CinémAtelier/Le cinéma japonais (8/8), La bataille des madeleines, Etude de documentaire



Samedi 18 Juin 2022 de 14H30 à 17H30 – CinémAtelier

Maison des Associations Nice-Garibaldi, 12ter Place Garibaldi (TRAM: Garibaldi)

Animation : Philippe Serve, fondateur et animateur de CSF (2002-2012)


Première partie

I

LA BATAILLE DES MADELEINES

Deux anciens grands films ramenés à la mémoire à partir de résumés de quelques minutes montés par l’animateur. Aujourd’hui, LE TEMPS DES GITANS (Emir Kusturica, Yougoslavie, 1988) et NOUS, LES VIVANTS (Roy Andersson, Suède, 2007)


II

Regard sur quelques perles oubliées ou méconnues du cinéma japonais

Épisode 8/8

Autour du film :

UN ETE A TOUTE EPREUVE

(夏時間の大人たち
Natsu jikan no otonatachi)

de

Tetsuya NAKASHIMA (1997)

Tetsuya NAKASHIMA – de la légèreté à l’horreur

Il y a fort à parier, ami/es cinéphiles, que le nom de TETSUYA NAKASHIMA ne résonne guère à vos oreilles. À moins que vous ne soyez particulièrement versé dans la cinématographie nippone. Pourtant, Nakashima (né en 1959 à Fukuoka) est loin d’être un obscur cinéaste au pays du soleil levant. Pendant plus d’une décennie, Nakashima travailla d’abord pour la télévision, tournant des spots publicitaires, ainsi que quelques séries pour le petit écran. Son nom apparait pour la première fois au cinéma pour le deuxième segment, qu’il dirige, de Bakayarô !: Watashi okotte masu (1988), un film-omnibus racontant plusieurs histoires sur le Japon moderne. Il faut ensuite attendre près de dix ans pour le voir enfin réaliser son premier long-métrage, dont il est également l’auteur : UN ÉTÉ A TOUTE ÉPREUVE (plus connu à l’international sous le titre Happy-Go-Lucky, 1997).

Le film, assez court (1h13), touche le public et la critique par sa légèreté, son humour, son esprit estival. Mais aussi, car derrière sa (fausse) simplicité, se cache des thématiques qui concerne tout spectateur, en quelque endroit qu’il se trouve : l’enfance, ses petites humiliations vécues comme des drames abominables, menaçant les futures adultes de se transformer en losers à vie ; les traumatismes en résultant ; les rapports avec les parents ; les parents eux-mêmes, ayant parfois du mal à évacuer leurs propres vieux traumatismes ; et puis bien sûr les fantasmes naissant à l’orée de l’adolescence, et parmi eux le plus obsédant pour un jeune garçon : les gros seins des filles ! Comment s’en accommoder quand les petites filles alentour en sont bien évidemment dépourvues ? Et de toute façon comment séduire qui que ce soit, quand on se montre incapable d’effectuer une pirouette arrière à la barre fixe ?

L’histoire que nous conte Nakashima est une chronique familiale délicate, aux prises avec la torpeur de l’été qui s’annonce en cette fin d’année scolaire. Chacun, petit ou grand, a ses problèmes avec lesquels il ou elle essaie de vivre au mieux : frustration (Takashi, le petit garçon narrateur), pulsions (Natsuko, l’adolescente se jetant à tout coup sur Takashi pour le couvrir de baisers, à la grande horreur de celui-ci), sentiment de culpabilité (le père de Takashi), nostalgie (sa mère), harassement scolaire (une lycéenne), sensibilité à fleur de peau (Tomoko, la petite fille aux nattes qui elle aussi échoue à la pirouette arrière).

Le film dégage une grande fraîcheur et mêle tendresse et drôlerie. Jamais, Nakashima ne livre une quelconque morale, un jugement sur ses personnages. Il les montre tels qu’ils sont, avec cependant bienveillance et ironie. La mise en scène, dépouillée, mais souvent inventive et privilégiant de beaux cadres, renvoie parfois à Ozu ou, plus proche semble annoncer Kore-Eda. On sort du film plus léger et le sourire aux lèvres. Que demander de plus ?

