Il était une fois Palilula



Vendredi 16 Septembre 2022 à 20h

Cinéma Jean-Paul Belmondo (ex-Mercury) – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Silviu Purcarete, Roumanie, 2012, 2h22min, vostf

Roumanie, années 60. Serafim, un jeune diplômé de la faculté de médecine, est amené par un sombre caprice du destin dans la ville de Palilula. Au milieu de nulle part. Palilula est une ville fantôme, perdue au milieu de la plaine vallachie. Une zone de quarantaine, un sanatorium, un hôpital improbable, une clinique gynécologique où jamais aucun enfant n’est né. On peut arriver à Palilula mais pas en repartir. On ne sait jamais si ses habitants mentent, rêvent ou vivent réellement. Le jeune docteur Serafim ne pourra pas exercer son métier de pédiatre, dans cette ville sans enfant. Il se noiera dans le miel doux et empoisonné du lieu, comme une mouche attrapée par une grenouille.

Né à Bucarest, en 1950, Silviu Purcărete est un metteur en scène roumain qui a plus de 30 ans d’expérience et a signé des pièces mémorables notamment au Théâtre National de Craiova. Il vit maintenant en France et a également la nationalité française. Membre à titre personnel de l’Union européenne des théâtres (depuis 2003), il a remporté le prix Golden Globe Peter Brook du meilleur metteur en scène en 1995 et le prix d’excellence artistique de la Fondation Hamada (Festival international d’Édimbourg 1991). Ses productions ont remporté de nombreux prix et un grand succès critique tant en Roumanie qu’à l’étranger.

En 1996, Silviu Purcărete devient directeur du Théâtre de l’Union, Centre dramatique national de Limoges pour qui ses productions incluent Orestie, Les Trois soeurs et Dom Juan. Il met régulièrement en scène des opéras, ses productions les plus importantes étant La Bohème (Essen), Parsifal (Ecosse), Roberto Devereux (Wiener Staatsoper), Castor et Pollux (Bonn), Love and Other Demons de Péter Eötvös (au Festival de Glyndebourne et à Vilnius), L’Ange de feu de Prokofiev (Théâtre Csokonai de Debrecen, élu meilleure production au Festival d’opéra d’Armel) ainsi que Aleko et Francesca da Rimini de Rachmaninov (Buenos Aires).

En 2005, il a monté Scapino ou The Trickster au Chichester Festival Theatre. En 2006, The Twelfth Night, une production du Théâtre national de Craiova, a été présentée lors du Bath Shakespeare Festival, et en 2007, Silviu Purcărete a dirigé Macbett d’Eugene Ionesco pour la Royal Shakespeare Company.

En 2009, sa performance Faust a été l’un des succès du prestigieux Festival de théâtre d’Edimbourg. Les Voyages de Gulliver, qu’il a été chargé de mettre en scène avec la compagnie Sibiu par le Festival international d’Édimbourg, lui a valu le Herald Angel Award de la Bank of Scotland en 2012.

De 2017 à 2020, il a travaillé au Japon pour le Tokyo Metropolitan Theatre. Il réalise son premier film, Il était une fois Palilula, en Roumanie en 2010. Il est Chevalier d es Arts et des Lettres.

Notre article

par Bruno Precioso

« Si j’avais été milliardaire j’aurais fait un film de 24h. La boîte de production m’a conseillé de voir un script doctor, un « docteur de scénario » en Allemagne, mais je n’ai pas aimé ce qu’il me proposait. C’étaient des schémas qui fonctionnent bien habituellement au cinéma mais qui ne m’intéressaient pas. Je voulais un film beaucoup moins conventionnel. » C’est ainsi que Silviu Purcărete, prenant contact avec la « réalité médicale » du cinéma, explique avoir réduit progressivement ses ambitions : d’un film de 12-13h imaginé initialement, le jeune réalisateur de 60 ans se résout à reconsidérer son projet et à en ajuster la durée au financement qu’il peut réunir ; ce sera donc 2h20. A peine. Les récits de jeunesse d’un ami, docteur dans une bourgade retirée de Roumanie pendant plusieurs années, lui offraient des centaines de pages quasi-documentaires emplies de tout un peuple dont il veut nourrir un projet sans savoir encore quelle forme lui donner : « Il a été envoyé là-bas, l’endroit était complètement surréaliste et fascinant. » C’est de cet océan d’anecdotes et de lieux improbables que naît l’idée de passer du théâtre au cinéma : « (…) pour moi l’occasion ne s’était pas encore présentée. Là, il s’agissait d’un texte qui n’avait pas l’ampleur d’un drame théâtral et qui pouvait au contraire être bien adapté au cinéma. » Lenteur peut-être liée justement à une apparence trop théâtrale (le réalisateur ne saurait renier ses origines artistiques), il faudra une longue patience aux habitants du village fictif de Palilula pour franchir assez de frontières et se glisser finalement jusqu’aux écrans hexagonaux. Il faut dire que ce drôle de bazar qui commence comme un roman de Kafka (filmé par le Fellini de Roma) est assez éloigné des productions réalistes-conceptuelles des jeunes tenants de la Nouvelle Vague roumaine qui déferlent sur les rivages cinéphiles depuis le mitan des années 2000 avec le succès qu’on sait.

