Le Retour



Vendredi 30 janvier 2004 à 20h45

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Andreï Zviaguintsev – Russie – 2003 – 1h46 – vostf

Adolescents turbulents, Ivan et son grand frère Andreï n’ont jamais connu leur père. Après douze ans d’absence, ce dernier réapparaît soudainement. Les enfants n’ont de souvenir de lui qu’à travers une photographie. Pour restaurer les liens rompus, l’homme, taciturne et autoritaire, décide d’emmener durant quelques jours ses deux fils pour une partie de pêche. Tous trois commencent un long voyage en voiture sur les routes russes. Ce court séjour se transforme en longue virée vers une île abandonnée à la recherche d’une chose mystérieuse. Ivan, dit « la crevette », devient de plus en plus arrogant.

Sur le web

« Né le 6 février 1964 à Novossibirsk, Andreï Zviaguintsev termine ses études d’acteur en 1984 à l’institut de théâtre de Novossibirsk (atelier de Lev Belov), puis monte à Moscou en 1983 et est diplômé, en 1990, du célèbre institut moscovite de théâtre GITIS (atelier d’Evgueni Lazarev). Il travaille comme acteur dans deux projets théâtraux indépendants : en 1993 dans La Marelle de Julio Cortazar (le rôle de l’auteur) et, en 1997, dans Un mois à la campagne d’Ivan Tourgueniev (le rôle de Beliaev). De 1992 à 2000, il interprète des rôles secondaires dans des séries télé (Goriatchev et les autres en 1992-1994, Faisons connaissance en 1999, Kamenskaïa en 2000), ainsi que dans des films de cinéma (Le Chaton en 1996 et Chirli-Myrli en 1999). En 2000, Andreï Zviaguintsev passe à la mise en scène en réalisant trois courtes nouvelles (Boussido, Obscure, le Choix) dans le cadre d’une série de la chaîne REN-TV intitulée La chambre noire. Ses premiers émois de spectateur: Sonate d’automne de Bergman et L’Avventura d’Antonioni. Dmitri Lesnevski, cofondateur de la chaîne russe Ren-TV, lui confie la réalisation de quelques épisodes d’une série à succès, puis lui commande un premier long métrage, Le Retour. Les deux hommes remanient le scénario, partent en repérages près du lac Ladoga et cherchent pendant un an leurs acteurs. Le budget du film est estimé à 405 000 dollars. A sa sortie en 2003, Le Retour  crée l’événement, étant invité aux festivals de Toronto, Montréal et Locarno et sélectionné en compétition au festival de Venise. C’est là que ce premier film (qui était le premier pour une grande partie de l’équipe de tournage) remporte le Lion d’or, ainsi que le Lion du meilleur premier film assorti de la mention suivante : « Un film très subtil sur l’amour, la perte et le passage à l’âge adulte ».  » (cineclubdecaen.com)

Andrei Zviaguintsev a réalisé ce film d’après un scénario que lui a fait lire son producteur. Il a procédé à plusieurs changements, et le résultat final est très éloigné du scénario initial. « En effet, au départ le film était construit sur des flash-backs qu’avaient deux quinquagénaires russes pêchant au bord d’un lac américain se remémorant leur enfance. Les enfants s’appelaient Archil et David, or je tenais tout particulièrement à Ivan et Andreï. Le scénario était parsemé de moments visuellement forts qui étaient faits pour capter l’attention du spectateur (…) A mon sens, le spectateur devait assister en direct aux événements (d’où l’importance du temps qui s’écoule et de ce découpage en sept jours, qui n’existait pas dans le scénario original), sans aucun des a priori qu’auraient donnés les films de genre. Mais je n’en veux pas aux scénaristes d’être partis dans cette direction, compte tenu des images qui nous envahis depuis dix ans », explique le cinéaste.

« Le film de Zviaguintsev caresse savamment les frontières du fantastique, instaurant un climat inquiétant, sans qu’aucun danger imminent ne vienne pourtant menacer les protagonistes. L’arrivée sur la plage de l’île s’effectue dans le brouillard, avec les personnages en contre-jour, encapuchonnés, fantômes d’eux-mêmes. Lorsque les fils, à la recherche de vers pour pêcher, s’approchent de la maison d’où le père déterre son secret, celui-ci disparaît littéralement, ne laissant qu’un trou béant. Il figure sur la vieille photo qu’Ivan garde dans son grenier, mais pas sur celle, identique pourtant, que les enfants découvrent dans sa voiture, après que la mer l’a emporté. Au générique de fin, les sublimes photos signées Andreï (Vladimir Michoukov en réalité) ne compte qu’une seule du père, toujours endormi sur la banquette arrière. Le diaporama se termine par une vieille photo de la famille , à l’époque où les enfants n’étaient alors que des bébés. Pour ainsi dire, la trace que les fils garderont de leur père réside en eux-mêmes, dans leur cœur, dans la force qu’il leur a transmise durant ces quelques jours. Nulle trace de cette force sur les clichés, qui se contentent de représenter un père appartenant au passé ou au royaume du rêve et de la mort. Le jeune et brillant réalisateur Andreï Zviaguintsevgintsev réalise avec Le Retour une œuvre virtuose et rafle, au passage, un Lion d’Or à Venise, on ne peut plus justifié. Du grand art. » (plume-noir.com)

