Festivals


Festival 2024 – 21ième édition – « Le Retour » – Du 16 au 23 février

Festival 2023 – 20ième édition – « Élémentaire, mon Cher Lumière » – Du 03 au 10 mars   

Festival 2022 – 19ième édition – « Le cinéma enchantant » – Du 25 février au 04 mars   

Festival 2020 – 18ième édition – « La nuit et ses mystères » – Du 07 février au 15 février 
Festival 2019 – 17ième édition – « Le Cinéma des Studios » – Du 22 février au 01 mars 
Festival 2018 – 16ième édition – « Mythologies » – Du 09 au 16 février
Festival 2017 – 15ième édition – « La Couleur » au cinéma – Du 03 au 10 février
Festival 2016 – 14ième édition – « Exils » – Du 18 au 25 mars
Festival 2015 – 13ième édition – « Le cinéma sens dessus dessous, quand le cinéma joue avec ses codes » – Du 06 au 13 février
Festival 2014 – 12ième édition – « Les arts en bobines, quand le 7e art regarde tous les autres » – Du 14 au 21 février
Festival 2013 – 11ième édition – « Serviteurs ! » – Du 01 au 08 février
Festival 2012 – 10ième édition – « Censure(s) » – Du 03 au 10 février
Festival de Cinéma Créole 2011 – Du 03 au 05 juin
Festival de Printemps 2011 – « Greta Garbo » – Du 08 au 10 avril
Festival 2011 – 9ième édition – « Double(s) » – Du 04 au 11 février
Festival de Printemps 2010 – « Chinoises » – Du 04 au 06 juin
Festival 2010 – 8ième édition – « Quand le 7ième Art se filme » – Du 22 au 28 février
Festival de Printemps 2009 – « Spécial Expressionnisme » – Les 09 et 10 avril
Festival 2009 – 7ième édition – « Frontières » – Du 04 au 10 février
Festival 2008 – 6ième édition – « Folies » – Du 30 avril au 04 mai
Festival de Cinéma Indien 2008 – « Spécial Inde » – Les 08 et09 février
Festival 2007 – 5ième édition – « Enfants du Monde » – Du 04 au 08 mai
Festival 2006 – 4ième édition – « L’Histoire fait son Cinéma » – Du 24 mai au 04 juin
Festival 2005 – 3ième édition – « L’Amour dans tous ses états » – Les 07, 08, 14, 15 et 22 octobre
Festival de Printemps 2005 – « Premiers Grands Films » – Les 26, 27 mai et les 02, 03, 04 juin
Festival 2004 – 2ième édition – « Grands Classiques du Cinéma Chinois » – Octobre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Festival 2024 – 21ième édition – « Le Retour » – du 16 au 23 février

Festival 2023 – 20ième édition – « Élémentaire, mon Cher Lumière » – du 03 au 10 mars

Les éléments au cinéma : Élémentaire, mon cher Lumière !

Les éléments sont synonymes de vie, et donc de mouvement. Et nous savons bien que le cinéma est mouvement dans son essence même (il suffit de penser à l’américain « movies » pour dire film). Il se situe au plus près de la vie précisément par sa capacité à enregistrer tout ce qui bouge. Lorsqu’on pense aux éléments, le mouvement semble évident pour le feu, l’air et l’eau, mais on oublie souvent que la terre, associée de prime abord à la stabilité, est en fait en perpétuel mouvement, à la fois par sa rotation dans l’espace et l’éternelle transformation de son cœur en fusion. Or, seuls la caméra et son « œil-vérité » sont capables de capter les variations infinies de la matière et du vivant. Quel que soit la beauté d’une photo ou d’un tableau, l’image fixe est condamnée par définition à ne transcrire qu’un instant fugace, un millionième de seconde. Alors que, pour reprendre le mot de Godard : « Le cinéma, c’est la vérité 24 fois par seconde ». Il est d’ailleurs frappant de constater que lors de la toute première projection publique des frères Lumière, le 28 décembre 1995, le programme de 10 films comprenaient à la fois une vue dite « documentaire », La mer et une vue dite « comique » en fait, la première œuvre de fiction, à savoir L’arroseur arrosé. Ces deux films d’à peine une minute chacun résument à eux seuls notre ambivalence face aux éléments. D’un côté, un milieu naturel qui n’est pas le nôtre, qui peut être plaisant, mais où nous nous devons d’être prudent, De l’autre, l’eau d’un tuyau d’arrosage apparemment apprivoisée et inoffensive qui peut cependant reprendre ses droits à tout moment. Mais qui dit Lumière, dit nécessairement aussi Méliès, le magicien-inventeur-explorateur inlassable. Dès ses premiers « tableaux » (1896) Georges Méliès filme tempêtes, orages et éruptions volcaniques, s’aventure sous les flots et jusque sur la Lune pour se livrer à mille expérimentations avant-gardistes et autres effets spéciaux dont il avait le secret. Son rapport aux éléments est de l’ordre de la fascination, source de magie inépuisable, matrice du cinéma du rêve qui était le sien. C’est donc tout naturellement qu’une sélection de ses courts-métrages a trouvé sa place dans la programmation. La plupart des films que nous avons choisis pour cette 20ème édition du festival ont pour particularité de mettre au cœur du récit ce qui sert d’habitude plutôt de simple décor à une histoire ou une séquence. Des films portés par le désir de plonger au cœur de ce qui nous permet de vivre et qui en même temps nous constitue jusqu’à vouloir saisir l’insaisissable comme le projet fou de Joris Ivens, prêt à affronter le désert de Gobi à 90 ans pour tenter de filmer le vent lui-même. (Une histoire de vent, Chine, 1988). D’autres films ont une approche moins frontale et se saisissent d’un élément – l’eau pour Dark Water (Hideo Nakata, Japon 2002), le feu pour Ashkal (Youssef Chebbi Tunisie 2022) dans sa dimension métaphorique et symbolique avec ce je- ne- sais- quoi d’inquiétant, voire d’angoissant, propre à tout ce qui dépasse la condition humaine.

La programmation a donc modestement essayé, entre films de genre, documentaires, quasi science-fiction et fiction pure, de refléter ce rapport double que nous entretenons avec les éléments fait de fascination, de dépendance, de volonté de maîtrise mégalomane et de peur atavique. L’espèce humaine a certes, au fil de l’évolution, apprivoisé le feu, parcouru les océans, sondé la terre jusque dans ses tréfonds et même appris à voler jusqu’au firmament, mais nous savons bien au plus profond de notre humanité que nous ne sommes que fétus de paille face à la puissance des éléments. Cette tension entre vulnérabilité et surpuissance est au cœur de l’époque moderne et la période que nous sommes en train de vivre en est probablement l’illustration la plus dramatique. De tous les films du festival, La lettre inachevée de Mikhaïl Kalatozov (URSS, 1960) est sans nul doute le plus intrinsèquement « élémentaire« . La terre, l’eau, mais aussi la neige et la glace, le feu et le vent sont tour à tour convoqués dans un face à face paroxystique entre l’homme et la nature. Au-delà du sous-texte idéologique du film, nous sommes, nous spectateurs, plongés, immergés même dans la puissance pure du cinématographe qui trouve dans les paysages infinis de Sibérie, un interlocuteur à sa mesure, grâce à la maestria de Kalatozov. À l’autre bout du spectre, nous avons voulu mettre en vis à vis de ce film-monde, la langue classique du cinéma hollywoodien de la grande époque avec l’adaptation du 20 000 lieues sous les mers de Jules Verne. Un film comme un éternel bain de jouvence où les effets spéciaux des années 50 ajoutent au charme de l’entreprise. Au-delà du grand écart cinématographique entre ces deux films, tous deux délectables dans des registres complétement différents, la juxtaposition des deux fait ressortir le soubassement culturel et moral qui en est le véritable moteur narratif : à savoir d’un côté, l’exaltation de « l’Homme nouveau » capable de toutes les prouesses pour La Cause, de l’autre, la sanction terrible et inéluctable destiné à celui qui tente de s’affranchir des limites de la condition humaine. Sur le plan du cinéma, il est particulièrement émouvant de constater aujourd’hui la parenté esthétique diffuse entre le film de Méliès, 200 000 lieues sous les mers (et pas 20 000!) tourné en 1907 et celui de Richard Fleischer (1954), notamment dans les scènes sous-marines. Enfin les deux films consacrés à l’élément Terre, d’un côté un documentaire (Le sel de la Terre de Wim Wenders et Joao Salgado. Brésil, 2014) de l’autre une fiction (L’âme-sœur de Fredi Murer Suisse 1985) posent tous deux la question de savoir qui façonne qui ? dans notre interaction avec la planète. L’âme-sœur pose en préalable la suprématie violemment poétique de notre environnement. C’est la terre qui donne le la et marque le rythme. À nous d’y accorder éventuellement une mélodie. On pourrait dire pour filer la métaphore musicale qu’à l’inverse, Le sel de la Terre expose preuves à l’appui jusqu’où peut nous mener notre surdité maladive et comment l’écoute est en soi la voie du salut. On le voit à travers cette brève sélection, le cinéma et les éléments, c’est une longue histoire, parsemée de chefs d’œuvre qui traverse tous les genres, toutes les cinématographies et toutes les époques pour revenir sans cesse sur cette question première du « comment vivre la condition humaine », bien plus vaste au fond que celle du pourquoi qui restera à jamais sans réponse. (Josiane Scoleri)

 

Festival 2022 – 19ième édition – « Le cinéma en chantant » – du 25 février au 04 mars

Le cinéma, la musique et le chant

Le cinéma s’est pensé dès le départ comme l’enregistrement du vivant dans toutes ses dimensions. Le mouvement et le son en sont bien sûr les éléments essentiels. Or, il s’est passé plus de 30 ans entre la première projection des Frères Lumière (1895) et Le chanteur de jazz, premier film sonore (1927). Et, de fait, la distinction entre cinéma muet et films parlants est tellement bien établie dans cette chronologie qu’on a tendance à oublier à quel point le cinéma a été obsédé par la question du son – comme par celle de la couleur- dès sa naissance. D’ailleurs, Edison, qui avait déjà inventé le phonographe, travaillait avec acharnement à une invention alliant images en mouvement et accompagnement sonore synchronisé dès 1887. Il était convaincu qu’un film muet n’intéresserait personne … Même après le succès du kinétoscope (« peep-show machine » de son nom commercial !), qui permettait une vision individuelle par un œilleton, et l’ouverture un peu partout aux États-Unis des premiers salons de visionnement, il continua ses recherches d’arrache-pied avec plusieurs ingénieurs et inventeurs de l’époque jusqu’à arriver au kinétophone. Las, qui s’en souvient aujourd’hui. Le kinétophone alliait kinétoscope et phonographe, mais ne tint pas ses promesses. Seuls 45 exemplaires furent construits. On connaît l’histoire. Edison se fera ainsi coiffer sur le poteau par les frères Lumière et le cinématographe balaiera sans ménagement toutes les inventions précédentes qui se retrouvèrent illico remisées au musée. Rendons tout de même hommage dans ce bref rappel historique à Émile Reynaud, figure injustement oubliée aujourd’hui. Ce photographe/dessinateur, inventeur du praxinoscope, est à l’origine des premières projections publiques dès 1892 au Musée Grévin (soit 3 ans avant les frères Lumière). Il projetait ce qu’il appelait des ‘‘pantomimes lumineuses’’. C’est à dire des films d’animation qu’il peignait lui-même directement sur la pellicule 70 mm, accompagnés d’une véritable B.O. composée spécialement pour le film, interprétée au piano et au chant pendant la projection (déjà !) et agrémentée de bruitages divers. Emile Reynaud actionnait son appareil dans la salle et pouvait intervenir sur la vitesse de déroulement : ralenti, accéléré, retour en arrière ou arrêt sur images : tout était déjà là. Malheureusement, le succès des vues Lumière le poussa au désespoir et il jeta presque tous ses films à la Seine… L’Histoire est cruelle.

Or, si le cinématographe triomphe et suscite l’engouement aux quatre coins du monde, la question du son continue à le tarauder. Dans les années 1910, l’enregistrement se fera d’abord sur cylindre de cire, puis sur disque avec notamment les célèbres « phonoscènes » d’Alice Guy qui inventa à cette occasion le playback. Cependant la question de la synchronicité continuait à se poser. Au-delà de 3 à 4 minutes maximum, son et images étaient visiblement décalés. Ce qui est intéressant dans le développement du son au cinéma, c’est que les bruitages, la musique et le chant précèdent de loin la parole. Comme si les dialogues pouvaient finalement être assez facilement inventés ou reconstitués par le spectateur et que ce qui comptait le plus, c’était l’ambiance sonore et tout le parti dramatique insufflé ainsi au récit. D’ailleurs, les dialogues continueront encore longtemps à être résumés assez sommairement sur des intertitres même avec le son synchrone. Ce fut encore le cas pour l’énorme succès du Don Juan de 3 heures produit par la Warner (1926) avec force musique et chansons, mais sans parole. Et même si le parlant connut le développement fulgurant que l’on sait, le cinéma n’a jamais complètement oublié cette primauté de la musique et du chant. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si le premier film parlant de l’histoire du cinéma s’intitule Le chanteur de jazz. C’est par la musique et le chant que le cinéma s’éloigne le plus de sa simple fonction d’enregistrement du réel pour nous entraîner vers le rêve et le spectacle total. Nous acceptons, par convention tacite, que les personnages se mettent tout d’un coup à chanter en plein milieu d’une conversation. Mieux, nous attendons ces moments qui donnent toute leur saveur au film, jusqu’à faire oublier ce que l’intrigue peut avoir de conventionnel ou d’attendu. Nous nous en moquons même comme d’une guigne. Il est frappant de constater à quel point, en pleine montée des fascismes en Europe, le cinéma des années 30 est véritablement un cinéma chanté. En France notamment où les chanteurs les plus talentueux étaient très recherchés par les studios. Certains feront des allers-retours entre le cabaret, le music-hall, l’opérette et le cinéma. D’autres, parmi les plus grands, deviendront et resteront acteurs : Jean Gabin, Danielle Darrieux ou Fernandel pour ne citer que les plus célèbres. Mais c’est le cas dans la plupart des pays européens. Il suffit de citer pour l’Allemagne le nom de Marlene Dietrich.

En Espagne, nombre d’acteurs viennent directement de la « zarzuela« , sorte d’opérette très populaire. Et jusque dans l’Union soviétique de Staline, en plein réalisme socialiste, la mode est à la chanson, au grand dam de Serguei Eisenstein, tombé en disgrâce. L’Inde, bien sûr est au rendez-vous et ne manquera jamais à l’appel. Si le premier film parlant (Alam Ara en 1931) comprenait déjà 7 chansons, Indrasahba l’année suivante en comptera 71 ! L’Égypte doit aussi être mentionnée dans ce rapide tour du monde du film musical. Les chanteurs et la divine Oum Khalsoum règnent sur les films dès le début du parlant et rayonnent dans tout le monde arabe. L’Amérique du Sud ne sera pas en reste. Le Mexique avec la « musica tropical » et l’Argentine dont le premier film sonore s’intitule nécessairement Tango (1933) rivalisent pour une position hégémonique dans le monde hispanophone et le Brésil puise tout naturellement dans la samba et le carnaval. Mais c’est sans doute à Hollywood – à tout seigneur, tout honneur- que cette filiation sera la plus riche et la plus féconde. À partir de La mélodie de Broadway (1929), le premier film All- Talking, All- Singing, All- Dancing, Hollywood invente un nouveau genre à part entière : la comédie musicale. L’engouement du public est immédiat et ne se démentira pas jusqu’à la fin des années 50. Depuis lors, l’histoire du cinéma américain est régulièrement ponctuée de grands succès qui renouvellent périodiquement le genre. En réalité, un peu partout dans le monde, le film musical renaît continuellement de ses cendres. Il suffit de penser à Jacques Demy en France dans les années 60 ou aux opéras filmés de Zeffirelli dans les années 80. Jusqu’en ce début de XXIème que certains n’hésitent pas à qualifier de « nouvelle ère musicale ». Cette constante de la musique et du chant dans l’art du film ne lasse pas d’interroger. Paul Vecchiali a coutume de dire que « la chanson permet d’aller plus loin dans l’expression des sentiments » et de faire ainsi passer avec délicatesse ce qu’on n’oserait pas dire autrement. Et, au fait pourquoi allons-nous au cinéma ? Si ce n’est pour vibrer avec les personnages, nous projeter dans un ailleurs, faire un détour par les sentiments de l’autre pour nous éclairer sur nous-mêmes. Bon festival !