« Pleure pas, c’est du théâtre ! »

C’est que jusqu’à ce coup d’essai de 2011, Silviu Purcărete est un nomade du théâtre, de la musique et de la littérature déjà passablement atypique dans son milieu artistique d’origine. Bien avant qu’on invente la souffrance nouvelle de la solastalgie, Silviu Purcarete se souvient d’avoir éprouvé la nostalgie d’espaces disparus avant sa naissance. Et sans croire à la métempsychose, il n’a rien oublié de ces mondes qu’il n’a jamais vus et auxquels il tient à prêter vie : « Ils se sont perdus dans le temps pour tous, mais ils sont restés dans mon âme depuis mon enfance. » C’est-à-dire depuis 1950 à Bucarest. Des années, figées au-dedans entre un père professeur d’économie, une mère au foyer et au-dehors, un régime autoritaire omniprésent, qui seront donc des années de lecture intensive, en roumain et en français. Pour sa part d’ombre et de mystère, le petit Silviu se gorge de littérature du Moyen-Age. Puis ce sont les beaux-arts, et enfin l’académie de théâtre de Bucarest, section mise en scène. « Je n’ai jamais eu envie d’être comédien. C’est une chose qui m’est étrangère, et j’en suis très heureux. La plupart du temps, ce sont des comédiens qui deviennent metteurs en scène. Ils partent donc d’un monde qui leur est connu. Moi, comme j’ignore tout, au fond, de l’expérience du jeu, je peux me permettre d’envoyer les acteurs dans les endroits les plus curieux ou terribles qui créent, je crois, un rapport plus excitant. » Reconnu tôt dans son pays au Théâtre National de Craiova (années 1980), il reçoit pour son travail en 1991 le prix d’excellence artistique au Festival international d’Édimbourg, commence à voyager avant d’être récompensé du Golden Globe Peter Brook du meilleur metteur en scène en 1995. A partir de 1996, Silviu Purcărete devient directeur du Centre dramatique national de Limoges, met régulièrement en scène des opéras partout en Europe (de Essen à Vienne et Vilnius), et jusqu’à Buenos Aires (Aleko et Francesca da Rimini de Rachmaninov).

Ses performances en 2009 (Faust) et 2012 (Les Voyages de Gulliver) au prestigieux Festival de théâtre d’Edimbourg lui assurent une notoriété qui lui offre la direction du Tokyo Metropolitan Theatre de 2017 à 2020. De ses nombreux prix et du grand succès critique que reçoivent ses pièces tant en Roumanie qu’à l’étranger, il nourrit très naturellement sa mise en scène pour Il était une fois Palilula : « C’était la proposition du début, faire comme si cela se passait dans un théâtre. Les conditions du tournage m’ont aussi poussé à faire ça, le studio n’étant pas un vrai studio mais une usine désaffectée qui n’avait pas de vitres, en plein hiver. Pour moi, il fallait que ces mécanismes, ces rouages apparaissent… » Car Purcărete accorde une importance majeure à la matérialité de la mise en scène. A l’occasion en 2011 de sa production du Roi se meurt présenté à Avignon, le metteur en scène rappelle la dimension charnelle du plateau, indispensable pour asseoir la puissance poétique et mythologique des mots (ceux de Ionesco, ceux des Danaïdes d’Eschyle plus tard), c’est-à-dire poser leur valeur d’obscurité (au sens que donnent les peintres à la valeur des couleurs). Tragique et humour sont intimement liés pour Purcărete à la présence sensible du décor, et celui qu’on monte sur les planches n’est que le redoublement de celui que constitue l’architecture de la salle même du théâtre, ses velours fatigués et ses dorures passées dialoguant avec la dramaturgie installée. Le soin apporté par le réalisateur à cette mise en scène vaut à son unique long-métrage d’avoir dominé la cérémonie des Gopos 2013 dans quasiment toutes les catégories techniques : Il était une fois Palilula a obtenu les récompenses pour les meilleure photographie, meilleur montage, meilleure musique, meilleur son, meilleurs costumes, meilleurs décors, ainsi que maquillages et coiffures.

