Jeudi 15 Février 2018 à 20h30 – 16ième Festival
Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Clément Cogitare – France – 2017 – 0h50
Le film sera précédé du documentaire Bataille sur le grand fleuve de Jean Rouch (France, 1950, 0h33)
Braguino
Au milieu de la taïga sibérienne, à 700 km du moindre village, se sont installées 2 familles, les Braguine et les Kiline. Aucune route ne mène là-bas. Seul un long voyage sur le fleuve Ienissei en bateau, puis en hélicoptère, permet de rejoindre Braguino. Elles y vivent en autarcie, selon leurs propres règles et principes. Au milieu du village : une barrière. Les deux familles refusent de se parler. Sur une île du fleuve, une autre communauté se construit : celle des enfants. Libre, imprévisible, farouche. Entre la crainte de l’autre, des bêtes sauvages, et la joie offerte par l’immensité de la forêt, se joue ici un conte cruel dans lequel la tension et la peur dessinent la géographie d’un conflit ancestral.
Notre critique
Par Josiane Scoleri
La mise en regard de ces deux films est une invitation au grand écart. Un grand écart dans l’espace entre l’Afrique subsaharienne et la Sibérie la plus inaccessible. Un grand écart dans le temps puisque 68 ans séparent ces deux aventures. Mais surtout un grand écart cinématographique, tant la manière de filmer et de s’approcher de populations ‘‘lointaines’’ a changé au fil du temps.
Dans Bataille sur le grand fleuve : Voix off de Jean Rouch lui-même qui endosse le costume du narrateur et commente les images que l’on voit à l’écran sans que les personnes qui sont l’objet du film ne s’expriment directement, le tout sur une musique omniprésente qui se superpose souvent au commentaire.
Du côté de Braguino, présence discrète de Clément Cogitore qui donne la parole à ceux qu’il filme, accepte de laisser planer le doute lorsque les situations ne sont pas claires et laisse même le silence s’installer quand ils se taisent (c’est-à-dire assez souvent).
A priori les deux démarches semblent diamétralement opposées. Il faut tout de même dire par souci d’équité que lorsque Jean Rouch fait son film, il est avant tout ethnologue, envoyé en mission par le CNRS. C’est l’époque où il utilise sa caméra dans la conscience qu’il y a urgence et que seule la pellicule peut documenter des coutumes et des modes de vie qui sont vouées à disparaître (La chasse du lion à l’arc, Les Maîtres fous, pour ne citer que les plus connus).
De fait, dans un premier temps, c’est ainsi que nous regardons ce qui se passe à l’écran et certains ne manquent pas de s’agacer du ton farouchement pédagogique et de la présence quasi inquisitrice de la caméra. Tout cela semble avoir furieusement vieilli. Mais très vite ce qui s’impose et ressort clairement des images, c’est le respect absolu du cinéaste pour les personnes que nous voyons à l’écran. Tous les pêcheurs, loin d’être des figures anonymes utilisées pour illustrer une pratique, sont cités par leur nom. Ce n’est pas si fréquent dans les documentaires, même aujourd’hui et c’est un premier point qui unit les deux films. Au-delà de l’aspect strictement ethnologique (la fabrication des armes et des outils, les scènes de rituels propitiatoires) se profile le cinéma. Et c’est d’autant plus remarquable quand on sait le peu de moyens dont le cinéaste disposait sur place. Pas même de zoom. Ce qui signifie que pour tous les gros plans sur les hippopotames, le cameraman prenait autant de risques que les pêcheurs. C’est le principe de l’immersion totale (sans mauvais jeu de mots) qui guide encore tous les documentaristes qui mettent l’éthique au coeur de leur travail. Jean Rouch est resté six mois sur les bords du fleuve avec les pêcheurs pour vivre cette grande bataille avec eux jusqu’au bout…
… Les gros plans suivent la même philosophie. Et les deux scènes de transe, celle des femmes comme celle des hommes, si difficiles à tourner, réussissent à la fois à nous faire ressentir la possession par les esprits et nous faire toucher du doigt quelque chose qui a été éradiqué en Europe il y a plusieurs siècles (sauf peut-être en Sibérie justement où les pratiques chamaniques ont perduré malgré toutes les persécutions). Jean Rouch, de par son attachement à cette communauté si loin de nous, réussit à nous les rendre proches. Et cette chasse primordiale autorisée par le dieu du fleuve et le génie de l’eau résonne nécessairement en nous, comme au début des temps.