Josiane Scoleri

Festival 2020 – 18ième édition – « La nuit et ses mystères » – du 07 février au 15 février

La nuit, trouble et mystère

Le cinéma est l’art de la vision par excellence. On va « voir » un film (dans le noir, d’ailleurs). Se pose alors très vite la question de nous faire voir quelque chose, y compris quand on n’y voit rien!  Autrement dit, comment filmer la nuit ou  plus largement comment éclairer l’obscurité. De multiples solutions techniques ont ainsi vu le jour au fil de l’histoire du cinéma. Meliès lui-même, dans son studio tout en verre à Montreuil, avait mis au point un système d’éclairage avec 15 lampes montées sur un cadre avec réflecteurs pour palier aux déficiences de la lumière naturelle et de la pellicule. Mais au-delà de la technique se profile l’essence même du cinéma-illusion et sa capacité à nous faire prendre gentiment des vessies pour des lanternes sans même avoir à nous forcer la main, tant nous sommes consentants. L’exemple le plus fameux est bien sûr celui de la nuit américaine qui consiste à filmer les scènes de nuit en plein de jour et que les Américains appellent avec leur légendaire pragmatisme anglo-saxon « day for night ». Quelques filtres et un peu de bleu feront bien l’affaire! Et c’est ainsi que tous les clairs de lune du monde sont devenus bleu cobalt, voire indigo pour notre plus grand bonheur. N’oublions pas à ce propos que le poste de chef  opérateur a longtemps  été le seul à être considéré comme indispensable à Hollywood, bien plus que celui de metteur en scène en position subalterne par rapport aux producteurs qui avaient le fameux « final cut ».

Cela dit, si nous avons choisi ce thème pour notre festival annuel, ce n’est évidemment pas pour passer en revue tous les trucs et ficelles du cinéma en la matière, mais bien parce que la nuit est en soi à la fois un objet et un sujet de cinéma à part entière. La nuit est ce domaine où tout bascule. Endormis, nous entrons dans le monde merveilleux du rêve où la pauvre logique diurne n’a plus court. Éveillés, nous perdons nos repères, enveloppés dans un mystère tour à tour excitant  ou  inquiétant. Le cinéma, dans sa passion pour la représentation du monde, se devait de relever le défi et de s’approprier-quoi qu’il puisse lui en coûter sur le plan technique – le monde de la nuit. Ainsi sont nées nombre d’expérimentations majeures et d’une certaine manière, on pourrait dire que tout le mouvement expressionniste résulte de ce désir de jouer avec l’ombre et la lumière. Il suffit de penser à ces chefs-d’œuvre que sont Nosferatu ou L’Aurore de Murnau. D’autres  genres emblématiques suivront, à commencer par le film noir, le bien nommé, où la nuit accompagne nécessairement femmes fatales et flics véreux. De manière générale, le film policier, le film de gangsters sous toutes ses variantes, exploitent volontiers le trouble qui fait rimer activités illégales et ambiance nocturne. On imagine mal mettre en scène les descentes de flics des Incorruptibles dans les bouges de Chicago sous un soleil radieux. La nuit, c’est l’envers du décor, là où la respectabilité vacille, où les notables s’encanaillent et révèlent leurs penchants les plus inavouables. Prostitution,  alcool, trafics en tous genre, le cinéma regorge de films qui nous emmènent dans ces mondes interlopes qui ont chacun leurs codes et leurs rituels et qui deviendront des univers cinématographiques à part entière, avec leur ambiance sonore et visuelle, leur personnages totémiques, leur rythme scénaristique, etc… Sans oublier le film de fantômes et de vampires, genre qui suscite toujours autant d’engouement depuis les débuts du cinéma. Bien sûr, comme toujours dans l’histoire du cinéma, le genre appelle le  dépassement, le détournement ou le renversement du genre lui-même. Ainsi nous avons vu des films de vampires qui font rire, l’exemple indépassable étant sans doute Le bal des vampires de Polanski ou des fantômes grotesques  qui ne font trembler personne. (Fantômes à Rome d’Antonio Pietrangeli que nous ne désespérons pas de passer un jour). 

Dans notre sélection de cette année, nous avons donc tenter  un aperçu panoramique à travers les époques, les styles et les continents pour explorer différents aspects du sujet. Avec J’ai engagé un tueur, nous sommes dans la parodie du film noir. Pour la première fois je crois dans l’histoire du cinéma quelqu’un met un contrat sur sa propre tête … pour le regretter presque aussitôt ! La nuit occupe donc une bonne partie du film, tueur à gages oblige, mais vire en permanence au burlesque. Il fallait oser et on peut compter sur Kaurismaki pour ça! La nuit au cinéma est avant tout urbaine et nous en aurons  de beaux exemples avec notamment Ghost Tropic de Bas Devos, une traversée nocturne de Bruxelles à pied qui s’avère une sorte de déambulation sociologique, entre beaux quartiers tranquilles et faune agitée qui agit comme le révélateur d’une réalité occultée. De même, la nuit à Dakar, dans Atlantique la nuit qui fait peur, la nuit qui réveille les fantômes, lesquels ne sont que l’autre nom de nos propres peurs.  Mati Diop réussit le tour de force de transformer le classique film de fantômes  en un film sur la lutte des classes ou pour le dire autrement  comment les pauvres parmi les pauvres (les femmes) peuvent vraiment faire peur aux riches tout en puisant dans la prégnance des esprits dans l’imaginaire africain. Nuit urbaine encore avec Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan, mais nuit magique, propre au déploiement de l’univers intime de chacun. Fantasmagorie onirique, rêve éveillé ou rêve tout court, nous finissons par nous envoler comme les amants du film en chaussant nos lunettes 3D. La nuit, c’est aussi le territoire de l’amour. Nous en aurons deux exemples opposés, mais en Noir et Blanc tous les deux . Un grand classique romantique avec Les nuits blanches de Visconti qui travaille la nuit comme espace où la parole et le corps se libèrent, où les sentiments s’expriment en accord avec l’ombre et la lumière . À l’autre bout du spectre, une première fois originale avec escort girl dans un hôtel de luxe aujourd’hui et même un bref écran totalement noir. Mais rassurez-vous, nous n’avons pas programmé L’Homme atlantique de Duras ! Beaucoup plus rare au cinéma, la nuit dans la nature avec Tropical Malady, dans le noir profond de la forêt vierge, si dense, si touffue que littéralement on n’y voit rien, où la moindre goutte de rosée, une feuille qui tombe, un insecte qui vrombit, notre propre respiration suffisent à nous faire tressaillir. Et si la nuit, c’est le cinéma, c’est aussi le théâtre avec cette inoubliable première de Cassavetes, Opening night l’artiste face au public et à la représentation du monde si fort et si fragile à la fois. Inoubliable Gena Rowlands. Et pour conclure, nous sortirons de la nuit avec le cinéma de Joseph Morder, ses jeux d’ombre et de lumière, de clair-obscur et de contre-jour entre présent et mémoire, pour terminer sous le soleil des Tropiques avec le dyptique inédit Assoud le buffle et Assoud et les fantômes de La Havane. Bon festival.

Josiane Scoleri

Festival 2019 – 17ième édition – « Le Cinéma des Studios » – du 22 février au 01 mars

Le cinéma et les studios, fabriques de rêves

On le sait, le tout premier film de l’histoire du cinéma, La sortie des usines Lumière se définit comme un enregistrement et une restitution du réel, comme jamais aucune forme d’art, ni aucune technique ne l’avait permis jusque-là. Ce fut la sidération dans le public. Nous sommes en décembre 1895. Il ne faut pas oublier que Méliès assiste à cette première projection et qu’il va tout de suite s’approprier ce nouveau medium pour amener le cinéma dans une direction diamétralement opposée. Méliès, héritier du grand magicien et prestidigitateur Robert Houdin, saisit immédiatement le potentiel magique du cinéma, aux antipodes du réel, dans le domaine du rêve et de l’illusion. C’est ainsi que Méliès créera le premier studio de cinéma, à Montreuil dès 1897. C’est là que vont s’inventer la plupart des innovations techniques et des trucages sans lesquels le cinéma n’existerait pas (arrêt caméra, surimpression, fondu enchaîné, etc…). Méliès ira jusqu’à tourner dans son studio des ‘‘actualités reconstituées’’, plus vraies que n’importe quel reportage, et reconnues comme telles.  Car c’est précisément cela le cinéma, c’est l’art de dire le vrai avec du faux. Le vrai se fabrique à l’abri des regards, entre artistes et techniciens dans ces lieux qui vont permettre de recréer des villes entières, les pyramides d’Egypte ou les palais de Samarcande, de nous faire entendre des armées au galop ou le vent dans les voiles d’un bateau pris dans la tempête. Ces lieux mystérieux où ne pénètre pas qui veut, ce sont les Studios. 2019 n’étant pas une année comme les autres pour Nice et pour les cinéphiles puisque nous fêtons les 100 ans des mythiques studios de la Victorine, nous avons décidé de nous emparer de l’événement pour rendre hommage aux multiples studios qui ont accompagné partout dans le monde l’émergence du cinéma. Une gageure pour CSF quand on y pense, nous qui donnons de préférence plutôt la parole aux cinéastes indépendants, et même viscéralement indépendants, que l’on songe à Paul Vecchiali, Sylvain George ou Joseph Morder. Mais une fois n’est pas coutume. C’est ainsi que nous irons de Nice à Bombay, de Ouarzazate à St-Pétersbourg, du Caire à Tokyo visiter bon nombre de « Wood » du cinéma pour terminer par ce petit faubourg californien du Bois de Houx. Un tour du monde en 8 jours, à la CSF. Un regret cependant, que nous n’ayons pas pu faire escale au Nigeria. Nollywood est devenu en quelques années, d’abord grâce à la vidéo, puis au numérique, le deuxième producteur de films au monde, derrière l’Inde, mais loin devant Etats Unis. Née dans la rue dans les années 90, aux antipodes du système des studios précisément, la production dépasse les 2000 films par an et presque tous les films continuent à être tournés en décors naturels. Dans l’histoire du cinéma, il est des moments de gloire et des moments de déclin. Et les studios, à Hollywood, à Moscou ou ailleurs ont chacun connu un âge d’or fait d’audace intellectuelle et artistique, d’innovation technique, d’expérimentation, en un mot de liberté. Hollywood à partir des années 30, avec l’arrivée des exilés européens, allemands et italiens entre autres, Moscou dès les années 20, avec le souffle puissant des premières années révolutionnaires.  Mais, cet esprit novateur conserve quelque chose de la dimension artisanale, voire ‘‘bricolo’’ des débuts du cinéma. Il n’est pas forcément compatible avec le développement d’une véritable industrie du cinéma qui requière efficacité, rentabilité et standardisation des procédures.  Le meilleur des studios viendra d’un temps où pourront se conjuguer sans contradiction la créativité des cinéastes et la solidité des moyens de production. C’est un équilibre qui n’est pas facile à tenir.  Et l’histoire des Studios le prouve amplement. Que l’on songe aux démêlés d’Orson Welles avec ses producteurs américains ou à la révolte des cinéastes du New Hollywood. Et surtout n’oublions pas que l’histoire du cinéma a toujours été partie prenante des soubresauts de l’Histoire avec un grand H. Cinecittà a été inaugurée par Mussolini et pensée comme un outil au service du régime. Quant aux Studios de Babelsberg, créés dès 1912, on sait tout le parti que Goebbels et son ministère de la Propagande tira de ces formidables capacités de production qui passèrent après la guerre, ironie de l’Histoire, sous la tutelle du parti communiste… Même si aujourd’hui la plus grande partie de la production cinématographique vise à accréditer la thèse du cinéma comme distraction, loisir consommable parmi d’autres, tout film en dit plus long sur son époque qu’il n’y paraît au premier abord. Dans la sélection de ce festival 2019, nous avons choisi des films qui nous semblent, chacun à sa manière illustrer cette alchimie volatile à l’extrême où les moyens de production sont mis au service de la démarche artistique d’un auteur. Des films emblématiques. Des films parfois un peu méconnus dans la cinématographie d’un cinéaste. Des studios dont on ne parle plus guère aujourd’hui, comme les grands studios du Caire qui firent rêver le monde arabe et toute l’Afrique dans les années 50 avec ses mélos pur sucre où la morale est toujours sauve, même si nous avons choisi un film rare, très loin des clichés de l’époque. Et des lieux qui sont des terres de tournage avant même l’implantation de studios à proprement parler, comme Ouarzazate dans le sud Maroc qui accueillit de grandes productions dès les années 50.  Sans oublier Nice, terre de cinéma s’il en est depuis au moins 100 ans, qui a accueilli les plus grands metteurs en scène jusqu’à ce que la télévision et la publicité prennent les devants de la scène. Espérons que 2019 soit l’occasion de redonner toute sa place au cinéma et de faire revivre Nissawood.

Josiane Scoleri

Festival 2018 – 16ième édition – « Mythologies, Images du mythe et mythe des images »  – du 09 au 16 février

La 16ième édition aura lieu du 09 au 16 février 2018 sur le thème des « Mythologies » au cinéma. Des films inédits et des grands classiques de l’histoire du cinéma et du monde entier.

« IMAGES DU MYTHE ET MYTHE DES IMAGES … LA MYTHOLOGIE AU CINÉMA »

Le steak-frites, le Tour de France, la Citroën DS, les martiens ou l’abbé Pierre… ce sont certaines des manifestations retenues par Roland Barthes dans la liste de ses Mythologies parues au fil des années 1950. Sur 53 incarnations, le cinéma (qui n’a jamais eu les faveurs du sémiologue) s’attire 5 occurrences, parmi lesquelles le visage de Greta Garbo comme un concentré de la capacité du 7ème art à « faire mythe ». Cette force incontestable fait du cinéma un média sans égal pour populariser et universaliser, qu’il s’agisse de valider les succès littéraires récents (Harry Potter) ou plus anciens (Le Seigneur des anneaux), de réécrire les contes de fées (de l’adaptation plus ou moins fidèle des studios Disney à la liberté des réinterprétations depuis Shrek), voire d’édifier un univers dont l’ampleur signe la prétention immédiate à se poser en mythologie « des temps modernes », ambition dont La Guerre des étoiles de G. Lucas s’est trouvée presque instantanément couronnée, et dont le succès répété des nouveaux épisodes atteste d’une certaine robustesse. Mais au-delà de cette remarquable faculté à impressionner (au sens propre et au sens figuré), la relation du 7ème art à son matériau est pour ainsi originelle. La naissance du cinéma entre 1891 et 1895, coïncide avec un moment fort de relecture et de réévaluation de la mythologie, sous les forces conjuguées de deux disciplines neuves et en plein essor : l’anthropologie installée comme science officielle à partir de 1863 (création de la London Anthropological Society) et la psychanalyse qui surgit entre 1881 (travaux de Josef Breuer) et 1893 (Etiologie des névroses par Freud).

Les nouveaux modèles d’interprétation du mythe, sa revalorisation et sa redécouverte par la peinture et la littérature (de Picasso à Joyce) ont évidemment également profité au cinéma, qui a eu à coeur de s’emparer des formes anciennes traditionnelles de la culture populaire pour s’installer dans leur continuité. Ce sera la mythologie grecque ou le théâtre élisabéthain en Europe, les grandes mythologies asiatiques tel le Mahabharata, en Inde, en Asie du sud-est… Mais par ailleurs, en tant que première forme de spectacle à vocation universelle et non éphémère, le cinéma s’est immédiatement posé comme capable de conférer une aura mythologique aux grands récits même récents (Dr Jeckyll, Frankenstein), voire aux acteurs que le gros plan a su fétichiser. S’il faut attendre 1962 pour que les Marilyn sérigraphiées de Warhol poussent jusqu’au vertige la force ‘‘iconisante’’ du cinéma, c’est une évidence qui n’échappe à personne dès les premières années du 7ème art – et dont témoigne la hiérarchie des noms d’acteurs sur les affiches promotionnelles des films.

Le mythe grec en tant qu’arrière-plan culturel général de l’Occident a d’emblée intéressé le cinéma qui en a hérité sous sa forme théâtrale et par conséquent comme une somme de défis : immobilité, verbosité, stylisation de l’action… des caractéristiques aux antipodes de ce qui faisait la force du cinéma, mobile, singeant le réel, peu capable de longues tirades. Et de fait l’apparition de la mythologie sous les faisceaux de la caméra a donné lieu à toutes les formes de réécriture qui vont de l’actualisation à la libre reconstruction, éclairant bien souvent au moins autant le mythe lui-même que la relation qu’entretient avec lui une époque, une population, une classe sociale ou un réalisateur, comme le notent conjointement Barthes et Deleuze. Chaque réappropriation devient alors l’occasion de mettre en présences des patrimoines intellectuels, artistiques et sociaux, mais aussi et surtout de redéfinir une relation au temps : la tension portée par le réalisateur depuis sa lecture subjective du mythe, faite film pour en tenter la traduction en une langue universelle.