Avec son film suivant, Beautiful Sunday (1998), Nakashima ralentit encore le rythme et dépeint en plusieurs vignettes la vie de quelques personnages assez farfelus un dimanche. Ici, la stylisation et la lenteur règnent en maître, mais encore une fois non sans humour…Six ans plus tard, il remporte son plus grand succès jusqu’alors en changeant complètement son braquet : Kamikaze Girls (2004) est un film aussi charmant que délirant (certains l’adorent, d’autres le détestent), mettant en scène deux adolescentes, l’une étant une Lolita toujours vêtue comme une petite Française rococo sortie du 18e siècle, l’autre une biker rebelle. C’est absurde, drôle, imaginatif et totalement déphasé, avec de gros clins d’œil rigolos aux mangas. Encore une fois, la tendresse n’est pas oubliée, même si elle se cache entre les lignes. Il s’agit aussi d’un beau film sur les sous-cultures nippones, l’amitié et la nécessité d’être soi-même. Le succès de Kamikaze Girls sera encore dépassé par celui de Memories of Matsuko (2006). Film sur la mémoire, en forme de quasi musical, il plonge au cœur de la tragédie, narrée à la lisière d’un triste conte de fées, celle de la déchéance totale d’une jeune femme. D’une infinie tristesse, le film secoue et impressionne par son esthétisme qui n’est pas sans faire penser à Amélie Poulain. Sur le fond, cette désespérance et cette femme victime, encore et encore, ne sont pas sans évoquer les œuvres de Mizoguchi. Et pourtant, en même temps, le film demeure souvent comique par l’absurdité dégagée par les événements. Paco et le livre magique (2008, inédit en France) peut être vu comme un léger recul en termes de qualité. Pourtant, après une première demi-heure presque insupportable de niaiserie (volontaire ?), le film s’avère profond et émouvant. Confessions (Kokuhaku, 2010) marque un changement important dans la filmographie de Nakashima, car pour la première fois il tourne résolument le dos à la comédie pour privilégier une histoire de vengeance, celle d’une mère à la poursuite de ceux et celles jugés responsables de la mort de sa fille. Thriller dérangeant en forme de puzzle psychologique, le film est présélectionné pour le Japon dans la course aux Oscars (il ne sera finalement pas retenu), et remporte un très grand succès populaire et critique. Confessions est un coup de poing à l’estomac qui vous laisse en état de choc par la violence de son intensité dramatique et son ambiance macabre. Quatre ans plus tard, Nakashima poursuit dans cette veine dérangeante et déprimante avec une nouvelle vision désespérée de la nature humaine. Le monde de Kanako (Kawaki, 2014) raconte la recherche par un ex-détective alcoolique et violent de sa fille disparue (et qu’il ne connaissait quasiment pas) et dont il découvre, pas à pas, le caractère et le comportement monstrueux de sa double vie. Adapté d’un roman de Akio Fukamachi, le film a été souvent comparé à Old Boy, le chef-d’œuvre du Coréen Park Chan-wook. On en sort k.o…Le dernier film en date de Nakashima, Kuru (2018) emprunte le chemin du film d’horreur et du surnaturel, et sera très diversement accueilli, que ce soit par le public ou la critique.

Une chose est certaine : le cinéma de Tetsuya Nakashima s’est résolument éloigné de la légèreté et de l’humour d’Un été à toute épreuve

Philippe Serve.


Deuxième partie

COURT-METRAGE D’ANIMATION SURPRISE (1)

+

ETUDE DE DOCUMENTAIRE

CALIGARI ou L’INVENTION FU FILM D’HORREUR

Rüdiger SUCHSLAND (Allemagne, 2014)

+

COURT-METRAGE D’ANIMATION SURPRISE (2)

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