L’Âme sœur – 20ième Festival 2023



Samedi 04 Mars 2023 à 20h – 20ième  Festival

Cinéma Jean-Paul Belmondo (ex-Mercury) – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Fredi M. Murer, Suisse, 1985, 1h58, vostf

À l’écart du reste du monde, dans une ferme suisse à flanc de montagne, une famille vit au rythme des saisons. Une tendre complicité lie les deux enfants, le garçon dit « le bouèbe », né sourd- muet, et Belli, qui réalise sa vocation contrariée d’institutrice en lui apprenant à lire et à écrire. Après une violente dispute avec le père, l’adolescent s’enfuit dans les alpages. Sa sœur le retrouve et tous deux deviennent amants…

En première partie: La Sirène (Georges Méliès, France, 1904, 4’08).

Notre article

par Bruno Precioso

Après un de ces longs silences dont le cinéaste d’alors 66 ans est devenu coutumier, Fredi Murer s’est rappelé au souvenir des cinéphiles en 2006 avec Vitus. Son formidable écho auprès du public sonnait l’heure de tous les honneurs pour Alfred Melchior Murer, éternel méconnu : une première à la Berlinale 2006 en « événement spécial » avec un Ours de bronze à la clé, un Prix du cinéma suisse, un hommage à la Cinémathèque… dans les festivals, Vitus raflait les Prix du public de Rome à Soleure en passant par Chicago et Los Angeles, renouant avec le succès de son premier léopard d’or 20 ans plus tôt, avec 200.000 entrées en 5 semaines début 2006. Le plus jeune de six enfants, Fredi Murer grandit dans le canton d’Uri, patrie de Guillaume Tell, dans un canton de langue allemande et catholique à plus de 90%, connu pour son extrême traditionalisme, son rigorisme moral et l’éclatement de sa population rurale, puisque même sa capitale Altdorf, n’atteint pas aujourd’hui le seuil de 10.000 habitants nécessaire pour définir une ville en Suisse. Il lui faut 5 ans, de son inscription à l’École des beaux-arts de Zurich en 1959 en section dessin, à sa collaboration à l’Expo 64 de Lausanne comme photographe, pour choisir de s’orienter finalement vers le cinéma.

« Dans le monde humain, les régions périphériques me sont plus familières que le milieu. » Fredi M. Murer

Après une période de doute qui le voit enseigner à Londres, Murer revient pour réaliser son premier grand documentaire, Wir Bergler… (Nous, les montagnards, 1974), consacré à la paysannerie de montagne, alors déjà menacée. Puis, au retour d’un séjour aux Etats-Unis, c’est Zone grise (Grauzone, 1978), fiction qui s’interroge sur le malaise existentiel dans les villes. la vision qu’y développe Murer d’un mécontentement larvé au sein d’une population manipulée et contrôlée par son gouvernement s’avéra prophétique, anticipant aussi bien la révolte de la jeunesse des années 1980 (répondant au slogan « Raser les Alpes, qu’on voie la mer ») que l’« affaire des fiches », scandale de l’État espionnant ses propres citoyens, au début des années 1990. S’il n’est pas ignoré du public suisse, Fredi Murer n’atteint vraiment la notoriété qu’en 1985 avec L’Ame sœur, incontestable pic artistique qui restera toutefois isolé, jusqu’à Vitus donc, en 2006. Et sur ces entrefaites, voilà qu’un jury d’experts questionnés par la Sonntags Zeitung élit ce fameux léopard d’or de 1985, dixième plus grand succès du cinéma suisse (255 695 entrées en Suisse à sa sortie), placé en 1986 dans leur top 3 par Les Cahiers du cinéma, L’Ame-sœur… « meilleur film suisse de tous les temps » !

Deux sommets qu’on pourrait croire inoffensifs dans un paysage cinématographique d’alpages apaisés… Pourtant dès la fin années 60, puis courant des années 70, de Genève à Zurich, d’un lac à l’autre, les cinéastes suisses ne mâchaient pas leurs mots pour raconter leur pays : « Lausanne est une gigantesque Gestapo, la police est dans la tête des gens » ; Fredi Murer, né le 1er octobre 1940, ne contestait pas ces mots de Francis Reusser ; sa manière d’exprimer son malaise semblait toutefois moins frontale : « L’espace vital se rétrécit : on a le choix entre le pire et le moins pire ».

