Vendredi 28 avril 2017 à 20h30
Film de Midi Z – Birmanie – 2017 – 1h48 – vostf
« Attention nouveau pays : La Birmanie » un pays où le cinéma se propose de renaître.
Film inédit à Nice. Quatrième long-métrage du jeune réalisateur birman Midi Z (34 ans) formé à Taïwan à l’Académie du film de Hou Hsa Hsien.Toujours travaillé par ses origines birmanes et la situation de son pays, le réalisateur explore de façon quasi-documentaire le quotidien de jeunes émigrés birmans à Bangkok traversée par une histoire d’amour impossible qui révèle peu à peu sa dimension tragique. C’est par la force de la mise en scène que réalisateur nous fait glisser sans rupture du monde du réel le plus terre à terre à celui des sentiments tendres ou violents qui animent les personnages. Un cinéaste à suivre, très certainement.
Liangqing et Guo, deux jeunes birmans, émigrent clandestinement en Thaïlande. Tandis que Liangqing trouve un emploi de plonge dans un restaurant de Bangkok, Guo est embauché dans une usine textile. Sans papiers, leur quotidien est plus que précaire et le jeune couple ne partage pas les mêmes ambitions : si Guo veut gagner assez d’argent pour retourner en Birmanie, Liangqing est prête à tout pour obtenir un visa de travail et échapper à sa condition.
Notre critique
Par Josiane Scoleri
Adieu Mandalay est un film à la fois âpre et tendre, tour à tour délicat et tragique et c’est sans doute la manière dont le réalisateur arrive à fondre ces deux extrêmes qui nous touche le plus, avec une mise en scène à la fois très près des personnages et très sobre… jusqu’à la scène finale qui prend tout le monde à revers. Toute l’oeuvre de Midi Z est traversée par la notion de frontières, de déplacement et d’exil. Dans Adieu Mandalay comme dans les films précédents de La trilogie des origines, les protagonistes sont des déracinés qui essaient de s’ancrer quelque part, tout en rêvant en permanence à un ailleurs fantasmé, ou à un retour souvent impossible. En cela, le film, malgré sa forte dimension documentaire locale, nous parle d’une situation universelle qui a pris depuis une vingtaine d’années une acuité particulièrement dramatique un peu partout dans le monde.
Nous suivons donc d’abord le parcours de Lian Qing, jeune femme volontaire et de Guo, jeune homme plutôt taiseux, du passage de la frontière entre la Birmanie et la Thaïlande, quelque part dans la forêt tropicale jusqu’à leur arrivée à Bangkok. Tout le récit est scandé par la circulation de l’argent. On voit les billets circuler à chacune des étapes avec les différents passeurs. On reverra des liasses régulièrement, souvent à peine cachées dans un journal plié en deux lorsqu’un backchich est nécessaire. Il ne s’agit pas ici de l’argent virtuel qui fait plusieurs fois le tour de la planète en un clic ou deux. Il n’y a pas non plus de chèque ou de carte de crédit. Tout se paie cash. Cette matérialité des billets répond à la matérialité des corps qui s’usent dans l’effort physique requis par le travail, que ce soit à la plonge ou à l’usine. Rien que du concret. Les corps transpirent, on sent la moiteur dans l’air. Le mieux apporté par un ventilateur qui rafraîchit jusqu’au Bouddha collé au plafond est palpable à chaque instant. Les glaçons sont peut être encore plus importants que les boissons, sans parler de la très belle scène où tous les ouvriers de l’usine se livrent à une joyeuse bataille d’eau. Il faut à ce stade parler de l’invention visuelle dont fait preuve le réalisateur, avec des plans extrêmement construits qui disent les situations sans avoir pratiquement recours au dialogue. Les scènes dans l’usine sont à ce titre peut être les plus révélatrices, avec ces fils de plastique qui tour à tour séparent ou rapprochent Guo et Lian Qing. (cf par exemple les gestes délicats de Guo qui retire quelques filaments accrochés aux vêtements de Lian Qing). Car dans cette lutte pour la survie dans la clandestinité, face à des rapports de force d’une extrême violence toute puissance de la police, des employeurs, des réseaux mafieux, etc…des liens vont se nouer entre les deux personnages principaux.
