Samedi 09 avril 2011 à 14h30 – 4ième Festival de Printemps 2011
Conférence illustrée: Greta Garbo de Philippe Serve
De sa naissance le 18 septembre 1905 à Stockholm et son enfance dans une famille pauvre à la légende éternelle de la plus grande star de l’Histoire du cinéma… Deux heures richement illustrées en photographies et extraits de films. Tout sur La Divine !
et
Samedi 09 avril 2011 à 20 h30
Film de George Cukor – USA – 1937 – 1h48 – vostf
Dans le Paris mondain de 1847, les rencontres galantes ont lieu au théâtre, au bal et dans les cercles de jeux où la discrétion est de mise… et le jeu c’est l’amour. Marguerite Gautier est une de ces jolies courtisanes qui vivent sur le terrain dangereux de la renommée, l’esprit aiguisé par le champagne, mais les yeux souvent brouillés par les larmes…
Camille, c’est La Dame aux Camélias, l’éternelle héroïne romantique d’Alexandre Dumas fils. Après Sarah Bernhardt et la Duse, Garbo élève le personnage de Marguerite Gautier à un niveau jamais égalé depuis. Servie par George Cukor, l’un des meilleurs réalisateurs et directeurs d’actrices d’Hollywood et parfaitement soutenue par le jeune Robert Taylor en Armand Duval, Garbo offre une performance inoubliable, considérée universellement comme son chef d’œuvre. A ne manquer sous aucun prétexte. Le Roman de Marguerite Gautier correspond à la troisième collaboration entre Greta Garbo et Lionel Barrymore. Les deux acteurs étaient en effet déjà tous deux à l’affiche de Mata Hari en 1931 et Grand Hôtel en 1932. La légendaire Greta Garbo a un jour déclaré que Le Roman de Marguerite Gautier était le film de sa filmographie qu’elle préférait.
Notre critique
Par Philippe Serve
GARBO et G.G.
Garbo. Nom propre pouvant se passer de prénom. Deux syllabes claquant depuis plus de huit décennies au fronton de la légende du 7ème art. Pour quiconque entreprend d’écrire sur Greta Garbo – a fortiori lorsqu’il fait partie du très large club de ses admirateurs tel l’auteur de ces lignes – le problème se pose invariablement : que dire qui n’ait déjà été écrit mille fois sous les plumes des plus brillants auteurs et poètes ? Comment éviter une inflation d’adjectifs tous plus grandioses les uns que les autres ? Comment, en un mot, maîtriser ses pures émotions afin d’aller à l’essentiel en une impossible neutralité ? De plus, pour ce passionné, un choix lui est opposé : doit-il réserver ses efforts au mythe Garbo, à « La Divine » telle qu’on la nomme encore aux quatre coins de la planète, ou à G.G., la femme hors écran comme l’appelait ses intimes (elle détestait son prénom Greta), celle qui prit sa retraite à 36 ans et passa plus d’un demi-siècle traquée par les paparazzis, où qu’elle fut et quoi qu’elle fit et ce jusqu’à sa mort à 84 ans le 15 avril 1990 ?
Le spectateur oublie volontiers que le cinéma n’est qu’un immense mensonge entretenu par pas mal de tâcherons, quelques artistes honnêtes et de rares génies. Parmi ces artisans de cette admirable tromperie universelle figurent bien sûr au premier rang les acteurs et peut-être plus encore les actrices. Plus l’acteur est grand, plus il « rayonne », plus il nous hypnotise en nous irradiant de son talent, plus nous confondons et fusionnons en un seul être – celui de l’écran – Charlot et Chaplin, Marilyn et Norma Jean, Garbo et G.G.…Greta Gustafson – devenue Greta Garbo en 1924 à l’âge de 18 ans – n’avait que très peu de points communs avec ses personnages incarnés pendant dix-sept ans (1924-41). Le plus évident ? Son incroyable beauté bien sûr. Tous ceux, célèbres ou pas, qui eurent l’occasion de la croiser ou à plus forte raison de la fréquenter dans la « vraie » vie, purent affirmer à l’unisson que sa beauté naturelle presque toujours dénuée du moindre maquillage, était à couper le souffle, même passé les 70 ans ! A l’inverse, si Garbo resplendissait à l’écran dans des tenues d’une élégance et d’une sophistication folle – et souvent délicieusement excentriques – confectionnées sur mesure par Adrian, costumier vedette de la M.G.M., G.G. quant à elle s’habillait à la ville à la va-vite, comme un homme en général, pantalon, chaussures basses, chemise et cravate… Jusqu’à l’explosion de Ninotchka (réalisé en 1939 par le spécialiste des comédies champagne, le génial Ernst Lubitsch), la Garbo de celluloïd ne prêta guère à rire, enchaînant drame sur mélodrame. Mais avec ses amis, la G.G. de chair et de sang se comportait volontiers en clown. Ses imitations étaient parait-il délectables, son auto-dérision permanente, son sens de l’humour fin et tranchant. Il est vrai aussi qu’elle savait se refermer comme une huître quand débarquait un inconnu ou qu’on venait lui parler cinéma. De même, elle possédait un caractère très changeant qui la faisait passer en un instant de la joie la plus enfantine à la mélancolie la plus profonde. Elle sut magnifiquement s’en servir, en grande actrice qu’elle était, pour instiller la vie nécessaire à des personnages pourtant si souvent mal écrits et bâclés par des scénaristes trop formatés. Ces personnages ? Toutes amoureuses. Des perverses (à ses débuts hollywoodiens), des pures et naïves, des fatales, des généreuses, des sacrifiées, des martyrisées, des reines, des espionnes, des prostituées. Toujours des passionnées. Garbo à l’écran, c’est un volcan enneigé qui finit immanquablement par entrer en fusion érotique et exploser en une lave incandescente appelée amour. Une femme hantant l’imaginaire et les phantasmes de ses comparses humains, hommes aussi bien que femmes. G.G., dans sa vie personnelle, reposait loin de tout ça. Célibataire endurcie, elle entretint certes quelques liaisons d’après certains biographes, mais combien d’entre elles furent avérées ? Liaisons amoureuses peut-être ou un peu plus qu’amicales sans doute, avec des hommes dont bon nombre étaient connus pour leur homosexualité ou avec quelques femmes, lesbiennes ou bi mais sans doute pas celles qui clamèrent haut et fort avoir fait partie des élues.
