Lundi 22 février 2010 à 20h30 – 8ième Festival
Film de H.C. Potter – USA – 1941 – 1h24 – vostf
Au cours d’un tournage, le réalisateur interrompt les prises de vues, car le film n’a pas de sens. Il lui manque une histoire d’amour. Jeff, le scénariste, se met au travail et laisse alors libre cours à son imagination. Parallèlement, Ole et Chic, les vedettes de la revue Hellzapoppin, font tout leur possible pour saboter le spectacle pour lequel le régisseur cherche un commanditaire.
Notre critique
Par Philippe Serve
Folie et absurdité à tous les étages sont les sentiments qui dominent à la découverte de ce film culte qu’est Hellzapoppin’, titre que l’on doit traduite par L’Enfer explose.
A la base de la plus déjantée des œuvres cinématographiques, deux hommes : John « Ole » Olsen and Harold « Chic » Johnson, nés respectivement en 1892 et 1891. Ces deux compères trimballent déjà leurs numéros comiques depuis plus de vingt ans au moment d’imaginer un spectacle de scène qui puisse révolutionner tout ce que l’on avait vu jusque là. Champions du vaudeville à l’américaine – sorte de mélange de variétés, de music-hall, de numéros de cabaret et de monologues comiques – Olsen et Johnson avaient écumé les scènes d’Australie, de Grande-Bretagne et, bien sûr des Etats-Unis pendant toutes les années 20 avant de venir frotter leur génie humoristique à l’univers du cinéma dès que celui-ci apprit à parler au début des années 30. Ils reviennent néanmoins à la scène pour ce Hellzapoppin’ qui débutera sur les planches du théâtre de la 46ème rue à Broadway le 22 septembre 1938. Sur des musiques et des textes de Sammy Fain et Charles Tobias, le show tiendra trois ans, cumulant 1404 représentations. Le spectacle est devenu culte quasi instantanément. L’idée de base du show ? Abattre le quatrième mur ! Cette cloison virtuelle qui sépare les spectateurs de la scène et permet à la fiction jouée d’être prise pour la réalité par le public via une adhésion réciproque des deux parties. Le spectacle est basé sur une improvisation soutenue, un rythme endiablé, de l’humour à couper au couteau, des gags très visuels, des numéros musicaux de haute tenue et des coups de feu à répétition lancés par les deux compères Olsen et Johnson, omniprésents et se baladant sans cesse parmi le public. Bien sûr, une partie de la critique snobe un peu l’humour premier degré mais pas le public qui en redemande chaque soir. Ce parti pris de folie et d’abattre le 4ème mur sera non seulement conservé mais développé et adapté au nouveau format qu’est le cinéma lors de l’adaptation du spectacle pour l’écran.
Tourné sur quatre mois et achevé trois semaines avant l’attaque japonaise sur Pearl Harbour (7 décembre 1941), le film sort sur les écrans presque dans la foulée, le jour de Noël. On ne le découvrira avec ravissement en France qu’en février 1947. Naturellement, les auteurs et vedettes – mais aussi producteurs – du spectacle de Broadway, Olsen et Johnson, reprennent leurs – vrais – rôles à l’écran. Les pontes de la Universal, studio qui produit le film, ont exigé qu’on intègre au film une histoire qui se tienne et que le spectateur puisse suivre. On va donc bricoler un semblant de fil conducteur : le tournage du film Hellzapoppin’ agrémenté d’une histoire sentimentale à trois dont tout spectateur un tant soi peu sensé se moquera éperdument. Ce « cahier des charges » imposé aux auteurs du film est d’ailleurs intégré à la trame. Après un début – délirant bien sûr, avec diables en enfer rôtissant à la broche des jeunes femmes légèrement vêtues ! – un producteur argumente avec véhémence sur la nécessité d’une histoire. Sans histoire d’amour, précise-t-il, pas de film ! Nous sommes à Hollywood, certaines règles de base doivent être respectées…
Mais le vrai ton du film a déjà été donné dès la première séquence. Le projectionniste se plaint en enfilant la bobine : « Quel micmac ! Projectionniste depuis 15 ans, me v’la acteur ! » Un micmac ? Le pauvre est encore loin de la réalité. Mais au fait… Qui est ce projectionniste ? Diffuse-t-il le film que nous, spectateurs, regardons : Hellzapoppoin’ ? Ou le film que l’on s’apprête à tourner à l’intérieur du film que nous regardons ? Comment s’appelle-t-il déjà ? Ah oui, Hellzapoppin’ ! Mais comment peut-on projeter un film non encore tourné ? Vous êtes perdus ? Déjà ? Normal et tant mieux. Bienvenue dans les mondes loufoques de Hellzapoppin’ et de Hellzapoppin’ !