Au lieu de se lancer dans une histoire d’amour plus ou moins bateau, ou qui serait en tout cas convenue, Midi Z adopte alors une mise en scène comme « en sourdine » en accord avec un jeu amoureux qui ne dit pas vraiment son nom, tout en retenue et silence. Même si on ne s’attend pas dans cette région du monde à un comportement de « Latin lover« , Guo reste vraiment très discret, il parle peu, mais donne constamment des preuves de son attachement à Lian Qing par son soutien sans faille. C’est une sorte de « proximité distante« , sans doute très asiatique. Il est là en cas de coup dur et la suit même dans son entêtement à obtenir de « vrais faux papiers » qui d’après lui ne servent pas à grand chose et coûtent surtout énormément d’argent qui pourrait plus utilement être employé ailleurs. Se dessinent alors peu à peu deux personnalités bien différentes. En effet, malgré la galère commune et une situation similaire sans aucune protection face à l’adversité ( la panne d’électricité à l’usine et l’accident grave d’un des ouvriers est une scène très forte qui dit bien les choses, sans parler de la scène de l’iguane qui est à la fois un vrai choc visuel et un exemple parfait de l’élégance de la mise en scène ), Lian Qing et Guo ne voient pas du tout les choses de la même façon. Pour Lian Qing, la Thaïlande n’est qu’une étape sur la route vers Taïwan qui est pour elle le véritable Eldorado. Sa fausse carte d’identité thaïlandaise devrait lui permettre, non seulement d’échapper à l’épée de Damoclès des contrôles, mais surtout de quitter le pays. Pour Guo, l’argent durement gagné à Bangkok devrait plutôt servir à monter une petite affaire rentable en Birmanie et pouvoir ainsi fonder une famille. On le voit, l’incompatibilité entre eux est totale.
Midi Z réussit, avec beaucoup de doigté, à garder une même égalité de ton pour nous parler à la fois du rapprochement et de l’éloignement entre ses deux personnages. Mouvements contradictoires et pourtant simultanés… Miracle de la mise en scène…qui s’appuie sur des acteurs étonnants de justesse de bout en bout, notamment dans le jeu de regards dont le réalisateur sait tirer le plus grand parti. Il arrive ainsi à créer une tension dans les plans, peu nombreux, où Guo ose s’approcher. Nous sentons soudain dans ces moments là une étrange intensité érotique sans le moindre baiser, ni même la moindre caresse. Et la même chose est vraie des plans de désaccord, où passe tout d’un coup une réelle électricité sans jamais de dispute explicite. Midi Z prend donc le parti pris d’éviter la progression dramatique classique, censée aboutir à un climax, plus ou moins prévisible (bye bye Hollywood). Il opte au contraire pour une sorte de crescendo à peine perceptible qui exige du spectateur qu’il soit véritablement en alerte, prêt à capter le moindre changement d’atmosphère, d’expression ou de ton. Le final nous prendra d’autant plus par surprise. Il a beaucoup divisé la critique, tant il se situe aux exacts antipodes de tout ce que nous avons vu jusqu’ici. Une manière de nous dire, me semble-t-il, que les sentiments rentrés n’en sont pas nécessairement moins violents. Leçon que le cinéma japonnais nous a apprise il y a déjà fort longtemps.
Sur le web
C’est un véritable drame qui a inspiré à Midi Z Adieu Mandalay. Son père, médecin de fortune, avait été appelé une nuit dans un village voisin pour recoudre le cadavre d’une femme, assassinée par son mari qui s’était ensuite suicidé. « Nous n’avons pas su en détail ce qui s’était passé, mais le fond de l’histoire était que le couple avait pensé retourner en Thaïlande après le mariage. Le mari, cependant, n’avait plus voulu repartir. C’est ce qui avait déclenché la tragédie. Mon père était un bon analyste des faits, et je me souviens qu’il nous a dit : « Cette tragédie vient du fait que la femme était trop ambitieuse; elle voulait à nouveau quitter le pays, alors que le mari n’en avait pas le courage« , explique le réalisateur.
