Le Septième Sceau



Vendredi 13 décembre 2002 à 20h45

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Ingmar Bergman – Suède – 1957 – 1h36 – vostf

De retour des croisades, le chevalier Antonius Blok rencontre la Mort sur son chemin. Il lui demande un délai et propose une partie d’échecs. Dans le même temps, il rencontre le bateleur Jof et sa famille. Jof a vu la vierge Marie. Un des films qui fit découvrir le cinéma suédois et qui contribua à la grande notoriété de Bergman.

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Le Septième Sceau est à l’origine l’adaptation d’une pièce en un acte écrite par Ingmar Bergman pour les élèves du conservatoire de Malmö. Le cinéaste réaménage « Peinture sur bois » en modifiant de très nombreux éléments tout en essayant de rester fidèle à l’atmosphère de sa première oeuvre. Un producteur accepte de le soutenir, mais, devant la difficulté du sujet, oblige Bergman à tourner le film en 36 jours en studio pendant l’été avec un budget d’environ 150 000 euros. Le Septième Sceau reste malgré tout une des seules oeuvres préférées de son réalisateur : « C’est un de mes rares films qui me tiennent vraiment à coeur. Au fond, je ne sais pas pourquoi. Ce n’est pas une oeuvre sans défaut. Elle est entachée de toutes sortes de folies et on devine la hâte avec laquelle elle a été faite. Mais je la trouve énergique, pleine de vitalité, débarrassée de toute névrose. De plus, mon thème s’articule avec passion et plaisir. »

Ingmar Bergman a dit à une époque avoir tiré l’inspiration de son film dans les réalisations contemporaines d’Akira Kurosawa, qu’il admirait profondément. On peut alors faire un parallèle entre Le Septième Sceau et Le Château de l’araignée ainsi qu’avec Les Bas-fonds, réalisés cette même année 1957.

Le titre du film, le Septième Sceau, est tiré d’une citation de L’Apocalypse selon Saint-Jean : « lorsque l’Agneau ouvrit le septième sceau, il se fit dans le ciel un silence d’environ une demi-heure » chapitre 8. Plusieurs passages de la Bible autour de l’Apocalypse sont cités par les divers personnages. Ils influencent directement l’atmosphère du film qui ressemble effectivement par moment à la fin du monde.

«S’il est une poignée de films qui devraient impérativement figurer dans une liste des classiques du cinéma du monde des années 50, Le Septième Sceau serait assurément du nombre. Sa Mort affrontant face à une mer houleuse un chevalier aux échecs compte parmi ces images iconiques qui, tel Marcello Mastroianni face à Anita Ekberg dans la fontaine de Trevi ou Janet Leigh poignardée sous des accords stridents dans sa douche, ont tant et si bien pénétré l’imaginaire collectif que leur notoriété dépasse celle déjà grande pourtant des œuvres dont elles sont issues. Bien peu de films ont été aussi abondamment commentés. Sa partie d’échecs compte au rang des scènes les plus parodiées de l’histoire du septième art. (1)

Le Septième Sceau tant sur son fond que sur sa forme (il faut louer avant toutes choses un sens de la composition des cadres hors du commun) est une œuvre typiquement bergmanienne. Il n’en reste pas moins qu’elle doit plus de sa puissance à quelques visions inoubliables qu’à sa tenue d’ensemble. Le film se perd souvent en sous-intrigues et la qualité de sa reconstitution laisse parfois à désirer (mention à la croûte murale représentant censément une fresque médiévale).

Autour des personnages se déroulent des scènes traduisant la dureté du siècle : une procession fanatique de repentance, l’immolation d’une « sorcière », l’agonie d’un pestiféré… Les films moyenâgeux de Bergman ont contribué à imposer au cinéma l’image d’une époque uniformément macabre. En dépit de sa brutalité, elle fut malgré tout aussi une période joyeuse – celle qui vit la naissance de l’esprit chevaleresque et de l’amour courtois..(2) Bergman ménage aussi ici une place à cette fraîcheur de vivre, la saine insouciance d’une jeune famille qui seule survivra au fléau.

Si le cinéaste s’identifie au chevalier torturé, sa sympathie n’en va pas moins à Joseph et Mia, les deux comédiens ambulants, indifférents à sa quête mais soucieux d’offrir leur soutien à un semblable, prenant avec humour et émerveillement leur quotidien, désarmés devant la haine et la barbarie. Une épouse un pied dans la sensualité l’autre dans l’enfance, un mari fabulateur croyant lui-même à ses visions fantastiques (que la caméra, prenant en charge, fait sienne pour le spectateur), un nourrisson à tête blonde bouclée qui a la vie devant lui. C’est par eux que la pulsion de vie triomphe, là où le dur réalisme virant à l’amertume (mais non la sécheresse de cœur, comme en témoigne l’aide qu’il apporte au forgeron cocu) de l’écuyer et le désir de mort de la servante malmenée quand elle sourit à celle-ci dans un agenouillement dévoué, ne leur promet ni échappatoire ni traitement de faveur à l’instant fatal. A chacun son heure, comme le découvre ironiquement l’acteur feignant son propre poignardage pour éviter celui, bien réel lui, dont le forgeron le menaçait… Pour, quelques minutes à peine après avoir survécu, voir le tronc où il s’était caché se faire scier par la Faucheuse (dans une manière dérisoire annonçant le slasher burlesque de Scream). La partie est perdue d’avance. L’obsession de sa finitude n’a, ceci compris, aucun privilège rédempteur pour le Chevalier (il a la réaction la plus puérile au moment fatal), l’angoisse de sa propre mort se révélant essentiellement ici comme l’indice sûr d’une existence malheureuse. Le pitre Joseph voit la danse de mort des trépassés au loin, mais mène sa caravane vers d’autres visions. Le cinéma de Bergman a toujours été du côté des rêveurs.

