CinémAtelier



Vendredi 16 Juin 2023 de 15H à 18H – CinémAtelier

Maison des Associations Nice-Garibaldi, Place Garibaldi (TRAM: Garibaldi)

Animation : Philippe Serve, fondateur et animateur de CSF (2002-2012)


PROLOGUE

L’HEURE DES MADELEINES (1)

Des anciens grands films ramenés à la mémoire à partir de résumés-montages de quelques minutes proposés par l’animateur.

Aujourd’hui :

SAMARIA

(Kim Ki-duk, Corée du Sud, 2004)

et

ELEMENT OF CRIME

(Lars von Trier, Danemark, 1984)


Première partie

Regard sur un cinéaste ou une perle oubliée ou méconnue

Aujourd’hui autour du film :

A LEGENYANYA / LE GARÇON ENCEINT

(DEZSÔ GARAS, Hongrie, 1989)

A LEGÉNYANA (LE GARÇON ENCEINT), SATIRE POLITIQUE HONGROISE DÉLIRANTE ET CULTE

Pour beaucoup de cinéphiles, le cinéma hongrois – très largement absent de nos écrans – se résume à un « Âge d’or » situé aux années 60-70 et que le nom de Miklos Jancso (mort en 2014) semble représenter à lui seul, via ses quelques œuvres splendide ancrées dans l’histoire de son pays, telles que Les Sans-Espoir (1966),Rouges et Blancs (1967), Silence et Cri (1968) ou encore Psaume Rouge (1972), film préféré d’un certain François Mitterrand… Après Jancso et ses films à la caméra tourbillonnante, vint bien sûr et plus tard Béla Tar, lui aussi trop cantonné aux salles d’art et essai tant ses films sont éloignés des critères commerciaux. Damnation (1988), Sátántangó (1994) et ses 7h20, Les Harmonies Werckmeister  (2000), L’Homme de Londres (2007), Le Cheval de Turin (2011), jusqu’à son dernier en date Missing People (2019), autant de longs métrages sublimes en noir et blanc, hélas trop méconnus du grand public…

Il faut dire que le cinéma magyar s’est toujours trouvé aux prises avec des régimes politiques ne lui facilitant pas les choses… Les quelques mois révolutionnaires, moins de cinq, avec sa République des Conseils dirigée par Béla Kun suivant l’écroulement et la dislocation de l’Empire austro-hongrois à la fin de la première guerre mondiale laissèrent vite la place à un régime profondément réactionnaire puis de plus en plus fascisant, celui de Miklos Horthy, aboutissant à une collaboration active avec l’Allemagne nazie dans les années 30 et 40. Le deuxième conflit planétaire terminé, la Hongrie libérée par l’Armée Rouge soviétique devint après un court intermède démocratique une « République populaire » (1949) au même titre que les autres pays dits « de l’Est », satellites de l’URSS. Le Réalisme Socialiste cinématographique s’impose alors. Une brève libéralisation intervient à la mort de Staline (1953), mais la sanglante répression de l’insurrection de 1956 par l’Armée Rouge y met brutalement fin. Il faudra attendre une décennie pour voir surgir le « Nouveau cinéma » hongrois correspondant aux nouvelles vagues cinématographiques déferlant aux quatre coins de la planète, et qui durera bon an mal an jusqu’à la fin du bloc de l’Est. L’Ouest découvre alors les noms d’Andras Kovacs (Les Intraitables, 1964, Jours glacés, 1966), Istvan Gaal (Remous, 1963, Les Faucons 1970), Marta Meszaros (Adoption, 1975, Journal Intime, 1984) et surtout Miklos Jancso cité plus haut. Dans les années 80, d’autres cinéastes se montrent, tels Ivan Szabo avec Mephisto (1981) ou Colonel Redl (1985). Puis ce sera l’arrivée de Béla Tarr, également mentionné précédemment.

DEZSÖ GARAS n’émarge pas à la liste de tous ces réalisateurs marquant de leur empreinte l’histoire du cinéma magyar. Car l’homme reste avant tout connu pour avoir été l’un des acteurs les plus importants et aimés du pays avec ses 229 films tournés ! Il en retira d’ailleurs une récompense ultime, être sacré « Acteur de la nation hongroise ». Garas réalisa pourtant un film, un seul et unique en 1989, à l’instar d’un Charles Laughton (La Nuit du Chasseur, 1955). Ce A LEGÉNYANYA dont la traduction littérale signifie La Mère célibataire, mais auquel j’ai substitué l’une des versions alternatives anglaises  » The Pregnant Lad », soit en français « LE GARÇON ENCEINT », car collant beaucoup mieux à l’histoire narrée.