En Birmanie, on dit souvent que pour échapper à la misère, les pauvres n’ont que trois solutions : la première est le trafic de drogue, la deuxième est de tenter sa chance dans une mine de jade, et la troisième est l’émigration clandestine. Cette troisième voie, à savoir passer clandestinement en Thaïlande, est celle que beaucoup choisissent : les risques sont moindres, et dire qu’on « va à l’étranger » est nettement plus présentable. Pour de nombreux Birmans, la Thaïlande représente une chance de fuir la pauvreté, en y émigrant clandestinement. Ceux qui partent envoient ensuite de l’argent à leur famille, qui se doute rarement de la précarité dans laquelle vivent ces déracinés. On comptait en 2008 trois millions de travailleurs birmans en Thaïlande, dont deux millions sont entrés clandestinement. On aurait pu penser que l’ouverture et la démocratisation progressive de la Birmanie feraient chuter les chiffres de l’émigration clandestine vers la Thaïlande. Il n’en a rien été. En juin 2014, la Thaïlande a expulsé 150 000 travailleurs illégaux : ils étaient tous arrivés en 2013. Les conditions de vie des travailleurs migrants n’ont guère changé en 30 ans : on entend toujours les mêmes histoires étranges ou déchirantes, et toujours en même quantité, malgré le progrès social, l’ouverture et la démocratisation. Pour tous ces jeunes qui partent, la Thaïlande apparaît comme le pays-miracle qui leur permettra de « s’enfuir de la cage de prisonnier et changer de vie « . Ils ne savent pas qu’ils ne feront qu’entrer dans une plus grande cage. Depuis 2008, Midi Z a passé l’équivalent de trois ans à enquêter en Birmanie et en Thaïlande, où il a interrogé plus d’une centaine de résidents birmans illégaux, et compilé 10 volumes d’histoires différentes. Le réalisateur a finalement choisi l’histoire qui résonnait le plus avec son expérience personnelle : « J’ai eu le sentiment de ne plus pouvoir être « totalement objectif » ni rester « à distance ». Alors que je consignais la vie intérieure, faite de douleur, de folie et de détermination, de ces jeunes travailleurs migrants, je ne pouvais faire autrement que de ressentir et partager ces sentiments« , confie-t-il.
Pour jouer les deux personnages principaux, Midi Z envisageait dans un premier temps de faire appel à des comédiens non-professionnels de Birmanie, de Thaïlande, de Taïwan ou de Chine. Le casting n’étant pas satisfaisant, il a finalement porté son choix sur des comédiens connus en Asie du Sud-est, Kai Ko et Wu Ke-Xi. « À partir de fin 2014, ces deux comédiens se sont lancés dans une longue immersion et de longues répétitions (l’ensemble dura 12 mois). Ils sont allés à la frontière birmane travailler dans les champs auprès des paysans locaux, afin d’entrer dans l’expérience ressentie de la vie dans les campagnes frontalières. Ils se sont formés de manière complète à tous les aspects de leurs rôles, du dialecte aux gestes et aux postures« , raconte le réalisateur. Les lieux de l’histoire sont la frontière thaïlando-birmane, une usine, un commissariat… tous des décors réels, qui nécessitaient cependant un travail de décoration très précis. Bangkok l’été, les usines baignées de chaleur humide, la frénésie qui y règne, la jungle tropicale de la frontière, les villages paisibles de clairières où les travailleurs vont acheter des permis de séjour… La tension exacerbée des ouvriers drogués aux amphétamines, enchaînant des tours de travail posté, sans plus distinguer le jour de la nuit… tout cela compose la diversité et la richesse des atmosphères visuelles du film.