Regarde-t-on jamais la Mort en face ? Les fantômes, les esprits frappeurs ou bienveillants, oui… Mais comment donner une présence à ce qui est l’absence même, qui activement ne se lit que dans des signes (dans cette histoire, essentiellement de la maladie) ? Tentative impossible, qui ne peut s’accomplir sans le risque de la solennité (attention, grand film) et d’une certaine fausseté de ton où le dialogue avec l’ennemie redoutée confine à une forme de verbiage. Dans les yeux de la sorcière au bûcher, le Chevalier ne trouve rien que la peur et le désarroi… parce qu’il n’y a rien d’autre à voir. Tout le reste n’est que littérature (de seconde main pour une certaine part ici). Bergman ne s’y laissera plus prendre. Il ne projettera plus auto-analyse, auto-apitoiement et réflexivité sur un épouvantail qui laisse causer en attendant son tour, mais les placera dans la bouche d’alter-ego en proie aux mêmes craintes, frustrations et questionnements que lui. Ce sera le geste le plus juste et pur (même dans le courage de l’impureté) de la modernité cinématographique. Mortel, tout simplement.» (dvdclassik.com)

(1) On ne notera que deux hommages : celui rendu par cet inattendu bergmanien qu’est John McTiernan dans Last Action Hero et un sketch hilarant de Woody Allen autour d’une partie de poker à Kew Gardens (Death Knocks).


(2) Sur cette vision du Moyen-Age, Perceval le Gallois est l’antithèse à peu près parfaite du Septième Sceau.
Le Septième Sceau est un film ouvertement métaphysique. Le cinéaste y pose de manière très explicite la question de l’existence de Dieu et du sens à donner à la vie. Ces thématiques se retrouvent dans une très grande partie de l’oeuvre du cinéaste. Elles sont à la base même de films comme Le Silence, Les Communiants et « Persona ». Ici, deux conceptions s’affrontent. Antonius Block ne cesse de se tourmenter sur la survie de l’âme après la mort tandis que Jof et Mia, diminutifs de Joseph et Marie, profitent des simples joies de leur présence sur terre et de leur amour. Le conflit entre les deux conceptions métaphysiques présentées dans le film sont liées à l’enfance du cinéaste. Ingmar Bergman a connu une éducation religieuse très stricte qu’il a en partie remise en cause en grandissant : « J’ai placé mes deux croyances opposées face à face, permettant à chacune d’entre elles d’exprimer son point de vue. De cette manière, il pouvait y avoir un cessez-le-feu entre la piété de mon enfance et ma conversion au rationalisme. »

Dans le film, les joueurs d’échecs font tout pour prendre la Reine de l’autre alors que cette pièce ne devint puissante dans le jeu uniquement des siècles plus tard, quand la variante aux classiques échecs devint plus populaire que ces derniers. De même, le chevalier revenant des croisades doit faire face à la peste noire. Or, les croisades se terminèrent au XIIIème siècle alors que la peste débuta au milieu du XIVème siècle. Enfin, dans la forêt des sorcières, on peut apercevoir des fenêtres de bâtiments résidentiels derrière les arbres. Pendant le jeu d’échecs joué contre la Mort, le plateau apparaît de façon incorrectement tourné. Selon les règles du jeu d’échecs, la place en haut à droite de l’échiquier doit toujours être noire (et pas blanc comme on le voit dans le film). Antonius et la Mort ne se rendent pas compte de cette erreur.

Dans une des scènes les plus importantes du film, Antonius Block, fatigué de son voyage, fait la connaissance de Mia, interprétée par Bibi Andersson qui lui offre des fraises sauvages. Ces dernières sont ici le symbole de l’été, de la douceur de la vie et ont pu inspirer Ingmar Bergman pour son film suivant. Quelques mois après avoir terminé le tournage du Septième Sceau, le réalisateur suédois commençait en effet celui des Fraises sauvages.

La dernière scène du film où la Mort accompagne certains des personnages principaux dans une danse macabre n’a pas été tournée avec les vrais acteurs du Septième Sceau. La séquence fut réalisée au dernier moment par Bergman, inspiré par la lumière du moment, avec l’aide d’une partie des comédiens et de quelques techniciens. Le réalisateur ne s’est apparemment pas soucié de la ressemblance des silhouettes de ces derniers avec celles des personnages. Le premier cadavre que rencontre Jons en haut des falaises est interprété par un des assistants à la réalisation d’Ingmar Bergman. Le cinéaste s’amusera à porter lui-même le masque mortuaire certains jours sur le tournage.

