Jeudi 09 Mars 2023 à 20h – 20ième Festival
Cinéma Jean-Paul Belmondo (ex-Mercury) – 16 place Garibaldi – Nice
Documentaire de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado, Brésil, France, 2014, 1h50, vostf
Depuis quarante ans, le photographe Sebastião Salgado parcourt les continents sur les traces d’une humanité en pleine mutation. Alors qu’il a témoigné des événements majeurs qui ont marqué notre histoire récente : conflits internationaux, famine, exode… Il se lance à présent à la découverte de territoires vierges aux paysages grandioses, à la rencontre d’une faune et d’une flore sauvages dans un gigantesque projet photographique, hommage à la beauté de la planète. Sa vie et son travail nous sont révélés par les regards croisés de son fils, Juliano, qui l’a accompagné dans ses derniers périples et de Wim Wenders, lui-même photographe.
En première partie: Éclipse de soleil en pleine lune (Georges Méliès, France, 1907, 9’17).
Propos du réalisateur recueillis par André-Paul Ricci
Depuis quand connaissiez-vous Sebastião Salgado, et son travail vous avait-il frappé avant de le rencontrer ?
Je connais le travail de Sebastião Salgado depuis près de 25 ans. J’avais acheté deux tirages, il y a longtemps, qui avaient vraiment trouvé un écho chez moi et qui m’avaient ému. Je les ai encadrés et, depuis, ils sont accrochés au-dessus de mon bureau. Inspiré par ces clichés, j’ai visité une exposition, appelée Au travail, peu de temps après. Depuis, je suis un admirateur inconditionnel de l’œuvre de Sebastião, même si je n’ai rencontré l’artiste en personne qu’il y a 5 ou 6 ans.
Quel a été pour vous le déclencheur du projet Le sel de la Terre ?
Nous nous sommes rencontrés dans son bureau parisien. Il m’a fait visiter son studio, et j’ai découvert Genesis. Il s’agissait d’un nouveau départ, enthousiasmant, dans son œuvre, et comme toujours, d’un projet de grande envergure s’inscrivant dans la durée. J’ai été fasciné par son investissement dans son travail et par sa détermination. Puis, on s’est revus, on s’est rendu compte qu’on adorait le foot tous les deux, et on s’est mis à parler de photo en général. Un jour, il m’a demandé si je pourrais envisager de l’accompagner, lui et son fils Juliano, dans un périple sans but bien précis, qu’ils avaient entamé tous les deux, et pour lequel ils se disaient qu’ils avaient besoin d’un autre regard – d’un point de vue extérieur. Le plus gros problème a été l’abondance de matériel. Juliano avait déjà accompagné son père dans plusieurs voyages à travers le monde. Il existait donc des heures et des heures d’images de documentaires ; j’ai commencé à me pencher sur son œuvre photographique, et nous avons enregistré plusieurs entretiens à Paris. Mais plus je découvrais son travail, et plus les questions étaient nombreuses. Et bien entendu, j’ai eu accès à une pléthore d’images d’archives.
Votre présence dans le film est discrète : où et quand ont eu lieu les entretiens que vous avez eu avec Sebastião Salgado ? Et qu’est-ce qui a présidé au choix des photos que vous commentez avec lui ?
Au cours des premiers entretiens, j’étais présent à l’image. Mais plus on avançait dans nos conversations, plus j’avais le sentiment qu’il fallait que je « disparaisse » et que je cède toute la place à Sebastião et, surtout, aux photos. L’œuvre devait parler d’elle-même ! J’ai donc eu l’idée d’un dispositif de mise en scène, dans une autre sorte de « chambre noire » : Sebastião était face à un écran, où il regardait ses photos, tout en répondant à mes questions à leur sujet. La caméra se trouvait donc derrière cet écran, filmant à travers ses photos – pour ainsi dire – grâce à un miroir semi-transparent, si bien qu’il fixait à la fois ses clichés et le spectateur. Je me suis dit que c’était le cadre le plus intime pour que le public l’entende s’exprimer et découvre son œuvre. Nous avons plus ou moins éliminé les entretiens « traditionnels », dont il ne reste que quelques bribes. Mais ils se sont révélés une formidable étape préparatoire pour nos séances dans la « chambre noire ». Nous avons sélectionné les photos ensemble, et ces choix ont été, dans l’ensemble, dictés par les histoires que m’a racontées Sebastião et qu’on retrouve dans le film. Nous avions à notre disposition des heures et des heures de rushes…
L’encouragiez-vous à commenter ses photos en les replaçant dans l’époque et dans les lieux où elles ont été prises ? Mine d’or au Brésil, famine au Sahel, génocide au Rwanda… Elles sont pour la plupart tragiques. Vous ne les trouvez jamais « trop belles » comme certains le lui ont reproché ?