La « passion » amoureuse de Felicitas, Anna, Christine, Marguerite ou Ninotchka semble, en réalité, avoir été bien absente de la vie privée de G.G. La femme « réelle » était une personne à la fois très simple – ses origines familiales paysannes n’y étaient pas pour rien – et compliquée à l’extrême, conséquence de l’inadéquation totale entre une jeune Suédoise rétive à toute vulgarité, au m’as-tu-vu, et une usine hollywoodienne à fabriquer du dollar sur le dos des rêves hantant les salles obscures. G.G. détesta Hollywood dès la minute même où elle y posa le pied en compagnie de son premier metteur en scène et pygmalion, l’immense (à tous les sens du terme) Mauritz Stiller. Sa fameuse phrase, « Je crois que je vais rentrer chez moi » (en Suède), lâchée à toute contrariété générée par la M.G.M. et son patron tout puissant et tant redouté Louis B. Mayer, n’était pas de façade. Elle pouvait vraiment partir à n’importe quel instant sans en souffrir. Le studio le savait et s’inclinait donc à chaque fois. Elle adorait son métier, jouer, incarner des personnages, mais toujours d’une lucidité extrême, haïssait l’industrie cinématographique, machine à broyer les citrons après les avoir pressés jusqu’au zeste. Elle se faisait une grande idée de son art, conception héritée de Stiller, de Pabst et de sa formation théâtrale à l’Académie Royale de Stockholm. La piètre qualité des scénarii qui lui étaient imposé et tous ces personnages déclinés à l’identique la désespéraient et elle n’arrêta pas de s’en plaindre.
De tous ses films, elle n’en aimait vraiment qu’un seul : Camille (Le roman de Marguerite Gautier, George Cukor, 1936). Avec une sympathie pour Ninotchka qu’elle s’était beaucoup amusée à tourner. Elle s’était engagée avec passion dans La Reine Christine (Rouben Mamoulian, 1933) où elle incarnait son illustre compatriote et en ressortit amère : « J’ai voulu mettre autant de Suède que possible dans ce film. Mais à Hollywood, rien de tel n’est possible, ils commercialisent tout. » De fait, le rêve de G.G. s’appelait théâtre, ce royaume magnifié par ses illustres ancêtres, Sarah Bernhardt ou Eleonora Duse. Jouer Shakespeare ou Ibsen. Elle eut été, à n’en pas douter, une magnifique Macha dans Les Trois Soeurs de Tchékhov. Mais son indécrottable timidité et sa léthargie légendaire l’empêchèrent d’y revenir, elle qui avait justement dû à ses performances sur la scène de l’Académie Royale de Stockhom d’être recommandée par Gustav Molander à Mauritz Stiller. On connaît la suite. La légende veut qu’elle ait envisagé, des années après sa retraite cinématographique, ce retour à la scène sous condition que les douze premiers rangs soient vides. Peu étonnant lorsqu’on sait qu’elle interdisait toute présence non « absolument nécessaire » sur des plateaux de tournage fermés à triple tour. S’il reste aujourd’hui un « mystère Garbo« , ce n’est pas tant celui de sa vie privée ou même de sa personnalité – malgré la réelle complexité de celle-ci – que celui de la fascination exercée sur des millions d’êtres humains dès sa première apparition à l’écran. On peut analyser son jeu, les intonations de sa voix si profonde et unique, l’utilisation érotique d’un corps si peu destiné à cela. Mais le mystère reste sans doute ce visage qui la fit nommer par le célèbre Guinness Book Of Records la plus belle femme ayant jamais existé sur Terre ! Néfertiti s’en retourne encore dans son sarcophage… Ce visage, ces yeux dont aucun spectateur au monde n’a vu et ne verra jamais ce bleu, si fascinant même en noir et blanc, ce masque si moderne sur lequel chacun pourra toujours lire ses rêves les plus fous, oui, là réside sans doute le mystère si souvent évoqué et cette part de divinité qui lui fut accolé. Et ce visage éternel appartient autant à Garbo qu’à G.G.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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