« Dans les années 1890, dans un poème de Kipling intitulé Mandalay, un soldat britannique s’extasiait de découvrir les cultures « à l’est de Suez ». Dans le prolongement de son approche empirique de la réalité, Midi Z, en empruntant la route pour Mandalay, s’éloigne une fois encore d’un regard nostalgique sur la Birmanie où il est né et qui est le centre de son œuvre. Au milieu du flux d’immigration illégale qui relie la Birmanie à la périphérie de Bangkok, le jeune Guo rencontre Lianqing qui aspire comme lui à trouver une vie meilleure en Thaïlande. Avec ses lumineux plans longs, nourri par une approche documentée et un sens souterrain de la dramaturgie, Adieu Mandalay est aussi l’histoire d’un amour naissant et de sa douloureuse mise à l’épreuve par la vie des travailleurs clandestins.
Midi Z est né en Birmanie en 1982 dans un contexte de bouleversements et de conflits idéologiques qui l’ont contraint à émigrer à Taïwan pour y suivre ses études d’art. En 2006, il signe un premier court métrage, Paloma blanca, réalisé dans le cadre de son cursus universitaire et qui lui vaut d’être repéré et programmé à Busan puis Melbourne.Dans un pays ravagé par les récentes et nombreuses prises de pouvoir dictatoriales et où la culture vivante a été mise à bas, un artiste émergent mérite notre attention. En particulier dans le domaine du cinéma, gangréné par le marché noir, et qui survit péniblement, avec à peine soixante-dix salles pour l’ensemble de la Birmanie (et pas plus de quatre dans le centre de Rangoun), toutes dévouées à la diffusion de vieux films d’action chinois et de quelques comédies populaires. Et si les choses semblent s’améliorer selon les dires de Midi Z qui constate depuis deux, trois ans une amélioration des rapports entre les cinéastes et le pouvoir en place dans un pays où, il y a peu encore, tenir une caméra était considéré comme un acte politique répréhensible, c’est avant tout par la force testimoniale de son cinéma, intelligent mélange de fiction, documentaire et installation artistique, que ce jeune metteur en scène a légitimement affirmé sa place d’auteur. Grâce aussi à une conscience immédiatement remarquable du geste cinématographique, traduite par de réels et adéquats choix formels ainsi que par un sens très affirmé de la mise en scène, que l’on caractériserait de manière un rien sommaire comme « documentaire ». Et s’il fallait d’ores et déjà dégager quelques-uns des principaux vecteurs sur lesquels se structure son cinéma, on pourrait parler à la fois de la récurrence de son travail sur les différentes zones frontalières (physiques, politiques, sociales et psychiques), de son obsession pour l’argent, les transactions monétaires et les trafics, mais aussi de sa façon de capter et retranscrire les divers environnements au sein desquels évoluent ses protagonistes et, enfin, de sa manière de conjuguer le naturalisme du témoignage avec la fibre narrative. Autant d’axes et de thèmes optimisés par un travail sur le cadre et la durée de plan d’une remarquable pertinence. Une héroïne résume à elle seule tous les thèmes frontaliers qui traversent le cinéma de Midi Z, c’est celle du court métrage The Palace on the Sea (2014). À Taïwan, une jeune femme veut à tout prix rentrer en Birmanie. Choix de vie que lui déconseillent ses collègues, celles d’un boulot où s’exploitent les corps féminins et venues, comme elle, d’ailleurs. Jusqu’au moment où nous comprenons que cette apatride, perdue dans les limbes d’un palace flottant, symbole d’un rêve consumériste en pleine décrépitude, a déjà traversé l’ultime frontière, celle dont on ne revient pas et qui sépare la vie et la mort. Une installation tour à tour chorégraphique et onirique servie par une bande-son gutturale et dissonante, métaphore de la détresse intérieure de cette femme à jamais déracinée. Partir, revenir, rester ou repartir ? Cet écartèlement géographique est au cœur de tous les récits de Midi Z et en particulier ceux de Ice Poison (2014) où un jeune Birman aide une femme de son âge, dont le mari vit en Chine avec leur enfant, à récupérer ce dernier afin de pouvoir revenir au pays natal. Retour espéré comme définitif qu’effectue également le héros de Return to Burma (2011), premier long métrage de Midi Z, narrant le retour parmi les siens d’un jeune ouvrier en bâtiment travaillant depuis des années à Taïwan.