« Réinventer la fiction » (Jacques Rancière)

La lumière du plateau donne à Palilula une étrange lucidité, une clairvoyance ironique pour accompagner la misère la plus impitoyable ; l’imaginaire rôde, métamorphose jusqu’au désespoir. Concentré fantasmatique de la Roumanie d’après-guerre, le film de Purcărete est un hommage en forme de conte, peuplé de réminiscences, à un pays qui a effectivement recouru au rire et au rêve pour traverser la folie de son histoire. L’essence des années 60 et 70 est concentrée, pressée dans un lieu perdu au milieu de nulle part. Palilula, pour ceux qui n’auraient pas connu cette époque, en est la rencontre éblouie avec son absurdité de farce macabre. À Palilula tout a l’air d’un jeu, même et surtout le plus tragique. Le message tourne autour du thème de l’héritage et de la mémoire : « Que vais-je léguer à mon fils, à part un sabot de chèvre ? Ce que je léguerai, moi, en tant que Roumain, comme personne issu d’une culture minoritaire, ne peut être rien d’autre que le récit lui-même, comme le ferait un citoyen burkinabé, algérien, bosniaque ou colombien. Le récit seul a le pouvoir de donner de la noblesse à l’immondice. Qu’importe la réalité, quand elle est racontée. D’ailleurs, la réalité n’existe pas, tant qu’on ne la raconte pas… » Palilula, énorme plateau de théâtre, évoque parfois le Macondo de Cent ans de solitude par ses allures picaresques, par cette idée tenace d’une ville en vase clos où le temps est fait d’une substance malléable, et où les évolutions se font presque malgré elle et sans elle. Dans ce jeu à l’infini de théâtre dans le théâtre, offrant le spectacle d’un monde terrible et extravagant, complexe, qu’il faut appréhender en prenant le risque de se perdre tout en s’y amusant, tout semble de la matière du rêve, et le film lui-même s’étire pour en épouser la temporalité incertaine… mais le rêve chez Marquez n’a-t-il pas duré cent ans ? La déambulation somnambule dans ce dédale d’images et de figures fait d’Il était une fois Palilula comme une série de songes enchâssés, qui rappellent qu’au cinéma comme au théâtre, et peut être dans cette Roumanie dormant les yeux ouverts, la vie et l’histoire ne sont peut-être qu’un songe.

Sur le web

« Grand nom du théâtre contemporain, Silviu Purcarete signe un premier film fou, débordant de poésie et d’une incroyable envie de cinéma. Foutraque, grotesque et d’une ironie mordante, quelque part entre le conte gothique et la farce politique, entre Fellini et Kusturica, Il était une fois Palilula a des allures d’orgie visuelle et sonore. S’il s’ancre dans le contexte d’un pays et d’une époque, c’est pour mieux s’en échapper dans un cycle infini de fêtes, de beuveries et de trouvailles surréalistes. Une expérience cinématographique et fantasmagorique exaltante, bien heureusement sauvée des ténèbres par ED Distribution. » (american-cosmograph.fr)

Notes du réalisateur Silviu Purcărete

Il était une fois Palilula. Constituée par la poussière d’une lointaine planète, Palilula n’est nulle part, c’est à dire partout. C’est une petite île au centre de la plaine de Valachie, où les lois de la physique ne sont pas aussi rigoureuses qu’ailleurs sur Terre. Un film sur ce recoin poétique des Balkans, habité par une population stupide mais charmante, isolée pour l’éternité dans un cycle de beuveries, de banquets et d’orgies. Structurée autour des saisons, l’histoire se déroule au rythme d’une succession de printemps, d’étés, d’automnes et d’hivers. Mais il en existe également une cinquième : celle des grenouilles. Les Paliluliens sont présentés au jour le jour, par séquences et par moments brefs. Ils transportent avec eux leurs mythes et leurs légendes, leurs fantasmes et leurs ragots, leurs histoires et leurs anecdotes qui sculptent le groupe en tant qu’entité immuable. S’ils sont tous dépeints individuellement, ils sont définis en tant que membres de cet ensemble plus grand auquel ils appartiennent. Dépossédés de toute possibilité d’y échapper, ainsi que de l’envie de le faire. Alternativement agités ou indolents, heureux ou mélancoliques, ils sont toujours là, rassemblés au centre du monde, sur la terrasse aux lauriers, à l’hôpital ou à l’hôtel Boema. Un monde en musique. En arrière-plan, il y a toujours un orchestre tzigane, taraf en roumain, prêt à entrer en action, à mettre en relief, une impression de fête ininterrompue et inexplicable, d’oubli de soi, de libération et d’évasion du réel. Les cymbales, organe clé de l’ensemble, donnent le rythme et le ton aux festivités et à la vie. Leur musique se dissout dans un air d’opéra de Verdi, que ce soit en arias, en chœurs, ou en moments de rupture collective. L’univers sonore de Palilula intègre aussi bien le chant d’un oiseau dans le lointain, le tremblement grave des grenouilles, des ronflements symphoniques, le goutte à goutte de l’eau qui ruisselle depuis les toits, la rumeur lugubre d’une sirène…