L’idée du mythe est celle d’une miniaturisation du réel, d’une totalité racontable en un temps limité d’un monde incarné par des étincelles autonomes les unes aux autres apportant une somme finie de leçons. C’est aussi la fonction du cinéma, pensée de la totalité, qui emprunte aussi au mythe sa narration circulaire et sa puissance d’incarnation du personnage. Mythologie et cinéma produisent semblablement une pensée symbolique (et non pas allégorique) irréductible à autre chose qu’elle-même. Comme le récit mythologique enfin, la séance de cinéma est répétée et appropriable à l’infini (au point que le cinéma indien a su produire des dieux, certains personnages aujourd’hui objets de culte…). C’est précisément cette plasticité des rapports du cinéma au mythologique que nous avons voulu interroger à travers la sélection de ce 16ème festival de Cinéma Sans Frontières :

La Médée de Pasolini est un concentré de toutes les ambivalences qui animent mythe et cinéma, où le sens de la mythologie est démultiplié comme dans un jeu de miroirs jusqu’au vertige : adaptation du mythe dans une version étendue au-delà de son incarnation par le théâtre antique, dépaysement vers une nouvelle terre plus propre à accueillir une pensée mythique à la fin des années 1960, choix d’une actrice hors-norme (Maria Callas) pour en faire une Médée prisonnière d’un univers appauvri, trop plat pour elle…

Avec le Profond désir des dieux d’Imamura, c’est la mise en accusation des valeurs et des limites à leur acceptation qui se pose jusque dans la société japonaise de 1967, tandis qu’Angelopoulos choisit de convoquer la figure d’Ulysse pour retraverser les frontières d’une Europe qui se lézarde ; et c’est encore vers une quête conjuguée au passée que se tourne Le Regard d’Ulysse.

Le Tibétain Pema Tseden semble chercher à donner le visage de son berger Tharlo aux mots du cinéaste marocain Moumen Smihi « Un pays qui ne produit pas d’images est menacé de famine. Ceci dans le sens où la production d’images aujourd’hui est un fait de civilisation, donc une question de vie ou de mort par rapport à l’idée, très importante, d’identité culturelle. »

Avec Yeelen, Souleymane Cissé propose un retour à l’essence de toute mythologie, peut-être de toute connaissance symbolique, en cherchant à retrouver le moment de la séparation de la lumière et des ténèbres.

Le Pandora d’Albert Lewin convoque deux monstres sacrés du cinéma pour incarner une rencontre inédite, non pas seulement de deux personnages mythologiques (la première femme Pandore et le capitaine maudit du Hollandais volant), mais de deux matières mythologiques (celle de l’antiquité grecque et la mythologie germanique plus récente).

Avec la soirée documentaire nous rappellerons que si les 1ers films furent documentaires ils n’excluent nullement d’interroger la mythologie : le jeune Clément Cogitore frottera son Braguino sibérien à l’épique chasse à l’hippopotame filmée par Jean Rouch dans sa Bataille sur le grand fleuve, à la recherche du peuple manquant deleuzien.

Enfin le rideau du 16ème festival tombera sur le dernier western, le crépusculaire Misfits de John Huston, qui incarne à lui seul l’incroyable puissance évocatrice d’un genre, les destinées tragiques de héros mythifiés, mais aussi la pleine conscience d’un cinéaste réalisant, comme un bouquet final ne projetant que des ombres, la dernière incarnation d’un genre qui sembla se confondre avec le cinéma lui-même.

Bruno Precioso


Festival 2017 – 15ième édition – « La Couleur » au cinéma – du 03 au 10 février

La 15ième édition aura lieu du 03 au 10 février 2017 sur le thème de « La Couleur » au cinéma. Des films inédits et des grands classiques de l’histoire du cinéma et du monde entier.

 » COULEURS ! »

La couleur au cinéma : une longue histoire d’amour.

Des premiers films peints à la main directement sur la pellicule à l’invention du Technicolor et aux possibilités démultipliées du numérique aujourd’hui, la couleur a toujours été présente au cinéma pour créer davantage d’émotions, pour se rapprocher du réel ou au contraire nous emporter dans le monde du rêve.
Nous avons modestement essayé de rendre  compte de cette diversité d’approche dans notre sélection en 7 longs-métrages et 2 court-métrages  avec comme toujours des films phares qui ont marqué l’histoire du cinéma, des films inédits, des perles rares. À découvrir, à voir et à revoir en copie neuve et sur grand écran.

Pour rendre compte des débuts de la couleur au cinéma, la première version de « Cyrano de Bergerac » de Augusto Genina, en 1923, peint au pochoir et merveilleusement restauré avec des couleurs d’une délicatesse inouïe. Un film à découvrir absolument pour tous les cinéphiles de la région.

Parmi les films qui travaille sur une palette réduite ou avec une couleur clairement dominante pour aiguiser notre regard et magnifier l’émotion,  » Pierrot le fou » de Jean Luc Godard ( 1972) un hymne au bleu …du ciel, de la mer et de l’âme.

« La forêt de Mogari » de Naomi Kawase ( 2007) Grand Prix du Jury à Cannes. Tous les verts de la nature pour dire la résilience de la vie et l’éternel mystère de la mort. Une réflexion profonde et légère à la fois, tout en subtilité.

« Cris et Chuchotements » de Ingmar Bergman : le choix d’une palette réduite au Rouge, Noir et Blanc Rouge de la passion face à l’obscurité et à la lumière. Jamais peut-être l’intensité du non-dit ne nous aura-t-elle fait toucher du doigt la violence des sentiments les plus refoulés.

Un tout autre rouge dans un  registre totalement différent, Suspiria de Dario Argento (1982) quand le maître du suspense et de l’épouvante s’amuse à détourner ses propres codes. Le dernier film tourné en Technicolor, d’une audace incroyable.

Une autre approche encore avec le film iranien inédit « Valley of stars » ( 2017) de Mani Haghighi, tourné sur l’île désertique de Qemsh dans le détroit d’Ormuz. Le sable du désert devient inquiétant dans son omniprésence impénétrable. Un cinéaste très atypique par rapport à ce nous connaissons du cinéma iranien : drôle, irrévérencieux,mêlant tous les genres avec des images à couper le souffle.

Enfin, L’ivresse de la couleur sans limite, le Technicolor au sommet de sa gloire  avec « Le Voleur de Bagdad » ( 1946) de L. Berger et Michael Powell, pour rêver et retrouver l’enfance qui est en nous à travers le récit mythique des Mille et Une nuits.

Cinéma sans frontières s’efforce de montrer régulièrement des courts-métrages pour soutenir le travail de jeunes réalisateurs. Pour le thème de la couleur, nous avons retenu « Azurite » de Maud Garnier ( 2011) où le bleu est la couleur du sang et « Toutes les couleurs de la nuit  » d’ Éléonore Berrubé  (2016) où l’obscurité est la matière même du film.

Josiane Scoleri

Programme du Festival 2017 :

    • Vendredi 3 février à 20h30 : VALLEY OF STARS de Mani Haghighi (Iran, 2017, 1h48, vostf) précédé du court-métrage TOUTES LES COULEURS DE LA NUIT de Éléonore Berrubé (France, 2016, 16′)
  • Samedi 4 février à 20h30 : PIERROT LE FOU de Jean-Luc Godard( France, 1965, 1h55)
  • Dimanche 5 février à 17h : LE VOLEUR DE BAGDAD de Ludwig Berger et Michael Powell (Royaume-Uni, 1946, 1h48, vostf)
  • Lundi 6 février à 20h30 : CYRANO DE BERGERAC de Augusto Genina (peint au pochoir) (Italie, 1923, 2h36)
  • Mercredi 8 février à 20h30 : LA FORÊT DE MOGARI de Naomi Kawase (Japon, 2007, 1h37, vostf)
  • Jeudi 9 février à 20h30 : SUSPIRIA de Dario Argento (le dernier film en Technicolor) (Italie, 1977, 1h35, vostf), précédé du court-métrage AZURITE de Maud Garnier (France, 2015, 24′)
  • Vendredi 10 février à 20h30 : CRIS ET CHUCHOTEMENTS de Ingmar Bergman (Suède, 1973, 1h30, vostf).


Festival 2016 – 14ième édition – « Exils » – du 18 au 25 mars

Programmation du 14ième Festival annuel 2016

EXILS

Étranger, forcément étranger quelque part

Le thème et le titre du festival de cette année, « Exils » – au pluriel, ont surgi brusquement et se sont très vite imposés parmi une demie-douzaine d’autres sujets possibles. La douloureuse actualité qui nous parvient des quatre coins du monde depuis plusieurs années déjà n’y est pas pour rien, on s’en doute. Le cinéma, fenêtre sur le monde, miroir du monde tel qu’on le voit ou tel qu’on le rêve, s’est souvent emparé de ce sujet qui traverse l’histoire de l’humanité, laquelle a d’abord été – faut-il le rappeler – nomade dans sa survie même. L’homme est fondamentalement mouvement tout autant que le cinéma. Cela dit, en choisissant ce thème, il nous est aussi apparu très vite que la question était beaucoup plus vaste et plus riche que ce qui nous est donné à voir tous les jours sur nos écrans de télé et plus largement dans les media.

L’exil politique, l’exil contraint et forcé par la guerre, par la persécution, la misère ou les catastrophes naturelles, le bannissement, le déplacement, la migration sont les multiples facettes de cet exil physique et géographique qui fait d’emblée irruption dès qu’on évoque la question. Nous les aborderons bien sûr dans le festival, mais nous avons tenu à aller au-delà de cet aspect premier pour tenter d’explorer des terres moins connues. L’exil entraîne inévitablement dans son sillage la question de l’appartenance, Appartenance à un groupe, un territoire ou un milieu, et qui sait à plusieurs ? Et déjà émergent les notions de communautés et de frontières, d’identité et d’altérité. Questions fortement chargées qui sont souvent l’autre nom de la guerre. Nous touchons à la plaie qui n’en finit jamais de se refermer, la malédiction de la condition humaine à laquelle nous tentons d’opposer le droit, la civilisation ou la poésie…C’est le barrage contre le Pacifique. C’est Sisyphe. L’exil implique souvent aussi la marge, voire l’exclusion, miroir de l’appartenance. Il dit forcément l’entre-deux, le 1+1=3. Et déjà certains ont le tournis. Leur vision se brouille. Une telle complexité effraie. Et elle effraie d’autant plus qu’on l’a vu la charge émotionnelle est forte. Le premier réflexe, pour beaucoup est alors de simplifier, contre la réalité elle-même, éloignant de fait sa compréhension. Les exemples sont nombreux, aujourd’hui comme hier qui reconduisent à la guerre. L’exil, c’est encore par nécessité l’ici et l’ailleurs, aujourd’hui et hier, qui entraînent les tours et détours de la mémoire, sauvegardée, transmise, effritée, reconstituée, inventée. Le sentiment de la perte et aussi celui de la mue, douloureuse presque toujours nécessaire et souvent entravée, une conquête qui peut être une renaissance ou au contraire un épuisement, un dépérissement. Le kaléidoscope est infini. En outre, ne l’oublions pas, s’il est presque toujours imposé, l’exil peut aussi être quelquefois volontaire.

Et le cinéma dans tout ça ? Qu’est-ce que le cinéma a à nous dire de nous-mêmes face à ce questionnement protéiforme ? Le cinéma a d’abord la grande vertu, de par sa plasticité intrinsèque, de pouvoir se saisir et refléter toutes les situations, tous les points de vue, toutes les lignes de fuite, ce qui en soi permet, à coup sûr, de rendre compte de la complexité évoquée plus haut. Mais il nous faut immédiatement ajouter le critère qui sert de boussole à toute la programmation de CSF, à savoir l’écriture cinématographique elle-même et tenter de définir en même temps les angles d’exposition que nous voulions privilégier. Ainsi ont émergé peu à peu quelques variantes de l’exil qui nous ont semblé correspondre à notre désir d’une définition plurielle, capable de nous amener à réfléchir en dehors des sentiers battus.

Généralement, le festival annuel nous offre l’occasion de revenir sur la mémoire du cinéma, de faire découvrir ou redécouvrir de grands films qui ont marqué l’histoire du septième art et qu’on rarement la possibilité de voir sur grand écran. De fait, la proportion de films récents y est souvent assez réduite. Cette année, c’est l’inverse. Nous avons un chef d’oeuvre absolu avec Andreï Roublev pour évoquer l’exil de l’artiste dans son propre temps, face à une société incapable de le comprendre, et aussi un film culte pratiquement invisible depuis sa sortie en 1968, il s’agit du premier film de Werner Herzog Signes de vie, l’exil de 3 soldats allemands de la Wehrmacht, largués sur une île grecque, dans l’enfermement du bastion qu’ils sont censés défendre jusqu’à en perdre la raison. Pour le reste, ce sont des films des années 2000 qui seront les classiques de demain, je pense notamment à Inland de Tariq Teguia : l’exil, relégation au fin fond du désert (un thème qui résonne fortement dans l’histoire de l’Algérie contemporaine) et Nostalgie de la lumière de Patricio Guzmán qui nous offre une réflexion poétique sur l’insondable mystère de notre « arrivée / exil » sur la minuscule planète Terre. Exil et identité avec Andalucia de Alain Gomis, film funambule entre drôlerie et gravité sur un sujet oh combien difficile. Exil et mémoire, lorsque les traces ont été sciemment effacées, c’est L’image manquante de Rithy Panh, réalisateur rescapé, exilé depuis l’âge de 16 ans. L’amnésie comme exil ou l’impossible construction de soi « hors sol » (L’homme sans passé de Aki Kaurismaki), une autre façon d’aborder la centralité de la mémoire dans cette thématique.

Une nouveauté cette année avec la présentation de plusieurs courts et moyens-métrages inédits en salle, pour aborder des thèmes aussi complexes que les liens de l’exil à la folie (Les insensés, fragments pour un passage de Béatrice Kordon), l’exil dans son propre corps (Amours et métamorphoses de Yanira Yariv) et la question brûlante de l’actualité, exil et migration, représentée par Ahlem de Alessandra Pescetta, et deux courts de Sylvain George dont le travail ne pouvait manquer dans cette programmation. Enfin, nous avons tenu à sortir le 35 mm de l’exil où le tient reclus le numérique, avec trois films sur pellicule qui est la vraie matière du cinéma.

Josiane Scoleri

Festival 2015 – 13ième édition – « Le Cinéma sens dessus dessous, quand le cinéma joue avec ses codes » – Du 06 au 13 février

Programmation du 13ième Festival annuel 2015

LE CINÉMA SENS DESSUS DESSOUS

Quand le cinéma joue avec ses codes

L’idée de ce festival est née d’une constatation récurrente et somme toute très simple : le cinéma n’est jamais aussi bon que lorsqu’il dépasse les codes et les genres qu’il s’est lui-même fixés. D’ailleurs, on pourrait voir  toute la programmation de CSF comme un long ruban de films hors normes ou transgenres.

Dès sa naissance, le cinéma s’est défini par deux genres majeurs qui perdurent aujourd’hui : D’une part, les films des frères Lumière qui enregistrent le réel ;  La sortie  d’usine ou L’arrivée du train en gare de La Ciota.  C’est la veine documentaire du cinéma. La réaction  du public voyant pour la première fois ce train sortir à toute allure du tunnel et foncer droit sur eux  est la marque première, indélébile et signifiante de la rencontre entre l’image en mouvement  et l’œil humain, de l’identification immédiate du spectateur à ce qu’il regarde…

L’autre grand genre du cinéma, c’est celui des films fantastiques de Méliès, les films qui, au contraire, ne racontent pas le réel, ou qui ne le racontent  pas nécessairement tel qu’il est. C’est l’immense domaine de la fiction, sous toutes ses coutures.

Mais très vite, le cinéma va dépasser les grandes catégories héritées du théâtre  et décliner des variantes qui lui sont propres et qui iront en se diversifiant au fil de son histoire.

L’idée du festival n’est évidemment pas de dresser un panorama complet de tous ces genres et sous-genres, mais de faire ressortir la puissance d’invention et de créativité qui surgit chez les grands cinéastes – et parfois chez les moins grands – dès lors qu’ils s’approprient les codes caractéristiques de chacun de ces genres.