C’est un peu la même chose avec Braguino où nous entrons dans un monde qui a quelque chose de véritablement inouï, non seulement à cause de l’isolement volontaire de toutes ces personnes qui ont fait le choix de vivre littéralement hors du monde, mais sans doute encore davantage parce que nous savons que ces hommes et ses femmes sont nos contemporains. La chasse à l’ours répond à la bataille avec les hippopotames avec la même nécessité absolue. De plus dans Braguino, la dimension mythologique est rendue encore plus forte par la présence du conflit. Le conflit immémorial dont les hommes semblent incapables de se passer. Et même si le réalisateur ne filme que cette barrière qui sépare les deux clans, nous passons l’heure que dure le film dans la hantise de voir la guerre commencer là, sous nos yeux avec la certitude que ce sera nécessairement l’Iliade. Cogitore capte cette violence latente qui affleure à tout moment et qui imprègne tout jusqu’au regard des enfants. Et finalement, comme pour les pêcheurs de Sorgo, les habitants de Braguino risquent fort de voir leur monde et leur mode de vie disparaître. Moins à cause de la haine entre les deux familles que par la mainmise de l’extérieur sur leur ressources vitales.
En cela, l’oeuvre de Cogitore et celle de Jean Rouch se rejoignent et le grand écart se referme sur le rôle que joue le cinéma comme mémoire vive du monde par- delà la mort. Nous sommes par définition dans le mythe fondamental.
Sur le web
«Clément Cogitore est un original. Issu du documentaire, son premier long, Ni le ciel, ni la terre, s’était distingué à la Semaine de la Critique à Cannes et avait été nommé aux César, dans la catégorie du meilleur premier film. Il revisitait adroitement le cinéma de genre (mi-fantastique, mi-guerre) avec un sens poétique du décor, dans son isolement et son aridité. A l’occasion de son retour au documentaire, un temps envisagé pour la télévision (il ne fait que 50 minutes), l’auteur s’éloigne encore du monde, en allant à la rencontre de Vieux-Croyants, des orthodoxes dissidents exilés aux confins de la civilisation, dans la taïga sibérienne russe. Pour atteindre leur village, constitué en fait de deux clans, deux familles antagonistes, scindées entre deux rives, l’hélicoptère s’impose. Son apparition furtive au loin, puis sa réalité physique, avec l’arrivée de braconniers venus chasser l’ours, annoncent la fin d’un isolement pour des individus qui avaient choisi la fuite de toute civilisation. Leur éden est mis en péril, avec ces symboles d’une chasse peu naturelle et destructrice, l’arme automatique des intrus les rendant soudainement inoffensifs dans ce macrocosme sauvage. Cette rupture vers la fin succède à la présentation de la famille des Braguine, leurs us et coutumes, leur haines envers leurs voisins, les Kiline, avec lesquels ils sont en guerre… Ces « autres » que l’on aperçoit de l’autre côté de la rivière, confèrent à la trame une forme de danger, celui de la paranoïa nourrie aussi par l’atmosphère générale du film, notamment dans sa bande-son crépusculaire.
Braguino, c’est aussi une histoire de génération, avec les petites têtes blondes, laissées-pour-compte en journée, sur une île, à l’abri des bêtes sauvages, quand les hommes partent chasser. L’île des damnés ? Impossible de ne pas se remémorer les enfants extra-terrestres du classique de la SF américaine des années 50. De cette chasse, le cinéaste ethnologue et esthète, totalement fasciné par ses sujets et leur environnement, filme une rencontre impromptue avec l’ours. Il sera tué, évidé, tranché dans ses membres… Une scène pénible, mais qui montre la rusticité de cette communauté qui lutte contre et avec la nature. A la croisée des genres, Cogitore ne se laisse pas dicter par les canons du documentaire, préférant un point de vue de conte pour enfants assez cruel dans le ton, la forme et la lumière, l’utilisation de la brume et du décor sylvestre qu’il tente de percer dans sa verticalité. Il en ressort une opacité grave, étrange, qui fait de ce moyen métrage un objet de curiosité aussi bien esthétique que sociologique. Dans tous les cas, en tous points passionnant. » (avoir-alire.com)
