Événement : 3 jours avec Paul Vecchiali/Faux Accords



Dimanche 25 Novembre 2018 à 17h

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Paul Vecchiali, France, 2013, 1h10

Trois séances rencontre-débat en présence du réalisateur Paul Vecchiali !

Ce soir troisième séance rencontre-débat

autour du film Faux Accords.

Cette séance en partenariat avec Les Ouvreurs, débutera par la projection d’un court métrage  de Paul Vecchiali, intitulé La Cérémonie (France, 2014, 22 minutes).

Dans La Cérémonie, tourné en même temps que Nuits blanches sur la jetée, une stricte construction en miroir et en parallèle laisse ouverte la porte du désir. Ce court métrage met en scène deux « hypothèses » de solitude, histoire répétée dont le personnage principal est interprété une première fois par un garçon (Pascal Cervo), la seconde fois par une fille (Astrid Adverbe). Sont-ils opposés ou semblables pour autant ? On ne sait pas, et la durée courte ouvre un mystère vers le grand froid de la nuit. Ce court métrage cherche (un peu comme pouvait le faire Eustache dans Une sale histoire) à mettre en scène les écarts de jeu et de sexe par deux répétitions conjointes.


FAUX ACCORDS

Après le décès de son compagnon, un homme découvre sur Internet que ce dernier avait des relations virtuelles avec un autre. Il imprime tous les messages et, ayant brûlé tout ce qui appartenait à son compagnon, il se prend à imaginer le correspondant sous deux aspects différents suivant le contenu des messages. In fine, il déverse les cendres de son compagnon sur sa poitrine nue.

Notre critique

Par Benoît Arnulf

Quoi de plus délicat que de représenter l’absence. Avec Faux accords, tourné en 2013 juste avant Nuit blanche sur la jetée, Paul Vecchiali s’attache à travailler ce thème en dressant le portrait d’un homme seul confronté au deuil et à la disparition de l’être aimé.

Mais le manque se double rapidement de la découverte d’une vérité, exhumée par l’exploration de l’ordinateur du défunt, qui fait basculer le récit dans une autre réalité. L’être aimé entretenait une aventure, une relation à distance, comme peuvent l’être, de plus en plus souvent, les échanges modernes au travers des réseaux sociaux. Vecchiali prévient dès les premières images qu’il s’agit là de son sujet. Il dédie le film à tous ceux qui usent, à leur risque et péril, des sites de rencontres, « les solitaires, les endeuillés, les mal mariés ».

Pour rendre compte de cette double absence, celle d’un corps qui n’existe plus, celle d’une relation désincarnée, le cinéaste installe ses personnages entre réalisme trivial et projection mentale, explorant sans détour les recoins les plus intimes. Il sert son récit avec l’économie de moyen et une proximité familière qui caractérise une grande partie de son cinéma depuis les années 90. Le film est tourné à l’I-phone, dans sa propre maison et son compagnon y joue un petit rôle aux côtés de deux de ses acteurs fétiches, Pascal Cervo et Julien Lucq. Mais la poésie s’invite rapidement au détour d’un plan, de bord de mer, ou d’une superposition d’images annonçant d’étranges apparitions. La douleur, bien réelle, qu’affronte au quotidien le veuf, interprété par Paul Vecchiali lui-même, s’oppose aux sentiments virtuels qui animent les échanges écrits entre le défunt et son amant. Condamné à un silence assourdissant, aucune parole ne sera prononcée par cet homme meurtri, littéralement sans voix devant les événements qu’il subit. Les mots viendront des fantômes qui s’invitent à sa table. Des incarnations fantasmées qui rejouent une nouvelle fois les échanges de cette étrange correspondance.  D’abord l’amant, jeune homme perdu en pleine découverte de son homosexualité, qui prend avec malice tour à tour les traits de Pascal Cervo et Julien Lucq. Après tout, les mots ne portent pas en eux les images d’un visage et l’imagination ouvre à tous les possibles.   Ensuite la voix lointaine du défunt qui lui – qui leur – répond tour à tour en cherchant à être tout à la fois un père de substitution et une planche de salut dans cette reconstruction identitaire. Ces échanges écrits, imprimé sur des feuilles blanches, viennent se répandre, au fur à mesure de leur lecture, sur le sol du jardin familial où le veuf passe son après-midi en compagnie de ces revenants. Mais les paroles initialement aimantes se teintent d’amertume, éclairant d’un jour nouveau les raisons de la récente disparition. Ce monde virtuel, plein de promesses de jouissances à ses revers. L’abandon et le désaveu sont à portée de clics. Et les vies peuvent hélas basculer pour si peu.