Dans la « chambre noire », nous avons parcouru toute l’œuvre photographique de Sebastião, plus ou moins dans l’ordre chronologique, pendant environ une bonne semaine. C’était très difficile pour lui – et pour nous aussi qui étions derrière la caméra – car certains récits et voyages sont profondément dérangeants, et quelques-uns suscitent un véritable effroi. Sebastião avait l’impression de se replonger dans ces lieux, et pour nous, ces voyages intérieurs au cœur des ténèbres étaient également bouleversants. Parfois, on s’arrêtait et j’avais besoin d’aller faire un tour pour prendre du recul par rapport à ce que je venais de voir et d’entendre. Quant à la question de savoir si ses photos sont « trop belles », ou « trop esthétisantes », je suis en total désaccord avec ces « critiques » dont vous parliez. Lorsqu’on photographie la misère et la souffrance, il faut savoir donner une certaine dignité à son sujet, et éviter de tomber dans le voyeurisme. Ce n’est pas facile. Cela ne peut se faire qu’à condition de travailler en étroite collaboration avec les gens qui se trouvent devant son objectif, et de se plonger réellement dans leur vie et leur détresse. Très peu de photographes y parviennent. La plupart d’entre eux arrivent quelque part, prennent quelques photos à la volée, et s’en vont. Sebastião ne travaille pas comme ça. Il passe du temps avec les gens qu’il photographie pour comprendre leur situation, il vit avec eux, il sympathise avec eux, et il partage leur vie autant que possible. Et il éprouve de l’empathie pour eux. Il fait ce travail pour ces gens, afin de leur donner une voix. Les clichés pris sur le vif et les photos de style « documentaire » ne peuvent pas rendre compte de ça. Plus on trouve le bon dispositif qui raconte une situation de manière convaincante, plus on met au point un langage qui correspond à ce qu’on montre et au sujet qu’on a en face de soi, plus on fait un véritable effort pour obtenir une « bonne photo », et plus on donne de la noblesse à son sujet et on le rend exceptionnel. Je crois que Sebastião a offert une vraie dignité à tous les gens qui se sont retrouvés devant son objectif. Ses photos ne parlent pas de lui, mais de tous ces gens !
Avez-vous eu recours à un scénario pour Le sel de la Terre, ou le film s’est-il plutôt écrit au montage ?
J’ai jeté sur le papier le principe du film, et au bout du compte, la « chambre noire » était un dispositif conceptuel, mais dans l’ensemble, comme pour tout documentaire, il faut essayer de tourner des images sur le vif, et ne pas rater ce qui se passe devant soi en raison de préjugés. C’était particulièrement le cas lorsque je me suis rendu au Brésil et que j’ai filmé Sebastião et Lelia (sa femme) à Vitoria, la ville où ils habitent, ou dans l’enceinte de l’Instituto Terra : il fallait alors que je me laisse guider par l’imprévu et que je sois prêt à tourner des images sur le vif. C’est l’autre aspect de ma contribution à ce film : chercher à mettre en rapport cette « autre vie » extraordinaire des Salgado et l’œuvre photographique. D’une certaine façon, leur engagement écologique et leurs efforts en faveur du reboisement de la Forêt Tropicale Atlantique sont, à mon avis, aussi importants que les photos de Sebastião. Du coup, j’ai eu le sentiment qu’on tournait deux documentaires en même temps qu’il fallait ensuite monter dans un seul film.