«…Tout au long du film, on retient notre souffle, avec l’impression qu’à tout moment quelque chose va advenir, venant briser l’utopie, qu’un homme va se jeter sur un autre, qu’un enfant va venir contrarier un autre mais la guerre reste froide tout du long, on ne voit la famille Killine que de loin, en troupeau, et sans que la parole ne leur soit donnée. On apprend qu’ils ont peur des ours, qu’ils affirment être arrivés avant les Braguine et que par conséquent ces terres leur appartiennent, on apprend également qu’ils occupent la partie basse. Mais ils restent, jusqu’à la fin, enveloppés dans le voile du mythe. On aimerait savoir ce qu’ils ont à dire, et qui se cache vraiment derrière ce portrait de grand méchant loup de l’autre côté de la forêt, mais cela n’arrive jamais. Le seul point de rencontre des deux familles a lieu sur l’île par le biais des enfants. Île où on les dépose en bateau avant de repartir, pour qu’ils puissent jouer chacun de leur côté, car étrangement même les enfants n’entrent jamais en contact, mais s’observent, se toisent, en silence, comme s’ils cherchaient à comprendre, très naïvement, ce qui fait d’eux des ennemis. Les noirs qui entrecoupent les images participent à l’idée d’un rêve éveillé, d’une réalité de plus en plus cauchemardesque. Le réalisateur les justifie ainsi : « je les ai utilisés afin que l’œil puisse s’y laver. Et être prêt à accueillir une nouvelle image» et effectivement, il est nécessaire pour le spectateur de se remettre de chaque image. Car les images sont extrêmement fortes et lumineuses et impriment notre rétine. Les noirs participent aussi à l’impression de rêve éveillé, d’un état de demi sommeil. Le film, par cette construction, apparaît également comme une sorte de roman-photo, ce ne sont pas les actions qui comptent, mais les images, les symboles, les atmosphères qui en ressortent, les perceptions. On voit des images magnifiques, des couleurs, des visages d’ange, et en contrepied une musique, des bruits qui nous font peur ; on observe une civilisation en pleine vie mais hantée par la menace de son éviction. De nombreuses images vont dans le sens de cette double sensation de malaise et de fascination…» (iletaitunefoislecinema.com)
Clément Cogitore a commencé à travailler sur Braguino bien avant Ni le ciel ni la Terre (2015), son précédent film. En 2011, le réalisateur venait de terminer son premier documentaire, Biélutine, sur des collectionneurs d’art russes et avait tourné une dizaine de jours en intérieurs, à la lueur de la bougie, un film de pure parole. Il se rappelle : « Je me suis dit que pour le film suivant, j’aimerais aller radicalement à l’inverse de ce tournage suffocant et filmer dans des grands espaces. J’avais, comme beaucoup, entendu parler des Vieux-Croyants, une confession orthodoxe minoritaire en Russie. Dès le Moyen Âge, ils se sont petit à petit enfoncés dans la forêt pour échapper à l’autorité de l’État et de l’Église, qui les persécutaient. De fil en aiguille, mes investigations m’ont conduit jusqu’à Sacha Braguine, issu d’une communauté de Vieux-Croyants. J’étais aussi guidé par l’envie de raconter l’enfance et la forêt. Pour moi, la forêt est symboliquement le lieu de la fiction, un lieu de contemplation et de peur, où on ima gine les monstres, où se construit le récit épique, où se fabriquent les premières mai sons de l’enfance, les cabanes. J’ai grandi dans un fond de vallée vosgienne, au milieu de la forêt. C’est là que mon imaginaire s’est construit. Je voulais réinterroger cela. Ce pendant j’avais envie de raconter cela de manière beaucoup plus extrême que je l’avais vécu moi : et s’il s’agissait d’une nuée d’enfants vivant en liberté, coupés du monde ?«
Clément Cogitore se souvient comment s’est passé ce voyage de repérages : « Le voyage était symboliquement fort. Pendant ces quatre jours de voyage, dans le sens inverse de rotation de la Terre, je n’ai vu que le crépuscule. Je me suis vu passer les bornes successives de la civilisation : là, je perds le réseau interne, là le réseau téléphonique. Et là, c’est le dernier poste de radio… Les routes de plus en plus poussiéreuses, sont devenues des pistes, puis juste des terrains d’atterrissage. On ne savait rien, hormis les coordonnées GPS de ce lieu quasi inaccessible, qui nécessite plusieurs jours de barque depuis le dernier village le long du fleuve Ienissei, ou un long vol en hélicoptère.«
Clément Cogitore a immédiatement été accueilli à la table des Braguine comme un ami. Le metteur en scène s’est toutefois retrouvé face à un problème de dramaturgie. Il explique : « A première vue, c’était la vie tranquille de gens qui vont pêcher le brochet et chasser le coq de bruyère dans un petit paradis. Le paradis n’ayant aucune histoire, je me disais que je pourrais plutôt qu’un film, en faire une série de photos racontant la possibilité d’un paradis, une utopie. Mais peu à peu, j’ai mieux observé l’organisation du village. Et surtout, j’ai compris que de l’autre côté de la barrière au milieu du village, y vivait une autre famille : les Kiline. Les Braguine ne voulaient vraiment pas en parler. J’ai réalisé que quelque chose n’allait pas.«
