La femme de Seisaku



Vendredi 14 Octobre 2005 à 21h15 – 3ième  Festival

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Yasuzo Masumura – Japon – 1965 – 1h33 – vostf

A la veille de la guerre russo-japonaise, pour échapper à la misère, une jeune femme devient la concubine d’un vieillard. Lorsque celui-ci décède, elle se met en ménage avec un jeune homme.

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En 1957, Yasuzo Masumura réalise son premier film, Le Baiser. Mais ce jeune réalisateur de 33 ans n’est pourtant pas un débutant dans le monde du cinéma. Après avoir commencé une carrière dans le droit, il se tourne vers le Septième Art en autodidacte, en débutant en tant qu’assistant réalisateur aux studios Daiei de Tokyo. Entre 1948 et 1957, il voyagera beaucoup, et se formera une sensibilité internationale. Il étudie, notamment, au Centre Cinématographique Expérimental de Rome, où il aurait suivi les cours de Fellini, Visconti et Antonioni. Assistant réalisateur de Kenji Mizoguchi à la fin de la carrière de celui-ci, il se lance en tant que réalisateur à la mort de son mentor. Suivront pour lui une trentaine d’années fastes, où il réalisera parfois jusqu’à quatre films par an. Son tempérament, libertaire et iconoclaste, ainsi qu’une conscience aiguë de la rigueur narrative nécessaire à son discours font de son œuvre un précurseur à part de la Nouvelle Vague japonaise, et une influence majeure sur de nombreux artistes actuels, au Pays du soleil levant comme ailleurs.

Comme son mentor Kenji Mizoguchi, qu’il a assisté sur trois films à la fin de sa carrière (Les Amants crucifiés, L’Impératrice Yang Kwei Fei et La Rue de la honte), Masumura est considéré comme un « cinéaste de femmes ». Personnage central de son univers narratif, la femme est toujours, chez Masumura, un vecteur de changement, de subversion du quotidien, et le catalyseur des crises mises en scène dans ses films.

Le personnage de la « femme vendue » est plus particulièrement présent dans l’univers de Masumura : elle n’existe, ainsi, que par le désir qu’elle inspire ou qu’elle satisfait, alors même que la société traditionnellement patriarcale au Japon (aux yeux de Masumura) lui nie totalement la liberté d’user – ou non – de son corps. Simple monnaie d’échange, objet pur de plaisir, elle prend, dans l’univers créé par Masumura, des allures d’héroïne à la volonté inébranlable, alors même que la société n’a aucunement accepté cette émancipation. À l’époque de la sortie de son premier film Kuchizuke (Le Baiser) en 1957, la représentation du baiser à l’écran était à peine autorisée à l’écran, après avoir été longuement tout bonnement interdite au Japon, ce qui sonne comme un pied de nez précoce à la société japonaise de la part d’un Masumura qui restera toujours un rêveur provocateur et subversif…

…Le corps est toujours éminemment central dans la progression des personnages de Masumura. Il est le catalyseur des pulsions sexuelles toujours associées à cette morbidité particulièrement prégnante dans la plupart des films. L’expression, ou plutôt la tentative d’expression du désir sexuel, permet de mettre en lumière la barrière que représente le corps entre l’intime et l’autre. Le refoulement oblige donc les personnages (surtout féminins) à constamment malmener cette barrière, à se heurter (violemment la plupart du temps) à l’autre. Ce sadisme exacerbé meurtrit le corps dans une tentative désespérée de se libérer du poids des traditions et de l’impuissance.

L’expression la plus évidente de la civilisation et de la société occidentale (ou occidentalisée, telle que le Japon du XXe siècle, et surtout de l’après-guerre a pu l’être) est la voix, la parole. Dire et expliquer les choses, c’est les définir, et donc autoriser, mais c’est aussi poser des limites, acte liberticide par essence. Ce qui est inexplicable, inexprimable (et donc inavouable) est donc, soit sacré, soit tabou – soit les deux. Le corps, même hors de toute pudibonderie puritaine, appartient à ces deux catégories.

C’est d’autant plus le cas dans les films de Yasuzo Masumura, chez qui la démonstration du corps est non seulement un ressort scénaristique fort et culturellement universel (héritage de sa double influence asiatique et européenne), mais aussi un objet cinématographique, une image des plus fortes pour un art par essence pictural. Comme chez Nagisa Oshima (dans L’Empire des sens, notamment), réalisateur de la génération suivant celle de Masumura et considéré comme représentant de la « Nouvelle Vague asiatique » (un qualificatif qu’il récusait, par ailleurs), l’intervention du corps dans les rapports entre les personnages est le pinacle de la prise de risques, de la transgression. C’est aussi la suprême contestation, car le corps dans ces films n’est dépeint comme jamais autre chose que le centre de la relation entre les êtres, un rôle que les codes sociaux de la civilisation lui nient. Chez Oshima comme chez Masumura, le corps et l’utilisation qui en est faite est totalement politique.

…Le conflit intérieur, la promotion de l’idéal de liberté de l’individu est essentielle pour Masumura et la femme est le vecteur le plus évident pour appuyer un tel discours. Dans des récits qui feront toujours la part belle aux personnages et à leurs motivations, la femme est la seule à avoir quelque chose à conquérir, tandis que l’homme reste le plus souvent sur ses acquis sociaux et intellectuel…

(Sébastien Bondetti)

La Femme de Seisaku est l’adaptation cinématographique du roman homonyme écrit par Genjiro Yoshida et publié en 1965.

L’actrice Ayako Wakao, héroïne de La Femme de Seisaku, fut particulièrement populaire dans le Japon des années 50 et 60. Révélée en 1953 dans Les Musiciens de Gion du cinéaste Kenji Mizoguchi, qu’elle retrouvera trois ans plus tard pour La Rue de la honte (1956), Ayako Wakao possède une carrière riche d’une centaine de longs-métrages, dont une majeure partie de drames.

La Femme de Seisaku marque l’une des nombreuses collaborations entre le réalisateur Yasuzo Masumura et l’actrice Ayako Wakao. Ils se retrouvèrent sur une vingtaine de longs métrages parmi lesquels Le mari était là (1964), Svastika (1964) et L’ Ange rouge (1966), l’un des seuls films du cinéaste japonais à avoir bénéficié d’une distribution française.

Pour La Femme de Seisaku, la comédienne Ayako Wakao reçut le Prix de la Meilleure actrice aux Kinema Junpo Awards (1965) et aux Blue Ribbon Awards (1966). L’acteur Takahiro Tamura fut sacré Meilleur acteur dans un second rôle lors de cette dernière manifestation.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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