Outre Max von Sydow et Bibi Andersson, Ingmar Bergman a, dans l’ensemble, fait appel à des comédiens qu’il connaissait bien pour compléter le casting. Gunnar Bjornstrand, qui incarne ici le compagnon d’Antonius Block, a déjà joué de nombreuses fois sous la direction du cinéaste, notamment dans La Nuit des forains, Une leçon d’amour ou Sourires d’une nuit d’été. Gunnel Lindblom, qui joue la compagne muette de Jons, connaît Bergman depuis le début des années 50 par l’intermédiaire du théâtre. Ake Fridell, alias Plog le forgeron, et Anders Ek, le moine, tiennent également tous les deux des rôles dans La Nuit des forains. Bibi Andersson, qui incarne ici Mia, tient un des tous premiers grand rôle de sa vie. Le Septième Sceau lance sa carrière internationale. La comédienne eut une courte liaison avec Bergman qui l’a fait venir au théâtre de la ville de Malmö où lui-même officiait. Il lui donne un rôle secondaire dans Sourires d’une nuit d’été avant de lui proposer d’incarner Mia. Sa collaboration avec Bergman ne fait alors que commencer. Elle tient des rôles importants dans un grand nombre de ses films suivants comme Les Fraises sauvages, Au seuil de la vie, Le Visage, Persona ou Scènes de la vie conjugale. En 1970, John Huston l’engage pour tourner La Lettre du Kremlin. En 1979, elle joue sous la direction de Robert Altman dans Quintet. Agé de seulement 28 ans au moment du tournage, Max von Sydow incarne dans le Septième Sceau un chevalier usé par ses combats des croisades. C’est la première fois qu’il tient le rôle principal d’un film de toute sa carrière. Bergman le réemploie dans Les Fraises sauvages puis dans Au seuil de la vie. En 1958, il lui redonne un rôle principal pour Le Visage. D’autres suivront comme La Honte ou Une Passion. En 1973, il est une des têtes d’affiche de La Lettre du Kremlin et de L’Exorciste qui lance sa carrière internationale. En 2002, il tourne même sous la direction de Steven Spielberg dans Minority report. Antonius Block, l’un des personnages clés du film, ne parle que deux fois de tout le long-métrage.

Le nom du personnage joué par Gunnel Lindblom n’est jamais donné dans le film et les seules lignes de texte qu’elle a se situent à l’avant-dernière scène du film, où le groupe est pris par la Mort : « Tout est fini« .

La procession de Flagellants chante un Dies Irae, célèbre hymne latin du XIIIème siècle écrit par Thomas de Celano. Avant de s’arrêter dans le village, ils chantent les strophes 1-4 et le Lacrimosa, strophe 18. Ceux-ci sont répétés lorsque la procession repart. Le Septième Sceau comporte plusieurs chants interprétés par Jons et Jof. Ceux du premier sont sombres et annoncent l’apocalypse à venir tandis que ceux du second célèbrent la beauté de la nature. Bergman a écrit les paroles d’une partie d’entre eux et travaille en collaboration avec son compositeur de toujours, Erik Nordgren, qui a notamment signé les partitions de La Source et des Fraises sauvages.Van Halen et Scott Walker ont chacun nommé une de leur chanson d’après le titre du film,  inspirées par l’oeuvre de Bergman. Le premier dans son album de 1995 « Balance« , le second dans « Scott 4« , de 1969. Van Halen mentionne également La Source.

Plusieurs cinéastes ont rendu hommage au Septième Sceau dans leurs oeuvres. John McTiernan a repris des images du film, ainsi que le personnage de la Mort pour son Last Action Hero. Aussi étonnant, Brian De Palma a parodié la scène où la Mort joue aux échecs avec Antonius Block dans son film d’étudiant Wotan’s Wake. Pour finir, Woody Allen s’est inspiré du film à plusieurs reprises. La Mort vient chercher le personnage principal à la fin de Guerre et amour. Le même sort arrive à une des créations de Harry Block qui a emprunté la chambre d’un de ses amis, qui vient d’avoir un accident, dans Harry dans tous ses états. Tourné en 1957, Le Septième Sceau et sa vision apocalyptique du futur ne pouvait que toucher les spectateurs de l’époque. En pleine Guerre froide, l’idée d’une menace pesant sur la survie de l’humanité avait une résonance particulièrement forte.

Sélectionné à Cannes en 1957, Le Septième Sceau remporte le prix spécial du jury. Cette récompense confirme la reconnaissance grandissante de l’oeuvre du cinéaste depuis le début des années 50. Dès 1958, il passera une étape supplémentaire en recevant un Ours d’or à Berlin pour Les Fraises sauvages. Le cinéaste n’a jamais remporté la Palme d’or. Il reçoit néanmoins le prix de la mise en scène pour Au seuil de la vie, une mention spéciale pour La Source, un grand prix technique pour Cris et chuchotements et avant cela, une Palme des palmes pour le 50ème anniversaire du festival en 1947.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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