Comme dans ses précédents films, avec Braguino Clément Cogitore navigue entre documentaire, conte et fantastique. Le réalisateur avait ainsi en sa possession après le tournage des images ultra documentaires, très près du sol, notamment la scène de découpe de l’ours qui se rattache au cinéma ethnographique. Il poursuit : »Mais sur nous, cet ours faisait le même effet qu’un monstre dans un conte de fées ou un film fantastique et j’ai essayé de garder présente cette dimension mythologique. Et puis il y a ces échappées pures dans le conte, comme lorsque la petite fille arrive avec sa robe rose et ses pattes d’ours. À ce moment-là, il suffit juste d’être là pour le saisir. La scène de l’ours, je ne l’espérais pas car des ours, ils en tuent seulement un ou deux dans l’année. Elle fait un contrepoint à cette nature a priori idyllique en renvoyant au monde sauvage dans ce qu’il a de plus brutal et terrifiant. L’ours est respecté mais su tout craint. C’est la terreur de la taïga, il peut saccager une cabane, manger un homme ou un enfant. » Interrogé sur la place du rêve dans ces films le réalisateur déclare: «Je m’intéresse beaucoup à la dimension du récit. Le rêve est une forme de récit sur lequel nous n’avons pas de prise et de contrôle. Souvent on s’interroge sur son sens, comme dans une question existentielle: Qu’est-ce que ça veut dire ? Chez Sacha, cette interrogation revenait comme une prémonition. Ils parlent souvent de leurs rêves et de leurs sens possibles. Peut-être qu’un autre réalisateur aurait passé ça à la trappe, mais pour moi qui travaille dessus, je l’ai capté tout de suite et je l’ai mis en valeur dans le film!»
Sur le jeu de mise en abîme des regards que présente le film, il ajoute: «Je pense que le cinéma, dans sa mise en scène, est une sorte de circulation de regards, et que le rôle du réalisateur est donc d’essayer de trouver la bonne circulation entre ces regards, avec des champs et des contre-champs, mais aussi avec la caméra elle-même. Le regard-caméra raconte tellement dans le film… Ces enfants qui fixent la caméra ne la fixent pas en tant que telle, mais ils nous fixent, nous, en tant que visiteur. Nous sommes en fait le vrai objet de leur curiosité. La caméra ne leur importe pas, ils la regardent comme un objet qu’ils ne comprennent pas vraiment. Moi, je m’en sers pour établir un rapport d’étrangeté, de fascination. Eux sont fascinés par nous et nous sommes fascinés par eux, comme le spectateur. Leurs regards racontent avant tout le fait qu’ils n’ont jamais vu depuis leur naissance d’autres êtres humains que les habitants de cet endroit. Du coup, ces enfants sont aussi les premiers témoins de cette tragédie.»
BATAILLE SUR LE GRAND FLEUVE
Fleuve Niger, de janvier à juin 1951. Sous la conduite du chef Oumarou, un groupe de pêcheurs songhay, les Sorko, préparent un banghawi, une chasse à l’hippopotame au harpon.
Sur le web
« Ce film est l’histoire de la grande bataille qui opposa sur le Niger, de janvier à juin 1951, 21 pêcheurs Sarko de Firgoun, Ayorou, Koutougou aux hippopotames de Affasane, Baria, Tamoulés et Labbezenga. En janvier 1951, les 21 plus grand pêcheurs Sarko du Niger se réunissent au village de Firgoun pour préparer un « bangawi« , une guerre aux hippopotames. Pour lutter contre des bêtes de plusieurs tonnes, les petites pirogues sont trop frêles. Il faut construire une grande pirogue aux planches épaisses qui résisteront aux charges et aux morsures. A côté du chantier naval se tient l’atelier de fabrications d’armes. Les harpons à flotteurs, des tiges légères ligaturées autour d’un morceau de bois central, et des lances nécessaires pour tuer l’animal sont construits. Après un mois de travail, 80 harpons sont prêts. Le 19 février, une fête religieuse est organisée pour demander au génie de l’eau l’autorisation de tuer les hippopotames. Les femmes, les chevaux des génies, après des heures de danse seront possédées par les génies. Fatouma est possédée par le génie de l’eau. Elle est habillée par « les femmes tranquilles » du costume du dieu. Il est donné trois hippopotames à tuer selon les règles. Mais attention au vieil hippopotame barbu. Les hommes dans la nuit Implorent les « Houka« , les génies de la force.