Le documentaire propose le portrait d’un homme et la mise en lumière et en mouvement de son travail, mais aussi une étude de la relation père-fils. Ce double engagement était-il évident dès le départ ?
Oui, notre film avait, dès le départ, plusieurs dimensions. La relation père-fils était, elle aussi, évidente d’entrée de jeu. Elle aurait pu s’avérer un ‘‘piège’’ pour le film, et je pense que les Salgado – père et fils – ont eu raison de faire appel à moi pour éviter un tel danger. Mais c’est, finalement, un aspect très émouvant du film.
Une des marques de Salgado est son usage exclusif du noir et blanc. S’en explique-t-il ? Vous- même dans vos films (Au fil du temps, la perception de notre monde par les anges des Ailes du désir, l’Etat des choses) l’utilisez avec brio, cela vous a-t-il rapprochés ?
Oui, je me retrouve parfaitement dans son utilisation du noir et blanc. La partie du film que j’ai moi-même tournée est d’ailleurs en noir et blanc pour mieux intégrer ses photos. À un moment donné, nous avons abordé cette question dans nos entretiens. Mais nous avons fini par ne pas la retenir dans le montage définitif. J’avais le sentiment que cet aspect de son travail se comprenait sans avoir besoin d’explications complémentaires.
La photographie est d’ailleurs votre terrain commun, vous êtes vous-même un photographe connu et reconnu (adepte comme Salgado pendant bien longtemps du Leica), et beaucoup de vos personnages (Philip Winter dans Alice dans les villes, Tom Ripley dans L’Ami américain, ou Travis dans Paris Texas) ont affaire à des photos et (ou) à la photographie. Salgado connait-il votre œuvre comme vous connaissez la sienne ?
Sebastião prenait pas mal de photos, pendant qu’on tournait, y compris de l’équipe technique. J’aurai donc peut-être l’honneur de figurer sur certaines de ces photos. Mais je ne pense pas qu’il connaisse aussi bien mes films que moi, ses photos, en raison même du principe de ce film. C’est lui qui était le sujet de mon film, et pas l’inverse.
À travers tout le film, la présence, l’importance, dans la vie et dans le travail de Salgado de sa femme, Lelia Wanick Salgado, est sensible. S’est-elle associée activement à la réussite du Sel de la Terre ?
Ils travaillent ensemble depuis 50 ans. Lelia apporte une véritable énergie à Sebastião dont il a besoin pour ses ouvrages et ses expositions, et ils entreprennent ensemble ses plus grands travaux photographiques. Du coup, il était évident qu’elle serait, elle aussi, au centre du film. C’est une femme merveilleuse, très forte, très franche, honnête et adorable. Et très drôle. Car les Salgado rient énormément !
La dernière partie du film est un voyage inattendu, intime et puissamment écologique : le retour de la famille Salgado dans la ferme familiale à Aimores au Brésil. (…) Peut-on parler à la fois pour l’homme Salgado et pour le photographe des conflits humains les plus dramatiques, de « happy ending » ?
Dès le départ, il nous a semblé essentiel de prendre en considération le fait que les Salgado ont une autre vie à côté de la photo : leur engagement en faveur de l’écologie. Et d’entrée de jeu, je savais qu’il fallait que je raconte deux histoires en même temps. Et l’on peut dire que le reboisement qu’ils ont mis en œuvre au Brésil, et les résultats quasi-miraculeux qu’ils ont obtenus, se sont conclus par un « happy ending » pour Sebastião – après toute la misère dont il a été témoin, et la détresse dans laquelle il a sombré lorsqu’il est rentré du Rwanda pour la dernière fois, après les épisodes insoutenables qu’il y a vécus. Il a non seulement consacré sa dernière œuvre monumentale, Genesis, à la nature, mais on peut aussi affirmer que c’est la nature qui lui a permis de ne pas perdre sa foi en l’homme.
