Vendredi 06 Septembre 2007 à 20h30
Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Carlos Sorin – Argentine – 2006 – 1h38 – vostf
Tati Benitez, surnommé « Maradona » par ses amis en raison de son amour inconditionnel pour le footballeur, travaille comme bûcheron dans une scierie. Avec son épouse et leurs trois enfants, il vit une existence précaire, qui ne l’empêche toutefois pas d’être heureux. Un beau jour de 2004, dans la forêt, il tombe sur une racine d’arbre ressemblant étrangement à son idole Diego Maradona. Quelque temps plus tard, il apprend que le footballeur vient d’être hospitalisé pour une grave crise cardiaque. La ferveur devant la clinique de Buenos Aires est surprenante : des milliers d’Argentins sont là, soutenant leur idole. Tati décide de partir pour la capitale, espérant rencontrer Diego et lui offrir la racine à son effigie. Son voyage sera fait de rencontres surprenantes…
Notre critique
Par Philippe Serve
Carlos Sorin, cinéaste d’histoires simples
Il en va de certains cinéastes comme d’une boisson bien rafraîchissante avalée au cœur de la canicule : un moment de régénérescence physique, un instant peut-être fugace mais qui fait du bien et vous remet un coup de moral pour mieux repartir. Carlos Sorin est de ceux-là. Cet Argentin, né en 1944, qui se fit d’abord connaître comme chef opérateur puis réalisateur de publicités à succès, tourna son premier film en 1986 : La Pelicula del Rey. Il y mettait en scène un cinéaste parti filmer l’histoire d’un homme se rêvant Roi de Patagonie en 1860. Mise en abîme à multiples niveaux, réflexion sur le cinéma autant que sur l’Histoire, l’œuvre s’avérait aussi étrange qu’attachante, à la limite du surréalisme. Couvert de prix (dont un Lion d’Argent à Venise, un Goya espagnol du meilleur film étranger et cinq « Césars » argentins), le film fut une révélation.
Mais quatre ans plus tard, c’est l’échec. Eternas sonrisas de New Jersey (Sourires éternels du New Jersey, 1989) raconte la traversée à moto de la Patagonie par un dentiste. Bien que bénéficiant de l’apport d’une vedette internationale, l’acteur anglais Daniel Day-Lewis, le film, sérieusement charcuté par les producteurs, fait un fiasco.Sorin, totalement abattu, retourne à la publicité et il faudra attendre treize longues années pour voir réapparaître une oeuvre signée de son nom sur grand écran. Retour gagnant.
Historias Mínimas (2002) reste sans doute son meilleur film à ce jour. Il y met en place le schéma qui désormais prévaudra dans ses films suivants : des histoires simples de gens simples, partis sur les routes à la recherche d’un rêve, d’une illusion, d’un espoir, d’une promesse. Dans ce film, trois récits sont montés en parallèle avant de se croiser : un vieil homme se met en quête de son chien perdu, une jeune femme accompagnée de sa petite fille se rend aux studios de télévision participer à la finale d’un jeu et un représentant de commerce apporte un gâteau d’anniversaire pour le fils d’une femme dont il est épris. Trois fois (presque) rien. Mettant en valeur les incroyables paysages de Patagonie – sans jamais tomber dans les pièges de l’esthétisme – Sorin multiplie les vignettes où le Temps prend son temps, notamment celui de faire place belle à l’humour. Les personnages sont tous attachants et vrais. Le film croule sous les prix (8 récompenses majeures en Argentine pour 12 nominations entre autres). Le spectateur sort de Historias Mínimas le sourire aux lèvres et avec la pensée que, peut-être, les hommes et le monde réservent encore de beaux moments de fraternité et de solidarité.
Après avoir participé à un film collectif sur la tragédie de la AMIA (Centre communautaire juif de Buenos Aires victime d’un attentat le 18 juillet 1984, ayant fait 86 morts), 18-j (2004), Carlos Sorin tourne sur la lancée Bombon el perro (El Perro, 2004). Encore et toujours la Patagonie. Un quinquagénaire, mécanicien auto, perd son travail et, pour survivre, fabrique de superbes couteaux qu’il n’arrive pas à vendre. Une rencontre de hasard lui fait hériter d’un énorme et superbe dogue blanc de race. Littéralement embobiné par un dresseur de chiens aussi chaleureux et sympathique que profiteur et imprévisible, il se lance dans les concours pour chiens et les services (utiliser son chien comme reproducteur). Le fil encore plus ténu que dans le film précédent et l’histoire se ramenant à un seul protagoniste au lieu de trois, il ne tient pas toujours la route, cette dernière encore omniprésente. Néanmoins, le charme opère, en grande partie grâce à une sorte de douceur – et pourquoi ne pas dire de bonté ? – dont sont affublés les personnages principaux, comprenez l’homme et son chien. Et puis il y a l’humour précédemment cité, aussi discret que Coco et son chien Bombon. Prix de la critique internationale à San Sebastien (et bien que ne remportant cette fois aucune de ses sept nominations argentines), le film connaît encore un beau succès en salle, même si inférieur à Historias Mínimas.
El Camino de San Diego reste, lui aussi, fidèle à ce canevas désormais établi d’un homme simple partant sur la route à la recherche de son rêve. Mais, cette fois, Sorin quitte la Patagonie et nous transporte dans la province tout aussi éloignée des Misiones. Tati, son protagoniste, jeune paysan pauvre déjà trois fois père survit en travaillant pour un sculpteur sur bois pour qui il récupère de la matière première dans la forêt. Outre son épouse, l’amour de sa vie s’appelle Diego Armando Maradona, ancien numéro 10 de génie de l’Albiceleste (la sélection nationale argentine) et des clubs de Boca Juniors, Barcelone et Naples. Maradona, l’enfant terrible du football, le seul ayant jamais pu vraiment contester au Roi Pelé son titre de plus grand joueur de l’Histoire. Tati, au visage souriant et innocent, toujours revêtu du maillot de son idole, sait tout et plus encore sur cette dernière. Et lorsqu’il découvre en forêt une étrange et énorme racine reproduisant à l’identique la célébrissime silhouette du pibe de oro (« le gosse en or« , surnom de Maradona), il sait que son destin est tracé. Amener cette oeuvre de la nature à l’homme qui, un beau jour de 1986, offrit à tout un peuple une pacifique revanche sur le pays voleur des Malvinas (îles Malouines), l’Angleterre (qui se montrera plus tard très fair-play en faisant de Maradona un Docteur honoris-causa de l’université d’Oxford !).
Le périple, véritable road-movie, qui mène Tati à Maradona – lequel vient d’être hospitalisé en urgence pour attaque cardiaque – est l’occasion de rencontres pittoresques, en particulier celles d’un inoubliable chauffeur de camion brésilien (joué par un producteur de films et téléfilms) et d’une pensionnaire de bordel pour routiers. Une fois encore, pas grand-chose ne se passe à l’écran. Pourtant, le spectateur ne s’ennuie pas, attaché à ce grand gamin dont la pureté de cœur – reflétée par ses grands yeux ouverts à tout – est aussi revigorante qu’une profonde lampée de maté. Finement et comme à son habitude, Carlos Sorin nous parle davantage des rêves créateurs de petits ( ?) bonheurs que d’idolâtrie. Et nous aide, en passant, à peut-être mieux comprendre l’indéfectible lien unissant un peuple victime mille maux politiques et économiques à son enfant le plus turbulent et le plus génial.On regrettera une fois de plus que le cinéma français, empêtré dans son nombrilisme petit-bourgeois, ne sache pas – ou bien trop rarement – nous donner de films aussi simples.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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