Jean Rouch est resté quatre mois sur une pirogue pour filmer cette technique de la chasse à l’hippopotame qui est surtout un rituel où les pêcheurs refont une alliance avec le fleuve Niger. Le métrage de la pellicule ne permet pas des plans de plus de 22 secondes ce qui donne au film sa dynamique avec son montage rapide et ses changements d’angles obligatoires. Film tourné avec un objectif de 25 mm sans possibilité de zoom. Pour prendre en gros plan, il faut se rapprocher. Pas de table de montage sonore. Les sons sont transcris sur disque puis mixés sur piste optiques en même temps que le commentaire.
Jean Rouch rappelle l’intérêt d’avoir une personne chargée du montage. Lui voit le contexte : la rive droite puis la rive gauche à traverser mais, sa monteuse lui fait remarquer que lorsqu’il n’a pas de courant et que le soleil est vertical, il n’y a pas de différence à la projection. La monteuse est la première spectatrice.
Lors de la première projection aux indigènes, ceux-ci reprochèrent à Jean Rouch d’avoir mis de la musique : « L’hippopotame a de grandes oreilles : s’il entend, il fuit« . Jean Rouch, se sentant victime du cinéma classique, décida depuis lors de n’utiliser qu’avec la plus extrême parcimonie la musique. » (cineclubdecaen.com)
Jean Rouch (1917-2004) est très tôt passionné par la culture africaine qu’il découvre lors de sa première affectation au Niger en tant qu’ingénieur des Ponts et Chaussées. Il entrevoit les mystérieuses pratiques de la religion et de la magie des Songhay lors du décès par la foudre de plusieurs ouvriers d’un de ses chantiers. De retour en France, il suit des cours d’ethnographie et retourne ensuite en Afrique avec la compagne de route qui le suit désormais partout : sa caméra. Avec ce nouvel outil d’investigation des hommes et de leurs manières de vivre, la caméra toujours à l’épaule, faisant la part belle à l’improvisation, Jean Rouch lie d’une manière unique le cinéma et les sciences humaines. Il utilise dès le début le film 16 mm comme second carnet de notes. Influencé par le surréalisme autant que par les travaux de Marcel Griaule, il filme l’évolution de sociétés du Niger et du Mali jusqu’au début des années 1980. Son écriture cinématographique influence nombre de documentaristes, et aussi les réalisateurs de la Nouvelle Vague, tels Godard, Rohmer et Rivette. Jean Rouch a été directeur de recherche au CNRS, président de la Cinémathèque française (1987-1991) et, de 1952 à 2004, secrétaire général du Comité du film ethnographique.
En 1946-1947, il descend pour la première fois les 4 200 km du fleuve Niger, de sa source jusqu’à l’océan Atlantique. Après cet exploit, quelques missions, le tournage de films et l’obtention de sa thèse, il participe à la création du Comité du film ethnographique, qui siège au Musée de l’Homme. En 1960, Rouch qualifie sa manière de filmer de « cinéma-vérité », en suivant l’exemple de ses maîtres Robert Flaherty et Dziga Vertov. Il crée également en 1969 le Groupe de Recherches et d’Essais Cinématographiques (GREC), destiné à produire des premiers courts métrages, avec le soutien du CNC. Au cours de sa longue carrière, Jean Rouch, insatiable réalisateur de plus de 180 films, enseigne également le cinéma en France, à Nanterre ou à Chaillot, en Afrique, aux États-Unis et suscite de nombreuses vocations de cinéastes à travers le monde. Son œuvre plusieurs fois récompensée à Venise, Cannes et Berlin, se compose de films ethnographiques et sociologiques ainsi que de fictions. Parmi ses films les plus marquants : Les maîtres fous (1954-1957), Moi, un Noir (1957-1959), prix Louis-Delluc ; Chronique d’un été (1960-1961), co-réalisé avec Edgar Morin, prix de la Critique au Festival de Cannes ; La Chasse au lion à l’arc (1958-1965), Lion d’or au Festival de Venise ; Petit à petit (1968-1971) ; Cocorico! Monsieur Poulet (1973-1974) ; Madame l’eau (1992-1993), grand prix international de la paix au Festival de Berlin. Se jouant des règles de l’objectivité, Jean Rouch assume de manière enjouée sa subjectivité dans les relations avec ceux qu’il filme. Toute sa vie, et avant tout le monde, il est resté attaché à un cinéma léger, à des caméras mobiles et autonomes, et à un travail collectif faisant la part belle à l’improvisation. En cela aussi, il préfigure et interroge les pratiques de l’image qui sont les nôtres aujourd’hui.
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