Le travail de Fredi Murer depuis 1965 se nourrit de son amour originel du documentaire – chargé de lucidité sociologique et politique. A ce titre il est vain de chercher à démêler le fictionnel de l’intime dans l’Ame-sœur, ou pour le dire avec le titre d’un de ses courts théoriques parus en 1991 : La Fiction cachée dans le cinéma documentaire. Son dernier long métrage « Liebe und Zufall » (Amour et coïncidence, 2014), pour lequel il s’est inspiré d’un roman autobiographique de sa mère décédée, témoigne de cette interpénétration entre fiction et documentaire.

« L’enfant est un être métaphysique » ( l’Anti – Œdipe , G. Deleuze et F. Guattari)

L’appropriation intime encourage par ailleurs à collecter les indices éclairant le palimpseste symbolique ; il suffit de savoir que Fredi M. Murer voulait d’abord tourner son film en Islande pour mesurer le rôle qu’il a souhaité réserver à la nature : montagnes vivantes comme des volcans, brumes insistantes, froid mordant auquel les corps se sont trempés pour se forger… et l’eau des rivières, capable de pluies comme tempêtes sur la mer et geysers. Les Alpes au fond campent une Islande très convenable. L’île originellement investie invite aussi à se remémorer l’histoire du cinéma, et on aura bientôt à l’esprit sous les traits Belli et du Bouèbe ceux d’Eyvind et Halla, les Proscrits de Victor Sjöström, 70 ans plus tôt.

Indice aussi le titre lui-même, qui en français brille d’une lumière moins évocatrice que l’original allemand : Höhenfeuer, c’est le feu des hauteurs, celui qui participe des célébrations de la tradition ou bien prévient les voisins du danger qui vient. Le feu qui attise les corps et invoque le mythologique puisque le mot Alpes, attesté depuis le Ier siècle av. J.C. viendrait d’albos, signifiant « monde lumineux, monde d’en-haut » (d’après Delamarre), ou de l’indo-européen *albho-, « blanc »… une racine embarquant donc une forte connotation religieuse qui elle aussi conduit vers la tragédie antique. Car si les images s’ouvrent sous les auspices d’Hésiode, jouant comme une version suisse des Travaux et des jours, c’est bien vers la tragédie que l’action mène pas à pas ; inévitable d’un legs familial maudit que les pères transmettent aux fils, où la fureur est le moteur de la catastrophe ; tragique du mot qu’économise un film sourd-muet comme son héros, mais dont le handicap provoque le passage à la violence en déliant la transgression du verbe qui en dirait la faute.

Cette Ame-sœur ouvre mille et un autres chemins, très vivants au début des années 1980 où l’antipsychiatrie militait au théâtre comme au cinéma. Fredi Murer a cité celui du nœud développé par Gilles Deleuze, dans sa Politique de la famille (1980), et le concept de double contrainte (double bind), dans lequel l’injonction paradoxale posée par l’autorité tend à entraîner un blocage de la communication, symptôme typique de la schizophrénie, où le retrait ou le silence verbal ou postural même tiennent lieu de communication. Mais on se gardera de trop rationnaliser l’Ame-sœur, fruit d’un admirateur de Buñuel et de Marco Bellochio, dont Fredi Murer admirait le documentaire réalisé en 1975 Matti da slegare. Car ici, chacun à sa manière, les personnages de Fredi Murer sont tous des Fous à délier.

Sur le web

L’Âme sœur est pour certains un film-culte. Autant par l’absolue œuvre d’art qu’est ce film que par l’incroyable façon “naturelle” dont le fil de la tragédie se déroule devant nos yeux. L’histoire raconte un amour incestueux entre un jeune garçon sourd et sa grande sœur. Ils vivent dans un chalet dans les montagnes suisses et sont de la famille des Irascibles. L’amour n’est pas choquant, jamais un gramme de ce qui pourrait être complaisant ou scandaleux. Rien. Un amour heureux voué au malheur. Et quand le malheur arrive, on est encore heureux de les voir, ces deux-là qui sont comme les couples mythiques frère-soeur qui sont, pour certaines civilisations, à l’origine de la création du monde. La montagne où ils vivent n’est pas un décor, c’est de la pente, de la roche, de l’herbe, des vaches, du bois, des pierres… Comme chez Charles-Ferdinand Ramuz, la montagne et les éléments parlent comme s’ils étaient des émotions en mouvement qui frappaient, touchaient, s’insinuaient dans les êtres, les ravissaient, les bouleversaient. Fredi M. Murer a tout écouté, tout regardé de cette vie paysanne dans les montagnes. Après son documentaire Ce n’est pas notre faute si nous sommes des montagnards, on aurait pu imaginer une fiction qui soit un drame de montagnards. Mais non, c’est de l’intime de chaque être humain qu’il s’agit, qu’il soit accroché au flanc d’une montagne ou qu’il vive ailleurs. Ce qui change, ce sont les gestes de tous les jours, et là-haut, des gestes dépend la survie. Dans les montagnes du Caucase, on dit que ce qui fait que le travail et la vie sont possibles malgré la dureté du quotidien, c’est l’amour, les corps qui s’aiment… (Marie Frering)