Autre constante dans le travail du cinéaste : la tarification des actes, qu’ils soient ceux du travail ou ceux plus illicites de la prostitution ou du trafic de drogue. Tous les dialogues, ou en tout cas une majeure partie, se focalisent autour de cette question. Interrogation concrète et souvent cruelle qui met à nu les inégalités, l’exploitation et les chimères inaccessibles. Dans Return to Burma, le héros ne cesse de questionner son frère, son père ou ses amis sur les salaires qu’ils peuvent espérer gagner au cours d’une journée. On apprend même précisément ce que coûte le prix d’un passeport pour la Malaisie dont rêvent les jeunes poètes musiciens qu’il croise sur son chemin. Obsession que l’on retrouve également dans Poor Folk (2012), autre film transfrontalier qui met en parallèle le trafic de drogue auquel se livre l’un des protagonistes dans le but d’amasser assez d’argent pour racheter sa sœur, prostituée en Thaïlande, et celui de ces femmes birmanes, vendues par leur famille, qui passent clandestinement la frontière entre la Birmanie et la Thaïlande. Des corps qui, comme la drogue, ne sont que des monnaies d’échange et de transaction pour un avenir meilleur miroitant comme un mirage mais qui ne cesse de s’estomper dès que les héros tendent la main pour le saisir. Ayant, au passage, payé le prix fort de cette tragique désillusion.
Filmer un personnage pour Midi Z, comme d’ailleurs pour tous les cinéastes ayant un tant soit peu conscience de la portée sociétale et/ou politique du septième art, revient avant tout à filmer celui-ci dans l’espace de vie qui est le sien. Et savoir l’inscrire dans ce cadre qui, à la fois, le détermine et l’influence. Horizons campagnards ou urbains, intimité recluse des habitations, perspectives, lignes de fuite… le décor a ici sans cesse valeur de témoignage. Un personnage à part entière que Midi Z fait vivre grâce aussi à son goût pour les plans fixes prolongés. Les sons afférents, les bruits du quotidien ou les lumières – réalistes pour la plupart mais parfois surréalistes comme dans Paloma blanca (court réalisé en 2006 comme travail de fin d’études), poème visuel et sonore sur la marchandisation dont sont victimes les femmes à travers le monde ou encore ceux, étranges et hypnotiques, de The Palace on the sea – sont autant d’immersions sensorielles qui, au passage, révèlent également le paysage mental du héros. Et sont aussi une manière de raconter l’histoire récente de la Birmanie à l’image de ces chansons pop et propagandistes qui accompagnent le retour au pays du héros de Return to Burma.
Return to Burma, Poor folk et Ice poison sont incontestablement des fictions, édifiées comme il se doit à partir de personnages ‘inventés’ évoluant dans des situations répondant aux diverses lois de la dramaturgie que sont le dilemme moral (Poor Folk), l’amour (Ice Poison) ou encore la fidélité familiale (Return to Burma). Mais, à chaque fois, le scénario s’offre aussi de nombreuses incursions documentaires. Des digressions apparentes mais toujours justifiées qui ancrent le récit dans un arrière-fond sociétal, testimonial et hyper réaliste. On retiendra, parmi les nombreux exemples, la scène dans l’usine d’huile de Return to Burma que visite le héros. Tout nous est explicité, depuis le modus operandi du travail qui y est effectué jusqu’à la provenance des machines (dont la quasi totalité viennent de Chine à l’exception du filtre qui est d’origine birmane) en passant par le salaire de l’ouvrier. Une séquence nous montrant en quelques minutes la dureté du quotidien mais évoquant surtout le rôle moteur de la Chine (pour ne pas dire) dans l’infrastructure économique (et donc à fortiori politique) de la Birmanie actuelle. Ingérence idéologique d’ailleurs régulièrement évoquée dans les films de Midi Z. Une porosité synergique entre fiction pure et documentaire, moteur de son travail et mis en exergue dans Silent Asylum (2013) coréalisé avec l’actrice française Joana Preiss où il rend hommage explicitement à l’une des œuvres phares du genre : Hiroshima mon amour d’Alain Resnais (1959).
