Vendredi 26 Mai 2006 à 20h45 – 4ième Festival
Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Jean-Luc Godard – France – 1967 – 1h36
1967. Un groupe de jeunes maoïstes vit sous le même toit et étudie la pensée marxiste-léniniste. Une oeuvre signée Jean-Luc Godard, quasiment prophétique du futur mai 68.
« Les jeunes que filme Godard sont remplis d’espoir, ce sont des êtres qui aiment démesurément, des gens qui aiment lire et qui citent Céline ou Marx, des adolescents délinquants ou révolutionnaires qui loupent tout, leur vie, leur histoire d’amour, leur révolution et pourtant ils nous donnent une leçon de vie car ils nous apparaissent infiniment humains dans leurs tendres maladresses. »
(André-Michel Berthoux)
Sur le web
» Mai 68 semble avoir amené Godard à concevoir le cinéma dans une nouvelle optique. Si les manifestations ont secoué la France de fond en comble, elles paraissent tout autant avoir bouleversé le travail d’un des plus célèbres cinéastes de l’hexagone. Le petit soldat, La chinoise et les autres…Si la rencontre avec la politique remonte au Petit Soldat (1960), c’est avec La Chinoise (1967) que les choses commencent à prendre forme. Elargissant la méthode mise en pratique dans Masculin, Féminin (1966) dans un contexte idéologique différent, Godard tente de brosser le portrait d’une jeune bourgeoisie dans son milieu et ses prises de position face au Monde. Bien que de brûlantes questions d’actualité (la guerre du Viêt-Nam, la révolution culturelle chinoise, le révisionnisme russe) y soient constamment convoquées, La Chinoise – sur le modèle du Petit Soldat – est moins un film politique qu’un film sur la représentation des idées politiques. Godard n’impose pas sa vue sur le monde mais se contente de présenter des idées comme on présente des images. Si le discours mis en scène dans La Chinoise se montre contestataire, celui-ci renvoie bien plus à une forme de pensée lacunaire et parfois contradictoire, qu’à des propositions claires et évidentes… Le film brise l’illusion cinématographique : les personnages, conscients de jouer dans un long-métrage, se désignent eux-mêmes en tant qu’acteurs, parlent aux spectateurs, à Godard lui-même et récitent des citations du petit livre rouge. L’essentiel des procédés employés consiste à créer une forte distanciation critique entre le dit du montré, le fait et l’image. Continuellement, Godard joue sur les rapports de sens provoqués par le travail sur la bande-son parallèlement à celui sur la bande-image : le cinéaste cherche à libérer les sons des images, à les disjoindre les uns des autres. Si La Chinoise, comme on le prétend, a pu annoncer les conditions idéologiques dans lesquelles les événements de Mai 68 se sont déroulés (les références à l’université de Nanterre et au maoïsme sont effectivement éloquentes), on pourrait également affirmer que le film prépare les conditions cinématographiques dans lesquelles Godard aborde sa période militante. » (iletaitunefoislecinema.com)
» C’est enfoncer une porte ouverte que de déclarer que Godard annonce le soulèvement de Mai 68, ce qui est vrai, mais ce serait réduire La Chinoise au simple constat d’une fracture générationnelle déjà largement consommée et de l’odieux système d’une université française sclérosée, au bord de l’explosion. Pour qui fut en contact avec le milieu universitaire de Nanterre en 1967, ce n’est sans doute pas une immense opération intellectuelle que d’imaginer que les digues sont prêtes à rompre. Ce qui est plus intrigant et impressionnant concernant ce film et Godard lui-même – qui s’apprête pourtant à se jeter dans la bataille avec l’aventure gauchiste du groupe Dziga Vertov – c’est l’aspect extrêmement déceptif et désillusionné, mais non moqueur ou narquois, du regard posé sur ces jeunes révolutionnaires. La Chinoise porterait ainsi l’émergence de l’agitation gauchiste préalable aux événements de Mai 68, mais surtout la gueule de bois postérieure à ce mouvement. Cette désillusion gauchiste passe par les mots et les situations. Les protagonistes portent des contradictions entre leurs agissements et leur être. Yvonne, fille de la campagne un peu simplette, ne comprend guère le jargon dialecticien que l’on déclame en ce lieu ; si elle n’est pas isolée du groupe, elle se trouve parfois cantonnée à des travaux subalternes, comme faire la cuisine ou servir le thé. Cette cuisine est globalement davantage fréquentée par la gente féminine. Le soir venu, Véronique et Guillaume conversent régulièrement, confortablement installés dans des fauteuils en velours, buvant le café dans un service en porcelaine tout ce qu’il y a de plus bourgeois. Dans cet appartement, les habitus des uns et des autres ainsi que la stratigraphie sociale ressurgissent cruellement ; l’utopie égalitariste au sein de cette commune populaire miniature est des plus fragiles.
