Vendredi 28 mai 2004 à 20h45
Film de Orson Welles – USA – 1958 – 1h35 – vostf
A Los Robles, ville-frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, un notable meurt dans un attentat. L’enquête qui s’ensuit oppose deux policiers : Vargas, haut fonctionnaire de la police mexicaine, en voyage de noces avec sa jeune épouse américaine, Susan, et Hank Quinlan, peu amène vis-à-vis de ce fringant étranger. Dès lors, le couple est séparé : Vargas part avec les policiers pour les besoins de l’enquête et Susan est entraînée chez Grandi, un caïd local qui la menace. Les pressions exercées sur eux ne cessent d’augmenter. Vargas échappe de justesse à une projection d’acide ; Susan de retour dans sa chambre d’hôtel, est harcelée par un voyeur. Excédée, elle demande à son mari de la conduire en sécurité, dans un motel américain…
Sur le web
La Soif du mal est tiré du roman Badge of evil de Whit Masterson, c’est-à-dire Robert Wade et William Miller. Orson Welles avoue n’avoir pas lu le roman mais seulement le scénario de Paul Monash, qu’il a largement réécrit au cours du tournage.
En 1947, Orson Welles réalise Macbeth à Hollywood. Une décennie s’écoule avant qu’il y revienne pour La Soif du mal (1958). Entre temps, le réalisateur tourne quelques téléfilms, dont Moby Dick rehearsed avec Christopher Lee. Il réalise aussi des films, dont Othello (1952). Durant cette période, il travaille dans des conditions matérielles difficiles.
A sa sortie, La Soif du mal dure 93 minutes. Par la suite, une version de 108 minutes est retrouvée. Elle contient des scènes tournées par Orson Welles, mais aussi par Harry Keller, engagé par les studios de production pour tourner des séquences supplémentaires. Plus tard, une version director’s cut restaurée voit le jour. Rick Schmidlin la produit et la supervise selon les désirs que Welles avait exprimés dans un courrier aux dirigeants de l’Universal en 1957.
Orson Welles joue dans bon nombre de ses films, dont Citizen Kane (1941) et Macbeth (1948). Plusieurs rumeurs circulent quant au choix de Welles en tant que réalisateur de La Soif du mal (1958). La plus probable demeure celle selon laquelle Charlton Heston, apprenant que son partenaire dans le film serait Welles, l’ait conseillé comme réalisateur. Une autre hypothèse peut être retenue : le producteur Albert Zugsmith aurait engagé Welles d’emblée, suite à leur précédente collaboration sur Man in the shadow (1957, Jack Arnold), produit par le premier et interprété par le second.
A l’époque du tournage de La Soif du mal, Welles est en mauvaise posture à Hollywood, où l’on estime que ses films ne sont pas rentables. C’est Charlton Heston qui défend le réalisateur face à la pression constante des studios.
Quand Orson Welles est choisi pour réaliser La Soif du mal, les financiers des studios Universal sont réticents. Ils redoutent des fastes onéreux de la part du réalisateur. Le tournage se déroule bien, mais les dirigeants de l’Universal ne sont pas satisfaits par le prémontage du film. Ils font appel à Harry Keller pour tourner des scènes supplémentaires. Ce dernier est le réalisateur de L’Enquête de l’inspecteur Graham (1956), film dans lequel Esther Williams trouve son premier rôle dramatique.
Orson Welles veut échapper à tout contrôle de la part des studios. Pour ce faire, il travaille rapidement. Les résultats sont probants et il gagne un peu de tranquillité. Il en profite alors pour quitter le studio. Qui plus est, il tourne de nuit. Ayant acquis son indépendance par rapport à l’Universal, il peut réécrire le scénario pendant la journée.
Le tournage de La Soif du mal débute le 18 février 1957 et se termine le 2 avril de la même année. C’est un temps record pour un long métrage. Le budget du film est également serré puisqu’il s’élève à 895 000 dollars.
La Soif du mal débute par un très long plan séquence, comme Orson Welles les affectionne tout particulièrement. La scène est tournée le 14 mars 1957. Cette séquence d’ouverture plante le décor et traduit l’atmosphère pesante et inquiétante qui règne sur la ville. Pour des raisons pratiques, le tournage s’est déroulé aux Etats-Unis et non pas au Mexique où est censée se situer l’intrigue. La ville de Venice en Californie a été choisie car sa ressemblance avec Los Robles était crédible à l’image.