La notion même de codification comporte en soi le risque du formatage et de l’étiolement, Ça donne le film prévisible,  les scénarios balisés,  le montage atone, la bande-son qui fait office de surligneur, les dialogues plats, le jeu d’acteurs standardisé, etc… Des kilomètres de pellicule hier, des millions de Giga aujourd’hui, sont consacrés à cette cause du plat réchauffé, de la charentaise et du parcours fléché où le spectateur est censé se sentir chez lui. Comme si c’était ce qu’on demandait au cinéma ! Bien au contraire, le  bon film, le vrai, celui qui nous reste, est celui qui arrive à nous surprendre avec ce que pourtant nous connaissons déjà.
En effet, le cinéma, même s’il n’a guère plus de 100 ans d’existence, s’est emparé instantanément, et peut-être plus profondément que  toutes les autres formes d’art, de notre imaginaire, il le peuple, il le colonise même avec une facilité déconcertante. À ce propos la manière dont le cinéma est advenu au monde est en soi significative.

Attraction foraine à ses débuts, divertissement immédiatement accessible, le cinéma commence par gagner ceux qu’on appellerait aujourd’hui les 99 %. De fait, il n’obtiendra que bien plus tard ses lettres de noblesse. C’est sans doute ce qui explique  que  nous soyons si nombreux à avoir intériorisé, sans même y  prêter jamais vraiment attention,  tous ces personnages-clefs, qui sont autant d’archétypes, du film noir ou du western, du film d’aventures ou du film-catastrophe, de la comédie musicale ou du polar…

Gangster au grand cœur ou brute épaisse, flic véreux ou détective irréprochable, femme fatale ou tendre ingénue, pistolero romantique ou marginal meurtri, jeune garce sans scrupule ou vielle dame complètement frappadingue, nous portons en nous toute une « comédie humaine » qui nous vient du cinéma, une galerie de portraits  qui se constitue par résonance avec  ce je-ne-sais-quoi de profondément intime auquel s’adresse le cinéma.

C’est précisément parce que nous avons absorbé si intimement tous ces personnages, toutes ces péripéties, tous ces passages obligés que nous détectons immédiatement ce qui s’en écarte pour nous entraîner ailleurs. Il suffit parfois d’un pas de côté pour nous désorienter, piquer notre curiosité, laver notre regard de tout ce qu’il connaît et le renouveler… Nous sommes les premiers surpris par cette opération de passe-passe et une bonne partie de notre ravissement vient de ce décalage, de ce va- et- vient constant entre ce à quoi nous nous attendions et  ce qui nous est servi en échange. À condition bien sûr de ne pas se faire avoir au change, car sinon la frustration s’avère vite totalement insupportable !
Tout le travail sur le genre s’effectue dans cet entre-deux. De la dérision à l’ironie, du détournement au renversement, le tragique se change en burlesque, le sublime en trivial, le terrible en drolatique et vice versa. Toutes les combinaisons sont possibles et n’en finiront jamais d’être explorées.

Dans notre  modeste sélection, nous avons, nous aussi, voulu vous surprendre par des  associations improbables, des rencontres inédites, des télescopages dépaysants, car qui a jamais vu un shérif qui carbure à  la limonade, un simple pneu qui se prend pour un serial killer, ou encore un faussaire qui dit la vérité ?… Mais au fond, pourquoi pas ? Au nom de quoi cela serait-il impossible ? Le réalisme, la vraisemblance, l’usage, la convention ? Foin de tout cela, il suffit que le réalisateur soit suffisamment convaincant pour vaincre nos éventuelles résistances et nous entraîner dans son monde qui est, alors, forcément, aussi un peu/ beaucoup/ passionnément/ à la folie le nôtre. À ce moment-là, par cette alchimie qui lui est propre, le cinéma nous découvre à nous-même et il ne tient plus qu’à nous de plonger non seulement dans l’inattendu du cinéma, dans l’inespéré du réel, mais dans notre propre inconnu.

C’est là, à n’en pas douter, la grande affaire du cinéma d’être à la fois la représentation  mimétique du réel – au-delà de tous les autres arts – et probablement de ce fait, le miroir d’un ailleurs insoupçonné.

Josiane Scoleri

Festival 2014 – 12ième édition – « Les Arts en Bobines, quand le 7e art regarde tous les autres » – Du 14 au 21 février

Programmation du 12ième Festival annuel 2014

LES ARTS EN BOBINES

Quand le 7e art regarde tous les autres

« Ahora vivo con ella voy limpio y bien peinado y tenemos una nina a la que a veces digo tambien con alegria: no sirves para nada, hija mia no sirves, no sirves para nada. »
(José Agustin Goytisolo).

Cette année, le thème du festival porte sur l’expression artistique sous toutes ses facettes – ou presque. Non pas dans un esprit documentaire ou illustratif, mais plutôt pour essayer de s’approcher au plus près, par les moyens propres du cinéma, de cette alchimie mystérieuse qui conduit à la création.

Dans cet esprit, nous avons sélectionné 12 films qui chacun pose la question de la production d’oeuvres d’art, activité propre aux hommes et semble-t-il aussi lointaine que la vie en société.

Impossible alors de ne pas se demander pourquoi ? Qu’est-ce qui pousse aussi impérieusement les hommes à s’adonner de tout temps et sous toutes les latitudes à cette activité a priori si peu « utile », ou en tout cas pas utilitaire. Elle ne sert apparemment ni à la préservation de l’espèce, ni à la survie du groupe. Ou pour dire les choses un peu brutalement : « L’art, à quoi ça sert ? » Et si certains étaient tentés de répondre tout aussi brutalement : « À rien », l’impression qui émerge et s’impose tout de suite, c’est que la réponse est très certainement un peu courte au vu de l’histoire de toutes les civilisations. Ou alors peut-être faudrait-il ajouter dans la foulée qu’il n’y a décidément rien de plus précieux que ce qui à première vue « ne sert à rien ». Aimée Césaire avait coutume de dire : « La culture a été inventée par l’homme pour rendre la vie vivable et la mort affrontable ». On comprend mieux dès lors comment et pourquoi l’art infuse toutes les strates de la société, du cercle du pouvoir et des élites jusqu’aux milieux les plus populaires avec une belle vivacité qui ne se dément pas.

Nous en avons deux bons exemples dans la programmation avec d’un côté l’émotion esthétique pure découlant d’un raffinement extrême dans la musique dite « savante » (Le salon de musique de Satyajit Ray) et à l’autre bout du spectre, l’émotion jubilatoire provoquée par toutes les formes de musique populaire jouées par un groupe tout sauf glamour (Leningrad cowboys go America).

Mais puisque nous sommes au cinéma, se pose aussi la question de savoir ce que le cinéma, art populaire par excellence qui a conquis ses lettres de noblesse de haute lutte, apporte de spécifique dans le regard qu’il pose sur les autres arts.
Car si la caméra nous permet de voir ce qui n’est généralement pas montré, (le tableau en train de se faire et de se défaire dans Le songe de la lumière de Victor Erice, ou les acteurs répétant leurs répliques dans César doit mourir des frères Taviani), elle dirige aussi notre regard sur tel ou tel détail, ou nous oblige carrément à voir ce que nous n’avons pas forcément envie de voir (le désir de toute puissance de l’artiste qui confine à la folie dans La bête aveugle de Masumura). Nous embobine-t-elle pour autant ? Oui et Non.

OUI, bien sûr puisque qui dit cinéma dit mise en scène, montage et donc manipulation de notre regard et de nos émotions.

NON puisque ce faisant, le cinéma nous révèle une autre vérité que lui seul peut faire émerger.

Voici en tout cas une question qui mérite d’être posée et qui nous l’espérons nourrira (entre autres) les débats du festival.

Josiane Scoleri

Festival 2013 – 11ième édition – « Serviteurs ! » – Du 01 au 08 février

Programmation du 12ième Festival annuel 2013

Servir au cinéma

Le thème du festival de Cinéma sans Frontières cette année tourne autour de la figure du domestique, de la femme de chambre, de la servante ou du valet. Personnages qui passent pour secondaires, mais qui bien souvent sont au centre de l’intrigue, voire du pouvoir. Placés par leur fonction même à des points d’observation stratégiques, ils offrent par définition un autre point de vue, une autre perspective que celle du dominant. Présents dans les mythes et les tout premiers récits qui nous soient parvenus, dans les pièces du théâtre antique comme dans le roman, la littérature de tous les continents est remplie de ces couples inégaux où Sancho est aussi célèbre que Don Quichotte et Scapin bien plus que Léandre.

Car c’est bien l’inégalité de ce rapport qui en fait toute la complexité. Et si le domestique est au service de son maître et en dépend pour sa survie, le maître est bien souvent incapable de faire face au quotidien sans son domestique. Nous sommes au coeur de la problématique du rapport dominant/dominé et de la dépendance. C’est un vaste sujet qui traverse toutes les sociétés humaines. Car malgré la persistance des légendes sur les temps idylliques des débuts de l’humanité, il semble bien que les hommes n’aient jamais réussi à vivre ensemble dans l’égalité et qu’ils n’ont jamais fait autre chose dans leur organisation sociale que transposer de façon plus ou moins codifiée la « loi de la jungle » des origines.

C’est à ce titre que le rapport entre maître et serviteur est intéressant, car il porte en concentré toutes les facettes potentielles de cette dynamique. Une dynamique qui va de la domination la plus brutale à la manipulation insidieuse en passant par toutes les formes de l’aliénation, de la soumission apparente ou réelle, mais aussi de la révolte et de la revendication. Une dynamique qui pose tout aussi bien la question de la liberté et de la légitimité du pouvoir. Le cinéma, par sa proximité mimétique avec le réel, nous plonge par nature au coeur des situations et active un puissant mécanisme d’identification aux personnages.

Or, dans le couple maître /serviteur, en particulier lorsque le propos du film est justement de rendre compte des ramifications et des contradictions d’une telle relation, ce mécanisme d’identification ne se rend pas forcément lisible d’entrée de jeu vers l’un ou l’autre, le spectateur n’est pas à même de prendre d’emblée parti, il peut y avoir des allées et venues, voire des retournements en cours de route. C’est ce qui fait toute la richesse de l’expérience et la force propre du cinéma.

Nous espérons donc que les 7 films de ce festival organisent, chacun à leur manière, une plongée au coeur de cet écheveau de relations pleines de tensions, de conflits et de non-dits, mais aussi d’amitié et d’estime, où se retrouvent tant d’aspects du vivre ensemble de cet animal social qu’est l’être humain.

Bon Festival ! Josiane Scoleri

Festival 2012 – 10ième édition – « Censure(s) » – du 03 au 10 février

Programmation du 10ième Festival annuel 2012

Ce festival est dédié à la mémoire de Paul Carpita, ainsi qu’à Jafar Panahi

Tous les films en version originale sous-titrée.

Présentations et animations des débats:
Bruno Precioso (BP), Josiane Scoleri (JS)
Philippe Serve (PS), Stéphane Szönyi (SS)

Cinéma et censure(s)

La censure au cinéma est née à peu de choses près avec le 7ème art lui-même. Le temps que les institutions, les pouvoirs en place, mais aussi les bon(ne)s citoyen(ne)s épris de morale comprennent la révolution en cours. Soit une quinzaine d’années. On s’aperçut qu’il ne s’agissait plus d’impact sur quelques milliers de personnes, comme le théâtre – lui-même surveillé – mais sur des millions à travers le monde. Les Etats démocratiques, réels ou autoproclamés, à l’instar bien sûr des pays les plus autoritaires, se sentirent soudain menacés dans leurs fondements mêmes, que ceux-ci relèvent de l’idéologie, du religieux, de la morale ou de tout cela à la fois. Car le cinéma se fait volontiers innovant, provocateur, contestataire. Initiée directement par les gouvernements ou provoquée par les groupes de pression et autres lobbys, la censure s’installe. Ou plutôt les censures, tant celle-ci aime à se parer de multiples atours : censure politique, économique, religieuse, judiciaire, militaire, morale, censures cachée, revendiquée, ciblée, pour l’exemple, sans oublier, en tout temps et en tout lieu, la très prisée autocensure ! Bref, il y en a pour tous les goûts…

Sa forme varie également, allant de la simple coupe de plan à l’interdiction pure et simple en passant par tous les stades intermédiaires possibles : modification du scénario par coupes ou rajouts, montage imposé, refus à l’exportation ou à l’importation, charcutage et manipulation dans le sous-titrage de films étrangers, refus de financement, menaces de poursuites judiciaires, campagnes de presse, manifestations, émeutes, etc. Jusqu’à la saisie et la destruction des copies, l’arrestation, la condamnation, l’emprisonnement – voire pire – des auteurs du film. Pas un pays, sans doute, n’a échappé, à un moment ou un autre de son histoire, à la tentation inhérente des pouvoirs en place de pratiquer la censure ou de céder aux pressions. Les contextes de crises (économiques, guerre chaude ou froide, révolutions et contre-révolutions) favorisent la mise en place d’un système répressif toujours plus efficace. La censure étant donc multiforme, établir une liste des films en ayant été victimes depuis un siècle s’avèrera vite une tâche impossible. Car lorsqu’un code officiel est établi et règne en maître, tous les films produits peuvent alors êtres soupçonnés d’avoir été quelque part censurés ou autocensurés. Ainsi de toute la production hollywoodienne ayant dû subir le tristement célèbre Code Hays, du début des années 30 jusqu’au milieu des sixties. Avec en rajout et pendant une douzaine d’année (1947-1960) l’impitoyable censure du Maccarthysme.

On remarquera l’attention et l’intérêt pour le cinéma – voire une réelle cinéphilie ! – de la plupart des dictateurs qui, du coup, parfaitement conscients de l’importance du cinéma sur les populations, ne cessèrent d’utiliser (propagande) et de censurer celui-ci. Lénine puis Staline, Hitler, Goebbels, Mao ou le récent défunt Kim Il-sung – lui-même réalisateur de plusieurs films – affirmèrent tous à la suite du premier nommé que « de tous les arts, le cinéma était le plus important ». Oui. A condition que je le contrôle, bien évidemment…
Autre forme de censure possible, plus vicieuse car elle n’en possède pas les critères de base, la Critique. Lorsque celle-ci rejette violemment un film en raison d’un ou plusieurs éléments autres que ceux (forcément subjectifs) du plaisir ou de l’intérêt qualitatif artistique et/ou intellectuel, autrement dit lorsque se cache derrière l’opinion un jugement idéologique, elle peut entraîner dans son sillage – volontairement ou pas – et selon son influence, une réaction de boycott, voire de violence d’une partie du public avec des conséquences proches de la traditionnelle censure. Sans aller forcément jusqu’à crier « le public a toujours raison, méfions-nous de cette tendance marquée de l’intelligentsia cinéphile à croire que le droit de création et le bon goût ne saurait exister que dans ses choix éclairés et – disons-le – trop souvent élitistes, sous prétexte d’exigence. A Cinéma sans Frontières, si nous nous réclamons nous-mêmes d’une certaine exigence de qualité cinématographique et sommes davantage tournés vers le cinéma considéré Art et Essai, nous croyons en l’absolue nécessité de liberté pour tous les cinémas, du plus vulgairement commercial au plus expérimental. Les approches, souvent différentes voire opposées, de ses animateurs envers le 7ème art, garantissent à elles seules le respect de la diversité.

Pour établir la programmation de ce Festival, nous avons essayé de maintenir cette idée de diversité. Diversité de genres (fictions, documentaires, documentaires fictionnels et fictions documentarisées), d’humeurs (drames et comédies), d’époques (les sept films choisis couvrent les cinquante dernières années) et bien entendu, puisque principe de base de notre association, géographiques. Comme d’habitude, beaucoup de premiers choix ont dû être abandonnés en raison de l’impossibilité de trouver une copie. Ainsi en est-il du Sel de la Terre (Salt of the Earth, Herbert J. Biberman, 1954), du Crime de Cuenca (Pilar Miro, 1979) ou de La Religieuse (Jacques Rivette, 1965) pour n’en citer que trois. Nous avons renoncé, en raison de leur durée, au Chagrin et la Pitié, superbe documentaire de Marcel Ophüls (1969, 4 heures) ou au célèbre Ivan le Terrible de S.M. Eisenstein (1942-45, 3h10) dont seule la deuxième partie fut interdite par Staline, mais il était inconcevable de la présenter isolée.

N’oublions pas qu’à toutes les diffusions de CSF doivent se rajouter un temps de présentation, plus un débat au minimum d’une heure, celui « où le public à la parole« .