C’est toutefois le contact avec le réel et la collectivité qui semble poser le plus fortement les bases d’un échec. Dans le très beau dialogue entre Véronique et Francis Jeanson, lorsque la jeune révolutionnaire fait appel aux révolutions et actes de résistances du passé, la sentence de ce dernier, expérimenté en la matière, est sans appel : « On ne fait pas une révolution pour les autres, tu peux participer, tu ne peux pas inventer une révolution. » À l’image d’un pays, cette mouvance gauchiste voudrait s’émanciper : « Toi tu veux ton indépendance, mais vous êtes combien à la vouloir ? Je t’ai posé la question tu m’as dis deux ou trois. Quelques-uns, quand en Algérie cette lutte était portée par une volonté et une adhésion collectives. » La Chinoise expose ainsi l’un des drames du gauchisme : le fait d’être minoritaire. Le mouvement de mai 68 en fera la douloureuse expérience lors des élections de la peur de juin, se soldant par la réaction conservatrice d’une majorité silencieuse à laquelle De Gaulle a clairement fait appel. Minoritaire, mais aussi atomisé ; car bien qu’ensemble en un lieu unique, chaque membre de la cellule s’apparente lui-même à une cellule, un électron libre poursuivant différentes aspirations : un vrai théâtre socialiste pour Guillaume, l’action culturelle et l’enseignement pour Véronique, un romantisme mystique et torturé pour Kirilov… On voit se dessiner dans La Chinoise la logique sectaire et scissionniste du gauchisme, tout comme l’échec de l’action violente tentée dans les années qui suivent mai 68.
Ce constat d’échec passe également par l’isolement vis-à-vis du réel, le film introduit des stratégies de mise en espace très parlantes en ce sens. Cela tient d’abord à ce huis clos dans lequel les personnages, prétendant agir sur et dans la réalité, évoluent dans un isolement comparable à une insularité. Témoignant surtout du malaise d’une jeunesse qui va chercher ses idéaux à des milliers de kilomètres, ce communisme chinois est surtout montré tel un socialisme hors-sol, ayant peu de chance de s’enraciner en France et en Occident. C’est aussi la caméra et l’un de ses mouvements qui font office de sentence ; un travelling récurrent depuis l’extérieur – le balcon – de l’appartement, glissant le long des fenêtres et des murs. Depuis ce point de vue, on perçoit les jeunes gens qui discutent, se disputent, débattent, mais le son de la rue entre en concurrence, couvre même celui des échanges et des conférences. Dans cette mise en tension du dedans et du dehors, du théâtre de la révolution et de l’épreuve du réel, on sent bien que la réalité met à mal le discours. Lors de l’entretien avec Francis Jeanson, on retrouve cette même tension dedans/dehors. Pendant que le philosophe dévoile l’aporie du raisonnement de Véronique (« À quoi ça sert de tuer des gens si tu ne sais pas ce que tu feras après. Vous savez seulement que le système actuel vous est odieux et que vous êtes terriblement impatient d’en finir avec lui »), depuis la fenêtre du train défile le réel, un paysage banal, quelques gares du Bassin Parisien. Mais que ceux qui voudraient agir sur la réalité, y faire de « l’action culturelle », semblent loin de celle-ci, presque autant que la Chine ou le Vietnam de cet appartement. » (cineclubdecaen.com)
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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