Interrogé sur la genèse du film, Mürer explique : … « C’est un film très atypique dans la manière dont il a été tourné. À l’origine, je voulais tourner ce film en Islande, dans un coin totalement perdu. J’avais besoin d’un coin isolé pour que cette histoire soit crédible. Mais techniquement, c’était trop compliqué à faire. L’Islande est un pays où en été, il fait jour… tout le temps. Et en hiver… il fait nuit tout le temps. J’ai donc tourné ce film en 1984 dans le canton d’Uri. Dix ans auparavant, j’avais tourné là Ce n’est pas notre faute si nous sommes des montagnards. J’ai eu d’énormes difficultés pour trouver de l’argent. Personne n’en voulait. Les gens disaient : Un film sur les paysans, ça ne marchera jamais ! Encore un film sur la patrie et ses traditions ! Il y en a déjà tellement en Suisse…Moi aussi j’avais peur de faire un film avec des vaches, des montagnes, etc. Je ne voulais pas faire un Heimat Film. C’est la raison pour laquelle j’ai adopté une conception très radicale et que j’ai systématiquement coupé toutes les pointes des montagnes…« 

Le réalisateur confie : « Je travaille toujours sur différents niveaux, il existe un niveau très réaliste, et un autre plus mental… Et puis, il y a un troisième niveau de lecture, celui d’un hommage à un film de Tarkovski Le miroir. J’aime bien combiner plusieurs niveaux, mais il y a toujours quelque chose de très réaliste à la base.« 

En ce qui concerne le titre du film Höhenfeuer, il explique : « il a été traduit par L’Âme sœur en français. En suisse allemand, il y a trois lectures différentes du titre. La première date d’une époque où il n’y avait pas encore de téléphone, on allumait des feux dans la montagne pour se prévenir, pour dire que quelque chose venait de se passer, un événement positif ou négatif. Le second sens du mot Höhenfeuer est également très suisse. Il est synonyme du jour de la fête nationale, car ce jour-là, on allume de grands feux partout. Et puis, il y a un dernier sens qui a un rapport avec une histoire d’amour. On dit chez nous : « ils sont dans le Höhenfeuer ». Cela signifie qu’ils sont dans la phase où ils vivent la passion. Ce mot est donc aussi un synonyme de passion. Mais malheureusement les trois lectures ne fonctionnent qu’en suisse allemand…« 

Le réalisateur précise sa façon de tourner : « Quand je prépare le tournage, je dessine toujours… je copie mes dessins et je les donne aux caméramans, au décorateur… je travaille toujours de manière visuelle. Pour trouver la maison, par exemple, j’ai dû en photographier une centaine. Il y a énormément de travail de préparation. Avec le caméraman, j’ai passé une semaine entière dans cette maison pour déterminer les cadrages. Ma manière de travailler exige beaucoup de temps et d’énergie…– avec le cameraman – nous avions préparé toutes les scènes précisément pour qu’on sache exactement où, quoi, comment tourner et que l’on ne soit pas obligé d’attendre toute l’équipe. Si le film a été faisable en si peu de temps, c’est parce que j’y ai minutieusement travaillé pendant plusieurs mois auparavant…« 

Le réalisateur explique : « Même si on a souvent parlé de tragédie pour L’Âme sœur, le fi lm n’est pas construit sur le rythme de la tragédie grecque, c’est-à-dire en trois actes. Mon inspiration, c’était le Boléro de Ravel. L’important, dans le Boléro de Ravel, est le rythme. La mélodie est toujours la même, mais il y a de plus en plus d’instruments, et les intervalles sont de plus en plus courts. Du coup, cela crée une dynamique incroyable. Et c’est ce rythme que j’ai essayé de transposer sur cent minutes…« 