Sur le web
Wim Wenders a toujours admiré le travail du photographe Sebastião Salgado : « Nous nous sommes rencontrés dans son atelier parisien. Il m’a montré son travail en cours, et j’ai pu ainsi jeter un premier regard sur « Genesis ». Cela m’est aussitôt apparu comme un nouveau projet formidable et, à l’image de ses précédents engagements, un projet à très long terme ! J’ai tout de suite été fasciné par son implication et sa détermination. (…) Et puis, un jour, il m’a demandé si je pouvais envisager de me joindre à lui et à son fils Juliano pour une aventure dans laquelle tous deux étaient déjà engagés, et pour laquelle ils sentaient la nécessité d’un autre point de vue, d’un regard extérieur. » Le titre Le Sel de la terre fait référence à l’Evangile de Jésus Christ selon Saint Matthieu (chapitre 5, verset 13) : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes.«
Au départ, Wim Wenders, Sebastião Salgado et Juliano Ribeiro Salgado avaient une ligne directive pour leur projet Le Sel de la terre, mais finalement, comme tous les documentaires « il s’agissait surtout d’essayer de saisir le moment juste, de ne pas manquer ce qui était en train de se dérouler devant nous au nom d’une vision préconçue« , déclare Wenders.
Wim Wenders touche lui-même à la photographie. Il fut adepte du Leica durant de longues années comme Sebastião Salgado. D’un point de vue esthétique, cela se ressent dans son cinéma et ses personnages en particulier, Philippe Winter dans Alice dans les villes et Tom Ripley dans L’Ami Américain ou encore Travis dans Paris, Texas.
En plus d’avoir Salgado père puis fils, Salgado grand-père apparaît dans Le Sel de la terre à l’âge de 96 ans. Ce sont des images tournées quelques années auparavant qui ont été intégrées dans le film.
Le cinéma, c’est l’écriture moderne dont l’encre est la lumière, disait Jean Cocteau. D’aucuns diraient que cette définition s’applique aussi à la photographie, ce que Le Sel de la Terre se plait d’ailleurs à rappeler : photos, en grec, c’est la lumière, graphein, c’est peindre, dessiner, écrire. Quoi de mieux qu’une étymologie pour introduire son sujet ? Ainsi Le sel de la terre s’intéresse au photographe brésilien Sebastião Salgado – nom qui évoquera sans doute mains et mains clichés aux plus érudits du domaine : rendu notamment célèbre grâce à ses photos en argentique noir et blanc, l’homme a parcouru le monde, le temps, les guerres, les famines, armé de son seul appareil et de sa volonté forte. Le sel de la terre n’est pas seulement un hommage, c’est aussi un portrait. Co-réalisé par le propre fils de l’artiste et par le cinéaste allemand culte Wim Wenders, auteur du sublime Paris, Texas, le film est le lauréat du Prix spécial « Un certain regard » remporté lors du dernier Festival de Cannes.
Certaines mauvaises langues diront sans doute que Le sel de la terre n’est qu’un diaporama boursouflé par les commentaires de ses intervenants et de quelques séquences en mouvement disséminées ici et là. Ce n’est, paradoxalement, pas si éloigné de la vérité – sauf que si Le sel de la terre passe les trois quarts de sa durée à vous montrer l’œuvre de son sujet central, il faudrait être d’une grande mauvaise foi pour affirmer qu’en résulte donc un film ennuyeux. La photographie de Salgado est passionnante, profonde, hypnotique, majestueuse, tragique, poétique. Et c’est sans doute ce qui participe dans un premier temps à la forme émotionnelle de l’ensemble, car si on ne connaît pas bien l’homme, ou si on le découvre avec Le sel de la terre, le choc est puissant. Découvrir ainsi un artiste par le prisme de ses plus grandes créations est une expérience souvent assez dangereuse, mais qui ici fonctionne à merveilles – Salgado est universel, son objectif au-delà des langages, au-delà des mots.
