City of life and death



Vendredi 15 Octobre 2010 à 20h30

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Lu Chuan -Chine – 2009 – 2h15 – vostf

Chine, 1937. Aux portes de Nankin, capitale de la Chine, l’armée impériale japonaise lance l’offensive. À l’intérieur, les soldats chinois sont totalement désorganisés. Certains veulent se rendre, d’autres s’y opposent par la force, alors que l’essentiel des troupes et une partie de la population civile ont déjà été évacués. Les remparts sont détruits par des tirs de chars. Les soldats japonais entrent dans la ville fantôme avec ordre de ne pas faire de prisonniers. Le « Massacre de Nankin » est en marche. Parmi les soldats japonais, le jeune Kadokawa prend part à la mise à sac de la ville tout en l’observant avec effroi. Du côté chinois, les soldats sont exécutés en masse, et les femmes de tous âges violées. Les nombreux civils qui n’ont pu être évacués tentent de s’organiser pour survivre…

Notre critique

Par Philippe Serve

Le réalisateur Chuan Lu  s’est vu confronté à quatre ans d’attente avant la production de son film, contraint d’affronter la virulence des censeurs chinois qui lui reprochaient un parti-pris trop « humain » dans la description des soldats japonais, jusque là très largement considérés comme des monstres purs et simples. « Il est très important de montrer aux Chinois que les Japonais sont des êtres humains – et pas des bêtes« , a-il déclaré à l’époque. Il a pourtant réussi à conserver cette singularité de regard sur l’histoire chinoise, chose assez rare pour être soulignée, puisqu’il traite cet événement sous un triple regard, dont celui d’un officier japonais qui fait face à la perte de l’innocence et découvre l’horreur du monde dans une ville assiégée où survivent les opprimés et règnent les envahisseurs. Bien que cette mise en perspective audacieuse lui ait valu la colère des nationalistes, il revendique la nécessité de dire ce qu’il s’est réellement passé de manière impartiale, afin de véhiculer un message de paix et d’amour sans complaisance ni angélisme. Il développe ainsi son idée : « Les films de guerre chinois sont tous sur le même format, les Chinois sont braves, les Japonais monstrueux. Là, les gens voient tout à coup la réalité« . Violence.

Révélé en 2004 avec Kekexili, Chuan Lu avait déjà exprimé une virtuosité stylistique sensible, et avait alors mis en perspective la violence humaine avec la splendeur des montagnes du Tibet en retraçant le combat de volontaires en lutte face aux braconniers des dernières antilopes. Si l’ampleur du sujet historique n’est pas comparable ici, on retrouve pour autant la violence comme prisme d’étude et certaines scènes particulièrement sensibles. La volonté de réalisme du réalisateur lui ayant conféré une vision brute de l’histoire, les drames décrits sont d’une efficacité crue. Si la violence apparaît anonyme au départ à travers des plans de soldats fantomatiques et un univers cauchemardesque, elle s’incarne et se ressent physiquement lorsque les personnages se retrouvent devant des choix cornéliens.

La Chine a toujours entretenu un rapport pour le moins « trouble » avec certains passages de son histoire et le sujet choisi ici en est une démonstration nouvelle. Ainsi, cet épisode sanglant est resté dans les mémoires chinoises comme un symbole de la monstruosité japonaise et n’a, à ce titre, jamais connu d’adaptations, le tabou étant encore trop sensible. Les réactions qui ont suivi la sortie du film sont à la hauteur de l’outrage encore vif ressenti par certains puisqu’en plus de susciter des milliers de pages de débats sur Internet, le réalisateur a reçu plusieurs menaces de mort, mais également des encouragements à montrer une autre histoire et des commentaires admiratifs sur son style remarqué.

Au-delà des polémiques, City of Life and death se révèle un succès public. Sorti dans plus d’un tiers des salles en Chine il y a un an (il n’est pas encore sorti au Japon, même si le réalisateur continue d’espérer), le film a récolté environ dix millions de dollars les cinq premiers jours, arrivant ainsi en seconde position derrière Les 3 Royaumes de John Woo. Indépendamment de son caractère historique et humaniste, cet uppercut doit à la virtuosité d’un jeune homme qui semble né avec une caméra dans la tête.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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