Vendredi 29 novembre 2002 à 20h45
Film de Ingmar Bergman – Suède – 1953 – 1h33 – vostf
Un cirque fait une halte dans une petite ville de Suède. Son directeur, Albert, songe à abandonner sa jolie maitresse Anna, pour renouer avec l’épouse qu’il a abandonnée et qui habite dans cette même ville.
Sur le web
« …La Nuit des forains est l’admirable description du monde des artistes ambulants, et à chaque instant éclate l’amour du cinéaste pour les acteurs, le théâtre, la scène. Ces scènes que l’on retrouve de film en film, scènes miniatures de théâtres de marionnettes, scènes où se déchirent et s’aiment les acteurs. Ces acteurs, ces artistes, qui peuplent le monde de Bergman, sont à la fois les gens les plus durs et les plus sincères, et ce malgré les artifices qu’ils déploient. C’est d’eux que surgissent les vérités les plus crues, les plus violentes. L’Artiste dit la vérité en vivant dans un monde de mensonges. Mais à trop vivre dans le simulacre, l’imitation, si l’artiste est le seul à même de faire surgir la vérité, souvent il se perd en route, s’efface, disparaît. Pour se retrouver, s’aimer à nouveau, Alberti et Anna doivent cesser de jouer un rôle afin de se redécouvrir l’un l’autre, de se redécouvrir eux-mêmes. Pour cela il faut scruter les miroirs pour retrouver son image, son corps, sa substance. Chercher son reflet dans l’eau qui irrigue tout le film, rivière, océan, pluie, ruissellement des caniveaux. Quitter l’espace de la scène pour rejoindre le public et se contempler, d’où le jeu constant de Bergman sur la place du public, sur la
représentation, qui marque chacun de ses films.
L’humiliation, c’est le quotidien de tout artiste, car chaque jour il se met à nu et s’expose. C’est une crainte qui taraude, qui l’enserre et l’étouffe. Les artistes du théâtre de la ville où font halte la troupe d’Alberti expriment une forme de mépris envers les forains, qui masque le mépris qu’ils ressentent envers leur propre art. Ils souffrent du renoncement qui les a poussés à offrir du boulevard, ils ont honte de s’être ainsi prostitués. Ils rêvaient de l’Art pour l’Art, et ne vivent plus qu’en séduisant le public. Bergman a tout au long de sa carrière eu cette approche ambivalente de son art. Il a toujours filmé pour le public, s’est satisfait de chacun de ses succès, s’est régalé de son ivresse, tout en acceptant pour certains de ses films d’aller à l’encontre de ses attentes. Souvent il a souffert du rejet de certaines de ses œuvres, parfois il a été pris par l’angoisse du succès, tour à tour Alberti ou directeur du théâtre de la ville. Que l’humiliation et la honte soient issues de leur art ou de leur vie privée, chacun des personnages du film les ressent comme une marque au fer rouge. Si Alberti, Anna, Franz, souffrent de l’adultère, chacun réagit différemment. Si Frost, le clown, ravale sa honte et ramène sa femme au foyer, Franz s’enfonce dans l’orgueil. Alberti, lui, menace de tuer ou de se suicider. La Nuit des forains explore ainsi une foule de sentiments, Bergman usant de l’acuité de son regard comme de la lentille d’un microscope….
…On trouve dans la première partie de son œuvre des thèmes et des formes que Bergman réutilisera, creusera, tout au long de sa carrière. La Nuit des Forains, comme les autres films de cette époque, montre déjà ces visages que le cinéaste scrute longtemps, à la recherche des marques de peur et de solitude, de mal être, de doute. Les personnages craignent la faucheuse, Alberti implore une morte de lui parler de ce qu’il y a après, lui conjure d’apaiser ses angoisses. C’est aussi un film à la sexualité affichée, presque choquante à l’époque de sa sortie. Un an après son interprétation de Monika. Harriet Andersson y est de nouveau provocante de sensualité (« Tu sens l’écurie, le mauvais parfum et la sueur. Je te lécherai comme un chien » lui dit son amant). Ce qui est essentiellement nouveau dans La Nuit des forains, c’est la rencontre de Bergman avec celui qui deviendra son chef opérateur attitré, son plus proche collaborateur, l’immense Sven Nykvist. Le style Bergman va alors pouvoir se déployer pleinement, Sven Nykvist offrant son œil et son génie de la lumière aux visions du cinéaste. Après des années d’une photographie marquée par
l’influence de ses aînés scandinaves (Sjöström en premier lieu), Bergman peut enfin marquer de son propre sceau l’histoire du cinéma. Des années de mise en scène théâtrale lui ont donné un sens de l’éclairage et de la composition hors du commun (à l’image de Kazan). Bergman privilégie avant tout les éclairages, considérant qu’ils sont déterminants aussi bien au cinéma qu’au théâtre. Nykvist comprend presque instinctivement les vues de Bergman et sait leur donner corps, une véritable osmose entre deux artistes de génie. Si La Nuit des forains n’est que le balbutiement d’une longue collaboration, on trouve, comme dans la séquence du Clown Frost, des expérimentations formelles audacieuses. Dans cette scène de flashback, Nykvist et Bergman n’hésitent pas à aller à l’encontre des canons communément admis en surexposant à outrance les extérieurs. Première étape d’une longue et inlassable série de recherches formelles visant à donner
corps à l’univers du cinéaste. Car pour Bergman, la lumière éclatante d’un soleil du nord qui ne se couche plus, exprime les pires angoisses. C’est la lumière des cauchemars. C’est celle irradiante dans laquelle Frost est englouti par la honte. » (dvdclassik.com)
Réalisé en 1953, La Nuit des forains ne sortit que tardivement en France, en octobre 1957. Pour sa sortie aux Etats-Unis, il fut vendu comme un film ouvertement sexuel, donc plus vendeur, et rebaptisé « The Naked Night » (« La Nuit Nue » en VF).
La Nuit des forains signe les retrouvailles d’Ingmar Bergman avec l’actrice Harriet Andersson, révélée par le précédent film du réalisateur, Monika. Leur collaboration ne s’arrêtera d’ailleurs pas là, et le duo se retrouvera à 8 reprises après ce film.
Ce film marque la première collaboration d’Ingmar Bergman avec le chef-opérateur Sven Nykvist, ici dans une fonction d’assistance au directeur de la photographie « officiel« , Hilding Bladh. La Nuit des forains apparaît donc comme un film à part pour les deux hommes, Nykvist allant devenir, au fil des années, le véritable œil du cinéaste (11 collaborations !).
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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