CinémAtelier : L’heure des madeleines/Regard sur un cinéaste/Histoire du cinéma français



Vendredi 17 Février 2023 de 15H à 18H – CinémAtelier

Maison des Associations Nice-Garibaldi, Place Garibaldi (TRAM: Garibaldi)

Animation : Philippe Serve, fondateur et animateur de CSF (2002-2012)


Avant-propos

L’HEURE DES MADELEINES

Des anciens grands films ramenés à la mémoire à partir de résumés-montages de quelques minutes proposés par l’animateur.

Aujourd’hui :

SAN MAO, LE PETIT VAGABOND

(Yan Gong & Zhao Ming, Chine 1949)

et

MULHOLLAND DRIVE

(David Lynch, USA, 2002)


Première partie

Regard sur un cinéaste ou une perle oubliée ou méconnue

Aujourd’hui autour du réalisateur ROBERT EGGERS et du film :

THE WITCH (2015)

De temps à autre (pas aussi souvent qu’on le souhaiterait, hélas !) surgit quelqu’un au sein du 7e art venant illuminer les écrans d’un nouveau talent de cinéaste. Sur les dix dernières années, ce quelqu’un s’appelle pour moi ROBERT EGGERS. Un jeune réalisateur frappant très fort dès son premier long métrage en 2015 – il a alors 32 ans – qui stupéfie alors critiques et spectateurs par sa maîtrise et sa beauté picturale : THE WITCH (écrit The VVitch sur les affiches) centré sur le conflit entre sorcellerie et puritanisme en Nouvelle-Angleterre (d’où Robert Eggers est originaire) au 17e siècle, amenant inévitablement à l’isolement, la folie et à la violence. Rattaché au genre horreur¸ le film va bien au-delà et démontre instantanément une maturité évidente et un sens de l’image sur lesquels je reviendrai dans un instant.

Après ce coup de maître récompensé, parmi 43 autres prix, par le Prix de la mise en scène au festival de cinéma indépendant de Sundance (créé par Robert Redford), Robert Eggers confirme quatre ans plus tard, en 2019, avec l’impressionnant THE LIGHTHOUSE où il continue de creuser son sillon : celui de la folie humaine. Encore une fois, le film est catalogué horrifique, mais le fait même qu’il déçoit les aficionados du genre tout en emballant la critique généraliste et les cinéphiles lambda indique bien qu’à instar de l’opus précédent le film déborde les frontières du genre. Filmé dans un noir et blanc splendide, une histoire tragico-grotesque met en scène deux gardiens de phare sur une île perdue au milieu des flots. Les interprétations hallucinées de Willem Dafoe et Robert Pattinson le disputent à la splendeur visuelle au sein d’une symphonie cruelle, folle et violente.

En 2022, Robert Eggers tourne son troisième et dernier film à ce jour, une très grosse production – à l’inverse des deux premiers – THE NORTHMAN. Autour d’une distribution prestigieuse (Alexander Skarsgård, Anya Taylor-Joy (révélée dans The Witch), Nicole Kidman, Ethan Hawke, Willem Dafoe ou encore Björk, le film conte l’histoire de la terrible vengeance du Viking Amleth, le personnage à l’origine du héros shakespearien. Un poil trop long peut-être (2h17), THE NORTHMAN se révèle une épopée d’une extrême violence et n’a pas manqué d’indisposer bien des spectateurs. Mais encore une fois, nul n’a pensé à contester la beauté formelle du film et la maîtrise de la mise en scène.

Robert Eggers travaille aujourd’hui à la pré-production du remake d’un chef d’œuvre de l’histoire du cinéma, l’un de ses films-cultes, à savoir le NOSFERATU de F.W. Murnau (1925), lui-même adaptation libre du Dracula de Bram Stoker. Alors oui, il sera encore forcément question d’horreur, de possession, de folie et sans doute de violence. Inutile de préciser que ce Nosferatu là est attendu avec grande impatience par nombre de cinéphiles, dont votre serviteur !

