All or nothing



Vendredi 17 janvier 2003 à 20h45

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Mike Leigh – Royaume-Uni – 2002 – 2h08 – vostf

Phil, un chauffeur de taxi, et Penny, une caissière dans un supermarché, voient leur vie de couple et de famille se désagréger. Leur fille Rachel fait le ménage dans une maison de retraite, tandis que leur fils Rory est chômeur. Survient alors un événement qui va transformer leur vie et leur faire à nouveau découvrir l’amour.

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«Chez Phil, tout tire vers le bas. Le ventre, les cheveux qui pendouillent, les yeux qui semblent regarder là où la vie l’a fait chuter. Phil est chauffeur de taxi : c’est dire qu’il en entend des confidences. Mais lorsqu’il rentre le soir chez lui, c’est le silence. Ou alors quelques bouts de phrase qu’il prononce, sans que personne n’écoute vraiment. Son fils, Rory, est un obèse qui refuse de travailler, mange comme quatre (« S’il y avait une compétition pour la bouffe, il serait champion du monde », dit Phil) et ponctue de fuck off la moindre réflexion de sa mère. Rachel, la fille, est bien grossette aussi. Mais elle travaille, elle, dans un hospice. Et à table, silencieuse, elle lance des regards qui sont autant d’appels au secours que nul n’entend. La femme de Phil, Penny, est différente. Toute menue, toute fragile, en apparence. Elle travaille comme caissière dans un supermarché. Quand elle reçoit en pleine figure les injures de son fils, son mari n’ose protester. Il est trop las, Phil. Incapable de se lever plus tôt pour gagner un peu plus. Contraint, honte suprême, de mendier de la menue monnaie à sa femme et à sa fille pour régler le loyer mensuel de son taxi.
 On connaît bien la méthode Mike Leigh. Expérimentée dans Life is sweet ou Naked, elle a été couronnée par une Palme d’or à Cannes, en 1996, avec Secrets et mensonges. Outrer les gestes, les voix. Gonfler jusqu’à l’absurde tics et grimaces  qu’on se souvienne du festival auquel se livraient, dans Deux filles d’aujourd’hui, Mark Benton et Katrin Cartlidge (1). On croise dans All or nothing toute une galerie de ces êtres « extrêmes » : la femme d’un collègue de Phil, lèvres tendues dans un rictus sans fin, qui tangue dans la cour de son immeuble, ivre du matin au soir. Ou ce pauvre type qui guette de ses yeux fous la jolie et provocante Samantha. Il ne parle pas, ne sait rien faire d’autre que se ruer sur ses lèvres et prendre des beignes en retour. En un geste d’amour insensé, il finit par graver au couteau sur sa poitrine la première lettre du prénom de sa bien-aimée, qui le repousse une fois de plus et s’enfuit en le traitant de taré…Mais tous les tarés du monde ne sont, pour Mike Leigh, que des gens qui cachent plein de surprises, sous leur apparence parfois désastreuse. Prenez Maureen, une autre voisine de Phil : on la croirait aussi faible, aussi paumée que les autres. Soudain, dans un pub, elle s’empare d’un micro et chante comme une reine. Et face à sa fille, qui l’envoie paître, elle trouve le chemin des confidences. Formidable séquence que l’on prend, d’abord, comme un duel sadique mère-fille. Mais ces phrases courtes, cinglantes entre les deux femmes, ne fouillent les plaies que pour cicatriser les blessures. C’est dans la douleur révélée et vaincue que peut naître un peu de douceur…Un soir, Phil a raconté qu’un pauvre vieux est monté dans son taxi pour une course de 150 mètres, pas plus. « La prise en charge sera tout de même de 3,50 £ », avait dit Phil. Sa femme l’a regardé avec son habituel air de reproche et de mépris : « Tu n’avais pas à le faire payer ! » Phil a répondu : « Oui mais il était pauvre, tu vois, et pour lui, c’était une question de… » Il a cherché le mot, quelques secondes, et c’est sa fille, relevant les yeux de son assiette, qui a murmuré : « …de dignité ?».