Il précise : « La bande-son est aussi d’une grande importance, je passe au moins autant de temps sur la bande-son que sur le montage. Par exemple, à propos de la surdité du Bouèbe, j’ai dit au compositeur que je souhaitais une musique très émotionnelle à chaque fois que le Bouèbe était dans son monde, à chaque fois qu’il était seul, isolé dans ce monde sans sons. Il s’est décidé pour une harpe éolienne, c’est un instrument à cordes qui produit un son lorsque le vent souffl e, un son assez haut en tonalité. Nous avons aussi utilisé cet instrument pour son côté archaïque. La maison a trois chambres à coucher, une salle à manger, et une cuisine. Chaque pièce produit son son propre, elle est défi nie acoustiquement. Par exemple, dans la salle à manger, il y a une horloge murale, dans la chambre des parents, il y a un réveil. Dehors, il y a une fontaine, des poules qui caquettent, les vaches. Lors du montage sonore, j’avais préparé tous les sons à part, et en fonction de où on se trouve dans le fi lm, à côté de la fontaine, devant la maison, derrière… à chaque fois, il y a une autre bande-son. Il y a comme des “patries” acoustiques. Lorsque le Bouèbe revient de son escapade amoureuse, à chaque plan un nouveau son entre dans l’image. Au début, tout est silencieux, et plus il s’approche, plus il y a du son. La bande-son complète correspond à la maison. Si on compare ceci à un orchestre, on pourrait dire : Au début vient la flûte, puis le violon, puis la clarinette… et à la fin c’est l’orchestre au grand complet qui joue ensemble… » « Dès la scène d’ouverture, on fait immersion dans le quotidien de cette famille, grâce à une façon de filmer qui évoque en partie le documentaire. Mais la vision de deux rongeurs pris au piège et scrutés par les enfants annonce une dimension de tragédie grecque, que l’inéluctable et le fatum seront la conclusion inévitable de cette cellule familiale très particulière, refermée sur elle-même, sur le labeur indispensable pour subsister…

… Formé aux arts décoratifs, le réalisateur Fredi M. Murer réalisait en 1985 un de ces films miraculeux car d’une singularité exceptionnelle, tout en faisant preuve d’une sobriété et d’une sensibilité remarquables. L’équilibre n’est jamais aisé à trouver lorsqu’on réalise une oeuvre qui réussit à traiter avec délicatesse un sujet aussi risqué. Jamais L’Âme sœur ne fait preuve de maladresse ou de complaisance. Au contraire, la finesse, l’intelligence et la pudeur sont là à chaque instant pour orner une histoire qui se distingue par une force et une vérité psychologique de chaque instant.

On notera aussi l’utilisation de très majestueux plans séquences dans ce film hors du temps qui n’a pas eu en son temps le succès public qu’il méritait. Le grand directeur de la photographie Pio Corradi contribuait à la magnificence de cette œuvre unique, atypique, profondément touchante et déstabilisante à la fois. On est happé, hypnotisé et on perd ses repères. Formellement, il s’agit d’une très grande réussite. Le sens du cadre qui transforme des images à priori banales en natures mortes dignes des grands maîtres de la peinture, l’interprétation d’une très grande justesse, toujours naturelle, la musique qui intervient avec parcimonie mais sait se montrer oppressante, tout cela concourt à faire de ce long-métrage, auréolé du Léopard D’Or au Festival de Locarno en 1986, une œuvre majeure et puissante qui ne peut laisser insensible. » (lebleudumiroir.fr)

« … En apparence austère et minimaliste, le récit permet de suivre le quotidien d’une famille de montagnards… La qualité des dialogues n’est pas pour rien dans l’intérêt que suscitent ses protagonistes, et Murer trouve un juste milieu entre la psychologie explicative et les non-dits. Le film vaut également par son travail documentaire sur le mode de vie et les activités des montagnards, avec une précision ethnologique dans le prolongement des expériences de Robert J. Flaherty (L’homme d’Aran) ou Georges Rouquier (Farrebique), même si les acteurs sont tous professionnels…

L’Âme sœur prend les accents d’une tragédie grecque, tout en étant imprégné d’une ambiance quasi surréaliste, où règne l’ombre de Buñuel, un autre cinéaste que Murer vénère. La poésie sauvage qui s’en dégage rend le final inoubliable. Il faut absolument (re) découvrir ce long métrage qui eut une audience limitée à sa sortie, en dépit de son bon accueil critique. » (avoir-alire.com)

