Vendredi 27 juin 2003 à 20h45
Film de Charles Chaplin – USA – 1936 – 1h23 – vostf
Charlot est ouvrier dans une gigantesque usine. Il resserre quotidiennement des boulons. Mais les machines, le travail à la chaîne le rendent malade, il abandonne son poste, recueille une orpheline et vit d’expédients. Le vagabond et la jeune fille vont s’allier pour affronter ensemble les difficultés de la vie…
« Dans la pratique, personne ne s’inquiète de savoir si le travail est utile ou inutile, productif ou parasite. Tout ce qu’on lui demande, c’est de rapporter de l’argent. Derrière tous les discours dont on nous rebat les oreilles à propos de l’énergie, de l’efficacité, du devoir social et autres fariboles, quelle autre leçon y a-t-il que “amassez de l’argent, amassez-le légalement, et amassez-en beaucoup” » ? (George Orwell, Dans la dèche à Paris et à Londres, 1933)
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En 1931, Charles Chaplin est vivement préoccupé par les problèmes sociaux et économiques de son époque. En effet, la crise de 1929 aux Etats-Unis fait augmenter considérablement le nombre de chômeurs, et coïncide avec le développement de la mécanisation industrielle. La même année, il déclare à un journaliste « Le chômage, voilà la question essentielle. Les machines devraient faire le bien de l’humanité, au lieu de lui apporter tragédie et chômage« .
Le titre qui avait été retenu au départ pour le film était « Les Masses« .
Selon Otis Ferguson, critique américain de l’époque, on peut diviser Les Temps modernes en quatre actes. On peut les nommer ainsi : A la chaîne, La prison, Le veilleur de nuit et Le serveur chantant.
On prétendit que Charles Chaplin avait volé les idées d’un autre film sur l’ère industrielle, A nous la liberté, de René Clair. Réclamant jusqu’à la destruction pure et simple de la bobine, la société majoritairement allemande Tobis, qui détenait les droits d’A nous la liberté, ne réussira cependant jamais ce qu’elle voulait. Pour Chaplin, ces calomnies étaient une vengeance visant directement le message anti-nazi du Dictateur.
Charles Chaplin avait imaginé une autre fin, plus triste et plus sentimentale pour Les Temps modernes. Pendant que Charlot était hospitalisé à la suite d’une dépression nerveuse, la gamine devenait nonne. Cette fin est tournée, mais Chaplin décide de trouver une conclusion plus positive.
Bien que le cinéma parlant se soit imposé depuis presque dix ans au cinéma, Les Temps modernes reste un film essentiellement muet. Charles Chaplin se décide cependant à écrire un scénario et à faire des essais de voix. Il se ravise, les essais n’étant pas concluants, et n’utilise que de la musique et des effets sonores.
Le personnage de « Charlot« , qui avait apporté la gloire à Charles Chaplin, fait dans Les Temps modernes sa dernière apparition. Une dernière rencontre unie cependant Chaplin à son mythe. En 1971, il est fait commandeur de la Légion d’honneur à la remise des prix du festival de Cannes. Pour saluer l’assistance, Chaplin adopte une dernière fois la démarche burlesque du personnage qui l’a fait universellement connaître.
« Dans ce film, tout sonne encore aujourd’hui merveilleusement juste: de l’aliénation du travail sur les employés à l’absurdité d’une société dépendante d’un système financier capricieux, qui peut plonger toute une population dans le désœuvrement complet, en passant par la précarité de l’emploi. À ce titre, la première partie à l’usine est aussi drôle et spectaculaire (minutie et génie des gags) qu’elle fait froid dans le dos (l’individu littéralement écrasé par l’industrialisation). Mais ce qui frappe presque instantanément, c’est le caractère orwellien du film qui paraît furieusement d’actualité. Chaplin avait anticipé sur 1984 l’utilisation des appareils de retransmissions radio et télé qui servent dans l’usine à communiquer les ordres du patron qui surveille ses employés jusque dans les toilettes, ou bien à diffuser des avis de recherche et des publicités. Autrement dit, ce sont les appareils du pouvoir, patronat, industrie, État etc., qui ne reconnaissent que cette légitimité de temps de parole-là. Les seules fois dans le film qu’une parole intelligible est prononcée, c’est quand elle provient de l’un d’eux. L’hésitation de Chaplin à quitter le muet prend alors une tout autre dimension – plutôt qu’une simple coquetterie du cinéaste – elle indique clairement son refus d’indexer le cinéma sur cette voie-là, car le parlant privilégierait l’énoncé sur l’énonciation et s’ouvrirait ainsi au discours des classes dominantes. Ce n’est pas un hasard si son premier film parlant traite du totalitarisme et s’ouvre directement sur une scène de discours (lui aussi charabiesque). Le cinéma n’est pas une langue mais un langage qui résiste en inventant ses propres formes poétiques, comme la chanson improvisée à la fin des Temps modernes par exemple. Il est pour Chaplin un instrument de révolte, quitte à la faire passer par le rire du public, quitte à ce que ce rire soit amer. La force du film n’est pas qu’il dénonce orgueilleusement l’industrialisation et la pauvreté qu’elle provoque (ce qui le mettrait lui et le spectateur dans une situation confortable et dégoûtante) mais qu’il constate froidement les aberrations d’un monde soumis à l’odieuse morale du capitalisme pour qui un pauvre est, par définition, coupable là où en réalité il en est la victime. » (critikat.com)
Dans Les Temps modernes, le personnage de la gamine est interprété par Paulette Goddard. Après un tour du monde de dix-huit mois en 1931-32, Charles Chaplin rencontre l’actrice Paulette Goddard, qui devait rester sa compagne dans sa vie privée jusqu’en 1940. C’est elle qui a inspiré le personnage de la gamine, alter ego de Charlot au féminin.
Pour Les Temps modernes, Charles Chaplin compose lui-même la musique. Il avait déjà signé celle des Lumières de la ville. Cependant, il ne réussit pas à garder le chef d’orchestre Alfred Newman, excédé par le travail que demandait Chaplin concernant les arrangements de ses compositions.
A la sortie du film, la presse était plutôt partagé. Certains désapprouvaient cette tentative socio-politique, perçue par certain comme de la propagande communiste, tandis que d’autres regrettaient que le film n’eût pas tenu les promesses du sous-titre, présenté avec un solennel carton initial : « L’histoire de l’industrie, de l’entreprise individuelle, la croisade de l’humanité à la poursuite du bonheur« . En France et en Angleterre, le succès fut plus net tandis que l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie interdirent le film sur leur territoire.
On entend la voix de Charles Chaplin à un seul moment. « Charlot » travaille dans un restaurant, et écrit les paroles d’une chanson sur sa manchette, mais celles-ci s’envolent et il est obligé d’improviser sa chanson dans un italien incompréhensible. C’est la première fois que le monde entendait la voix du personnage, dans son ultime apparition.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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