Mais revenons à THE WITCH… Comme dit plus haut, l’action se situe au 17e siècle en Nouvelle-Angleterre, 62 ans avant les célèbres procès de sorcières à Salem (Massachussetts). Une famille de colons est rejetée par sa communauté de puritains pour avoir contesté le comportement pas suffisamment religieux de celle-ci. La famille s’installe alors en bordure d’une forêt crainte pour son inévitable caractère maléfique et tente de (sur)vivre dans des conditions d’austérité et de dénuement avancé. La sorcellerie surgit alors dans leur existence et entreprend de détruire les membres de cette famille, un par un…

Si les thèmes sont passionnants et puissants, c’est pourtant avant tout l’aspect formel qui marque le spectateur. Tourné en lumière naturelle à l’extérieur et entièrement à la bougie en intérieur, le film renvoie à tout un pan de la peinture des 16e et 17e siècles. Les images et les plans sont somptueux, décors et costumes nous plongent littéralement au cœur de l’époque, sensation accentuée par l’utilisation dans les dialogues de véritables verbatim d’alors. Le parti pris du cinéaste est également très intéressant. Il a expliqué sa volonté de montrer le problème de la sorcellerie tel qu’il était vécu à l’époque, et non tel que nous l’appréhendons aujourd’hui, souvent avec distance et scepticisme. Au 17e siècle, les sorcières constituaient pour tous un fait accompli. On pouvait nier être soi-même une sorcière, mais pas la réalité de leur existence. La sorcellerie faisait partie intégrante de la religiosité exacerbée des premiers pionniers puritains, la preuve de la présence du Malin. Ceci est excellemment montré dans le film. Ainsi que le processus enclenché par le puritanisme au sein d’un monde de terreur, de nature divine ou maligne, l’isolement des êtres, l’hystérie menant à la folie, à la violence. THE WITCH est certes un film empli de violence, mais celle-ci ne s’exprime visuellement qu’à de rares (mais marquantes) occasions. La terreur qui envahit le spectateur réside davantage dans la tension créée par les situations, par le hors-champ. Les interprètes sont tous remarquables : Ralph Ineson (le père, enfermé dans sa raideur spirituelle), Kate Dickie (la mère, illuminée de Dieu), Harvey Scrimshaw (le jeune fils) et surtout celle qui trouvait là son premier rôle à l’écran, personnage central du film, Anya Taylor-Joy. La jeune actrice n’avait que 18 ans lors du tournage (elle en paraît trois ou quatre de moins) et elle illumine littéralement l’écran par son talent et son visage si particulier, comme elle le fera par la suite dans d’autres films (Morgane, Split, Pur-sang, la merveilleuse adaptation du Emma de Jane Austen où elle EST Emma, Last Night In Soho, The Northman, Le Menu) et bien sûr la remarquable minisérie qui l’a révélée au grand public, The Queen Gambit (Le jeu de la Dame).

La seule question qui se pose aujourd’hui pour moi au sujet de Robert Eggers est la suivante : ce surdoué du 7e art saura-t-il après Nosferatu se diversifier et – toute en conservant ce don extraordinaire pour le visuel – s’éloigner au moins de temps à autre des thèmes de l’horreur ? (Philippe Serve)


Deuxième partie


Deuxième partieHISTOIRE DU CINÉMA FRANÇAIS, DES ORIGINES À LA NOUVELLE VAGUE

(Huitième saison )

Épisode 24

L’ÂGE D’OR

(1930-1939, 5e partie)

LE RÉALISME POÉTIQUE (Suite)

 JULIEN DUVIVIER

Après avoir étudié la carrière menée par Julien Duvivier au temps du cinéma muet, place désormais au parlant ! La phase précédente s’était achevée sur un véritable chef d’œuvre cinématographique, le trop méconnu et oublié Au Bonheur des Dames (1930), adapté du roman d’Emile Zola. Penchons-nous donc maintenant sur les premières ouvres parlantes du maître, marquées par sa collaboration avec le plus grand acteur de son époque, Harry Baur. Nous verrons ainsi des extraits de David Golder (1930), Les 5 Gentlemen maudits (1931), la charmante comédie franco-allemande Allô Paris… ici Berlin ! (1932), et sa seconde adaptation (après celle de 1925) du classique de Jules Renard, Poil de Carotte (1932), véritable chef d’œuvre !

 

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