Procédant par retours en arrière, flashforwards et autres ellipses, Wenders voyage dans la vie de Salgado. Si le film suit une vague ligne directrice chronologique pour imposer une certaine cohérence à l’ensemble, il n’en demeure pas moins qu’il se permet de faire des écarts, des virages assez déstabilisants et potentiellement déroutants – et heureusement, le montage suit. Car Le sel de la terre est un film magnifiquement écrit. Tout est construit précisément pour bâtir le protagoniste, chaque choix narratif (si on considère que ce mot est approprié dans le cadre d’un documentaire) est logique, semble être l’évidence même.
Wenders livre un film riche – un film qui retourne, qui marque. Brassant de nombreux thèmes, du drame social jusqu’à l’environnement, de la famine en passant par la guerre et la condition humaine, Le sel de la terre parvient pourtant à rester d’une justesse assez déconcertante quelque-soit son ambition. La bande-originale est magnifique, les images mémorables – si ce n’est inoubliables –, les partis-pris de mise en scène admirables. On touche au sublime, Le sel de la terre c’est le récit immortel de l’humanité, ses affres et son innocence, l’histoire des guerres et des hommes. Un peu comme l’avait fait l’équipe Reggio – Fricke il y a deux décennies avec Koyaanisquatsi et Baraka, on sent que le film de Wenders est destiné à rester.
”Une expérience qui broiera le plus sensible des spectateurs sous le coup de sa majesté et de l’immensité de son sujet” Chef d’œuvre ? Peut-être. Certains y trouveront à redire, on ne peut nier que Le sel de le terre se révèle parfois un peu condescendant, un peu naïf voir prévisible – mais sa force émotionnelle, sa qualité technique intrinsèque et sa maestria artistique en font un objet cinématographique presque unique, une expérience qui broiera le plus sensible des spectateurs sous le coup de sa majesté et de l’immensité de son sujet. C’est grand, c’est beau, c’est aventureux et intelligent, tragique et optimiste à la fois. Indispensable. » (leblogducinema.com)
« Le compositeur Laurent Petitgand retrouve son fidèle réalisateur Wim Wenders pour la huitième fois après Tokyo-Ga (1985), Les Ailes du désir (1986), Carnet de note sur vêtements et villes (1989), Arisha, the bear and the stone ring (1991), Si loin, Si proche (1993), Par delà les nuages (1995) et Les lumières de Berlin (1996). Il travaille pour la première fois avec Juliano Ribeiro Salgado. Sa partition est un voyage musical à travers les continents. Composite, hétéroclite, née de la rencontre des peuples, des images et des cultures qui forment l’humanité d’aujourd’hui, sa musique est un parcours sensoriel et sensuel, solidement ancrée à la terre, à ses racines, tout en restant en apesanteur.
Il confie : Composer une musique pour un film de Wim Wenders signifiera toujours pour moi, malgré nos nombreuses collaborations, une aventure singulière et inédite. Nous avons toujours communiqué d’une manière particulière : économie d’indications, information restreinte. L’énoncé du sujet dans un premier temps, puis quelques mots simples échangés ont toujours suffit à ouvrir la voie. La liberté qu’offre Wim dans une collaboration permet une ouverture, un os creux d’où puisse advenir cette musique, un ressenti intime du sujet s’imposant par la simple force des choses. Le film retrace l’aventure d’un homme courant le monde, témoignant d’une certaine «histoire humaine». Je me positionne ici comme un spectateur privilégié, un autre «rêveur» proposant son point de vue singulier. Comme le peintre réinterprétant une image, d’une manière parfois abstraite, parfois réaliste, mon travail s’inscrit dans une sorte d’ écriture/peinture automatique, me fiant à mon instinct et aux émotions que m’inspire le sujet, le but avoué étant que l’objet film finisse par nous appartenir à tous, communément. » (cinezic.org)
« Auréolé du Prix Spécial dans la catégorie Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, ce documentaire à la dimension poétique hors norme offre une vision du monde d’une beauté et d’une dureté rares. Il explore de manière chronologique le travail de Salgado, lui même narrateur et commentateur de sa propre vie et de ses images sous la caméra de Wim Wenders. Ce travail, qui représente le socle du documentaire, est habilement complété par des images rapportées du « terrain » par son fils, Juliano, qui a pu le suivre dans de nombreux reportages en Amazonie ou en Papouasie.