Regard nostalgique sur les années 60 et 70, dont l’essence est concentrée, tordue et pressée dans un lieu perdu au milieu de nulle part. Et pour ceux qui n’auraient pas connu cette époque : une rencontre surnaturelle avec son absurdité. Mais dans ce monde hors du temps, monde éternel d’assoiffés, de grenouilles, de vieilles courtisanes et d’aristocrates, de médecins malades et de patients en bonne santé, le Parti Communiste persiste à faire irruption comme un rabat-joie. Ici, aucune des transformations majeures qui ont affecté le monde extérieur ne perturbent les habitants de Palilula. Ni les morts, ni les incendies et les inondations, et encore moins les changements de régimes politiques, qui ne sauraient l’emporter sur leur propension purement roumaine à la moquerie.

Immoralité et mélancolie. Là-bas, on ne peut jamais savoir si les gens mentent, rêvent ou vivent véritablement. Comme dans L’Ange exterminateur, on peut entrer à Palilula mais on ne peut jamais en sortir. Mais là-bas, l’ange exterminateur a pour noms immoralité et mélancolie.

À Palilula, les animaux, qu’ils soient des grenouilles ou des chèvres, mentent et délirent comme le font les humains. Comme eux, ils cohabitent et communient dans une fraternelle solidarité.

À Palilula, les morts sont aussi joyeux et aussi bavards que les vivants. Et surtout, aussi portés qu’eux sur la bouteille.

À Palilula, aucun mécanisme conçu par un esprit humain civilisé n’a jamais fonctionné, ni ne fonctionnera jamais. L’industrie et l’ingénierie locales, elles, s’acharnent à défier toute espèce de rationalité.

À Palilula, personne ne travaille, mais tout le monde à de quoi se remplir la panse. Palilula est un terrain de jeu où il ne naît aucun enfant, car les adultes, vieux ou jeunes, n’ont jamais franchi le seuil de l’enfance.

Palilua est l’Enfer avec des exhalaisons de Paradis. Ou le Paradis se consumant dans les flammes de l’Enfer.

Ma démarche consiste à mettre l’accent sur cette expérience monstrueuse d’une manière détachée, flottante et suprêmement ironique. C’est à partir de là que les personnages de ce film se rattachent à la réalité qui les environne tout en étant infiniment lointaine. L’ironie apporte de la noblesse et des compromis, simultanément et à parts égales. Elle joue un rôle capital dans la description de l’atmosphère tendre, paisible et insouciante de cet univers isolé.

Le message tourne autour du thème de l’héritage et de la mémoire. Que vais-je léguer à mon fils, à part un sabot de chèvre ? Ce que je léguerai, moi, en tant que Roumain, comme personne issu d’une culture minoritaire, ne peut être rien d’autre que le récit lui-même, comme le ferait un citoyen burkinabé, algérien, bosniaque ou colombien. Le récit seul à le pouvoir de donner de la noblesse à l’immondice. Qu’importe la réalité, quand elle est racontée. D’ailleurs, la réalité n’existe même pas, tant qu’on ne la raconte…

