Le Roi Lear



Vendredi 16 décembre 2005 à 20h45

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Grigori Kozintsev – URSS – 1972 – 2h20 – vostf

Le roi Lear avait trois filles : Goneril, Régane et Cordélia. Sur un coup de colère, il déshérite la cadette Cordélia qui est pourtant sa préférée et la chasse de son château. Mais les deux autres filles révèlent bientôt leur infâme nature, elles aveuglent leur père et, à son tour, lui montrent la porte. Privé et de son royaume et d’un simple toit sur la tête, le vieux Lear qui n’a plus que son fidèle bouffon pour compagnon, finit par reconnaître les erreurs passées et retrouver Cordélia. Et c’est avec elle qu’il va affronter la suite tragique des malheurs qui l’accablent…

Une adaptation à l’écran de la célèbre tragédie de Shakespeare.

Grand Prix et Prix de l’interprétation masculine (Youri Iarvet) au Festival de Téhéran 1972
Hugo d’Argent au Festival de Chicago 1972
Médaille d’Or de la Ville de Milan 1973

Le grand cinéaste Kozintsev (1905-1973), admirable plasticien qui avait signé un superbe Hamlet en 1964, nous apporte à nouveau la preuve, noir sur blanc, que la Russie est bien la « seconde patrie de Shakespeare ».

Notre critique

Par Philippe Serve

Korol Lir fut le dernier film de la longue carrière de Kozintsev, commencée avec des oeuvres expérimentales et délirantes au début des années 20 et achevée sur deux magistrales adaptations shakespeariennes. Sa version de Hamlet reste probablement la plus célèbre des deux, mais bon nombre de critiques considère son Roi Lear plus abouti encore. Avec une efficacité peut-être supérieure à n’importe quelle production scénique, le film, empreint d’une austère splendeur, révèle la stature majestueuse de la pièce. Il en tire le maximum sans jamais la trahir en aucune manière. Le Roi Lear de Kozintsev demeure, dans toute sa force, le Lear de Shakespeare.

Selon les propos de Kozintsev lui-même : « Ce n’est pas seulement l’histoire d’un homme, c’est la tragédie du monde« . Son but est de replacer Lear dans son contexte, en montrant que les arrangements et les caprices de la royauté amènent le désastre non seulement sur ellemême, mais également sur toute une nation. Dans la séquence d’ouverture, un véritable cortège de vagabonds loqueteux (qui n’est pas sans nous rappeler la foule de suppliants progressant dans la neige de Ivan le terrible) trace son douloureux chemin vers le château de Lear. Plus tard, alors que la guerre et la destruction font rage à travers le paysage désolé, la population entière de GrandeBretagne semble avoir été réduite à la misère et au sauve-qui-peut, le roi lui-même n’étant plus qu’un simple élément de cette foule. Les scènes finales se déroulent dans les ruines consumées de Douvres, dont les habitants, tandis que Lear meurt, continuent à fouiller les décombres, indifférents à ce qui n’est qu’un mort de plus après tant d’autres.
Sur un plan formel, le film est superbe de bout en bout. A l’aide d’une impressionnante photographie noir et blanc et grâce à l’utilisation du grand écran (format Sovscope 2.35), Kozintsev crée des compositions panoramiques qui font écho aux forces élémentaires générées par la pièce. Dans un plan en plongée d’une fulgurante beauté, la caméra semble même fusionner avec les éléments tandis qu’elle projette une lueur sur les silhouettes recroquevillées de Lear et du Fou trébuchant comme des l’aveugles à travers la bruyère balayée par la tempête. À d’autres moments, elle s’identifie au roi et à ses changements d’humeur, balayant vertigineusement l’espace avec lui vers les folles hauteurs des remparts ou exerçant un lent panoramique vers l’horizon  assombri comme dans l’appréhension de la tempête à venir.

Pour le rôle titre, l’acteur estonien Yuri Yarvet a été judicieusement choisi : petit, une allure d’oiseau aux yeux vifs, il semble au premier abord et de façon presque naïve peu fait pour sa charge. Pourtant, à la fin du film il acquiert de manière touchante une frêle noblesse, surmontant ses propres insuffisances au fur et à mesure qu’il gagne en compréhension. Les autres rôles sont également bien caractérisés, enrichis de détails personnels, de l’embarras agité de Gloucester à l’innocence du Fou aux cheveux coupés ras. Même pour les non russophones, la vigoureuse traduction de Pasternak conserve les rythmes et l’inflexion du vers de Shakespeare tandis que, toute puissance et énergie, la musique de Chostakovitch (la dernière de ses nombreuses participations à tant de films exceptionnels) complète parfaitement la conception épique de Kozintsev.

 Il n’y a aucun compromis dans Korol Lir. Au niveau visuel, le film est totalement russe, du vrai Kozintsev. La « patte » du réalisateur de La Nouvelle Babylone, tourné 40 ans plus tôt, est clairement reconnaissable. Il applique une lecture marxiste du texte mais sans se montrer en aucune façon doctrinaire, ni en pervertissant le moins du monde les intentions de Shakespeare. Avec Le Château de l’Araignée de Akira Kurosawa (adaptation de Macbeth) et son propre Hamlet tourné juste avant ce Lear, le film de Kozintsev offre un exemple rare d’une adaptation shakespearienne réussie, tout à la fois du superbe cinéma et du superbe Shakespeare.

* film de Gordon Douglas (1954), en vo : Them !


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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