« …Dans le Retour on retrouve un cinéma russe renouant avec ses grandes virées cosmico-panthéistes ­ dont on n’avait pas revu l’équivalent depuis Tarkovski (il y a certes Sokourov, mais il met un prisme déformant entre lui et le monde). Le Retour rappelle les déambulations des héros tarkovskiens : Ivan, Andreï Roublev, le Stalker, etc. Mais la tonalité est ici moins insolite et métaphysique. Il y a une proximité des objets et de la matière chez Zviaguintsev, un sens du geste quotidien et archaïque : pêcher un poisson, calfater une barque, faire un feu, planter une tente.  Le Retour est évidemment beaucoup plus qu’une partie de camping sauvage, qu’un Manuel des castors juniors filmé. C’est aussi une vraie tragédie antique. Ce retour du père, deus ex machina, pose plus de problèmes qu’il n’en résout. Il est nimbé de trop de mystère pour être évident. D’où vient cet homme ? Qu’a-t-il fait tout ce temps ? A-t-il tué, trafiqué ? Ses enfants ne sont même pas sûrs que ce fantôme soit leur paternel. Ces interrogations implicites fournissent au film sa tension ­ qui perdure d’un bout à l’autre car, contrairement aux thrillers courants, les personnages sont constamment en avance sur le spectateur. On ignore constamment où tout cela nous mène. Quel est le but de l’expédition ? Que contient cette caisse sortie de terre que le père dissimule dans la barque (on ne le saura pas car le rafiot coulera) ? C’est la force du film, de laisser tout en suspens, en pointillé, tout en restant concret, physique, sensoriel.  La tonalité fantastique du film ne provient pas d’un quelconque bluff scénaristique ou d’un événement surnaturel, mais simplement du réel observé avec acuité. Par exemple, la scène dans le bateau abandonné où les deux enfants vont pêcher réveille en nous les histoires de vaisseaux fantômes. C’est en définitive un film qui renoue avec l’aventure au sens de Conrad, de Stevenson, ou du Fritz Lang de Moonfleet : la nature sublimée par la notion de danger et d’inconnu. En même temps, c’est une œuvre très scénarisée, qui forme une boucle tragique, en rééditant la figure qui avait amorcé le film : le saut dans le vide, le vertige. La terreur du petit Andreï (Vladimir Garine ­ qui est d’ailleurs mort noyé après le tournage) de se jeter dans la mer du haut d’un plongeoir de fortune ­ pour ne pas perdre la face devant ses copains ­ trouvera un écho dans l’épisode de la tour en bois plantée au milieu d’une île, que père et fils escaladeront. La scène primitive du plongeoir est celle qui va conditionner tout le climat du film, fondé sur le rapport au courage, à la virilité. La rébellion permanente d’Andreï, hostile à l’autorité de son père, est le ferment de la tragédie aussi brusque qu’inattendue qui va le clore. Que rêver de mieux : un film d’une simplicité biblique qui nous tient en haleine de bout en bout sans utiliser les ressorts du cinéma de genre ; une immersion un peu inquiétante dans un monde naturel où l’on perd ses re-pères. Splendide. » (lesinrocks.com)

En choisissant Vladimir Garine, l’adolescent qui interprète Andrei, le réalisateur confie avoir pris un risque: « Je sentais chez cet adolescent, qui avait été gravement traumatisé pour avoir été renversé par une voiture et en gardait des séquelles profondes, un manque d’attention ». Le jeune garçon, presque autiste, avait déjà une solide expérience théâtrale. Diplômé d’une école de musique (piano et trompette), il avait aussi doublé en russe un personnage du dessin animé Les 101 Dalmatiens, et avait l’ambition de devenir baryton. Sur le tournage, Andrei Zviaguintsev est étonné par le talent du comédien. Mais quelques jours avant la présentation du Retour à l’équipe, Vladimir Garine est retrouvé mort. Il s’est noyé après avoir plongé d’un bateau gonflable au milieu d’un lac. Le réalisateur a découvert Konstantin Lavronenko (qui joue le rôle du père) dans « une adaptation théâtrale très avant-gardiste du Révizor de Gogol (…) avec quatre filles et cinq garçons, qui venaient dire chacun une réplique au moment où ils le « sentaient », à la limite de la transe, sachant qu’ils savaient tous la totalité de la pièce par coeur  » Andrei Zviaguintsev, lui-même ancien acteur, s’est découvert un point commun avec son comédien: « Lorsque je lui ai demandé pourquoi il n’avait pas fait de grande carrière théâtrale, il m’a répondu que, à un moment, il avait eu honte de se produire sur scène. Cela nous a rapprochés, car un sentiment analogue m’avait envahi et c’est pour cela que je n’ai pas fait de carrière théâtrale moi-même. »

Les photos qui défilent à la fin du film ont été choisies parmi les mille cinq cents clichés pris durant le tournage par Vladimir Michoukov. « Le choix, le montage de ces photos et le tempo de leur défilé m’ont paru mille fois plus compliqués que le montage des images animées », commente le réalisateur.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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