Le film n’est pas commencé depuis cinq minutes que Olsen et Johnson s’adresse au spectateur – nous – puis au projectionniste. Celui-ci, dérangé dans sa tentative d’arracher un baiser à une blonde fellinienne avant l’heure, leur rétorque : « Vous ne pouvez pas parler à moi et au public », avant de s’entendre répliquer par Olsen : « La preuve que si… », suivi de Johnson qui, hilare, ajoute en direction du spectateur : « Oui, messieurs-dames… c’est bien Hellzapoppin’ ! »
Voilà donc le 4ème mur écroulé d’entrée. Désormais tout devient possible, l’imagination de ces fous furieux d’Olsen et Johnson – bien servis par le réalisateur (le vrai) H.C.Potter – ne connaissant aucune limite. A partir de là, chaque spectateur de Hellzapoppin’, qu’il découvre le film ou le revoie pour la énième fois, aura sa ou ses séquences préférées. J’avouerai, côté absurde, les problèmes techniques de pellicule (je n’en dis pas plus…) et sur le plan du show l’ébouriffant numéro de LindyHop, chorégraphié par le grand Frankie Manning (lui-même présent parmi les danseurs) et exécuté par la troupe des Whitey’s Lindy Hoppers. Si vous réussissez à tenir tout le morceau sans sentir dans vos jambes une furieuse envie de vous lever et de participer à ce hop endiablé, alors inquiétez vous, c’est que vous devez être mort. Cette séquence d’anthologie représente encore aujourd’hui le plus bel exemple de Lindy Hop jamais vu sur un écran. Danse jazz naît dans les rues de Harlem, empruntant tout à la fois au breakdance, au charleston et à d’autres danses rythmées américaines mais aussi africaines, elle est aussi parfois appelée Jitterbug et c’est elle qui ouvre le chef d’œuvre de David Lynch, Mulholland Drive.
L’influence de Hellzapoppin’ sera énorme sur les futurs cinéastes, des ZAZ (Zucker, Abrahams, Zucker) auteurs de Y a-t-il un pilote dans l’avion ? et ses suites, jusqu’aux Monty Pythons, en passant par le 1941 de Steven Spielberg. Mais personne, jamais, ne retrouvera le ton profondément anarchiste et décapant de ce sommet du cinéma hollywoodien foulant au pied la bonne morale, et beaucoup plus fin qu’on pourrait le penser à première vue, dans son écriture et dans les problématiques qu’il soulève, typiquement liées aux arts de représentation. Réflexion bien sûr sur le spectacle, ce qui l’engendre et, on l’a vu, sa relation au public. Le personnage de Pepi, incarné par le magnifique Mischa Auer, représente quant à lui le paradoxe du vrai-faux type bidon, adorant nous prendre à contre-pied. Ajoutons qu’il trouve une partenaire à sa mesure avec l’incroyable Martha Raye, véritable pile électrique que l’on retrouvera avec un égale bonheur – et toujours aussi explosive – six ans plus tard dans le succulent Monsieur Verdoux de Charles Chaplin où son énergie incontrôlable la sauvera de finir comme les autres dans la chaudière !
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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