Nous avons aussi écarté les films bien dans le thème mais déjà passés à une séance CSF : Le Rendez-vous des Quais (Paul Carpita, 1955, à la mémoire de qui nous dédierons ce festival), Punishment Park (Peter Watkins, 1971), Les Sentiers de la Gloire (Stanley Kubrick, 1957), Les Démons à ma porte (Jiang Wen, 2000), Le Cercle, Sang et Or, Hors-Jeu (Jafar Panahi, 2000, 04, 06), Toto qui vécut deux fois (Cipri et Maresco, 1998), La Vie de Brian (Monty Python, 1978), Chou sar ? (De Gaulle Eid, 2010). Nous aurions pu consacrer toute la sélection à… Grace Kelly, puisqu’après son mariage princier à Monaco, tous ses films furent interdits de diffusion sur le rocher !

A l’arrivée, nous espérons que vous ne vous plaindrez pas de la sélection définitive. Vous découvrirez en exclusivité sur Nice un documentaire français invisible pendant 50 ans et tourné « à chaud » sur le massacre des Algériens de Paris en octobre 1961 (Octobre à Paris, Jacques Panijel, 1962). Ce film événement fera l’ouverture du festival. Il sera suivi d’un film coréen (d)étonnant sur l’amour très physique de deux personnes âgées, Trop jeunes pour mourir (Park Jin-pyo, 2002), objet de scandale dans son pays et banni des écrans nationaux pendant un temps, avant d’être autorisé mais censuré. Vous retrouverez la force dénonciatrice et l’insolence de Luis Buñuel avec sa Palme d’Or cannoise Viridiana (1961), aussitôt sorti, aussitôt interdit par le régime franquiste. A défaut d’Ivan le Terrible, nous vous proposons un autre film soviétique, réalisé sous le souffle d’une apparente libéralisation du régime mais, comme les apparences sont souvent trompeuses, interdit pendant vingt ans, jusqu’à la Perestroïka et autre Glasnost, La Commissaire (Komissar, Alexandre Askoldov, 1967). Si vous ne connaissez pas encore l’oeuvre de Peter Watkins, pourfendeur des mensonges et manipulations médiatiques, mais aussi inventeur de formes cinématographiques nouvelles, venez voir son chef-d’oeuvre, aussi court que puissant, La Bombe (The War Game, 1965). Commandé par la BBC qui refusa de le diffuser et le priva d’écran dans le pays pour vingt ans. Le rire, celui qui décape tout et dérange, n’est pas oublié dans notre sélection. Il sera provoqué par les inimitables Monty Python et leur Sens de la Vie (The Meaning of Life, 1983), interdit pour blasphèmes à répétition dans la très religieuse Irlande.

Et puis un festival sur la censure au cinéma ne pouvait pas ne pas diffuser un film iranien à l’heure où pas une semaine ou presque ne passe sans qu’un(e) cinéaste, producteur-trice, acteur ou actrice de ce pays ne soit jugé(e) et condamné(e). Et parce que CSF a été – il y a tout juste un peu plus d’un an – à l’origine de la création du Comité de soutien associatif 06 à Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof et que le premier nommé a vu sa condamnation de 6 ans d’emprisonnement et 20 ans d’interdiction de tourner confirmée en appel, nous avons décidé d’en remettre une couche. Notre Festival sera aussi dédié à ce grand cinéaste. Le Miroir a été choisi bien que n’ayant connu aucune censure, car nous avions promis au très nombreux public présent lors de l’hommage consacré au cinéaste en janvier 2011, de le repasser s’il sortait en version restaurée, ce qui est aujourd’hui le cas (la copie était alors abominable).

Il ne reste plus qu’à vous souhaiter un beau festival, de grandes émotions et à vous appeler, plus que jamais, à la vigilance et à l’exigence du respect de toutes les libertés. Pas seulement cinématographiques.

Philippe Serve

Festival Créole 2011 – Du 03 au 05 juin

Dans le cadre du Festival Créole du Cercle Méditerranée Caraïbe et de l’Année de L’Outre-Mer

Programmation du  Festival de Cinéma Créole 2011:

  • Rue Cases Nègres (Euzhan Palcy, 1983, 1h43)
  • Aliker (Guy Deslauriers, 2008, 1h50)
  • Tèt Grenné (Christian Grandman, 2000, 1h25)

Festival de Printemps 2011/4ième édition – Du 08 au 10 avril

Dans le cadre du Festival Créole du Cercle Méditerranée Caraïbe et de l’Année de L’Outre-Mer

Programmation du  Festival de Printemps 2011:

  • La Courtisane (Robert Z. Leonard, USA, 1931, 1h24, vostf)
  • Conférence illustrée: Greta Garbo par Philippe Serve
  • Le Roman de Marguerite Gautier (George Cukor, USA, 1937, 1h48, vostf)
  • Ninotchka (Ernst Lubitsch, USA, 1939, 1h50, vostf)

Festival 2011 – 9ième édition – « Double(s) » – du 04 au 11 février

Programmation du 9ième Festival annuel 2011

Tous les films en version originale sous-titrée.

Chaque film est précédé d’une présentation et suivi d’une discussion avec le public

Présentations et animations des débats:

Hervé Goitschel  (HG), Vincent Jourdan (VJ)
Bruno Precioso (BP), Josiane Scoleri (JS)
et Philippe Serve (PS).

Après un festival 2010 consacré au regard que le cinéma porte sur lui-même, avec les multiples jeux de poupées russes du cinéma dans le cinéma, le thème du double s’est imposé à nous comme porteur d’une réflexion encore plus large sur la question générale de la représentation. La question du double est très certainement inhérente à toutes les formes de création artistique puisque l’essence de l’art c’est justement de nous faire ressentir, entrevoir, concevoir autre chose que ce qui est communément perçu et admis comme réel par les institutions et le plus grand nombre. Un effet miroir à tout le moins surprenant, souvent déroutant, quelques fois irritant voire révoltant ou incompréhensible et pourtant fidèle. C’est bien là le rôle de l’artiste : nous tendre un miroir où nous ne nous reconnaissons pas forcément d’emblée, un miroir qui nous demande un effort : paradoxe des paradoxes. Cela vaut y compris pour la musique même s’il est beaucoup plus difficile de dire en mots ou en images ce que la musique nous raconte de notre rapport au monde, et pourtant nous en avons tous fait l’expérience la musique nous parle, nous saisit d’émotions souvent très fortes, jusqu’aux larmes parfois. La musique c’est l’évocation même de quelque chose d’insaisissable qu’il ne nous ait pas donné de percevoir autrement. Cela vaut aussi de toute évidence pour la littérature puisque les mots nous amènent à une visualisation indirecte, fruit de l’élaboration personnelle du lecteur qui voit défiler grâce à son oeil intérieur les batailles en cinémascope de la campagne de Russie dans « Guerre et Paix » ou les déambulations métaphysiques de Bloom à Dublin dans Ulysse. Mais cela vaut d’abord et avant tout pour les arts visuels – que ce soit le dessin, la peinture, la photo ou le cinéma,- puisque par définition leur raison d’être c’est de nous donner à voir… des images (l’abstraction étant elle aussi une image : nous savons au moins depuis le début du siècle dernier que représentation ne signifie pas forcément figuration). Et de nous les donner à voir frontalement, directement, sans médiation : à nous de nous débrouiller avec. Or, contrairement à l’adage selon lequel « un petit dessin vaut mieux qu’un long discours », une image, quelle qu’elle soit, a pour caractéristique d’être perçue différemment par tout un chacun. Les débats de Cinéma Sans Frontières nous en donnent régulièrement et amplement la preuve : nous voyons tous un film différent en regardant le même film. Et c’est justement parce que le cinématographe colle bien plus au réel que toutes les autres formes de représentation pratiquées par les hommes depuis Lascaux, c’est par son apparente reproduction sans faille du réel que le miracle se produit et qu’il nous permet de donner naissance à autant de perceptions qu’il y a de regardeurs. Il nous renvoie en effet automatiquement à notre propre rapport au monde, rapport unique et singulier, installé au plus intime de chacun d’entre nous. D’où il ressort que la question du double, du vrai et du faux, de l’original et de la copie, du parfaitement fidèle, de l’approchant et du déviant est bien au coeur de l’expression cinématographique dans la mesure où il ne peut pas exister de reproduction pure et dure du réel, que celle-ci passe d’abord au filtre de la sensibilité de l’artiste, même dans l’approche la plus strictement documentaire et entraîne à son tour immanquablement interprétation de la part du spectateur. À cela s’ajoute les moyens techniques propres au cinéma, ses différentes optiques, ses possibilités infinies de cadrage, le va et vient continu entre champ, hors-champ et contre-champ, le rythme du montage, la facilité avec laquelle le cinéma joue avec le temps : les flash-backs, les ralentis, les reprises, les ellipses, les variations sur la profondeur de champ, les mises en abime, toute cette grammaire du cinéma qui lui donne une plasticité puissante et unique dans la représentation artistique. Pourquoi les hommes ont-ils ce besoin apparemment inhérent à l’espèce humaine de faire vivre un double du monde qui est le leur ? Sans doute pour en avoir moins peur, essayer de le comprendre et se donner ainsi l’illusion de pouvoir le maitriser… On comprend que le fil de la création artistique remonte à la nuit des temps dès l’apparition des premiers groupes d’homo sapiens et ne se perdra qu’avec lui… Mais au-delà du double du réel que figure si bien le cinéma – et l’on sait l’engouement immédiat que suscitèrent les premières projections des frères Lumière partout dans le monde – l’être humain est aussi à la recherche perpétuelle du double de lui même. Poussé par un sentiment indéracinable d’incomplétude, accablé d’une insatisfaction insondable, l’homme double son questionnement sur le monde d’un questionnement encore plus insistant peut-être sur lui-même. Et là aussi, le cinéma est capable de par ses moyens propres de se saisir de ces interrogations et de les projeter en les magnifiant sur l’écran pour les rendre encore plus prégnantes par ce double balancement entre identification et distanciation qui n’appartient qu’à lui. Le cinéma est « bigger than life », ce que ni le théâtre, malgré des acteurs en chair et en os sur la scène qui se mettent en danger devant nous, et encore moins la télévision avec sa réduction symptomatique, ne peuvent revendiquer.

C’est pour cette raison que toutes les explorations de l’esprit humain sur lui-même se prêtent si bien au médium du cinéma. C’est ce que nous avons tenté modestement de rendre avec cette programmation sur le thème du double. Homme ou Femme, Homme et Femme à la fois, le mystère de l’appartenance à un « genre » est très certainement une des grandes questions qui nous agitent depuis toujours (Glen ou Glenda, de Ed Wood, un agité du bocal notoire), le mystère de la procréation et de la transmission en est un autre (Familia de Fernando León de Aranoa sur l’opposition entre famille réelle et famille fantasmée), le fantasme de la toute – puissance avec la création d’une autre forme de vie (Je suis un Cyborg de Park Chan Wook) avec en vis-à-vis la vie extra-terrestre sur laquelle l’homme n’aurait aucune prise (L’Invasion des profanateurs de sépulture de Don Siegel), le trouble quant à ce qui constitue notre identité propre avec L’Autre de Bernard et Trividic et Le Visage d’un autre de Hiroshi Teshigara et Mifune de Sǿrfen Kragh Jacobsen. Et enfin une interrogation du cinéma sur lui-même et le trouble engendré par l’image en tant que telle entre original et copie, archives et fiction avec Double Take de  Johan Grimonprez.

Il y aurait à n’en pas douter mille autres façons d »appréhender la question du double et nous explorerons sans doute encore bien des pistes au cours de prochaines séances.
En attendant bon festival 2011.

Josiane Scoleri

Festival de Printemps 2010/3ième édition – Du 04 au 06 juin

Programmation du  Festival de Printemps 2010:

  • La Divine (Wu Yonggang, Chine, 1934, 1h25, vostf)
  • Conférence illustrée: La Femme dans le Cinéma Chinois par Philippe Serve
  • Le Sorgho Rouge (Zhang Yimou, Chine, 1987, 1h30, vostf)
  • Le Printemps dans une petite ville (Tian Zhuangzhuang, Chine, 2002, 1h55, vostf)

Plus que tout autre pays au monde – y compris l’Inde et ses Dévi-divas – la Chine n’a cessé de placer au centre de ses films des personnages féminins servis par des actrices immanquablement fascinantes, fusionnant en un même élan beauté et talent. Lorsque le cinéma chinois commence à se développer sérieusement, assurant ses propres productions et ses premiers longs métrages au début des années 1920, le pays se trouve en plein tourment. Une révolution républicaine a mis fin au régime impérial vieux de plus de 2000 ans et avec lui à la dernière dynastie Qing, d’origine mandchoue. Le pillage du pays – et son occupation de fait via les concessions internationales – par les Empires étrangers depuis le milieu du siècle précédent et les deux guerres de l’opium, ainsi que la guerre perdue contre le Japon en 1895, ont morcelé le pays des fils du ciel, le mettant à genoux. La révolution a vite été trahie et les Seigneurs de la guerre font régner leurs lois sur le nord de la Chine. Le Guomindang (GMD), parti de la révolution et de Sun Yat-sen se livre bientôt – à la mort de son emblématique créateur (1925) – aux mains de Jiang Jieshi (Chiang Kaï-chek), tandis que le Parti Communiste Chinois (PCC) se développe à partir de 1921, dans la foulée du Mouvement progressiste du 4 mai 1919. Dans tout ce tumulte, une chose est certaine : les valeurs multimillénaires de la société chinoise, les codes mêmes de sa pensée, sont remis en question. Le Confucianisme est battu en brèche, y compris par le GMD, du moins avant que celui-ci n’y revienne au début des années 30. La conséquence majeure en est la dénonciation de la condition faite aux femmes dans ce que les communistes appelleront après 1949 « l’ancienne société. » La femme chinoise est exploitée et maltraitée à tous les stades de son évolution et dans toutes les strates de la société, même si son statut – fondamental – de mère lui vaut une obligation de respect et d’obéissance de la part de ses enfants, y compris de sexe masculin. La femme est en réalité celle qui représente le mieux aux yeux des progressistes la condition réelle de la Chine : humiliée, vendue, violée, prostituée, faible et sans défense. Le cinéma va donc l’utiliser en parfaite métaphore politique, tout en luttant pour son émancipation. C’est au début des années 1930, après la conquête de la Mandchourie (fin 1931) puis le bombardement intensif de Shanghai (début 1932), Mecque cinématographique chinoise, par l’armée impériale japonaise, que le 7ème Art se gauchise et se radicalise. L’entrée massive – et surtout d’un très haut niveau qualitatif – de scénaristes, réalisateurs, techniciens, acteurs et actrices de gauche, membres ou sympathisant du PCC, va changer à jamais la face du cinéma du pays… et peut-être le pays lui-même. Au sein de la Lianhua, sans doute le plus important studio de l’époque, les cinéastes progressistes et ceux proches du GMD au pouvoir (lequel a fait da la lutte anticommuniste sa priorité au détriment de celle contre les Japonais) cohabitent difficilement sous l’oeil de la censure.

Entre 1931 et 1937, c’est à dire jusqu’à l’invasion générale de la Chine par le Japon avec occupation de Shanghai, les films de gauche se multiplient et les chefs d’oeuvre se succèdent les uns aux autres. Les deux mêmes thèmes, intrinsèquement liés, reviennent sans cesse : la misère sociale et la nécessité de la résistance antijaponaise, laquelle doit se doubler d’un engagement révolutionnaire pour une nouvelle société. C’est ici que la femme devient centrale à l’écran. Parmi les stars féminines de l’époque, à côté de l’impératrice de l’écran, Papillon Wu (Wu Die) figure la Garbo de Shanghai, RUAN LINGYU. Adulée par le public dès 1930 (elle avait tout juste 20 ans), l’actrice d’origine cantonaise enchaîne les (mélo)drames, reflétant à merveille les souffrances des paysannes, ouvrières, prostituées, mourant régulièrement à l’écran d’épuisement, de misère ou par suicide. Lorsqu’elle tourne en en 1934 LA DIVINE (Shen nü) sous la direction de Wu Yonggang dont c’est le premier film, elle possède déjà une grosse expérience professionnelle du haut de ses 26 films précédents (en sept ans !). Mais ses plus importantes expériences viennent s de sa propre vie, marquée par le malheur : pauvreté, victime de la variole puis de la typhoïde, mort de son père lorsqu’elle a six ans, suivant celle de sa soeur aînée quatre ans plus tôt, Ruan Lingyu (ci-contre) n’a pas démarré sous les meilleurs auspices. La suite sera pire. Une liaison avec le fils de la famille riche où sa mère est domestique, le harcèlement de celui-ci pour faire rembourser ses dettes de jeu par la désormais célèbre actrice, maniant le chantage et les menaces alors que le couple est séparé, une nouvelle liaison avec un riche marchand déjà marié, les incessants ragots de la presse de Shanghai, tout cela entame sa résistance physique et mentale jour après jour. A 24 ans, dotée d’une fibre maternelle très sincère – elle a adopté une petite fille – elle fait merveille dans le rôle de la prostituée qui ne vit et ne travaille que pour son fils et son éducation. Le naturel de son interprétation (le film est muet, comme tous ceux joués par Ruan Lingyu), élève celle-ci au-dessus du tout-venant. Son personnage est une vraie dénonciation – mais sans le dire en raison de la censure – de cette Chine obligée de se prostituer afin de pouvoir élever ses enfants et se faisant voler in fine tout le produit de son travail par celui là même qui l’exploite.