Sur le Web

Paul Vecchiali est un auteur, « l’homme qui répond personnellement à des contraintes et à des commandes réelles, l’homme qui tire avec un style à lui son épingle d’un jeu qu’il ne domine pas » (pour reprendre les mots de Serge Daney), mais un auteur qui laisserait chacun des intervenants du film (et pas que les comédiens) tirer son épingle du jeu dont il est le meneur – c’est donc aussi un producteur. Ce qui est fascinant dans les films de Vecchiali, c’est que les particularismes des éléments du film sont rapportables à des instances de travail individuelles. Pour ne prendre l’exemple que des acteurs (jusqu’aux simples figurants) : ils viennent avec leur prosodie, leurs agilité propre, leur mythologie personnelle (via ce goût très sincère de Vecchiali pour les stars d’antan), les fantômes de jeu de leurs précédents rôles… Aisément reconnaissables sont les admirables acteurs de Vecchiali – et par extension des productions Diagonale, société qu’il fonda et qui produisit nombre de cinéastes sans pareils (Biette, Froz-Coutaz, Guiguet, Treilhou) – dont certains, comme Paulette Bouvet (mère de Jean-Christophe), ne sont apparus au cinéma que par la vertu d’un esprit familial auquel on les conviait à participer. Mais le chef opérateur, le compositeur, le(s) décorateur(s) etc. s’attellent aussi en personne à apporter leurs solutions concrètes au projet du film. Ce qui est inhabituel, c’est que ça se voit et qu’on puisse attribuer respectivement des mérites et des personnalités à chacun des éléments du film, remarquables séparément en même temps que branchés sur une dynamique commune animée par le cinéaste-producteur. Les films de Vecchiali, plus encore à partir des années 1970, permettent de prendre au sérieux le cinéma comme problème social (ils le font thématiquement et concrètement), où l’autonomie de chacun n’est jamais loin de produire l’atomisation du tout. D’où un cinéma qui lorgne vers l’exhibition de deux infinis : l’intime individuel (part profondément impudique, jusqu’à la gêne, comme le remarque en entretien Pascal Cervo), et la superstructure qui produit ces individualités (la part théorique, conséquente). Chaque film entend présenter ensemble les regards d’en bas et les regards d’en haut et veiller à la préservation de leur équilibre. D’où un perpétuel jeu entre intérieur et extérieur, entre asphyxie et grand vent, localisme têtu et ouverture sur le monde entier, où la grande mémoire du cinéma s’incarne dans l’actualité la plus triviale. A ces deux infinis, à ces deux visées (intime et théorique) du cinéma de Vecchiali, il faudrait y ajouter la plus belle touche et la moins simple : l’in-fini, le non finito, l’esquisse d’une durée qui se perd dans l’intensité de son émotion, et qu’on ne peut couper qu’un peu hasardeusement. Lorsque qu’on approche de l’infini de l’intime, lorsque l’expression d’un visage dépasse sa propre surface, devant ce mélange radioactif instable menaçant de se décomposer Vecchiali ne boucle pas, n’explique surtout pas et il fonce droit au but (alors tous les moyens sont bons : musique, travellings). Il nous prend de vitesse jusqu’à ce que son mouvement dépasse l’émotion, et alors passe sans transition à autre chose, nous laissant une impression sidérée mais déjà passée dans la mémoire…(critikat.com)