Dès ses premiers films, Midi Z privilégie le plan fixe et une certaine durée du plan, choix qui cristallisent le contenu politique, social et humain de son travail. Regarder frontalement, prendre le temps de laisser la situation se décanter et choisir d’écouter sans briser le discours d’un plan de coupe sont quelques-unes des vertus de son cinéma. Qui ne laisse pour autant rien au hasard. Le choix du cadre répond à des exigences (environnement, réalisme) que nous avons précédemment mises en avant, mais théâtralise aussi, avec discrétion ainsi qu’une redoutable efficience, le contenu de la séquence. Comme dans ces scènes de groupe récurrentes où se détache toujours un personnage, pas nécessairement le « principal » de la scène d’ailleurs, qui est à la fois la focalisation de la scène (et de notre regard) mais surtout le centre nerveux de celle-ci. Un véritable point d’équilibre autour duquel peuvent se déployer les autres acteurs (pour une immense majorité non professionnels) ainsi que la dramaturgie de la séquence. Où, en résumé, comment exacerber la retranscription du réel en recourant aux effets de style de la représentation fictionnelle. La marque des vrais auteurs. » (Xavier Leherpeur, critique de cinéma)
« Le film de Midi Z a été projeté au Myanmar (ex-Birmanie) dans le cinéma Wasiya de Rangoun où les spectateurs se pressaient par centaines. Mais à la fin de la projection de Adieu Mandalay, une ombre est venue masquer l’écran, et l’image a disparu quelques secondes, le temps que le générique commence. C’est comme ça que travaille la censure birmane. Un homme est posté dans la cabine de projection, quand un plan litigieux s’annonce, il place son doigt devant l’objectif du projecteur. Au Myanmar, depuis les élections de 2015 qui ont abouti à un partage du pouvoir entre les militaires et la formation d’Aung San Suu Kyi, les lois, règlements et usages changent vite. D’où la présence du film de Midi Z à Rangoun, qui s’est glissé, avec la complicité active des organisateurs français, dans la programmation du Festival Memory, a priori destiné à explorer l’histoire du cinéma. La projection à Rangoun de Adieu Mandalay était donc une première fois pour Midi Z, mais aussi pour le cinéma d’auteur birman. D’abord parce que des décennies de régime militaire ont étouffé la création, ensuite parce qu’il n’y a plus que 45 cinémas pour les 53 millions d’habitants de ce pays plus grand que la France. Les quelques écrans sont monopolisés par les blockbusters hollywoodiens, bollywoodiens ou thaïs, et la quarantaine de longs-métrages commerciaux birmans se partage le reste. A voir non seulement l’enthousiasme, mais aussi l’attention avec laquelle la jeune foule a accueilli cette expérience, elle ne devrait pas rester sans lendemain. » (sotinel.blog.lemonde.fr)
Adieu Mandalay a reçu le prix du Meilleur Film à la Semaine Internationale de la Critique de la Mostra de Venise 2016, et le Grand Prix du Long-Métrage au Festival International du Film d’Amiens 2016.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri.
Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h30 précises.
N’oubliez pas la règle d’or de CSF aux débats :
La parole est à vous !
Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents CSF et toute personne bénéficiant d’une réduction au Mercury).
Adhésion : 20 €. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, ainsi qu’à toutes les séances du Mercury (hors CSF) et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.
Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club ici