Durant une grande première partie de son oeuvre, le photographe s’est efforcé de montrer les maux de ce monde, ceux-là même que l’on n’expose pas dans les grands médias, la famine au Sahel ou le génocide rwandais notamment. En résulte des images bouleversantes et artistiquement superbes, où l’exode et la guerre côtoient la mort. À la manière d’un journaliste reporter d’images, Salgado rapporte ces évènements tragiques en leur insufflant un esthétisme épique et cru. Difficile de regarder ces photographies en face tant certaines sont insoutenables. C’est là que réside la force de proposition de Wim Wenders qui place le spectateur face aux horreurs du monde… en noir et blanc. Certaines voix pourraient s’élever contre un photojournalisme qui esthétise la misère mais personne ne niera son intention de vérité et de dénonciation.
Marqué de manière indélébile suite à la projection on comprend pourquoi Salgado est tombé dans l’épuisement et la dépression après avoir observé durant des années de tels fléaux. Après avoir parcouru les plaies de l’humanité, Salgado se reconstruit avec Genesis, un projet où il va cette fois rendre hommage aux territoires inexplorés de la Terre, en allant à la rencontre d’une faune et d’une flore encore vierges. Cette deuxième partie, qui permet de reprendre ses esprits, explore un nouveau défi écologique qui lui fera à nouveau parcourir le monde, de Sumatra à l’Alaska, livrant de nouvelles images incroyables.
Après de longues années passées en France, Salgado, accompagné de sa femme (qui a un rôle essentiel dans son travail), est retourné dans la ferme familiale au Brésil. Il y a retrouvé une terre devenue désertique et aride, détruite par la déforestation massive. La dernière partie du documentaire raconte le pari fou du couple de reboiser totalement le site, en plantant deux millions et demi d’arbres. Le résultat de ce nouvel écosystème paraît inimaginable et offre un épilogue plein d’espoir. Un grand documentaire comme on en voit peu ! » (lebleudumiroir.fr)
« Le réalisateur Allemand, Wim Wenders, auteur de chef d’œuvres tels que Les Ailes du Désir, nous entraîne alors dans les pas d’un témoin de l’histoire. En mettant en lumière autant les photos que les témoignages de son auteur. Le réalisateur nous raconte l’histoire de ce photographe hors norme au regard puissant. Les photos sont saisissantes et le parallèle avec la personnalité de l’artiste autant que celle du couple qu’il forma avec on épouse ouvre une vision différente de ses photos, instants de paix comme de traumas de sociétés en pleins conflits.
Chaque photo de Salgado est un choc visuel, mais culturel aussi qui entraîne le spectateur dans les visions sombres de l’histoire. Dans les méandres d’une histoire en constante mutation, que ce soit du bon côté pou du mauvais côté. Sans concession, le photographe pose son objectif au cœur des personnages qu’il croise au fil de ses voyages, de ses périples et pourquoi pas de ses rencontres. Jamais en avant, il passe d’une histoire à une autre d’un conflit à un autre, d’un peuple à une terre et d’une terre à un peuple avec un goût évident pour les lumières soignées, mais surtout pour les arrières plans.
Car, à travers Le sel de la terre, Wim Wenders nous présente le travail de ce photographe qui, comme il le dit lui-même, est un tout ! Il y a le personnage et l’action qu’il mène bien évidemment, mais il y a surtout tout ce qui se passe autour et particulièrement en arrière plan. D’un seul coup, le travail de l’artiste prend un tout autre sens, et le spectateur se retrouve du coup à explorer d’un œil nouveau la moindre photo, s’arrêtant au moindre détail et à la moindre lumière, cherchant le message de l’artiste explorant une nouvelle fois la mémoire du monde, mais également celle de l’auteur du cliché.