Avec LA DIVINE, le spectateur se retrouve face à une actrice, un personnage-archétype, un film, emblématiques au plus haut point et parfaites représentations de ce que le cinéma chinois et particulièrement shanghaien a pu offrir de plus élevé. Le film sera un triomphe et Ruan Lingyu enchaînera la même année avec Femme moderne du très progressiste Cai Chusheng. Inspiré par le suicide quelques mois plus tôt d’une autre actrice célèbre, Ai Xia, victime des ragots de la presse, le film se fera vivement attaqué par cette dernière, Ruan Lingyu se trouvant elle-même livrée aux chiens du scandale fouillant dans sa vie privée, malgré – ou à cause de – son interprétation saisissante dans le film. Après un nouveau film (National Style), Ruan Lingyu, comme tant de ses personnages, décide de mettre un terme à sa vie en avalant des barbituriques et après avoir laissé deux notes dénonçant les ravages des ragots. Son corps est découvert à l’aube du 8 mars 1935, Journée internationale de la femme, comme un symbole. Une foule estimée à près de 350 000 personnes assistera à son cortège funèbre dans les rues de Shanghai. Les journaux américains en feront même leurs unes. Ruan Lingyu avait 25 ans… A peine plus d’un demi-siècle après la mort tragique de Ruan Lingyu, une autre actrice chinoise va incarner toute une série de personnages féminins inoubliables. Figure de proue du nouveau cinéma de RPC et de la Cinquième génération, la somptueuse GONG LI – puisque c’est elle dont il s’agit – débute avec fracas dans le premier film de son Pygmalion et compagnon d’alors, Zhang Yimou, dans LE SORGHO ROUGE (Hong gao liang, 1987). Elle a 21 ans et poursuit ses études à l’Académie d’Art Dramatique de Pékin. Son incroyable beauté mais aussi un talent d’actrice hors-norme en fait aussitôt une vedette internationale, admirée de tous. Ses performances illuminent les toiles du monde entier : après Le Sorgho rouge, ce sera Ju Dou, Epouses et Concubines, Qiu Ju femme chinoise, Vivre !, Shanghai Triad (tous réalisés par Zhang Yimou) ou la Palme d’Or cannoise Adieu ma concubine (Chen Kaige, 1993). A son tour, Gong Li incarne pour des centaines de millions de Chinois(es)s les diverses facettes empreintes de souffrance de la femme chinoise. Dans LE SORGHO ROUGE, elle joue une jeune fille victime d’un mariage arrangé avec un homme âgé et lépreux mais riche car propriétaire d’une distillerie de sorgho. En un seul plan – le premier du film, son tout premier au cinéma – le visage juvénile de Gong Li représente toutes les femmes victimes de tels arrangements indignes depuis des siècles. Regard planté droit sur le spectateur, tout à la fois immensément triste mais aussi animé d’une fierté et d’une dignité incorruptibles, l’actrice prend le relais de Ruan Lingyu, en véritable ambassadrice des femmes de son pays. En un peu plus de vingt ans de carrière, Gong Li a déjà tout joué, des épouses forcées aux mères dévouées, en passant par les concubines, une impératrice, une peintre, une paysanne têtue enceinte jusqu’aux dents, une hôtesse de l’air, des prostituées, une servante, une chanteuse, une joueuse de cartes professionnelle, une geisha, une banquière sino4 cubaine… Nulles larmes au cinéma ne sont plus belles et plus vraies que celles de Gong Li ! Bravant les codes de la censure post-maoïste, elle emplit ses personnages de passion charnelle, revendiquant ainsi au nom de toutes ses soeurs bridées par des siècles de Confucianisme, une soif de liberté sexuelle au service de laquelle elle offre un corps naturellement érotisé. Gong Li s’est faite un peu plus rare à l’écran ces dernières années. Mais il suffit qu’elle apparaisse et on ne parle alors plus que d’elle. Après douze ans de séparation – sentimentale et professionnelle – elle a retravaillé avec Zhang Yimou pour l’encostumée La Cité interdite (2007), provoquant l’émoi des responsables chinois devant la profondeur de ses décolletés…

En 1948, juste avant que les forces communistes du pays ne l’emportent sur celles de Chiang Kaichek, le cinéaste de gauche Fei Mu tournait son avant-dernier film, trois ans avant de mourir prématurément à 45 ans : Printemps dans une petite ville (Xiao chengzhi chun, photo ci-contre). Critiqué à sa sortie comme une oeuvre réactionnaire d’un cinéaste droitiste, il est aujourd’hui considéré le plus grand film de l’histoire du cinéma chinois. Interdit pendant la Révolution Culturelle, ce n’est qu’après celle-ci et la mort de Mao que le film réapparut. Aussi bien Zhang Yimou ou Tian Zhuangzhuang, chefs de file de la 5ème génération de cinéastes chinois, que Jia Zhangke, le plus doué et le plus célèbre de la 6ème génération, reconnaissent ce film comme le plus grand. Wong Kar-wai n’a pas pu ne pas y penser en réalisant son célébrissime et magnifique In the mood for love. Le film faisait preuve d’un modernisme étonnant. Adaptant une nouvelle de Li Tianqi, Fei Mu y instaurait une atmosphère très tchékhovienne. Du cinéma de chambre, bien avant les oeuvres majeures de Bergman ou Antonioni. L’utilisation de la voix off de la protagoniste principale, véritable stream of consciousness renvoie aussi, quelque part, à l’univers feutré mais intérieurement intense de Virginia Woolf. En même temps, le film est complètement chinois, autant sur le fond empreint d’hérédité confucéenne où la morale prend le pas sur la passion réfrénée et frustrée, que sur la forme dépouillée à l’extrême et multipliant les symboles. Grande surprise donc d’apprendre au début du nouveau millénaire que Tian Zhuangzhuang en préparait une nouvelle version. Un peu comme si l’un de nos cinéastes les plus doués proposait de refaire Les Enfants du Paradis ! La question de ce choix se posait d’autant plus que ce film marquait le retour de Tian derrière une caméra après neuf ans d’interdiction de tourner suite à son magnifique Le Cerf-volant bleu (1993), très peu apprécié par le pouvoir. La vision du film, qui conserve le titre PRINTEMPS DANS UNE PETITE VILLE (2002, photo ci-dessous) répond en partie à cette interrogation. Il semble évident que Tian a voulu rendre son propre hommage au chef d’oeuvre de Fei Mu. Qu’il ait choisi un film qui fut interdit pendant son adolescence – il était alors Garde Rouge et a même dû dénoncer ses parents – après avoir lui-même connu les douloureuses affres de la censure, fait certainement sens. Tian reste extrêmement fidèle aux principes de mise en scène de Fei Mu, tout en y apportant sa touche personnelle. Tournant en couleur (l’original est en noir et blanc), il abandonne la voix off de Yuwen, l’épouse endormie que la visite d’un ami de son mari malade, en fait son ex-fiancé, vient tirer de sa langueur. Cette bande-son, très en avance sur son temps, participait énormément à la magie du film de Fei Mu, la voix omniprésente et volontairement monotone de l’actrice Wei wei semblant toujours enfouie dans la plus profonde ouate. En y renonçant, Tian Zhuangzhuang a sacrifié la poésie fataliste de Fei Mu, la compensant – ou du moins, essayant – par une élégance de tous les instants, mais à vrai dire déjà présente dans l’original. Avec ces trois films de très grandes qualités, Cinéma sans Frontières est aujourd’hui très heureux de vous permettre de (re)découvrir trois oeuvres majeures du cinéma chinois et trois facettes hautement
représentatives de la femme chinoise à l’écran.

Philippe Serve

Festival 2010 – 8ième édition – « Quand le 7ième Art se filme » – du 22 au 28 février

Programmation du 8ième Festival annuel 2010

Tous les films en version originale sous-titrée.

Chaque film est précédé d’une présentation et suivi d’une discussion avec le public

Présentations et animations des débats:

Hervé Goitschel  (HG), Bruno Precioso (BP), Josiane Scoleri (JS) et Philippe Serve (PS).

Cher(e)s ami(e)s cinéphiles, bienvenue au 8ème Festival annuel de Cinéma sans Frontières ! Cette manifestation constitue, vous le savez, le pic désormais traditionnel de notre activité. Nous vous espérons nombreux à découvrir les films que nous avons soigneusement sélectionnés pour vous. La forte fréquentation constatée à nos séances du vendredi soir depuis le début de cette saison 2009-2010 – de l’ordre de 75% de remplissage de la salle contre 50% l’an passé – doit être confirmée lors de cette semaine exceptionnelle doublement dédiée au 7ème Art : d’abord par définition, ensuite car les films qui vous seront proposés sont tous con-sacrés au… Cinéma.

Une fois le thème choisi – parmi bien d’autres possibles, mis de côté souvent à regret mais qui ne manqueront sans doute pas de ressurgir dans les années à venir – il fallut choisir parmi des dizaines de films candidats à la sélection. Comme chaque année, l’exercice se révéla délicat : écouter les conseils avisés des différents membres du Comité de Réflexion de CSF (notre Conseil d’administration), tout en sachant résister parfois à certaines pressions très amicales et têtues en faveur de tel ou tel film, œuvre passionnante mais dont la présence aurait mis en péril le fragile équilibre de la programmation. Car quand on n’a « que » huit films à présenter et un thème à multiples facettes, cette question d’équilibre devient primordiale. Ici, équilibre signifie diversité. Et diversité, nécessité. Nécessité par exemple d’assurer un maximum de cinématographies différentes : sept pays seront représentés cette année (Etats-Unis, France à deux reprises, Allemagne, Danemark, ex-Urss, Inde et Iran). Ou bien encore « couvrir » le plus possible la palette de genres et de sous-thèmes à l’intérieur du sujet choisi.

Ainsi, ce festival s’ouvrira le lundi par une comédie musicale échevelée et même déjantée, grand classique hollywoodien, sorte de cocktail détonnant dans lequel on aurait mélangé les univers des Marx Brothers, de Tex Avery, de Busby Berkeley et des futurs Monty Python. Cette œuvre qui mettra à rude épreuve vos zygomatiques est bien entendu le cultissime Hellzapoppin’ de H.C. Potter. Aucune copie 35mm n’étant plus disponible, le film sera projeté en DVD, les droits ayant été acquis par CSF auprès du distributeur. Le film fera l’ouverture de notre Festival et – nous en sommes certains – le lancera ainsi dans la bonne humeur.

Le lendemain mardi, nous rirons sans doute moins et réfléchirons davantage devant le film manifeste de Wim Wenders, revenu désabusé de sa première expérience hollywoodienne : L’Etat des Choses, réflexion puissante sur la mort du cinéma envisagé comme un Art, assassiné par les marchands et autres possesseurs de la boîte à pognon.

Le mercredi, nous nous pencherons sur le ou plutôt la Irma Vep d’Olivier Assayas ou comment recréer (ou pas…) les mythes cinématographiques. Avec la talentueuse (et ici très sexy) Maggie Cheung et le toujours détonnant Jean-Pierre Léaud, un mythe à lui tout seul diront certains.

Vingt-quatre passeront et nous quitterons la France pour le Danemark. S’il était autrefois difficile de ne pas associer ce pays à C.T. Dreyer, il est aujourd’hui synonyme de Lars Von Trier. Mais ici, le trublion du cinéma scandinave s’associe à son ami Jørgen Leth qu’il met au défi à travers une expérience de création ou plutôt cinq en une, expérience(s) frappée(s) de 5 Obstructions. Passionnant !

Le vendredi qui, chez les cinéphiles niçois n’est plus seulement celui de la fin de semaine ou du poisson mais aussi des séances « ciné-club » de CSF, vous réservera un vrai petit bijou en forme de Fleurs de papier. Ceux qui étaient avec nous il y a deux ans lors de notre mini festival de printemps consacré au cinéma indien se réjouiront de retrouver le formidable couple de L’Assoiffé / Pyaasa, Guru Dutt (le réalisateur-acteur)-Waheeda Rehman, dans un des plus beaux exemples du cinéma romantique hindi, contant la dramatique histoire d’un cinéaste maudit. A ne surtout pas rater !

Samedi, double dose où notre amie Josiane s’occupera de vous ! Tout d’abord, dans l’après-midi, vous pourrez (re)découvrir l’un des films les plus fondamentaux de l’histoire du cinéma, une œuvre en forme de manifeste, L’Homme à la Caméra, du soviétique Dziga Vertov dont l’influence fut au moins aussi importante que celle d’Eisenstein. Les adhérents de CSF ayant assisté la saison passée aux séances sur le Montage où il avait été largement question de ce film, ne le manqueront naturellement sous aucun prétexte. 
En soirée, le rythme imposé par le montage du film de Vertov se ralentira fortement avec le film-gigogne d’Abbas Kiarostami, Au travers des oliviers, sorte de mise en abîme au carré.

Notre festival prendra fin le dimanche soir avec son film le plus récent, véritable événement cinéphile de l’année 2009, sorti il y a quelques mois seulement et très fugitivement à Nice : L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot. Passionnant documentaire en forme de reconstruction sur l’un des projets avortés les plus mythiques du cinéma qui vous permettra de retrouver, sous des images extraordinaires d’invention, une Romy Schneider au faîte de sa beauté.

Naturellement, aucun film ne dérogera à la règle bien établie de Cinéma sans Frontières. Chacun bénéficiera d’une présentation et sera suivi d’un débat avec le public. Et là, vous le savez, « la parole vous appartient  en priorité ! » Lorsque le festival annuel 2010 éteindra ses feux, nous en serons à 283 films présentés depuis les débuts de l’association, 13 festivals divers, 8 « Hommages spéciaux » ou « Regards sur… » et pas moins de 50 cinématographies nationales. Tout cela pour vous mais aussi grâce à vous. Sans votre confiance, votre soutien, votre fidélité et votre participation active à nos débats, rien n’aurait jamais été possible. Soyez-en ici vivement remerciés au nom de toute l’équipe de C.S.F.

Nous tenons aussi à remercier le cinéma Mercury, son responsable Pascal Gaymard, son personnel si dévoué et sympathique et, plus largement le Conseil Général propriétaire du lieu et qui a renouvelé avec nous le partenariat que nous avions partagé pendant nos six premières années avec les anciens propriétaires André et Danielle Bémon que je salue très amicalement au passage. Et puisque l’heure est aux remerciements, nous n’oublierons pas le Conseil Régional PACA et ceux qui nous y soutiennent et qui se reconnaîtront, dont les subventions sont toujours primordiales à notre existence et à nos activités.
Et maintenant, que la fête commence ou plutôt, vu le thème de cette année :
Moteur ! Action !

Philippe Serve

Festival de Printemps 2009/2ième édition – Les 10 et 11 avril

Programmation du  Festival de Printemps 2009:

  • Nosferatu (F.W. Murnau, Allemagne, 1922, 1h30)
  • Conférence illustrée: L’Expressionnisme cinématographique par Philippe Serve
  • Cris et Chuchotements (Ingmar Bergman, Suède, 1972, 2h, vostf).
  • Epidemic (Lars Von Trier, Danemark, 1988, 2h).

En défense de l’Expressionnisme, vision vivante et moderne.

L’Expressionnisme cinématographique .

Voici un beau sujet de discordes dans les chaumières cinéphiles, répétées sans fin depuis près d’un siècle !

