Samedi 14 Mai 2022 de 14H30 à 17H30 – CinémAtelier
Maison des Associations Nice-St Roch, 50 Bd St Roch (TRAM: St Roch)
Animation : Philippe Serve, fondateur et animateur de CSF (2002-2012)
Première partie
Regard sur quelques perles oubliées ou méconnues du cinéma japonais
Épisode 7/9
Autour du film :
MILLENIUM ACTRESS
(千年女優, Sennen joyū)
de Satoshi KON (2001)
SATOSHI KON, ENTRE RÊVE ET RÉALITÉ
Si l’on interroge le grand public, peu spécialiste du cinéma japonais sur le cinéma d’animation émanant du pays, un nom viendra instantanément : Hayao Myazaki le magicien, père de Chihiro, notre voisin à tous Totoro, Kiki la petite sorcière, Mononoke la princesse amie des loups, Porco Rosso le pilote-cochon antifasciste, Ponyo la petite fille poisson, Nausicaa, l’autre princesse. Miyazaki inventeur du Château dans le ciel ou encore nostalgique du Vent se lève. Parfois, le nom de son compère du studio Ghibli Isao Takahata s’y trouvera joint, auteur regretté (disparu en 2018) du déchirant Tombeau des Lucioles, de l’écolo Pompoko, des hilarants Panda Kopanda et Mes voisins les Yamada, ou encore des superbes et poétiques Souvenirs goutte à goutte ou Contes de la Princesse Kaguya…
Mais si la personne interrogée est une vraie amatrice de cinéma nippon et plus particulièrement de sa production d’anime, alors celle-ci ne manquera pas d’évoquer également Ozamu Tezuka, le grand pionnier (La Légende la forêt), Mamoru Oshii (Ghost in the Shell, Patlabor), Katsuhiro Otomo (Akira), Mamoru Hosoda (Ame et Yuki les enfants loups, La Traversée du Temps) et, inévitablement, Satoshi Kon…
Au départ mangaka, c’est-à-dire auteur de manga, ces romans en bandes dessinées, spécialité japonaise dont la France est le deuxième pays consommateur dans le monde après le pays au soleil levant, mais aussi scénariste d’anime, Satoshi Kon passe à la réalisation de longs métrages en 1997 avec Perfect Blue. Dès cette première œuvre, violent thriller aussi déconcertant que dérangeant, il pose les jalons de son obsession personnelle et s’affirme comme un véritable auteur : l’érosion, jusqu’à l’effacement, des frontières séparant fiction, rêve et réalité. S’y ajoute ici la célébrité consumant le psychisme d’une jeune star de la J-Pop (Pop japonaise) prise dans l’engrenage infernal du toujours plus, et aux prises avec la folie schizophrène d’une de ses fans.
Quatre ans plus tard (2001), Satoshi Kon creuse encore plus profondément le sillon de la confusion entre fiction et réalité. MILLENIUM ACTRESS s’avère une œuvre majeure qui, contrairement à l’angoissant Perfect Blue, choisit le chemin de l’aventure, de l’humour et du romanesque. Cette fois, la protagoniste est une ancienne célébrité (fictive) du cinéma japonais, Chiyoko Fujiwara, vivant recluse et qu’une paire de documentaristes vient interviewer. Le personnage de Chiyoko est largement inspiré des deux plus grandes stars du cinéma nippon, Setsuko Hara et Hideko Takamine, respectivement actrices fétiches de Yasujiro Ozu et Mikio Naruse. Au fur et à mesure où Chiyoko raconte sa vie et ses tournages, le mur séparant réalité et fiction se lézarde, les deux finissant par se confondre dans l’esprit de la vieille dame et sous nos yeux. Les personnages jadis incarnés à l’écran par Chiyoko ne cessèrent de trouver résonance avec sa quête personnelle, et les deux documentaristes se trouvent, comme le spectateur, immergés et acteurs à leur tour de ce passé ressuscité. La réalisation de type fractale avec des épisodes revenant en boucle à intensité augmentée comme dans Le Boléro de Ravel assurent un rythme et une montée en puissance jamais démentis.