Avec Le sel de la Terre, Wim Wenders nous donne la possibilité de découvrir un travail minutieux et précis qui se représente un peu décousue mais qui donne toute l’ampleur de son travail. Que ce soit en Irak lors du premier conflit en 1991, ou en Amérique du Sud lors de leur retour dans le pays qu’ils avaient fui depuis de trop nombreuses années. Comme pour mieux mettre en lumière le travail du photographe, Wim Wenders l’accompagne dans ce qui étaient ses derniers périples, en se posant lui aussi comme témoin de celui qui garda intacte les traces des conflits, des dictatures passées mais des joies aussi d’un monde perpétuellement en mouvement. » (dvdcritiques.com)
« Wim Wenders a réalisé Le Sel de la Terre, très beau témoignage consacré au photographe brésilien Sebastiao Salgado, en collaboration avec son fils, le cinéaste Juliano Ribeiro Salgado. A travers des photographies en noir et blanc présentées et commentées par le photographe lui-même, par des documents d’archives et des vidéos, Wim Wenders et Julian Ribeiro Salgado ont réussi un coup de maître.
Personnage hors du commun et voyageur infatigable (il a travaillé dans plus de cent pays), Salgado a exposé ses œuvres dans les lieux les plus prestigieux du monde. De Sahel: l’Homme en Détresse (1986, pour MSF) à Genesis (2013) il a publié plus d’une douzaine d’albums qui font référence dans le monde de la photo. Dans Exodes (2000) il écrivait: «Plus que jamais, je sens que la race humaine est une. Au-delà des différences de couleur, de langue, de culture et de possibilités, les sentiments et les réactions de chacun sont identiques. Les gens fuient les guerres pour échapper à la mort; ils émigrent pour améliorer leur sort; ils se forgent de nouvelles existences dans des pays étrangers: ils s’adaptent aux pires situations…».
Sebastiao Salgado – il a aujourd’hui 70 ans – a quitté très jeune le Brésil, fuyant la dictature militaire. A Paris il a débuté professionnellement dans le secteur de l’économie: il a donc appris à connaître ce qui fait tourner la monde… En 1973, il change pourtant d’orientation, devient photographe et travaille pour les agences Sygma, Gama et Magnum jusqu’en 1994, avant de créer sa propre entreprise. Il voyage beaucoup (surtout en Amérique latine et en Afrique) et dévoile alors ce que nous connaissons tous aujourd’hui: la misère des populations luttant contre la soif, la faim, la maladie, la présence de la mort. Mali, Congo, Rwanda, ex-Yougoslavie, Irak, il a vu l’horreur des peuples traqués, des camps de réfugiés, des exodes, des génocides. Pendant quarante ans, il a suivi la marche du monde: il dit qu’il en est sorti l’âme malade…
De retour au Brésil en 1998, il retrouve le domaine familial d’Aimores en état de déforestation et de sécheresse. Avec sa femme Lélia, son associée de toujours, il va rendre à la nature ces terres surexploitées et épuisées, prenant la tête de plusieurs projets écologiques – aujourd’hui réalisés (Forêt Modèle, Instituto Terra) – de restauration de forêts le long de la côte atlantique, en faisant planter des millions d’arbres.
On se rappelle que Wim Wenders est (aussi) photographe et documentariste. Discrètement, en voix «off», il raconte la genèse de ce film et son admiration pour Salgado. Le Sel de la Terre (Prix spécial UCR à Cannes et Mention du Jury œcuménique) est un hommage à un homme étonnant, militant et déterminé, qui a posé avec pertinence son regard sur notre planète, passant beaucoup de temps avec tous les gens qu’il a photographiés. Une réflexion aussi sur la survie de notre monde, un survol en images d’un demi-siècle d’histoire contemporaine, des clichés souvent tragiques (mais sans aucun voyeurisme), des photos où l’émotion et l’empathie l’emportent toujours. Salgado parle aussi d’espoir: le monde, dit-il, est fragile, mais la guérison est possible. » (cine-feuilles.ch)
Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri.
Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h précises.
Entrée : Tarif adhérent: 6,5 €. Tarif non-adhérent 8 €. Adhésion : 20 € (5 € pour les étudiants) . Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier et à l’atelier Super 8. Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club ici