Premier enjeu : ce cinéma a-t-il seulement jamais existé ? Question incongrue ? Pas sûr, lorsque l’on sait à quel point les avis divergent déjà sur le sujet général de l’Expressionnisme stricto sensu – hors cinéma donc – et de sa/ses possible(s) définition(s). Concernant le septième Art, tout film jouant des rapports entretenus par l’ombre et la lumière, se voit aujourd’hui qualifié d’ « expressionniste », la paresse analytique n’étant pas le moindre défaut de bien des critiques. A la méconnaissance de ce que fut/est vraiment l’Expressionnisme (en fait, une interprétation personnelle du monde et en aucun cas une représentation de celui-ci), vision artistique qui ne fut jamais un mouvement et encore moins une école, contrairement par exemple au Surréalisme, s’ajoute le rejet permanent de la critique française, de Roger Leenhardt et Louis Delluc (inventeur de la critique cinématographique, des termes cinéaste et ciné-club, et réalisateur dédié à l’Impressionnisme) aux futurs cinéastes de la Nouvelle Vague, jeunes turcs des Cahiers du Cinéma, en passant par André Bazin, grand prêtre de la pensée critique officielle et dominante et pour qui le cinéma ne pouvait et ne saurait être que réaliste. C’est qu’aux yeux de toutes ces personnes – parfois fort différentes, par ailleurs – l’Expressionnisme pâtit d’un double handicap. Essayons d’y voir plus clair.

Pour les contemporains du Cabinet du Dr Caligari (1919) ou de Nosferatu (1922), l’Expressionnisme n’est pas une nouveauté, ayant déjà dominé les autres arts avant la première guerre mondiale. Peinture, sculpture, architecture, littérature, théâtre, musique, ce nouveau courant artistique fut immédiatement associé – non sans raison – à l’Allemagne. Et l’Allemagne, c’était le Boche, celui de la défaite de Sedan en 1871, le casque à pointe du Kaiser Guillaume II qui avait osé s’emparer de l’Alsace et la Lorraine, et dont le militarisme prussien menaçait encore en ces années de début de siècle… Cela aurait pu suffire à son rejet.

Mais il faut y ajouter que cet Expressionnisme se revendiquait ennemi de l’Impressionnisme et du Naturalisme, deux gloires de la culture française de la fin du siècle précédent. L’Expressionnisme allait même plus loin : il s’opposait à toute la conception culturelle – et civilisatrice ! – française du Classicisme, de la tradition gréco-latine, de la Renaissance, du Siècle des Lumières… La pensée allemande préférait le Moyen-Âge et le Romantisme – plus noir et plus fantastique que son équivalent français. Au calme et au rationalisme hexagonal, se dressait donc l’émotion, l’exaltation, les pulsions germaniques. Comprenez, en cette époque : l’esprit belliciste, avide de sang, de tyrannie et de mort… Dans un contexte aussi nationaliste que celui de l’avant première guerre mondiale, comment l’Expressionnisme – que Hitler et ses sbires qualifieront pourtant de dégénéré et non allemand moins de vingt-cinq ans plus tard – aurait-il pu s’imposer chez nous ?

Et les choses ne vont pas s’arranger… Le Cabinet du Docteur Caligari, premier film réellement expressionniste, sort en 1919, autrement dit au lendemain de l’armistice qui a mis fin à la plus grande boucherie ayant ensanglanté le territoire français. Même s’il a autant souffert dans les tranchées que le Poilu, le Boche n’a évidemment pas amélioré son image chez nous, bien au contraire. Et le chaos politique dans lequel prend naissance la jeune République de Weimar, vite coincée entre les menaces révolutionnaires d’extrême droite – nazies – et d’extrême gauche – communistes, après l’échec de la révolution spartakiste, agit comme un repoussoir supplémentaire pour une France hyper conservatrice, à la chambre des députés bleu horizon et dont les héros ne s’appellent plus Jaurès mais Clémenceau, Joffre, Foch ou Pétain… A ces considérations historico-politiques, il faut ajouter que l’Expressionnisme – en tant que tel et toujours hors cinéma, lequel a pris un gros retard sur les autres disciplines artistiques – vit ses dernières heures, battu en brèche par le Cubisme et l’Art abstrait puis supplanté par le Dadaïsme et le Surréalisme. L’arrivée dans notre pays de films expressionnistes éveille certes un grand intérêt mais ces œuvres sont jugés « dépassées », voire marquant un retour en arrière (ils évoquent trop le cinéma primitif d’un Méliès, alors que celui de Griffith montre la voie à suivre) et, partant, « sans issue ».

Rejetés pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, ces films allemands sont pourtant trop fascinants pour être ignorés. On les appellera alors caligariens ou on enfermera l’Expressionnisme dans un tel carcan de critères obligatoires – le contraire même de ce qu’il était ! – que le moindre film récupérable et aux influences pourtant évidentes se retrouvera privé de la reconnaissance de ses racines. Donnez-lui le nom que vous voudrez mais surtout pas celui d’expressionniste. Ainsi du Nosferatu de Murnau ou des grands chefs d’œuvre de Fritz Lang Dr.Mabuse ou Metropolis. La passionnante Lotte H. Eisner elle-même préfèrera parler de cinéma démoniaque plutôt que d’expressionnisme. En d’autres termes, pour qu’un film puisse être taxé d’expressionniste, il lui faut l’être totalement, à 100%, que l’expressionnisme soit pur, en quelque sorte. Ne restera plus alors qu’à le disqualifier en tant qu’œuvre cinématographique majeure et novatrice, justement en raison de cette soi-disant pureté qui entraînerait ipso facto son propre cul-de-sac. Fermez le ban. Magnifique tour de passe-passe d’une pensée bientôt monolithique et qui ne jurera plus que par le Néo-réalisme de Rossellini et le cinéma américain d’un certain… Fritz Lang ! En attendant naturellement la Lumière qui éclairera à tout jamais les ténèbres du cinématographe : la Nouvelle Vague et le nouveau cinéma du réel.. Comme si on ne pouvait pas tout aimer à la fois…

Bien sûr, je force le trait ! Mais la négation de l’existence vivace d’une vision cinématographique expressionniste, de l’importance de son surgissement et de sa capacité à évoluer au sein d’un cinéma moderne et sans cesse en recherche de nouvelles voies, résulte d’une attitude intellectuelle – je n’ose dire artistique – fermée et se rêvant comme exclusive. Démarche que l’on me permettra de considérer par conséquent comme non artistique car l’Art a, ou devrait avoir pour principe – du moins à mes yeux –de tourner le dos aux dogmes, aux vérités absolues, aux visions univoques.

Avec ce Festival – en trois films et une conférence – sur L’Expressionnisme au cinéma, Cinéma sans Frontières entend aller à contre-courant de cette pensée et montrer que oui, non seulement une vision expressionniste a clairement existé sur nos écrans mais qu’elle perdure tout en se renouvelant, grâce à des cinéastes du nom de Lars von Trier, David Lynch, Tim Burton, les frères Quay ou Guy Maddin, tous réalisateurs héritiers des Wiene, Robison, Martin, Murnau, Lang et venant après d’autres illustres descendants tels que Welles, Bergman, Browning, Whale, etc.. Et si le Nosferatu de Murnau et les Cris et Chuchotements de Bergman accompagnent le trop méconnu Epidemic de LVT dans notre programmation, c’est bien afin de prouver les diverses possibilités d’application d’une vision qu’on ne saurait juste ramener au mythique Cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene, présenté par CSF il y a un peu moins d’un an lors de son 6e festival annuel consacré aux Folies.

Nosferatu (1922), c’est le Dracula de Bram Stocker qui se cache sous un autre nom (le Comte Orlock, le terme Nosferatu signifiant vampire). Ouvrant la voie à un genre cinématographique des plus populaires (le film d’horreur), l’œuvre de Murnau brille encore aujourd’hui du même éclat qu’à son premier jour. Le magnifique travail de restauration, rendant au film ses teintes d’origine, en font un spectacle d’une beauté et d’une poésie saisissante. Le film rompait radicalement avec les œuvres estampillées expressionnistes précédentes : Caligari, bien sûr, mais aussi De l’aube à minuit, Le Montreur d’ombres, Genuine, Raskolnikoff, Torgus, etc. Cette rupture ne s’opérait pas au niveau du fond – on y retrouve la figure tyrannique, menaçante et envoûtante – ni même dans toutes les applications formelles (le jeu des interprètes et l’utilisation de la lumière, par exemple, restent dans la tradition) mais au niveau des décors. Jusque là, l’Expressionnisme cinématographique ne se concevait qu’en décors artificiels, montés – et surtout peints – en studio. Toute image de décor réel semblait bannie. Mais Murnau, cinéaste qui fut toujours particulièrement lié à l’idée de nature en bon disciple du grand cinéma suédois (que l’on pense à La terre tremble, L’Aurore ou Tabou), sort sa caméra et filme les Carpates ou la ville de Lübeck tels qu’ils sont, son inimitable vision poétique en plus. Pour l’auteur de ces lignes, non seulement Nosferatu relève d’une vision réellement expressionniste, mais le chef d’œuvre magnifie cette vision grâce au génie de son auteur et aux inventions formelles parfaites dont le récit, plus romantique que gothique, bénéficie tout au long de son déroulement.
Si Murnau demeure l’un des plus grands noms associés au 7e Art, il le doit à son approche toujours authentiquement cinématographique du récit, à l’instar d’un Ingmar Bergman.

Bergman, justement, on le retrouve pour le second volet de ce festival. Celui qui s’imposa vite comme le plus grand de tous fut profondément marqué par l’Expressionnisme dès ses débuts, influence jonglant avec celle du Réalisme poétique français – lui-même redevable en partie à l’Expressionnisme – de Carné-Prévert ou Duvivier, et du Néo-réalisme italien de l’après-guerre. N’oublions pas non plus que Bergman était avant tout un grand metteur en scène de théâtre et que son auteur fétiche s’appelait August Strindberg, lui-même première source d’un expressionnisme théâtral que l’Allemand Max Reinhardt mettra littéralement en lumière un peu plus tard à Berlin.

Présent par touches dans ses premiers films, l’Expressionnisme revient en force chez Bergman au début de sa deuxième période. La Nuit des Forains, Le Visage, Le Septième Sceau, Les Fraises sauvages avec son extraordinaire rêve inaugural, en sont des exemples flagrants. La « trilogie du silence » (A travers le miroir, Les Communiants, Le Silence) n’échappe pas à l’influence, bien au contraire. De même que le triptyque de l’île (L’Heure du Loup, La Honte, Une Passion) qui « modernise » encore un peu plus cette vision comme l’a fait juste avant Persona. Mais c’est surtout Cris et Chuchotements qui, en 1972, émerveille par son expressionnisme radicalement nouveau, notamment via l’utilisation de trois couleurs majeures, noir, blanc et rouge, cette dernière figurant la couleur de l’âme selon Bergman.

Le sous-titre de Nosferatu était Eine Symphonie des Grauens, soit Une symphonie de l’horreur. Devant Cris et chuchotements, le spectateur aurait tendance à vouloir redonner du service à cette phrase tant certaines scènes lient le film au genre horrifique. La Mort – existe-t-il tyran plus implacable ? – , l’insupportable souffrance provoquée par la maladie, souffrance démultipliée, contagieuse et autant physique que mentale, voire métaphysique lorsqu’elle atteint le prêtre, sont bien sûr deux thèmes dans lequel l’Expressionnisme originel a grandi, du précurseur Edvard Munch au futur dadaïste Otto Dix. Bergman, on l’a vu, décline son film sur une palette de couleurs limitée et chargée de sens. L’angoisse générée par la situation s’exprime via ces couleurs et leur répartition – changeante – au niveau des décors et costumes. Le jeu des actrices, toutes exceptionnelles, est aussi résolument tourné vers l’Expressionnisme. Un jeu bien sûr très éloigné des outrances de Caligari mais qui s’affirme pourtant par son caractère marqué. La peur, le dégoût, le mépris, l’égoïsme, l’hypocrisie mais aussi l’amour – celui d’Agnès, la mourante – marquent les visages et les corps. Il s’agit bien ici d’une interprétation personnelle – celle de l’artiste Bergman – d’un monde en train de sombrer, coulé par ses propres vices mais au sein duquel, cependant, demeure une lumière inextinguible, celle du souvenir transfiguré par l’Art. Cette confrontation entre une aspiration au bonheur et à l’amour d’une part, et à la cruelle réalité de l’horreur du monde, de l’autre, voilà qui était exactement au cœur même des artistes expressionnistes – souvent rêveurs d’utopies révolutionnaires généreuses – du début du XXe siècle.

Pourriture d’un côté, cœur pur de l’autre, voilà on le sait l’un des traits récurrents du cinéma du Danois Lars von Trier. Fasciné par les élans mystiques de son compatriote et ancêtre Dreyer tout autant que par le cinéma allemand des années 20, c’est tout naturellement qu’il trempe ses œuvres au grand bain de l’Expressionnisme. Element of Crime et Europa, les premier et troisième films de sa trilogie en « E » (pour « Europe ») en sont la preuve. Entre les deux, le second élément du triptyque, Epidemic, le moins connu des trois. Iconoclaste, moitié documentaire, moitié fiction, alternant humour potache et tragédie glaçante – sorte d’avant-goût des Idiots et du Dogme – le film ne se laisse pas saisir facilement. Même si LVT ne s’y affirme pas au sommet de son art, son inventivité et son souci de travailler l’image dans une direction résolument expressionniste ET réaliste tout à la fois, rendent ce film passionnant et bien à sa place dans ce festival.

Philippe Serve

Festival 2009 – 7ième édition – Du 04 au 10 février

Festival 2008 – 6ième édition – Du 30 avril au 04 mai

Festival 2007 – 5ième édition – Du 04 au 08 mai

Voici donc le temps des retrouvailles avec le festival annuel de Cinéma sans Frontières. Après nous être penchés sur Les grands classiques du Cinéma chinois, Les grands premiers films, L’Amour dans tous ses états, L’Histoire et le Cinéma, nous vous proposons pour cette 5ème édition, de vous intéresser aux Enfants du Monde.

Les enfants, premières victimes d’un monde déshumanisé, premières victimes de la famine et de la pauvreté, des guerres et des violences (familiales ou sociétales), du travail forcé, de l’embrigadement sectaire, religieux ou politique, premières cibles aussi d’un consumérisme forcé. Victimes mais aussi espoirs. Ce sont ces enfants qui bâtiront le monde de demain que chacun d’entre nous, adulte, espère meilleur, plus fraternel, plus apaisé, plus juste. Ces enfants qui nous regardent, nous jaugent et plus tard nous jugeront sur notre capacité à leur offrir dès aujourd’hui les moyens de transformation d’un monde où tant de chantiers les attendent.

Si l’enfant en tant que tel a su gagner son propre statut, en partie grâce au travail d’associations et d’organismes visant à sa protection et son développement (tel l’UNICEF ou le Réseau Education Sans Frontières dont CSF a choisi de diffuser le spot « Laissez-les grandir ici » avant chaque séance de son festival), il n’en fut pas toujours ainsi. L’ancien régime ignorait la spécificité de l’enfant, ne faisant aucune distinction entre lui et l’adulte (avec encore plus de devoirs et moins de droits !). L’arrivée de Rousseau change tout. En déclarant l’Homme bon par nature et perverti par la société, le citoyen de Genève innocente au sens fort l’enfant et en fait un être à part, à protéger de toute contamination, en particulier via l’éducation. Ce qui n’empêche guère la poursuite de son exploitation et des mauvais traitements depuis plus de deux siècles. Mais la conscience de cette différence existe désormais et fera son chemin jusqu’à l’école obligatoire ou la Déclaration des Droits de l’Enfant. Le balancier, comme toujours, ira parfois trop loin, jusqu’à l’excès, notamment celui de l’enfant roi, à un point tel qu’il débouche souvent sur une infantilisation de la société ou sur les politiques jeunistes.

Le cinéma, sans en faire en ses débuts son cheval de bataille, s’intéresse peu à peu au thème de l’enfance, dans tous les pays et via tous les genres cinématographiques existants. Le film d’enfants (à ne pas confondre avec le film « pour » enfants, même s’ils peuvent se recouper) est donc devenu tout à la fois un phénomène trans-genre et un nouveau genre à part entière. Trans-genre puisque l’on voit que des mythes cinématographiques aussi différents que le western (Shane, George Stevens, 1953), le film d’aventures en costumes (Les Contrebandiers de Moonfleet, Fritz Lang, 1955) ou les (mélo)drames sociaux (les différentes adaptations à l’écran de Dickens, le grand poète de l’enfance), la Science-Fiction (Le Village des Damnés, Wolf Rilla, 1960) pour ne citer que quelques exemples, ont ouvert leurs portes à ce thème.

