour son pays. Bahen (1941) retrace, lui, l’amour obsessionnel d’un homme pour sa petite sœur. Mais c’est surtout Roti (1942) qui marque les esprits. Directement influencé par le théâtre de Bertolt Brecht, le film est une violente dénonciation du capitalisme. Situé dans un pays imaginaire, il met en opposition riches (citadins obsédés par l’argent) et pauvres (campagnards pour qui la seule monnaie d’échange est le troc).
Mehboob Khan fonde alors sa propre maison de production dont l’emblème sera une faucille et un marteau, bien que le réalisateur ne soit pas membre du Parti Communiste. Ses films suivants vont rencontrer le même succès, voire davantage, auprès du public. Anmol Ghadi (1946) est immensément populaire grâce à ses trois stars de la chanson – Surendra, Noorjehan et Suraiya – qui profitent d’une sublime partition du grand compositeur Naushad, lequel entame une fidèle collaboration avec le réalisateur. Mais Mehboob Khan va proposer dans son film suivant, Andaaz (1949), un trio d’acteurs encore plus mythique : Dilip Kumar, Raj Kapoor, deux dieux de l’écran indien et la formidable et encore toute jeune Nargis, élevée dès le lendemain au rang de déesse. Le film – qui a été présenté au musée le 24 septembre dans le cadre de ce Festival – doit aussi une bonne partie de son immense succès à la présence de l’extraordinaire chanteuse Lata Mangeshkar, tout juste 20 ans, et qui doublait Nargis.
Avec Aan , Mehboob Khan engage tout son argent personnel. Même s’il n’est pas officiellement le premier film en couleur de l’histoire du cinéma indien, c’est bien celui-ci, avec son flamboyant technicolor, qui va pousser les producteurs de films Bollywood à abandonner peu à peu le noir et blanc pour des teintes qu’on n’hésitera pas à vite qualifier, vu d’Occident, de kitsch… Aan est une super-production, un film spectaculaire, à grand spectacle, qui emprunte tout à la fois les voies du film d’aventures et d’action, historique, du péplum, de la comédie et du drame, sans oublier, entre deux éléphants et trois lions, le message politique : il n’y a pas de liberté sans gouvernance par le peuple lui-même. Les couleurs sautent aux yeux, les acteurs surjouent sans vergogne – avec la palme pour l’actrice Nadira que Mehboob força à jouer les yeux écarquillés du début à la fin – Dilip Kumar est magnifique en Douglas Fairbanks hindi, tandis que les incontournables chansons et danses (douze au total) démontrent une fois de plus le génie musical de Naushad. A l’arrivée, un triomphe local, un message de félicitations signé Cecil B. de Mille et un film 100% estampillé Bollywood !
Mais la gloire immortelle et universelle viendra cinq ans plus tard pour Mehboob Khan avec Mother India (1957), notre prochaine séance, le 15 octobre. Retrouvant la grande Nargis et lui offrant le plus grand rôle de sa carrière, Mehboob réalise le film ultime sur la femme indienne vue comme la Mère nourricière, incarnation de la terre ancestrale. Premier film indien nominé aux Oscars du meilleur film étranger (1958), il ne rate la petite statuette dorée que d’une voix, au troisième tour, face aux Nuits de Cabiria de Federico Fellini. En mai 2003, les 25 plus grands cinéastes du pays placèrent Mother India en tête des 10 meilleurs films indiens de l’Histoire (à noter la 6ème place de Fleurs de papier, de Guru Dutt, que nous présenterons le 22 octobre).
L’incroyable succès de Mother India ne se répéta hélas pas pour Mehboob Khan, Son of India (1962) s’avérant un échec cuisant. Il n’alla pas plus loin, mourant en 1964. Il demeure, avec Guru Dutt, Bimal Roy et Raj Kapoor, celui qui sut donner un nouvel élan au cinéma indien de l’après-indépendance, mariant avec bonheur cinéma commercial et préoccupations sociales et politiques.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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