Mais alors que confusion fiction-réalité faisait sourdre un souffle d’angoisse dans Perfect Blue, il provoque ici une irrésistible force de vie doublé d’un somptueux hommage à l’âge d’or du cinéma japonais. Les références à Ozu, Kurosawa (Le Château de l’Araignée), aux chambara (films de sabre), aux kaiju-eiga (film de monstres) à la Godzilla, ou encore aux œuvres de science-fiction sont magnifiquement intégrées au fil de l’histoire et à la vie personnelle de Chiyoko. MILLENIUM ACTRESS provoque tout à la fois jubilation, rires, nostalgie, émotion. Le film mérite le qualificatif de chef d’œuvre par son originalité, son inventivité et, pour tout dire, sa beauté…
Après le grand succès critique et public de MILLENIUM ACTRESS auréolé de nombreux prix, Satoshi Kon réalise Tokyo Godfathers (2003). Abandonnant son thème principal commun à ses deux œuvres précédentes, le cinéaste compose un haletant et amusant film d’aventures centré autour de trois SDF – un homme ruiné, une femme transgenre, une adolescente en rupture familiale – et d’un bébé trouvé dans la rue. Partant à la recherche des parents de ce dernier, ils multiplient les rencontres les plus improbables en autant d’occasions de scénettes, de gags, de rebondissements. Rien ici n’est réaliste, chaque tournant de l’intrigue reposant sur de pures coïncidences, des miracles tels que les décrit Kon lui-même. Le film, jouissif dans son essence même, pose en son centre le thème de la famille, si important au Japon, et fait de la ville de Tokyo un personnage à part entière.
Trois ans plus tard, après une première série télévisée (ParanoIa Agent, 2004), Paprika (2006) est adapté d’un roman de Yasutaka Tsutsui, paru 13 ans plus tôt, à la demande de l’auteur. Satoshi Kon revient à son idée fixe, la confusion entre rêve et réalité, les deux univers ne cessant de se frotter l’un à l’autre, de se confronter, de s’échanger, de muter, de se fondre. Ancrée dans la science-fiction, et partant de l’idée de l’exploration réelle, « physique », des rêves d’un individu à des fins thérapeutiques, l’histoire tourne à un véritable délire scénaristique et visuel. Les personnages se dédoublent entre leur véritable moi et leur représentation virtuelle, avatars surgissant à leur tour dans la réalité. Sous la forme d’un thriller, Paprika éclate en un feu d’artifice dont s’inspirera Christopher Nolan pour son propre film Inception (2010, avec Leonardo di Caprio). Comme les trois œuvres précédentes, Paprika provoque l’enthousiasme unanime de la critique.
Alors qu’il multiplie les projets, dont celui d’un nouveau long-métrage cette fois tourné vers un public enfantin, Satoshi Kon meurt au sommet de son art le 24 août 2010 d’un cancer du pancréas, à seulement 46 ans. En l’espace de 4 films et une série, il aura marqué très profondément le cinéma d’animation non seulement de son pays, mais du monde entier. Il est urgent de (re)découvrir son œuvre.
Philippe Serve.
Deuxième partie
HISTOIRE DU CINÉMA FRANÇAIS, DES ORIGINES À LA NOUVELLE VAGUE
(Septième saison )
Épisode 20
L’ÂGE D’OR
(1930-1939, 5e partie)
LE RÉALISME POÉTIQUE (Suite)
Les prémices: JACQUES FEYDER (Suite)
LA BATAILLE DES MADELEINES
Deux anciens grands films ramenés à la mémoire à partir de résumés-montages de quelques minutes proposés par l’animateur.
Aujourd’hui, LA CHINOISE (Jean-Luc Godard, France, 1967) et MON ONCLE (Jacques Tati, France, 1958)
et
DUELS DE GÉNÉRIQUES DE SÉRIES
Pour la séance du jour :
KINGDOM (Corée du sud) face à PENNY DREADFUL (USA).
BABYLON BERLIN (Allemagne) et DOWNTON ABBEY (GB).