L’Autre



Mercredi 09 Février 2011 à 20h30 – 9ième  Festival

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic – France – 2008 – 1h37

Anne-Marie se sépare d’Alex. Il veut une vraie vie conjugale. Elle veut garder sa liberté. Ils se séparent sans heurt et continuent à se voir. Pourtant, lorsqu’elle apprend qu’Alex a une nouvelle maîtresse, Anne-Marie devient folle de jalousie. Et bascule dans un monde inquiétant, fourmillant de signes et de menaces.

Notre critique

Par Hervé Goitschel

Encore un film sur la jalousie. Ce n’est certes pas le premier et ce ne sera certainement pas le dernier tant le sujet est universel. Alors en quoi est-il différent et qu’en est-il du double ? Voici quelques-uns des éléments de réponse Ce film est différent à double titre. Sur le plan formel et sur le plan thématique. Fond et forme, sentiment et ambiance seront tout au long du film étroitement liés, mélangés, imbriqués. Il planera réellement dans toutes les scènes une sensation ambiguë et une ambiance sensitive. D’une part, une fois le projet accepté nos deux réalisateurs vont conjuguer tous leurs talents déjà observés lors  leur premier film de scénariste, de scénographe, de plasticien, pour orienter leurs recherches et leurs choix vers une esthétique de l’urbanité et de la déshumanisation. Tout d’abord le lieu de tournage. Ce sera en banlieue en raison de l’architecture que l’on y rencontre et de toutes ces infrastructures (centres commerciaux, parkings et voies d’accès) et non pas à Paris où l’on serait confronté à trop de « signifiants ». Ce choix aura pour effet de nous plonger dans une atmosphère inquiétante, mélange de fantastique et d’étrangeté. Ensuite l’habitat, moderne, froid, impersonnel. Puis la réalisation d’une bande sonore, à partir des bruits de cette froideur environnante, participe de cette oscillation constante entre réel et fiction. Ils n’auront, pour autant, pas été aussi loin dans leurs recherches sonores et visuelles que ce qu’avait tenté de faire Henri Georges Clouzot pour son film L’Enfer, film sur le même sujet qui ne verra jamais le jour et dont nous vous avions projeté l’an dernier un documentaire, lors de notre festival annuel ’’Quand le 7ième Art se filme’’. Pour ce qui est des costumes cela se fera en collaboration avec l’actrice, afin quelle se choisisse une peau. Les choix des éclairages d’intérieur et de l’intensité de la lumière dans les scènes d’extérieur ont aussi été un dossier minutieusement étudié, le choix de cette densité soulignera l’état psychologique du personnage principal. Les réalisateurs veulent un film d’atmosphère et de sensations. Mais il est important de se rappeler que tous ces éléments participent à la réussite du film et que l’essentiel n’est pas seulement ce que l’on voit à l’écran et ce qu’on entend mais tout ce qui peut se trouver hors champ et qui influe de manière directe ou indirecte sur les personnages. D’autre part, la manière dont le personnage principal va rencontrer ce sentiment de jalousie peut surprendre tant Anne–Marie est une femme équilibrée, professionnellement efficace, ferme et claire dans ces choix. Seulement voilà, une phrase, une simple indication va plonger notre héroïne dans le vide. On a tous en soi le germe de la jalousie et si ce dernier trouve un terrain il va alors se développer, à l’image d’un lierre qui envahit progressivement une surface jusqu’à l’étouffement. En fait Anne-Marie sera face à une équation à deux inconnues dont l’un des coefficients de cette inconnue serait une autre inconnue. L’équation qui n’a, soit pas de solution soit une quantité infinie de solutions, va déstabiliser le sujet au point de créer un dérèglement de son état psychique. Cette oeuvre, pourtant adaptée d’un roman, nous apparaît davantage comme une bande dessinée. Les plans sont comme des planches. On observe, elle guette, elle cherche, quelque chose la guette, quelque chose nous guette, c’est l’Autre. Un élément de réponse nous est donné par le critique Stéphane Delorme des Cahiers du Cinéma : « Bernardet Trividic sont les seuls aujourd’hui(…) à redonner corps et foi, sérieux et dérision, au motif rabattu du double (…) Un film s’efforçant de faire briller chaque parcelle du plan (..) » Avant d’être un film et des personnages, il y a souvent la rencontre fortuite d’un sujet avec des personnes.

A l’origine, une romancière et son roman.

Cette romancière c’est Annie Ernaux (Prix Renaudot en 1984 pour son ouvrage La Place et son roman : L’Occupation paru en 2000. Cette oeuvre relate la lente et inéluctable transformation d’une femme aux prises avec ce sentiment destructeur, ravageur qu’est la jalousie. Sujet qui a inspiré, à de nombreuses reprises, les écrivains depuis des siècles et des réalisateurs depuis des décennies. Cette femme s’extirpera de cette spirale infernale par une dématérialisation de l’autre ainsi que par un double exercice d’écriture : une lettre de rupture à son ex amant et la rédaction du roman. Une adaptation au cinéma se serait révélée une simple transposition si le roman n’était pas tombé entre les mains des deux réalisateurs ; Pierre Tridivic et Patrick-Mario Bernard.

Les réalisateurs.

Ce duo avait abordé de manière des plus surprenantes le thème du double avec la réalisation de leur premier long métrage Dancing en 2003. Patrick Mario Bertrand et Pierre Tridivic travaillent ensemble sans jamais se poser la question de la répartition des tâches, les places sont interchangeables dans toutes les situations : écriture, mise en scène et prise de vues. Ils vont donc commencer à travailler le scénario de ce qui allait devenir L’Autre en poussant plus loin le désordre mental lié à ce sentiment de jalousie. Ils avaient déjà une idée du lieu de tournage, de l’univers dans lequel l’héroïne d’Annie Ernaux évoluerait grâce au journal du dehors du roman. Il leur manquait l’actrice capable d’interpréter ce rôle. Une chose avait paru évidente à Patrick Mario Bertrand et Pierre Tridivic, après la lecture de L’Occupation : c’était Dominique Blanc qu’ils voyaient pour interpréter le rôle d’Anne-Marie et ils en parlèrent à leur producteur.

L’actrice.

Cette rencontre entre ces réalisateurs et Dominique Blanc fut le fruit du hasard. Alors qu’elle conversait avec Patrick Sobelman, producteur de La Trilogie, film de Lucas Belvaux dans lequel elle avait tourné, elle lui fit part de sa volonté de rencontrer Tridivic et Bernard car elle avait beaucoup apprécié leur film Dancing. Vous aurez vite compris qu’il s’agissait du même producteur et que celui-ci se fit un plaisir de mettre en contact Dominique avec les « garçons« , comme elle aime à le dire. Dominique mène de front une double carrière de comédienne et actrice, carrière jalonnée de récompenses : 2 Molières, 4 Césars (trois comme meilleur second rôle plus un César de la meilleure actrice pour son interprétation dans Stand-by de Roch Stephanik en 2001) et un Prix de la meilleure interprétation féminine (Coupe Volpi) en 2009 à La Mostra de Venise pour le rôle d’Anne-Marie dans le film que nous vous présentons ce soir. Nous ne manquerons pas également de relever la belle performance du personnage d’Alex ainsi que de l’ensemble des acteurs de la distribution.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Hervé Goitschel.

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Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents CSF et toute personne bénéficiant d’une réduction au Mercury).

Adhésion : 20 €. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, ainsi qu’à toutes les séances du Mercury (hors CSF) et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.
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