En dépit de son économie, on retrouve dans Faux Accords, maints des motifs propres aux hantises de ce grand cinéaste : la distance placée au cœur de la relation amoureuse — dans le deuil, ici, autant que dans la pratique épistolaire. La diversité en chaque être traduite en multiplicité des masques et des personnages. La place de choix offerte au récit livré sous la forme dictée d’un récitatif ou d’une récitation. Le croisement d’une éthique et du tragique comme horizon de la pratique cinématographique : le cinéaste, lui-même protagoniste, sage un rien affolé, se promène au milieu des sentences de son scénario, feuilles égrenées au sol au fur et à mesure de la lecture. Les faux accords sont solides, ils servent à nouer bien des liens.

Paul Vecchiali explique : « J’ai fait Faux Accords (2013), un film assez court d’une heure dix, sur les sites de “chat” gays. Je tiens le rôle principal, et je n’y dis pas un mot, de tout le film, rien ! Il y a quelque chose d’un peu fantasmagorique dans ce film. Le personnage que j’interprète vient de perdre son compagnon. Il regarde la télé au début du film. On y voit des images d’incinération, des rushes que j’ai repris d’un de mes courts-métrages intitulé La terre aux Vivants (1994). La caméra descend et s’arrête sur l’urne. On comprend. C’est la journée de cet homme, qui reste comme ça, sans exprimer ni plus ni moins d’affection. Il sort, salue les gens qu’il rencontre. On l’embrasse, on tente de le consoler, mais il refuse le dialogue. Quand il s’en va, il rejoint le bord du cadre, et la mer envahit le champ ; Pascal Cervo apparaît. Il se rend sur le bord de la mer, et face à lui, un peu au loin, il y a un homme, c’est Julien Lucq… Je l’ai fait comme ça par amusement, car j’ai senti qu’il y avait de petites choses, à force de chater, à droite, à gauche. Un peu comme dans Once More, j’ai eu envie de traiter ce problème, puisque mes seules interventions sont off – le off devient un élément important dans mes derniers films – ; je dis également : “je dédis ce film à…”. Je l’ai fait, sans penser à plus, un peu pour Pascal, Julien, et moi-même. On était contents, ça s’arrêtait là. Et un jour, une amie me rend visite, je lui montre le film, et elle part en sanglots. Merde, je réalise que le film à un impact ! Ensuite, une autre amie vient, une autre encore, et à chaque fois, les gens repartent bouleversés, complètement. Je me dis qu’il faut que j’essaie de le sortir, mais c’est difficile. Le film est pris au FID de Marseille, mais il n’est pas primé. À la sortie de la cérémonie, le président du jury, Tsaï Ming-Liang, le grand réalisateur taïwanais, est quand même venu vers nous. Il avait les larmes aux yeux, et m’a pris les deux mains, sans un mot. Jean-Pierre Rehm, qui fait la sélection pour le FID, a préféré prendre Faux Accords au lieu de Nuits Blanches sur la jetée…”. Moi, je m’en foutais puisqu’on a été sélectionné à Locarno. Mais bon, c’est dire qu’il y a vraiment quelque chose avec ce film…


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri.

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 14h précises.

N’oubliez pas la règle d’or de CSF aux débats :
La parole est à vous !

Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents CSF et toute personne bénéficiant d’une réduction au Mercury).

Adhésion : 20 €. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF,  et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.

Nouvelle activité : Atelier de Super 8 sous la direction de Vincent Jourdan. Initiation gratuite réservée aux adhérents la Samedi 5 janvier 2019 à 14h à la Maison des Associations de Nice-Baribaldi.

Voyage découverte à la Cinémathèque de Berlin et Potsdam le week-end du 8-9 juin 2019.
Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club ici


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