CSF n’a pas attendu ce 5ème festival pour vous proposer des histoires d’enfants à l’écran. Ainsi, depuis octobre 2002, vous avez pu voir avec nous L’Esprit de la ruche (Victor Erice), Le Roi des Masques (Wu Tian-ming), Pather Panchali (Satyajit Ray), L’Enfance d’Ivan (Andrei Tarkovski), La Nuit du Chasseur (Charles Laughton), Les Tortues volent aussi (Bahman Ghobadi), Le Retour (Andrei Zviaguintsev), San Mao le petit vagabond (Zhao Ming), Dans les champs de bataille (Danielle Arbid), Nobody Knows (Hirokazu Kore-eda)… sans compter les « coups doubles » (sur et pour les enfants) du studio Ghibli tels Le Voyage de Chihiro, Mon Voisin Totoro, Le Château dans le Ciel, etc.

Les films traitant – de façons extrêmement variées – de l’enfance sont si nombreux que nous n’avions a priori que l’embarras du choix pour effectuer notre sélection. En réalité, une fois écartés les films indisponibles (des pans entiers du cinéma ne peuvent plus être projetés en 35mm aujourd’hui), ceux trop connus et ceux régulièrement ou récemment diffusés à la télévision ou chez nos amis de la Cinémathèque ou de l’Espace Magnan, la liste s’est vite trouvée rongée aux quatre coins. Ont donc étaient exclus de la sélection pour les diverses raisons précitées des oeuvres de grande valeur telles que Les 400 coups, L’argent de poche, Le Kid, Zéro de conduite, Le Fils du Requin, Jeux interdits, L’Enfance de Gorki, Los Olvidados, David Copperfield ou Oliver Twist, Fanny et Alexandre, Bonjour, Mouchette, Le Ballon d’Or, Le petit prince a dit, etc., liste non exhaustive.

On le sait, choisir est éliminer et, pour un cinéphile, la tâche est un vrai crève-cœur ! Mais rassurez-vous, festivaliers, ce que vous vous verrez cette année répond bien aux exigences de qualité, de variété et d’internationalisation qui sont les raisons mêmes d’exister de Cinéma sans Frontières. Nous vous emmènerons une fois de plus aux quatre coins du monde pour un voyage en cinq jours et huit étapes. Nous commencerons – séance d’ouverture le vendredi soir – par l’Espagne avec sans doute le film le plus connu de la sélection : Cría Cuervos, de Carlos Saura (1976). Comment résister à l’attrait d’une copie neuve pour un grand classique dont tout cinéphile quarantenaire et plus n’a pu oublier : les grands yeux de la petite Ana Torrent (déjà au centre du bouleversant L’Esprit de la Ruche), la métaphore de l’Espagne franquiste et la chanson « Porque te vas » qui traîne encore dans nos têtes ?

Le lendemain, nous partirons en fin d’après-midi pour l’Iran afin d’y découvrir la Caméra d’Or cannoise 1995 de Jafar Panahi, un réalisateur en passe de devenir un des chouchous de CSF (nous avons déjà diffusé Sang et Or et, très récemment, Hors-Jeu). Le Ballon Blanc vous enchantera par son originalité et son naturel tout en rendant hommage à l’une des cinématographies nationales les plus marquées par le thème de l’enfance. Un tel festival sans un film iranien était inenvisageable !

Trois heures plus tard, le temps d’un court débat et de se restaurer sur le pouce, direction le nord de l’Angleterre afin d’y retrouver un autre fidèle cinéaste de CSF, monsieur Ken Loach. Kes, son deuxième film et premier chef d’œuvre incontestable, vous marquera au plus profond avec son histoire d’amitié entre un jeune garçon laissé sur le côté et un faucon. Tout le futur cinéma de Ken Loach trouve ses racines dans ce Kes à ne manquer sous aucun prétexte. Dimanche 6 mai, jour d’élection présidentielle, vous emmènera au Maroc pour Mille mois, titre du film de Faoudi Benzaïdi. Un premier film là encore, profond, sensible et à la grande beauté visuelle.

Le lendemain, nous vous ferons découvrir la communauté bien ignorée chez nous des Irish travellers, gens du voyage typiquement irlandais dont nous suivrons le quotidien à travers celui d’une irrésistible petite Winnie dans son propre rôle. Pavee Lackeen, la fille du voyage, documentaire ou fiction ? Les deux à la fois et la découverte d’un nouveau cinéaste prometteur, Perry Ogden. Ajoutons que le film, sorti il y a quelques mois seulement, est resté inédit à Nice à notre connaissance. Une raison supplémentaire pour ne pas en faire l’impasse !

Dans la soirée, passeport pour le passé et la Russie. Nous partirons en effet pour la région de Vladivostok où l’histoire se déroule vers 1947. Autre Caméra d’Or à Cannes (1990), Bouge pas, meurs, ressuscite vous marquera, à n’en pas douter, autant que les spectateurs à l’époque de sa sortie. Vitali Kanevski, son auteur, réussissait là un vrai chef d’œuvre. Autant de férocité, d’humour, de vie, de beauté et de talent réunis vous laisseront pantois.

Mardi 8 mai, tandis que la/le nouvelle/nouveau Présidente/Président inaugurera les chrysanthèmes de la victoire (celle de 1945), nous vous inviterons à un très curieux et fascinant voyage au pays du maître incontesté de l’animation, le tchèque Jan Svankmajer. Alice, déclinaison du Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, vous en fera découvrir une adaptation – mêlant animation image par image aux prises de vues réelles, avec vraie petite fille – aux antipodes de celle de Disney, nous rappelant combien l’imaginaire enfantin peut aussi être celui de toutes les audaces et de tous les cauchemars. Pour tous ceux d’entre vous qui ne connaissez pas le travail de Svankmajer, choc assuré !

L’heure de la dernière séance sera alors arrivée. Elle vous transportera jusqu’à la lointaine Chine où vous apprendrez ce que sont Les petites fleurs rouges. Ce film d’un des plus talentueux cinéastes chinois actuels, Zhang Yuan, servira de feu d’artifice final. Une oeuvre souvent hilarante, tendre, profonde, à l’esthétisme impeccable et qui vous fera aller et venir entre monde réel et fantaisie enfantine. CSF est très fier de vous donner accès à ce film, ignoré par toutes les salles niçoises à sa sortie, il y a moins de six mois.

Bon festival !
Philippe Serve

Festival 2006 – 4ième édition – Du 24 mai 04 juin

Programmer un festival de cinéma à Nice alors que le festival de Cannes bat encore son plein relève de la gageure, certains diront même de l’inconscience. Pourtant, même si ces dates correspondent plus à des contraintes de calendrier qu’à une volonté délibérée de nous confronter au mammouth cannois, il nous a semblé important d’affirmer notre identité et de réaliser ce festival dans l’esprit de rigueur et d’amour du cinéma qui caractérise Cinéma sans Frontières, loin des paillettes de la Croisette… Off the Croisette, comme on disait Off Broadway, pour parler du théâtre new-yorkais indépendant à ses débuts. Et de toute façon, pour le glamour, le cinéma Mercury n’est certainement pas le bunker, nous sommes bien d’accord. Voilà pour l’anecdote.

Le thème de ce troisième festival annuel de CSF est l’Histoire avec un grand H. Ou plutôt les rendez-vous de l’Histoire et du Cinéma. N’allez pas imaginer des reconstitutions historiques avec moult costumes, figurants et stars du grand écran en avatars de personnages célèbres. Ce n’est pas vraiment ce que nous entendons par la rencontre de l’Histoire et du Cinéma. Si nous avons choisi ce thème, cela tient davantage à notre conception du Cinéma comme une fenêtre sur le monde, sur la vie en général, avec ses événements, grands et petits qui la traversent et qui lui donnent un sens. Le cinéma comme art de la représentation et de la transfiguration du réel, au même titre que la peinture ou la littérature.

Dès sa conception, le Cinéma s’est avéré un outil puissant d’enregistrement de la réalité – rappelons-nous l’effroi des spectateurs du monde entier devant L’arrivée du train en gare de La Ciotat des frères Lumières (1896) – mais aussi de travestissement, de manipulation, tout autant que de rêve et d’évasion de cette même réalité… (il suffit d’évoquer le magnifique Voyage dans la lune de Georges Méliès de 1902, qui est en quelque sorte à la fois le premier film de science-fiction et la première super-production de l’histoire du cinéma…).

Par cet alliage de l’image et du mouvement sur un même support, l’homme moderne entre très certainement dans une nouvelle ère dans son rapport au monde et ses multiples tentatives d’appropriation vis à vis de son environnement. Changement qui aura des conséquences durables, qui s’intensifieront encore avec l’avènement du parlant. A ce moment-là, l’approximation, la quasi-superposition entre création et réalité atteint son point culminant. Cette proximité a quelque chose d’enivrant et de potentiellement dangereux, le risque de confusion est à son comble et se trouve tout de suite reflété dans une multitude d’expressions du langage parlé : «arrête ton cinéma», «c’est du cinéma» ou contraire pour souligner la véracité d’une situation ou d’un propos «ce n’est pas du cinéma», etc. C’était bien sûr avant l’invention de la bien mal nommée « télévision-réalité »…

Et c’est très certainement avec les films qui se veulent des évocations d’événements réels, des retranscriptions d’une réalité passée que nous sommes le mieux à même de ressentir à quel point le risque est grand.

Le documentaire a pour lui d’enregistrer des lieux et des êtres qui existent, là où ils existent et au moment où ils existent, même si ce qui nous est donné à voir par la suite porte toujours immanquablement la marque de la subjectivité du filmeur, pour reprendre le terme d’Alain Cavalier. Le film de fiction sur toile de fond historique ne peut compter sur un tel filet de sécurité. On peut dire qu’il est en soi un exercice qui s’apparente davantage au saut périlleux qu’à l’étude ou à l’exégèse. Même s’il s’appuie sur une solide recherche d’archives, de documents et de témoignages, le film risque toujours de se faire désavouer par les spécialistes, les historiens, ceux qui ont vécu l’événement ou qui en ont connu les protagonistes, etc. Mais au-delà du simple compte-rendu des faits, se pose la question de l’analyse des événements qui fournit la matière même de l’interprétation et qui ouvre par conséquent presque toujours la boîte de Pandore de la controverse et de la polémique. Sans parler du film de propagande où ce qui est porté à l’écran n’a pas forcément grand chose à voir avec ce qui s’est passé dans la réalité (cf. l’utilisation du cinéma par tous les régimes totalitaires), il va de soi que tout réalisateur qui décide de se colleter à tel ou tel événement historique le fait avec un propos et poursuit un objectif. L’Histoire ou plutôt le fait historique, devient un moyen d’exploration de la société et des motivations des hommes au même titre qu’une histoire d’amour ou une saga familiale peuvent être un moyen de sonder l’âme humaine et ses recoins les plus cachés, les plus glorieux ou les moins avouables.
C’est dans cette perspective que nous avons choisi les films de ce festival. Tous les films sont contemporains du cinéma, c’est à dire qu’ils relatent ou qu’ils évoquent des événements du XXième siècle. Des événe-ments marquants de l’histoire contemporaine de l’humanité dont les ondes de choc sont toujours ressenties aujourd’hui et se propageront sans doute encore longtemps.
Europe, Asie, Amérique du Sud, fidèle à son propos Cinéma sans Frontières a une fois de plus choisi de présenter un panorama aussi large que possible. Malheureusement le continent africain est absent de cette sélection, car il nous a été impossible de disposer des quelques rares films qui auraient pu y figurer. Ce n’est certainement pas un hasard… mais nous n’abandonnons pas l’espoir de rendre compte un jour, à notre modeste manière, de l’immense diversité de l’Afrique à travers quelques-uns de ses cinéastes.

Mais nous avons également tenu à présenter des films très différents entre eux. C’est dire qu’au-delà de la provenance géographique et des thèmes historiques abordés, ces films constituent autant de manières de traiter le sujet, de mettre en scène et de filmer. De la grande fresque au souffle épique (Rouges et Blancs de Miklos Jancso, la révolution russe filmée par un Hongrois dix ans après l’écrasement da la tentative de libération de son pays en 1956) au film avant tout onirique (Amarcord, la montée du fascisme à travers ce qu’a pu en vivre l’enfant Federico Fellini), du compte-rendu à la première personne (L’Espoir de Malraux, pilote engagé dans les Brigades Internationales pendant la guerre d’Espagne) à la fascination pour un personnage emblématique (Le Soleil de Sokourov, l’empereur Hiro-Hito dans la tourmente d’un monde qui s’écroule), du film sismographe, tellement en prise avec son époque qu’il annonce les bouleversements à venir (La Chinoise de Godard dont le titre complet La Chinoise ou plutôt à la chinoise : un film en train de se faire est déjà en soi tout un programme) au panégyrique enflammé (Soy Cuba du Soviétique Kalatozov, la révolution cubaine filmée avec la foi renouvelée du charbonnier) ou à la dénonciation impitoyable (Garage Olimpico de Marco Bechis, l’efficacité d’une mise en scène traditionnelle au service de l’engagement du cinéaste) nous avons justement voulu montrer comment l’outil du cinéma permet toutes les approches et nous amène à changer de perspective en fonction de celle adoptée par l’auteur.

Nous espérons que vous nous suivrez dans ces choix et que ces neuf films seront pour vous comme pour nous autant de facettes de la planète du Cinéma sous un angle qui n’est peut-être pas le plus habituel mais qui reflète, je crois, quelque chose de sa nature profonde et qui pourrait peut-être se résumer par le paradoxe suivant : se situer en dehors de la réalité pour nous y faire pénétrer davantage. Réalité des sentiments ou des situations, le cinéma, en tout cas celui que nous aimons à CSF, sait qu’il n’a que faire des faux-semblants. C’est seulement à ce prix qu’il est capable de nous toucher au plus profond..

Bon Festival !

Josiane Scoleri

Festival 2005 – 3ième édition – Les 7,8, 14 et 15 octobre

Programmation du 3ième Festival annuel 2005

Tous les films en version originale sous-titrée.

Chaque film est précédé d’une présentation et suivi d’une discussion avec le public

    • CARMIN PROFOND de Arturo Ripstein (1996)
• DES JOURS ET DES NUITS DANS LA FORÊT de Satyajit Ray (1970)
• LA ROSE POURPRE DU CAIRE de Woody Allen (1985)
• L’HOMME QUI RITde Paul Leni (1928, copie restaurée et neuve)
• EL de Luis Buñuel (1953)
• LA FEMME DE SEISAKU de Yasuzo Masumura (1965)
• LES CHEVAUX DE FEU de Sergei Paradjanov (1964)
• LA REGLE DU JEU de Jean Renoir (1939)

Festival 2004 – 2ième édition – Les 1, 2, 3, 8, 9, 10 et 15 octobre

Programmation du 2ième Festival annuel 2004

Tous les films en version originale sous-titrée.

Chaque film est précédé d’une présentation et suivi d’une discussion avec le public

• LES ANGES DU BOULEVARD/Malu Tianshi (Yuan Muzhi, Chine, 1937, 1h40)  (au Mercury)
• LA BOUTIQUE DE LA FAMILLE LIN/Linjia Puzi (Shui Hua, Chine, 1959, 1h24) (au Mercury)
• SAN MAO LE PETIT VAGABOND/San Mao Liu-liang-ji (Zhao Ming, Yan Gong, Chine, 1949, 1h55) (au Mercury)
• LE ROI DES SINGES CONTRE LE PALAIS CELESTE/Danaotiengong (Wan Lai-Ming, Chine, 1965, 1h55) (au Mercury), animation
• LA GUERRE DE L’OPIUM/Lin Zexu (Xie Jin, Chine, 1959, 1h43) (au Mercury)
• LA BASKETTEUSE N°5/Nula Wuhao (Xie Jin,Chine, 1957, 1h33) (au Mercury)
• CORBEAUX ET MOINEAUX/Wuya Yu Maque (Zheng Junli, Chine, 1949, 1h55) (au Mercury)                                      

• LA VERITABLE HISTOIRE D’AH Q/A Q Zhengzhuan (Cen Fan,Chine, 1981, 1h40) (au Mercury)
• LE PRINCE NEZHA TRIOMPHE DU ROI DRAGON/Nezha Nao Hai (Wang Suchen, Chine, 1979, 1h05 ) (au Mercury), animation (à partir de 4 ans) – séance enfants
• LA DIVINE/Shen Nü (Wu Yonggang, Chine, 1934, 1h17) – muet (au Musée des Arts Asiatiques)