Le film est une farce. Une grosse farce qui tape de tous les côtés et se révèle d’emblée une formidable satire politique irrésistiblement drôle. Elle sort au moment où Gorbatchev tente encore de sauver ce qui peut l’être via Perestroïska et Glasnost et où la Hongrie se distingue des autres pays de l’Est par une évidente plus grande libéralisation politique, économique et culturelle. Les cinéastes hongrois n’ont plus besoin d’user de la révolution de 1848-49 pour évoquer celle de 1956, comme Jancso quinze à dix ans auparavant. Le terrain est miné et le régime soviétique va s’écrouler en même temps que le mur de Berlin, entraînant dans sa chute celle de tous les pays frères.

A LEGÉNYANA passe au mieux sous-estimé et au pire inaperçu. Mais les années filant, le film acquiert un statut d’œuvre culte. Un véritable phénomène de société révélé par la naissance de « rátótcismes » à tout va, du nom du village du film, Rátót, où tous les comportements stéréotypés et caricaturés à l’excès de ce que pouvait produire une société soviétisée font des protagonistes des êtres profondément absurdes et ridicules. Et dangereux en bout de ligne par leur bêtise crasse.

Tout Hongrois qui se respecte sera donc aujourd’hui capable de vous citer dialogue et répliques du film, un peu comme chez nous avec Les Tontons flingueurs ou Le Père Noël est une ordure. C’est ça, un film-culte ! Si la satire féroce s’attaque à une époque bien précise que les moins de 30 ans n’ont pas connu – et peut aussi être lue comme une illustration de l’attente d’un miracle imminent, la disparition du rideau de fer –, elle parle cependant aux nouvelles générations, car quoi de plus intemporel que la bêtise humaine et les ravages des idéologies, quelles qu’elles soient ?

L’apparition d’une dissidence au sein d’une société formatée (une mère décide d’appeler son fils Jozsi et non Béla comme tous les hommes du village… taureau compris !) installe la panique. Lorsque ce fils tombe enceint, le village se divise entre ceux voulant s’en débarrasser et ceux désirant en tirer profit. Dans ce monde où tout est résolument absurde, mais où chacun prend ce festival de non-sens pour la logique même, les opinions s’expriment à l’unanimité selon le dernier qui a parlé :
– « Oui ! »
– « Il a raison ! »
– « Non ! »
– « Il a raison ! »

Un critique hongrois a écrit que ce film ressemblait à une œuvre co-écrite et réalisée à quatre mains par l’acerbe et absurde Tchèque Jiří Menzel, son compatriote Milos Forman (du moins à ses débuts), Charlie Chaplin et le délirant Britannique Benny Hill. Bien vu ! Conte populaire de critique sociale et burlesque ridicule, la formule fait mouche. Les félicitations doivent aussi – et absolument ! – aller au monteur Péter Tímár et au caméraman en chef Kardos Gáboréba. Les deux collaborateurs du débutant Garas résolurent de nombreux gags en ralentissant et en accélérant, en opérant des short cuts, en ayant recours à la pixellisation, en zoomant. Ils demandaient souvent aux acteurs de jouer la scène à l’envers devant l’objectif, donnant alors aux acteurs un effet burlesque et caricatural à l’écran.

Les interprètes, connus en Hongrie, sont tous excellents. Y compris Dezsö Garas lui-même dans le rôle du père du « héros », celui-ci incarné avec une fraîcheur naïve merveilleuse par Károly Eperjes.

Que ce film n’ait jamais été diffusé en France est bien regrettable.

(Philippe Serve)


Deuxième partie

HISTOIRE DU CINÉMA FRANÇAIS,
DES ORIGINES À LA NOUVELLE VAGUE

(Huitième saison)

Épisode 25

L’ÂGE D’OR

(1930-1939, 5e partie)

LE RÉALISME POÉTIQUE (Suite)

JULIEN DUVIVIER (suite)

Avant d’attaquer réellement la période du Réalisme poétique, Julien Duvivier poursuit au début des années 30 sa fructueuse carrière de cinéaste populaire, offrant au public des œuvres de grande qualité. Après sa magnifique adaptation du Poil de Carotte de Jules Renard, et celle de La Tête d’un Homme de Georges Simenon (cf. séance précédente), il tourne Le Petit Roi (1933), Le Paquebot Tenacity (1934), puis une nouvelle adaptation, celle du roman de Louis Hémon Maria Chapdelaine (1934) où il dirige aux côtés de Madeleine Renaud et du jeune Jean-Pierre Aumont, et pour la première fois celui qui deviendra à la suite de Harry Baur son acteur fétiche, Jean Gabin, et enfin Golgotha (1935) qui réunit les deux acteurs – mais sans scène commune …
Cette étude s’appuiera bien sûr et comme d’habitude avec des montages d’extraits des divers films concoctés pour vous par l’animateur !

Le Petit Roi (à g. avec Robert Lynen) et Golgotha (avec Robert Le Vigan)

Paquebot Tenacity , avec Albert Préjean

Maria Chapdelaine – Madeleine Renaud et Jean Gabin


ÉPILOGUE
L’HEURE DES MADELEINES (2)

ÉTÉ VIOLENT (Valerio Zurlini, Italie, 1959)

et

UMBERTO D (Vittorio de Sica, Italie, 1952)


 

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