All or nothing est donc l’histoire de la dignité inexorablement perdue, et un beau jour retrouvée, d’un type à qui Timothy Spall, l’acteur favori de Mike Leigh, prête sa formidable présence de gros ours résigné. Et tous, autour de lui, sont étonnants d’ambiguïté. La femme de Phil, victime idéale, au point de devenir, sans même s’en apercevoir, une sorte de petit bourreau irréprochable. Une mère et sa fille, dont l’une est tout en offre et l’autre tout en demande, mais séparées par trop de silences. Par trop de misère. Car, une fois encore, Mike Leigh ausculte une société brutale et sombre. Totalement dénuée de pitié à l’égard de gens qui ne trouvent leur dérisoire raison d’être que dans la brutalité des mots et la violence des gestes.

Chez ce cinéaste, les films se complètent, chacun ressemblant au chapitre d’un livre sur la solitude sans espoir. On peut préférer la densité d’un chapitre et déplorer les longueurs d’un autre. Mais on y perçoit la même stupeur devant tout ce que l’homme cache en lui d’égoïsme et la même émotion devant ce qu’il est capable de receler de tendresse. Les petites gens d’All or nothing rejoindront donc dans la mémoire les personnages de High Hopes, de Life is sweet, de Secrets et mensonges. A la fois différents et les mêmes : leurs frères et soeurs, en quelque sorte.» (telerama.fr)

(1) Katrin Cartlidge, décédée en septembre, à 41 ans, a joué pour Mike Leigh dans Naked et Deux Filles d’aujourd’hui. Elle fut aussi l’admirable Claire Dolan du film de Lodge Kerrigan.

Mike Leigh revient sur la construction de All or nothing : « Nous donnons naissance à ses personnages, au monde dans lequel ils vivent ainsi qu’aux relations qu’ils entretiennent entre eux en essayant de donner le maximum d’épaisseur à tous ses éléments. Ce que nous créeons est bien sûr beaucoup plus complexe que ce qu’on peut voir à l’écran. Si le film touche autant, c’est grâce à toutes ces choses. L’iceberg est là même si on en voit que le bout.« 

Mike Leigh revient sur la fin ouverte de All or nothing : « Les événements dramatiques arrivent à leur conclusion mais j’ai toujours estimé important que le public, en sortant de la salle, ait quelque chose à penser, qu’il se pose des questions sur ce qui pourrait arriver aux personnages par la suite. Pour moi, un film dont on sort heureux sans jamais y repenser n’est pas aussi bon qu’un film que l’on emporte avec soi et que l’on savoure encore longtemps après. »

All or nothing est une nouvelle preuve de l’attachement et de la fidélité que porte Mike Leigh à ses comédiens. Timothy Spall et Lesley Manville, les deux principaux protagonistes du film, travaillent en effet depuis longtemps avec le cinéaste. Timothy Spall retrouve Mike Leigh pour la sixième fois, après une pièce de théâtre, un téléfilm puis trois longs métrages (Life is sweet, Secrets et mensonges et Topsy-Turvy). Quant à Lesley Manville, elle a été à l’affiche de quatre films du réalisateur : Topsy-Turvy, Secrets et mensonges, High Hopes et le téléfilm Grown-ups. Mike Leigh et ses acteurs ont répété et travaillé leurs personnages plus de six mois avant de commencer à tourner quoi que ce soit.

All or nothing marque la cinquième collaboration de Mike Leigh avec le compositeur Andrew Dickson. Celui-ci avait collaboré sur Meantime, High Hopes, Naked et Secrets et mensonges. Reconnu pour son travail à la télévision britannique, il compose pour des compagnies de prestige comme la Royal Shakespeare Company ou la Royal Court.

Le réalisateur Mike Leigh est un habitué de Cannes. All or nothing, qu’il présente en compétition en 2002, n’est pas sa seule expérience cannoise. Il est déjà venu deux fois sur la Croisette : en 1993 pour y présenter Naked, et en 1996 pour Secrets et mensonges. A chaque fois, ses films y ont été doublement récompensés puisque Naked l’a sacré Meilleur réalisateur et a récompensé l’acteur David Thewlis, alors que Secrets et mensonges a remporté la Palme d’Or tout en récompensant la comédienne Brenda Blethyn.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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