Vendredi 30 mars 2012 à 20h30
Film de Masahiro Shinoda – Japon – 1969 – 1h45 – vostf
Deux soirées exceptionnelles en présence de Agnès GIARD.
A la croisée de l’art et de l’anthropologie, Agnès Giard décrypte la culture japonaise sous un angle inédit. Résidente à la Villa Kujoyama en 2010, elle publie « Les Histoires d’amour au Japon« , en mars 2012. Agnès Giard mène depuis 1997 des recherches sur la logique esthétique et mythologique qui sous-tend les manifestations parfois surprenantes de la modernité japonaise. Pour comprendre certains phénomènes de mode ou de société, elle les restitue dans un contexte mythologique et s’attache à décrypter le sens des images véhiculées par la culture populaire en les replaçant dans une perspective historique et esthétique.[1]
Agnès Giard signera son nouveau livre, Les Histoires d’amour au Japon, à la Librairie Masséna, samedi 31 mars (16-18h).
Jihei est un petit marchand de papier dont les affaires ne fonctionnent pas très bien. Il est marié à Osan dont il a des enfants, mais entretient depuis des années une relation avec une courtisane qu il promet de racheter régulièrement. Leur relation est malheureusement sans avenir et les deux amants décideront de mourir ensemble un soir à Amijima.
Sur le web
En 1966, après les démêlés qu’il eût avec le studio lors de la réalisation de La guerre des espions , Shinoda décide de quitter la Shokiku (a l’instar d’Oshima et Yoshida) pour fonder sa propre maison de production de façon à pouvoir réaliser ses films de manière totalement indépendante. C’est ainsi qu’il fonde la « Société d’expression (Hyogen Sha) ». C’est dans ce contexte et en association avec la société Nihon Art Theater Guild que Masahiro Shinoda met en scène en 1969 ce Double suicide à Amijima qui tient autant du théâtre filmé que de l’œuvre de cinéma d’avant-garde voire expérimental. Le film qui s’inspire d’une œuvre de Monzaemon Chikamatsu écrite pour le bunraku (théâtre traditionnel de marionnettes japonais) s’ouvre sur la préparation d’un de ces spectacles avec en voix off, Shinoda discutant avec sa scénariste de certains points concernant le film et notamment la scène de suicide. Le film lui-même se déroule en grande partie dans des décors stylisés chargés d’une forte symbolique. Le champ est constamment traversé des ‘kuroko’ (assistants habillés de noirs aidant les acteurs sur scène et manipulant les marionnettes au bunraku) qui prennent régulièrement part à l’action. Si le sujet et le scénario ne sont pas des plus originaux (le thème du double suicide est traité dans le théâtre japonais depuis le XVIIème siècle et a été traité de nombreuses fois au cinéma), tous ces éléments concourent à faire du film une œuvre tout à fait à part, fascinante et déstabilisante (surtout pour le public occidental peu habitué aux formes théâtrales japonaises).
Shinoda réussit le tour de force, non seulement de réaliser un film étonnant avec un budget des plus restreint et un scénario de base mainte fois revisité dans le cinéma nippon, mais aussi de surprendre et de réinterpréter ce matériau original pour en faire une réflexion sur le destin (ici matérialisé par les kurokos qui manipulent les acteurs comme ils manipuleraient des marionnettes). Les amants n’ont de cesse de fuir ce destin qui s’impose à eux, qu’ils se sont imposé en s’aimant au-delà des lois qui régissent la société médiévale dans laquelle ils vivent. Ils n’ont de cesse de fuir cette mort qu’ils se sont imposé (Koharu le dit clairement au « samouraï », mais tout le drame final vers le cimetière et le lieu où les amants mourront illustre ce dilemme – les amants reviennent continuellement sur cette mort qu’ils redoutent et ont pourtant choisie). Les kuroko les suivent durant tout ce cheminement comme pour s’assurer que le destin s’accomplit, n’hésitant pas à les guider vers ce double suicide qui ne peut qu’être l’aboutissement de leur amour… Ainsi, ce sont eux qui dresseront la potence pour Jihei…
« Même si sa carrière n’a pas eu la renommée de celles de ses illustres contemporains, Masahiro Shinoda se pose en fin esthète (…) Cet esthétisme poussé parfois au profit de l’histoire n’en appauvri pas la force, au contraire, elle la renforce ; il est vecteur de signification et porte l’histoire en lui… »(Christophe Buchet)
[1] Doctorante (LESC) à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Agnès Giard a écrit plusieurs ouvrages de références sur la culture japonaise. Son premier ouvrage,{ L’Imaginaire érotique au Japon}, propose une grille d’analyse inédite de la société japonaise : par le biais de son rapport au corps, au sexe et au sacré. Suivent un Dictionnaire (“{Les 400 mots-clés de la culture japonaise}”) puis un livre de design répertoriant les objets de culte, les gadgets ou les outils les plus révélateurs de la psyché japonaise. Résidente en 2010 à la Villa Kujoyama, Agnès Giard publie ensuite sous l’égide du Ministère des Affaires Étrangères une anthologie critique des histoires d’amour les plus révélatrices de la culture japonaise. En 2011, elle entame une thèse d’anthropologie consacrée aux objets anthropomorphiques japonais, afin de pouvoir continuer ses recherches dans un cadre universitaire. Elle a aussi présenté de nombreuses conférences et rédige un blog associé au site du journal Libération, « Les 400 culs », dédié à la sexualité et à l’érotisme (http://www.japinc.org/, http://agnesgiard.over-blog.com/, http://sexes.blogs.liberation.fr/agnes_giard/)
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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