« …Si la narration a le goût des films noirs en en pervertissant pourtant quelques points de détail (comme les rôles tenus par les personnages américains et mexicains et le montage parallèle effectué savamment entre Vargas et sa femme), le cinématographique ne surpasse que plus violemment toute l’histoire et donne à La Soif du mal une profondeur métaphysique. Chaque plan, chaque son, est également tourné vers la fantasmagorie et le réel s’étiole pour laisser grande place au cinéma. D’un noir et blanc travaillé en fonction du Mal et du Bien, façonné en ombres menaçantes et éclairages malveillants, à la bande sonore qui agrandit l’espace et donne de la profondeur à ces prises de vue filmées en grand angle, grand angle qui déforme les perspectives, en passant par les plongées et les contre-plongées qui désarçonnent les protagonistes, à cette caméra qui prend de haut la ville pour mieux l’explorer ou l’exploiter, aux plans-séquences, tous risqués, le film d’Orson Welles reste toujours en bonne place – ainsi le spécifient George Lucas, Peter Bogdanovich, Robert Wise – dans les cours d’analyse filmique des écoles de cinéma. Mais La Soif du Mal n’est pas une simple leçon de cinéma, car les visions successives ne sauraient étancher cette soif de tout voir, tout saisir, tout apprendre. Et parce que l’innovant Orson Welles a aussi, dix ans après La Dame de Shanghai, souhaité faire un film, non pas de son époque, mais un film à projeter qui jamais ne serait de son temps, trop contemporain finalement…Enfin, le cinéaste a voulu faire adhérer ces figures hallucinantes (le veilleur de nuit, Grandi, Quinlan, Tana) dans un lieu en particulier et chaque comédien est défini aussi par son espace – qu’il parcourt ou non. Vargas, forcément, est celui qui n’est jamais à sa place et qui entre, à chaque fois, dans l’univers des autres (il n’a donc pas une « marque » filmique spécifique, ce qui n’est pas le cas de Quinlan, filmé en contre-plongée, ou de Grandi, filmé caméra mobile – à noter qu’Orson Welles venait de découvrir en France la caméra Caméflex, une caméra 35 mm conçue pour être portée et que pour la première fois à Hollywood, une telle technique est utilisée. Tous les éléments (voiture, téléphone) raccrochent alors Vargas à ces autres, il les rejoint et court toujours. Les scènes tournées en voiture sont innovantes et annoncent la fin (ou presque) des prises en voiture avec transparent (le comédien fait semblant de conduire, la voiture ne bouge pas – Universal refera une scène, présente dans la version finale, entre les époux Vargas et en utilisant le bon vieux procédé, on peut donc juger de la différence) puisque celles de La Soif du mal ont été tournées alors que le comédien conduit vraiment. Orson Welles réalise la première séquence dialoguée dans une auto en marche : le pare-brise a été enlevé et la caméra, posée sur le capot. La Soif du mal permit à Welles de consolider son statut de monstre sacré et, laissant le film à sa destinée, le cinéaste génial partit courir les déserts pour un vrai fantasme de cinéma : Don Quichotte. Ainsi, film maudit qui a retrouvé sa saveur originelle mais qu’Orson Welles n’a pu visionner, La Soif du mal est tour à tour un film manifeste, un film expérimental, un film symptôme… » (critikat.com)
En 1958, Henry Mancini écrit la musique de La Soif du mal. Artiste prolifique et inspiré, il accède à la popularité en 1963 grâce à la musique qu’il compose pour La Panthère rose de Blake Edwards. Il est également l’auteur de la musique de Charade (1963, Stanley Donen).
Mercedes McCambridge et Joseph Cotten font tous deux une brève apparition dans La Soif du mal. Cotten n’en est alors pas à sa première collaboration avec Orson Welles : il avait déjà un rôle dans Citizen Kane (1941) et Othello (1952). Quant à Mercedes McCambridge, elle rejoint en 1972 le tournage de The Other Side of the Wind, projet inachevé de Welles. Akim Tamiroff a joué plusieurs fois aux côtés et sous la direction d’Orson Welles. Les deux hommes ont notamment travaillé ensemble sur Mr. Arkadin (1955) La Soif du mal (1958) et Le Procès (1962). Mort Mills a tourné à deux reprises avec Orson Welles et Janet Leigh. Un an avant La Soif du mal, il joue aux côtés du premier dans Man in the shadow. En 1960, il retrouve la seconde dans Psychose. Pour la grande majorité de ses rôles, Orson Welles a utilisé du maquillage et des accessoires pour changer d’apparence physique. Il s’est grimé en maure dans Othello (1952), il s’est fabriqué une mine patibulaire pour La Soif du mal (1958), il est tour à tour devenu Macbeth (1948) puis Falstaff (1965) dans les films éponymes.
En 1958, Janet Leigh est Susan Vargas dans La Soif du mal. Dans ce film à l’amosphère pesante, elle loge avec son mari dans un motel. Loin d’y être en sécurité, elle se fait agresser par une bande de malfrats. Cette scène préfigure en quelque sorte la scène mythique de Psychose (1960, Alfred Hitchcock). Janet Leigh y est Marion Crane, une jeune femme en cavale qui pense avoir trouvé un refuge provisoire dans le motel Bates. L’actrice tourne dans des films violents dans lesquels elle est une victime. Les Vikings (1958, Richard Fleischer) confirme cette tendance. Les studios Universal choisissent Janet Leigh pour être l’actrice principale de La Soif du mal. Peu avant le début du tournage, elle se casse le bras. Il n’est pas question pour autant de la remplacer. Orson Welles envisage d’abord d’intégrer sa blessure à l’intrigue. Finalement, le plâtre de l’actrice est dissimulé tout au long du film. Janet Leigh enlève son plâtre le temps d’une scène : celle où elle se fait agresser dans le motel.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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