Le Roi des Masques



Vendredi 09 décembre 2005 à 19h

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Wu Tian-ming – Chine – 1995 –  1h41 – vostf

Dans la Chine des années 30, un vieil homme, Wang (Xu Zhu), donne des représentations théâtrales itinérantes tout le long du Sichuan. Son art : changer de visage en un éclair par l’utilisation de masques de soie. Vivant pauvrement sur une jonque avec laquelle il parcourt le fleuve en compagnie du Général, à savoir son singe, il rencontre Maître Liang, jeune acteur adulé dans son rôle de la divinité Bodhisattva. L’admiration que se portent les deux artistes est réciproque. Liang propose à Wang d’intégrer sa troupe mais ce dernier refuse car le secret de son art ne doit être transmis que de père en fils. Le problème de Wang est qu’il ne possède plus de fils, ayant perdu le sien, âgé de 10 ans, vingt et un ans plus tôt. Liang le pousse à trouver une solution. Wang se rend alors au « marché des enfants », terrible lieu où des enfants sont cédés par des parents sans logis victimes des terribles inondations. Wang refuse les supplications de petites filles mais se laisse attendrir par un jeune garçon de 8 ans qu’il « achète » pour 5 pièces de cuivre. Il le ramène à son bateau et le nomme Gouwa (« chiot » ).

Notre critique

Par Philippe Serve

Le Roi des Masques, film superbe du grand réalisateur Wu Tian-ming, traite (entre autres et sur fond de théâtre et d’opéra chinois) d’un sujet très sensible de la société chinoise : la place de la fille, roue de secours dont on aime à se passer tant que l’on peut, le garçon, lui, étant roi. Cette conception cruellement dominatrice dans l’ancienne société devait retrouver plus tard une actualité inattendue avec l’instauration de la politique de l’enfant unique, surtout dans les campagnes où tout parent préfère avoir un garçon pouvant apporter sa force de travail à la famille plutôt qu’une fille « inutile« .

Situé quelque part entre le Sans Famille de Hector Malot et l’univers de Dickens, le film se rattache très directement au genre du mélodrame qui, sur le sujet des rapports entre adultes et enfants d’adoption, nous donna ces dernières années des films tels que Central do Brasil (Walter Salles, 1998) ou Kolya (Jan Sverak, 1996).

Le Roi des Masques (le titre original « Bian Lian » signifie « Changer de visage » ) dégage une grande beauté, nourriture tout à la fois des yeux et de l’âme. Le spectateur ne pourra que s’émouvoir devant les terribles conditions de vie des personnages, l’injustice qui s’abat toujours sur les plus pauvres et les plus innocents (« Si tu as de la boue sur ton pantalon, les gens diront que tu t’es chié dessus« , prévient Wang, victime de fausses apparences) et cette magnifique relation entre un enfant et un vieil homme. Il s’étonnera d’avoir les yeux humides face à une histoire qui, traitée par un réalisateur moins fin, l’aurait peut-être agacé par un trop plein de bons sentiments et d’émotions. Oui, ce film est un sacré mélo mais dans le sens le plus noble du terme. Et grâce en soit rendu à Wu Tian-ming pour l’intelligence de sa mise en scène. Reconstituant de superbe manière la Chine des années 30, il nous gratifie de magnifiques images, alternant les scènes aux éclairages sombres et celles plus lumineuses ayant notamment pour centre Maître Liang, le spécialiste des rôles féminins (et joué par un véritable chanteur vedette de l’opéra, l’élégant et délicat Zhao Zhigang).

Ce n’est pas une surprise si Wu Tian-ming (né en 1939) fut le père spirituel (et même bien davantage) des réalisateurs de la 5ème génération. Directeur des studios Xian à partir de 1983, fils d’un chef de partisans pendant la guerre de Libération, on lui doit notamment la production du Roi des Enfants de Chen Kaige et Le Sorgho rouge de Zhang Yimou (1987). Lui-même avait réalisé son premier film en 1983 (La rivière sans balise / Mei you hangbiaode heliu). Deux ans plus tard, il produisit L’Incident du canon noir (Heipao shijian) de Huang Jianxin, véritable coup d’envoi de cette fameuse 5ème génération.. Les thèmes de la famille et des contes folkloriques (et qu’est-ce que Le Roi des Masques si ce n’est un conte ?) courent dans toute son oeuvre, s’additionnant de subtiles réflexions politico-morales. Les tragiques événements de la place Tienanmen du 4 juin 1989 le poussèrent à partir aux Etats-Unis d’Amérique où il enseigna l’Histoire du Cinéma chinois avant de revenir au pays en 1995. L’année suivante, il tourna Le Roi des Masques en co-production avec les célèbres studios Shaw Brothers de Hong-Kong. Pour interpréter Wang, Wu Tian-ming fit appel à Xu Zhu, très grand acteur de théâtre qui fait vraiment merveille dans le rôle comme il le fera encore quelques années plus tard dans Shower (Zhang Yang, 2000). Face à lui, Zhou Renying joue sur tous les registres et si le film ne glisse jamais dans la guimauve il lui en doit une bonne part.

Récompenses obtenues par le film :

Prix du public au Festival international du film de Canberra (Australie, 97)
Meilleur film, meilleur acteur (Xu Zhu) et meilleure actrice (Zhou Renying), Festival international Carrousel (Canada, 97)
Meilleur acteur (Xu Zhu) Festival du film Fajr à Téhéran (Iran, 98)
Prix CICAE et Tulipe d’Or pour Wu Tian-ming, Festival d’Istanbul (Turquie, 97)
Meilleur réalisateur asiatique (Wu Tian-ming) Festival de Singapoure (97)
Meilleur réalisateur (Wu Tian-ming) et meilleur acteur (Xu Zhu) au Festival de Tokyo (Japon, 96)
Prix des enfants (Wu Tian-ming), Würzburg International Filmweekend (Allemagne, 99)
Chèvre d’Or (Wu Tian-ming), Festival international de films pour enfants, Poznan (Pologne, 98)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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