Février, Printemps précoce



Samedi 09 octobre 2004 à 18h30 – 2ième Festival  2004

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film  de  Xie Tieli – Chine – 1963 – 1h30 – vostf

Pendant les années 20, Xiao Jianqiu, jeune intellectuel calme et réfléchi, se réfugie au calme dans un village où il obtient un poste d’enseignant. Sur le bateau, il fait la connaissance de la veuve d’un ancien condisciple décédé pendant la Révolution de 1911. Touché par le malheur de cette pauvre femme, il lui donne de l’argent et lui propose de s’occuper de sa fillette. A peine arrivé, il se lie d’amitié puis d’amour pour la soeur du directeur de l’établissement, Tao Lan.

Sur le web

Xie Tieli

 » Après avoir été assistant réalisateur sur le tournage de La boutique de la famille Lin de Shui Hua, Xie Tieli a eu l’occasion de réaliser son premier film, L’île sans nom, puis, aussitôt après, son second film L’ouragan.

Février, printemps précoce est le troisième film réalisé par Xie Tieli, et sa seconde adaptation d’une œuvre littéraire, en l’occurrence la nouvelle de Rou Shi intitulée simplement « Février ». Rou Shi fût fusillé en 1931 pour ses activités jugées révolutionnaires.  Le réalisateur après avoir été soldat, militant et nommé ministre de la culture en 1950, sera finalement vivement critiqué pour ce film qui est filmé avant la révolution culturelle. C’est un film profondément humaniste et qui tranche dans le contexte politique, idéologique et artistique de l’époque. 1962 a été l’année du redressement économique après le Grand Bond en avant, grâce, entre autres, aux mesures de décollectivisation et d’incitation à l’initiative individuelle. En 1963, pour contrer les tendances révisionnistes dans les campagnes, Mao lance un Mouvement d’éducation socialiste, et une campagne d’émulation des héros modèles. C’est dans ce contexte que Xie Tieli réalise son film, qui va à l’encontre des grands principes énoncés par Mao.

La nouvelle raconte l’histoire d’un jeune intellectuel qui, dans la seconde moitié des années 1920, tente de trouver refuge dans un village de la région de Shanghai pour échapper aux turbulences de la vie urbaine à l’époque. Rejoignant un ancien camarade d’université qui a créé un collège, il se retrouve bientôt dans un maelstrom de contradictions insolubles dont il ne trouvera la solution que dans la fuite, mais une fuite « positive » puisqu’il s’agit d’aller rejoindre les intellectuels ‘du nord’, entendons entre les lignes, censure oblige, les milieux révolutionnaires. Xie Tieli a repris dans son film la ligne narrative de la nouvelle, en en supprimant les lourdeurs et en remplaçant beaucoup de discours par des images, images impressionnistes exprimant les sentiments des personnages et suggérant une atmosphère nimbée autant de douceur que de tristesse.

Dans son film, Xie Tieli a porté toute son attention sur l’image et le jeu des acteurs, qui soutiennent remarquablement son choix scénaristique. Il se dégage ici totalement de la gangue du théâtre dont le cinéma chinois a mis du temps à se libérer. Si le film atteint la charge émotionnelle qu’il a, c’est évidemment grâce à son esthétique raffinée et subtile, et tout d’abord grâce à la mise en scène et à la photographie, qui fait de certaines scènes de véritables tableaux. On garde en tête les multiples séquences de paysage, et tout spécialement des arbres soit sous la neige, soit en fleurs. Mais l’une des plus belles trouvailles est peut-être cette brève séquence où l’objectif de la caméra suit la main de Jianqiu jouant du piano, et, arrivé au bout du clavier, poursuit sa course par la fenêtre ouverte, jusque vers le ciel où se détache un rameau d’arbre en fleur…Les scènes en extérieur marquent une recherche inspirée de la peinture de paysage ; la caméra capte la douceur du début du printemps, aussi bien que le brusque retour du froid, dans un paysage baigné de la lumière feutrée par la neige. La nature n’est pas seulement un cadre, elle participe du drame psychologique, et le reflète, à moins que ce soit lui qui s’y reflète. Xie Tieli conserve cependant l’art des gros plans sur l’expression des visages qui viennent, eux, du cinéma des années trente et cinquante. Xie Tieli est à la charnière entre deux époques.

Mais une grande partie de la force du film tient aussi aux acteurs dont il faut souligner la subtilité de l’interprétation. Xie Tieli ne s’est pas contenté de ceux qu’il avait sous la main au studio de Pékin, acteurs typés avec lesquels il venait de tourner deux films du répertoire révolutionnaire, des classiques de l’époque : L’île sans nom et L’ouragan: ils n’auraient pas été capables d’exprimer les sentiments délicats qui étaient au cœur de son scénario. Il alla donc recruter ses acteurs ailleurs. Pour interpréter le rôle principal féminin, il alla chercher l’actrice qui venait de terminer le tournage du film Le chant de la jeunesse de Cui Wei et Chen Huai’ai, dans lequel elle interprétait le rôle de Lin Daojing, très proche de celui de Tao Lan : Xie Fang. Elle avait fait ses débuts en 1951 comme actrice d’opéra et Lin Daojing était son premier rôle au cinéma. En 1962, elle avait figuré dans la liste des vingt deux actrices les plus populaires établie par le Bureau du cinéma. Quant aux deux autres acteurs principaux, Xie Tieli les fit venir du studio de Shanghai. Pour interpréter le rôle de la veuve Wen, il choisit Shangguan Yunzhu : excellente actrice de théâtre, très expressive, elle avait commencé sa carrière au cinéma en 1941, à l’âge de 21 ans, en interprétant des rôles de jolies femmes, comme dans le film de 1948 de Sang Hu Vive ma femme !; puis, après 1949, elle avait interprété des rôles dramatiques. Sa carrière culmina, l’année après Février, printemps précoce, avec son interprétation d’une actrice sur le déclin dans le chef d’œuvre de Xie Jin Sœurs de scène, l’un des derniers films sortis avant la Révolution culturelle. Persécutée pendant celle-ci, elle se suicida en 1968. L’acteur principal, quant à lui, Sun Daolin, était l’un des plus grands acteurs du studio de Shanghai. Né en 1921, il avait lui aussi commencé sa carrière au théâtre, pendant la guerre, après avoir été obligé d’interrompre des études de philosophie. C’est son rôle dans Corbeaux et moineaux, de Zhang Junli, en 1948, qui l’avait rendu célèbre. En 1957 puis 1961, ses rôles dans l’adaptation de Famille de Ba Jin ainsi que dans Une famille révolutionnaire de Shui Hua avaient encore accru sa popularité.

Février, printemps précoce frappe par la modernité de son approche : loin des schémas révolutionnaires montrant des héros positifs inéluctablement portés vers un destin qui les transcende, Xie Tieli y fait plutôt le portrait délicat d’une jeunesse désorientée, d’un mal de vivre quasi existentiel.

Le film passa aux oubliettes pendant près de quinze ans, et ressortit en 1978, avec autant de succès. Il fut projeté au festival de Cannes en 1979, dans la section ‘Un certain regard’, et participa alors à la découverte sidérée d’un cinéma chinois totalement inconnu. » (Brigitte Duzan)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h30 précises.

N’oubliez pas la règle d’or de CSF aux débats :
La parole est à vous !

Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents CSF et toute personne bénéficiant d’une réduction au Mercury).

Adhésion : 20 €. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, ainsi qu’à toutes les séances du Mercury (hors CSF) et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.
Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club ici


Partager sur :