« …L’Âme sœur s’intéresse à l’isolement, la famille, le désir, l’amour et la fraternité, mais aussi l’interdit, le tout situé dans une vie au cœur de la nature, puisque les quatre protagonistes vivent toute leur existence ou presque dans une ferme sur les pentes désertées d’une montagne. L’Âme soeur ressort aujourd’hui au cinéma, en version restaurée. C’est l’occasion pour nombre d’entre nous de se plonger ou se replonger dans cette œuvre singulière et extraordinairement subtile… Ce qui marque en premier dans L’Âme soeur, c’est la douceur qui émane de cette vie rurale qui pourtant ne s’éloigne jamais longtemps d’un labeur ne pouvant être repoussé au lendemain. Et pourtant, malgré les tâches à accomplir pour les animaux, la terre ou la maison, la vie semble ici incroyablement juste et à sa place… L’Âme sœur est une œuvre particulièrement efficace sans en faire trop. Les informations passent à l’écran, par le biais des gestes et des paysages, ou nous parviennent dans les conversations des personnages entre eux, notamment dans le discours des grands-parents. On apprécie tout particulièrement le minimalisme de ce film qui n’use d’aucun effet, et dans lequel transparaît pourtant l’infini d’une poésie posée sur l’œuvre comme sur le paysage… Et, sans crier gare, tandis que les signes auront été inexistants pour certains, subtils pour d’autres, L’Âme sœur entame un virage duquel on ne revient pas… L’Âme sœur s’achève dans une passion qu’évoquait déjà son titre. Une fin qui marque son spectateur comme ce film qui semblait si doux et poétique, mais qui portait aussi le double tranchant de cette existence, complexe, belle et impitoyable. » (lemagducine.fr)

« … Quatre protagonistes vivent isolés dans un chalet suisse en pleine montagne, très difficile d’accès. Le père, que l’on nomme « der Jähzornige » (le colérique), impérieux et dur à la besogne ; la mère, mélancolique, dévouée et dévote (elle ne cesse de prier) ; leurs deux enfants, pleins de joie de vivre, complices malgré leur différence. L’aînée de ce duo, une jeune fille prénommée Belli, est une grande lectrice qui avait rêvé d’être institutrice ; son frère, jamais désigné par son prénom, simplement appelé der Bueb (le garçon) est sourd-muet. Tout le monde s’active à la ferme. Les travaux et les jours paraissent immuables : les foins, le soin des animaux, l’épandage du purin, etc. Le dimanche, on descend dans la vallée pour aller à la messe et rendre visite aux grands-parents. Autrement dit : nous sommes dans un canton catholique, plus conservateur et pauvre que ceux où dominent les Réformés.

Si son jeune héros est sourd, L’Âme sœur (Höhenfeuer) est d’abord une œuvre qui s’écoute. Sa piste sonore, scandée par de nombreuses plages de silence, comprend des compositions de Mario Beretta auxquelles se mêlent des bruits naturels de vent, d’eau et des cris d’oiseaux. Le film est en dialecte du canton d’Uri et non en Hochdeutsch. Cet indice sonore permet de localiser le lieu de l’action, Uri étant situé en Suisse centrale, terre natale du réalisateur. Ce dernier ne procède pas du tout comme un ethnologue : il se refuse à employer le son direct et à photographier la population du cru. Pour interpréter ses personnages, il a engagé des acteurs professionnels, pour la plupart allemands, inconnus du public suisse qu’il a postsynchronisés avec les voix de comédiens amateurs recrutés sur place. Cette langue concrète (au sens de la musique du même nom), riche et poétique, donne à l’œuvre sa saveur et son tragique. La sensation de naturel est factice, en effet acoustique et en trompe-l’œil.

La réalité dans ce film (comme dans le 7e Art en général) est construite et déconstruite. Le lieu reste approximatif, le cadre temporel également. Le film juxtapose éléments archaïques et signes de modernité – le téléphérique, l’électricité, la radio, la faucheuse, la pompe à lisier. C’est un choix délibéré du cinéaste qui conteste le « film de montagne » et cherche selon ses dires à « transformer un paysage authentique en paysage de pure fiction ». Sa méthode implique une pointe d’agressivité à l’égard de la mère patrie : « Nous avons systématiquement et radicalement éliminé les lignes d’horizon du champ visuel. » Pio Corradi, son chef opérateur, se souvient qu’il lui était interdit de cadrer comme des tableaux les majestueux sommets alpins et avait pour consigne de les amputer de leur sommet. Il n’est pas impossible que Fredi M. Murer ait voulu illustrer le slogan néo-futuriste du mouvement étudiant des années 80 Züri brennt (Zurich brûle) : « Raser les Alpes, qu’on voie la mer »… » (toutelaculture.com)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Bruno Precioso.

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h précises.

Entrée : Tarif adhérent: 6,5 €. Tarif non-adhérent 8 €. Adhésion : 20 € (5 € pour les étudiants) . Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier et à l’atelier Super 8. Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club ici


 

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