En chantant derrière les paravents



Vendredi 18 février 2005 à 20h45

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Ermanno Olmi – Italie – 2003 – 1h40 – vostf

Sur la scène d’un cabaret chinois, un spectacle chanté et dansé, raconté par un vieux capitaine, illustre l’histoire de la célèbre veuve Ching. La puissance de l’évocation est si intense que les spectateurs sont transportés dans la réalité de la Chine du XIXe siècle.

Notre critique

Par Josiane Scoleri

Avec En chantant derrière les paravents, Ermanno Olmi s’empare d’un sujet prompt à nous faire rêver. Une histoire de pirates au XIXème siècle en Mer de Chine, trahison, vengeance, exotisme, retournements et rebondissements. Un film d’aventures en quelque sorte, avec tous ses ingrédients ? Et bien pas vraiment. Car si Olmi nous emmène si loin, dans l’espace et dans le temps, s’il nous « balade » , dans une certaine mesure, ce n’est pas du tout pour nous offrir une minutieuse reconstitution historique, avec force figurants, costumes chatoyants et paysages spectaculaires. Je dirais plutôt au contraire, car Olmi se propose, plus simplement, de recréer l’imaginaire européen par rapport à la Chine, et pour cela peu de moyens suffisent : une jonque, des lampes en papier, quelques mélodies orientales et des visages asiatiques et le tour est joué. Pourquoi un tel détour alors? Et bien, comme  le dit lui-même le réalisateur,  pour mieux  réfléchir, grâce à la distance et au recul,  à cette question universelle et immémoriale : Pourquoi  les hommes se battent-ils entre eux  ? et son corollaire : Comment peuvent-ils arriver à ne pas se battre ? Par des allers retours incessants entre passé et présent, récit et réalité, évènement et allégorie, fait historique et fable, théâtre et cinéma, En chantant derrière les paravents  nous entraîne dans un labyrinthe où certains pourraient avoir l’impression d’y perdre leur latin. Mais Olmi est là, qui tient bon la barre,  pour nous amener vers un final chargé de poésie et d’espoir. Alors la sûreté régna sur les quatre océans  Les paysans purent vendre leurs épées et acheter des bœufs pour labourer la terre Et les voix des femmes chantant derrière les paravents rendre leur joie aux jours qui passent (Yuentse  Yunglung).

Filmographie d’Ermanno Olmi 

1959 : le Temps s’est arrêté 1961 : L’emploi 1963 : Les fiancés 1965 : Et un homme arriva 1968 : Un certain jour 1970 : Les récupérateurs 1971 :  Pendant l’été 1974 :  La circonstance 1978 : L’arbre aux sabots : palme d’Or à Cannes 1982 : A la poursuite de l’étoile 1987 : Longue vie à la signora : Lion d’argent à Venise 1988 :  La légende du Saint Buveur : Lion d’Or à Venise 1993 :  Le secret du bois ancien 1999 : L’argent n’existe pas 2001 : Le métier des armes 2003 :  En chantant derrière les paravents 2005 : Tickets co-réalisés avec Abbas Kiarostami et Ken Loach

Sur le web

Madame Ching fut la plus grande pirate de tous les temps. Elle avait sous ses ordres une flotte de deux mille jonques et dirigeait plus de quatre-vingt mille pirates, hommes, femmes et enfants. Fin stratège, elle planifiait ses expéditions depuis son quartier général de Macao, et régnait sur une grande partie de la mer de Chine méridionale et du fleuve de la Perle.
Sa principale activité consistait à monnayer la protection qu’elle imposait aux bateaux et aux populations côtières.

L’aventure de la veuve Ching, adaptée de l’oeuvre du poète chinois Yuentsze Yunglun La Pirate Ching (publié à Canton en 1830) et tirée de divers documents provenant des Archives de Pékin et de sources sur la piraterie, est une fable sur le pouvoir des puissants, la vengeance et le pardon. 
Le film joue sur la mise en abyme de récits qui fonctionnent, à l’image de la sagesse chinoise, par énigmes. Ces récits prennent leur sens après-coup pour livrer un manifeste en faveur de la paix.

En Chine, l’histoire du film est très connue et souvent représentée. Le poète Yuentsze Yunglun en a fait une représentation épique qui se clôt sur les mots du titre: « en chantant derrière les paravents« . Ce titre évoque la paix : quand dans une maison on entend chanter, c’est que la paix y règne.

« Après s’être intéressé à la transformation progressive de l’art de la guerre dans l’Italie du 16ème siècle avec Le métier des armes (2001), le cinéaste Ermanno Olmi traite un thème similaire dans En chantant derrière les paravents (2003). A nouveau passionné par un monde en pleine mutation, le réalisateur évoque ici les dernières heures de la piraterie maritime en mer de Chine au 19ème siècle. Alors en pleine modernisation, le monde évolue de plus en plus au rythme d’un commerce qui s’internationalise et qui dicte ses volontés aux gouvernants. La peinture de ces commerçants qui tirent les ficelles au nom du profit immédiat n’est pas nouvelle chez un Ermanno Olmi qui a toujours été un fervent défenseur des petits face aux puissances de l’argent. Ici, il prend clairement parti pour ces pirates dirigés par une jeune femme déterminée, inspirée par la véritable Madame Ching, célèbre pirate qui a créé un empire du crime parallèle à l’Etat chinois.

Outre cette analyse historique qui vise à montrer la fin d’un monde et le début de l’ère moderne, dominée par la finance et des gouvernements qui masquent leurs méfaits sous un voile d’honorabilité, En chantant derrière les paravents s’attache également à vanter les mérites du théâtre par une constante mise en abyme…Grâce à la divine photographie de Fabio Olmi, ce nouvel opus du maître italien est un bonheur visuel de chaque instant. Oeuvre de pur esthète, ce rêve de gosse devenu réalité (on imagine aisément Olmi jubiler à l’idée de réaliser un film de pirates) s’impose comme une suite ininterrompue de tableaux à la flamboyante beauté. Si l’on ajoute à cela un soin maniaque apporté à la bande-son, le cinéphile reconnaîtra immédiatement la marque des plus grands. Peu importe finalement que le rythme soit si lent puisque cette langueur même participe au charme fou qui se dégage de ce film touchant souvent au sublime. »           (avoir-alire.com)

Malgré son ambiance musicale orientale et un décor semblable à celui des mers de Chine, le film a été tourné sur un lac du Monténégro. A travers les musiques et les paysages, le réalisateur voulait évoquer non pas la Chine réelle, mais plutôt celle de l’imaginaire collectif européen.

Tous les acteurs, excepté trois d’entre eux dont Bud Spencer, sont asiatiques. Jun Ichikawa, qui interprète la veuve Ching, est japonaise. Elle vit en Italie où elle a travaillé principalement au théâtre et à la télévision. Elle trouve ici son premier rôle au cinéma.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri.

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h30 précises.

N’oubliez pas la règle d’or de CSF aux débats :
La parole est à vous !

Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents CSF et toute personne bénéficiant d’une réduction au Mercury).

Adhésion : 20 €. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, ainsi qu’à toutes les séances du Mercury (hors CSF) et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.
Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club ici


 

Partager sur :