La Boutique de la Famille Lin



Samedi 02 octobre 2004 à 18h30 – 2ième Festival  2004

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film  de Shui Hua – Chine – 1959 – 1h24 – vostf

Septembre 1931. Le Japon envahit la Mandchourie. La nouvelle provoque le boycott des marchandises japonaises, ce qui n’arrange pas les affaires du boutiquier Lin, qui ne vend pratiquement que cela. Quelques étiquettes « made in China », quelques pots de vin, lui permettent toutefois d’écouler son stock. De plus, de nombreux réfugiés fuyant la guerre arrivent, lui permettent de réaliser de très bonnes affaires. Il n’est malgré tout qu’un petit boutiquier qui n’a pas tous les atouts pour lutter contre plus gros que lui.

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 » Adapté d’une nouvelle de Mao Dun (1932), le film raconte les déconvenues d’un boutiquier, de sa fille et de son employé, dans le contexte de la Chine des années 1930 : une satire douce-amère du petit peuple, mais surtout du système économique capitaliste et du personnel politique du Parti nationaliste (le Guomindang).

Rarement une œuvre littéraire et son adaptation cinématographique n’auront été à la fois aussi proches et aussi différentes. Ecrite pour l’une, réalisée pour l’autre, à moins de vingt ans de distance, elles reflètent aussi bien le fossé entre les deux époques que les similarités qui les rapprochent, au travers de leurs auteurs. Si le scénario de Xia Yan est une adaptation fidèle de la nouvelle quant à sa trame générale, il tire, en revanche, le récit vers le mélodrame. Le film est en cela dans la lignée des mélodrames de la période d’or du cinéma chinois, ceux du cinéma de gauche des années 1930, dont Xia Yan fut justement l’un des principaux scénaristes. Il est aussi à replacer dans le contexte de l’époque de sa réalisation, où il apparaît sous un jour quelque peu ambigu.

Lorsque le film a été réalisé, les Chinois avaient déjà connu dix ans de marxisme, dix années de difficultés, de drames et de campagnes diverses, culminant dans la campagne antidroitière de 1957. En 1958, avec le Grand Bond en avant, une sorte de délire s’est emparée de la Chine : il faut rattraper l’Angleterre en quinze ans ! D’où une collectivisation accélérée, la création de communes populaires, etc…Et ce délire n’épargne pas le cinéma car Le Grand Bond en avant nécessite une mobilisation de masse, et les films sont jugés essentiels pour créer l’enthousiasme productiviste nécessaire pour gagner la bataille de l’acier. Le mouvement est d’abord quantitatif, comme dans le reste de l’économie : il faut multiplier les films pour toucher le public des campagnes dans les coins les plus reculés, et pour cela multiplier les studios et les équipe de projection ambulantes. Dans la première moitié de 1959, dix nouveaux studios voient le jour. C’est l’équivalent des « hauts fourneaux de village » qui sortaient de terre un peu partout à l’époque. Le cinéma répond au slogan en vigueur : « [produire] plus, plus vite, mieux et moins cher ». Mais le Parti dicte aussi le contenu. Il faut donner, ou redonner, foi dans le régime pour que les Chinois aient le cœur à l’ouvrage. Et cela passe par la démonstration prouvant que le régime féodal opprimait et que le capitalisme conduisait à la ruine du peuple, outre l’éloge de l’ardeur au travail (collectif). Malgré tout, en 1959, certains cinéastes apportent quelques corrections au « simplisme ouvriériste » de l’année précédente. Le mouvement du Grand Bond en avant ne faisait plus l’unanimité, les difficultés s’accumulaient, le Bureau politique du Parti lui-même était divisé sur la ligne à tenir.

Le dixième anniversaire de la fondation de la République entraîne une nouvelle mobilisation des cinéastes, longuement préparée. Le studio de Pékin, en particulier, apporte une importante contribution : quatre des sept meilleurs films en couleur de l’année, dont La boutique de la famille Lin. Il travailla sous l’égide du comité municipal du Parti de la capitale qui constitua un groupe de spécialistes, du monde culturel et politique, pour établir une liste de sujets reflétant l’expérience collective révolutionnaire du peuple chinois au cours des années 1920 et 1930.

Shui Hua

Shui Hua était un réalisateur très populaire en Chine, et prisé du régime, depuis le succès de son film La fille aux cheveux blancs, produit au studio du Dongbei en 1950. Il est ensuite passé au studio de Pékin qui a produit La boutique de la famille Lin. Ce studio était le fer de lance du régime, tout particulièrement en matière de cinéma en couleur. Une grande partie du personnel avait été envoyé en Union Soviétique se former à ces techniques pendant trois ans, de 1953 à 1956. Et c’est justement Le Sacrifice du Nouvel An qui marque, en 1956, le résultat concret de cet apprentissage au studio de Pékin, le studio de Shanghai ayant pour sa part sorti deux ans auparavant le premier film en couleur, réalisé sur pellicule Sovcolor, Liang Shanbo et Zhu Yingtai, de Sang Hu.

La boutique de la famille Lin confirme l’avancée du studio de Pékin dans ce domaine, avec des couleurs atténuées comme dans le film de Sang Hu. Mais le film reflète aussi l’art de la mise en scène de Shui Hua, avec en particulier des plans généraux de foule dans la rue, de marchandises exposées sur les étals, de tables dans les salons de thé, filmés à distance avec la caméra montée sur grue. Le film invente des images pour illustrer une nouvelle qui en est avare, et s’appuie sur des acteurs parfaitement choisis pour le faire. Chaque œuvre utilise les ressources propres à son art spécifique. A posteriori, le film apparaît comme « le mélodrame d’une crise existentielle », selon les termes de Stephen Teo, qui est aussi bien celle de la société des années trente dans la nouvelle, que celle du régime au bord de l’asphyxie à l’apogée du Grand Bond en avant, à la fin des années 1950. » (Brigitte Duzan)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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