Interrogé sur la source d’inspiration du film, le réalisateur confie: «Elle provient d’un vieil ami, mort maintenant. Il me racontait les histoires de sa jeunesse en tant que docteur dans une petite bourgade en Roumanie. Il a été envoyé là-bas, pendant 5-6 ans, l’endroit était complètement surréaliste et fascinant. C’est à partir de ces histoires-là que j’ai conçu le scénario. Au début le film devait être très long, 12h ou 13h, puis il a subi beaucoup d’évolutions et de transformations. Le financement n’a pas été facile à trouver, mais finalement, voilà. La difficulté était de réduire le film, d’un point de vue acceptable pour la production. Si j’avais été milliardaire j’aurais fait un film de 24h. La boite de production m’a conseillé de voir un script doctor, un «docteur de scénario» en Allemagne, mais je n’ai pas aimé ce qu’il me proposait. C’était des schémas qui fonctionnent bien habituellement au cinéma mais qui ne m’intéressaient pas. Je pense d’ailleurs que le film est très peu conventionnel de ce point de vue. Le plus dur a été de renoncer à beaucoup d’histoires et de matière.» Il ajoute que «Le film a été mal reçu par la critique et la profession cinématographique en Roumanie. Il a été complètement démoli. Ils n’ont pas aimé, c’est le droit de tout le monde. Si le film n’est pas parfait, je pense que la manière dont ces textes critiques ont été écrits allait bien au-delà de l’analyse objective. Le film ne correspond pas au cinéma qui avait du succès à cette période en Roumanie, le nouveau cinéma roumain (la nouvelle vague). Moi, j’étais un vieillard qui venait du théâtre, et je faisais un film avec une autre esthétique, qui n’avait rien à voir avec la tendance. D’avoir été aussi mal reçu dans mon pays m’a découragé de faire d’autres films.»

Le réalisateur évoque son passage du théâtre au cinéma: «J’ai des collègues metteurs en scène qui ont fait plusieurs films. Sauf que pour moi l’occasion ne s’était pas encore présentée. Là, il s’agissait d’un texte qui n’avait pas l’ampleur d’un drame théâtral et qui pouvait au contraire être bien adapté au cinéma…mais j’ai fait le film comme si cela se passait dans un théâtre. Les conditions du tournage m’ont aussi poussé à faire ça, le studio n’étant pas un vrai studio mais une usine désaffectée qui n’avait pas de vitres, en plein hiver. Pour moi, il fallait que ces mécanismes, ces rouages apparaissent…», il ajoute: «mais il y a plus de choses qu’on peut faire au théâtre qu’au cinéma. Sur ce projet il y a eu des difficultés notamment d’un point de vue technique mais aussi du côté du processus de production qui m’était inconnu. Sinon, la majeure partie de la distribution était formée d’acteurs que je connaissais, des amis, donc travailler avec eux c’était naturel. Le planning de tournage était très strict, il fallait filmer la nuit entre 18h et 6h du matin pendant l’hiver, avec des équipes techniques différentes, avec des choses qui ne fonctionnaient pas toujours. Il faisait très froid. Par exemple, il y a une scène où un homme court sur des pavés sous une pluie artificielle. On n’a pu filmer qu’une prise, parce que tout de suite après tout était gelé. Quand on s’en souvient, c’est amusant. Au théâtre il ne fait pas -5°C pendant 12h de travail. Il y avait des scènes d’été où les acteurs devaient être en t-shirt et transpirer, on les aspergeait d’eau, mais dans le film on voit bien la buée qui sort de leur bouche à cause du froid. Un des gros avantages du cinéma est le montage. Il est plus facile au cinéma qu’au théâtre de passer d’une scène à l’autre, clac. Par exemple, à un moment les personnages marchent au plafond et on a pu faire tout ça avec une chambre qui tourne. Ce sont des trucs classiques du cinéma qu’il n’y a pas au théâtre.»

Interrogé sur la place de la musique dans son film, le réalisateur répond: «Oui, il y a beaucoup de musique dans mes pièces. C’est une des choses que la critique m’a reprochées : il y avait trop de musique non diégétique. J’aime beaucoup la musique, c’est pour moi un personnage clef d’un film ou même d’un spectacle. Pas simplement pour l’atmosphère, c’est aussi un point d’appui dramaturgique. Il y a de la musique tzigane. On a demandé à un petit orchestre tzigane de jouer l’Internationale (l’hymne communiste). C’était amusant. C’était difficile pour eux, mais ils ont finalement réussi. Et sinon, il y a une musique composée spécialement pour le film, avec le compositeur Vasile Sirli avec lequel je travaille aussi beaucoup au théâtre.»

Le réalisateur évoque le tournage du film: «Tous les acteurs étaient des amis, des acteurs avec lesquels j’avais déjà travaillé. Tout le monde était très content de faire ce film, mais les conditions étaient dures, il faisait tellement froid. C’était un peu un challenge, l’ambiance était spectaculaire pour tout le monde, l’équipe de tournage empruntait aussi des répliques du film qui sont maintenant devenues un jargon entre eux. Il n’y a pas eu de tensions, rien, tout se faisait avec grand plaisir malgré les conditions météorologiques.»


Présentation du film et animation du débat avec le public : Bruno Precioso.

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h précises.

Entrée : Tarif unique 8 €. Adhésion : 20 € (5 € pour les étudiants) . Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier et à l’atelier Super 8. Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club ici


 

 

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