Vendredi 27 février 2009 à 20h30
Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
Documentaire de David Leaf et John Scheinfeld – USA – 2006 – 1h39 – vostf
Alors que la guerre du Viêtnam suscite de plus en plus la polémique, que les manifestations s’intensifient et que le gouvernement américain multiplie les opérations d’espionnage et d’écoute, un chanteur célèbre décide de militer pour la paix. Il doit alors faire face aux représailles du gouvernement américain.
Notre critique
Par Philippe Serve
Imagine To Give Peace A Chance…
Il y a un peu moins de 30 ans, un certain Mark Chapman, ex-{fan des sixties,} des Beatles en général et de John Lennon – à qui il aimait s’identifier – en particulier, abattait celui-ci de quatre balles dans le dos sous les yeux de son épouse Yoko, au pied du Dakota, l’immeuble gothique et sinistre du Rosemary’s Baby de Roman Polanski, alors demeure du couple. John venait de fêter ses 40 ans et de sortir moins d’un mois auparavant un nouvel album avec Yoko (Double Fantasy), après 4 ans de silence. En l’assassinant, Chapman ne faisait pas que refermer à jamais l’espoir insensé d’une impossible reformation des Beatles – séparés dix ans plus tôt – mais il supprimait aussi et surtout l’homme qui, une décennie durant, avait singulièrement secoué le cocotier au nom de la Paix dans le Monde. Clown patenté pour les uns – de Bag-in en Bed-in, de glands à planter envoyés aux divers Présidents en exercice, en affiches géantes « La Guerre est finie (si vous le voulez) » – mais aussi leader charismatique et grand frère pour les autres, il avait été également la plus sérieuse épine dans le pied de l’administration Nixon et cible déclarée N°1 du F.B.I.., à l’heure où les Etats-Unis recouvrait le Vietnam de napalm. C’est ce combat, mené entre « Give Peace a Chance » et « Imagine » que raconte ce documentaire, présenté par CSF et inédit à Nice.
« Tu devrais laisser tomber cette guitare, ce n’est pas elle qui t’aidera à t’en sortir dans la vie » ne cessait d’asséner à l’adolescent John Lennon sa Tante Mimi qui l’éleva pendant des années, sa sœur et mère de John, Julia, étant rarement présente. Lorsque celle-ci le fut un peu moins et commença à nouer une relation très forte avec son fils – qui en avait hérité l’humour parfois surréaliste et une tendance à l’excentricité – ce fut alors qu’elle trouva la mort, renversée par un chauffeur ivre, policier hors service. Pas besoin de chercher très loin le rejet viscéral de John qui avait alors 18 ans, pour la police. Cela ne fit que renforcer son caractère déjà profondément rebelle. La mort de Julia – à qui John consacra une superbe ballade sur le Double album blanc (« Julia « , 1968), puis un petit morceau très poignant, « My Mummy’s Dead » sur son premier album solo (John Lennon – Plastic Ono Band, 1970) fut un choc qui le traumatisa à vie.
My mummy’s dead / I can’t get it in my head / Though it’s been so many years/ My mummy’s dead / can’t explain / So much pain / I could never show it / My mummy’s dead. ( Ma maman est morte / Je ne peux me le mettre dans la tête / Ça fait pourtant tant d’années / Ma Maman est morte / Je ne peux expliquer / Tant de douleur / je ne pourrai jamais la montrer / Ma Maman est morte).
Frappé par trois décès en l’espace de 6 ans – son oncle (le mari de Mimi, père de substitution pour celui dont le géniteur avait définitivement disparu, John le reverra brièvement, une fois célèbre) puis sa mère et enfin son meilleur ami Stu Sutcliffe, membre fondateur des Beatles, resté à Hambourg après le premier séjour du groupe là bas et qui décéda deux jours avant le retour des Beatles dans la ville hanséatique (1961). John déversa d’abord sa révolte sous une appréhension très caustique et ironique de tout évènement et se rapprocha fortement de Paul (McCartney) son cadet de deux ans et qui avait lui aussi perdu sa mère d’un cancer du sein, un an seulement avant la mort de Julia. Très vite, bien qu’appréciant la célébrité et tout ce qu’elle permettait de faire et d’avoir, John se sentit piégé. Car l’envers de la médaille, pour lui qui avait toujours aimé trainer dans les rues, prendre le bus, aller dans les pubs, tout ces simples plaisirs étaient devenus interdits. Il devint père par accident et dut épouser sa fiancée Cynthia Powell, camarade des Beaux Arts, comme le voulait le code d’honneur de la classe ouvrière. John se voyait quelque part comme un traitre à cette même classe ouvrière. Il n’aimait pas que les Beatles chantent devant la Reine Mère et tous ces aristos – son sens inné de la provoc lui fit lancer ce jour là en introduction à un furieux « Twist and Shout « , » Les personnes des places bon marché, tapez dans vos mains ! Les autres, contentez–vous de secouer vos bijoux… » . Les Beatles ? « Des jeunes gens charmants ! » ne cessaient de répéter les Reines, la mère comme la fille. John se mit à déprimer, à se droguer de plus en plus : après les amphétamines de Hambourg, ce fut la Marijuana dès le petit déjeuner – ils avaient été initiés par Bob Dylan à leur première rencontre en 1964 – puis le LSD époque Sgt Pepper’s et enfin, mais brièvement, l’héroïne dont la terrible expérience se retrouve dans sa chanson Cold Turkey. Et le morceau Help ! était bel et bien un cri au secours lancé par un John empâté – « ma période Elvis gros » dira-t-il plus tard avec humour.
Mais une rencontre va tout changer. Celle de l’artiste d’avant-garde Yoko Ono, son aînée de 7 ans. Toujours marié à Cynthia, il découvre en elle celle qu’il recherchait inconsciemment depuis longtemps. Une véritable artiste sachant manier la provocation positive, celle qui pousse à réfléchir dans le bon sens, une intellectuelle calme, les pieds bien posés au sol mais capable des plus grandes excentricités au nom de l’Art. Le couple, qui mettra trois ans à s’officialiser, est fusionnel et le restera jusqu’au bout malgré une séparation temporaire de 18 mois – « {mon long week-end perdu} » dira John. Cette fusion artistico-intellectuelle mais aussi très physique (ils ne se quittaient pas d’un pouce, ce qui irritait quelque peu les trois autres Beatles lors des séances d’enregistrement en studio, voir le film documentaire Let it Be,1970) se renforça encore après la découverte des philosophies orientales – et surtout indiennes – par l’enfant de Liverpool. Initié par George (Harrison), convaincu par le Maharashi Mahesh Yogi (John dénoncera la cupidité du bonhomme après leur séjour à ses côtés en Inde, dans la chanson Sexy Sadie), John se convertit à l’air du temps et à la défense tous azimuts de la paix héritée du déjà feu mouvement hippie.
Cette incessante lutte contre la guerre – celle du Biafra qui lui fit renvoyer sa médaille de MBE à la Reine – et surtout du Vietnam, va le pousser à se radicaliser toujours plus et à innover chaque jour davantage avec Yoko, de happening en happening. Le couple, qui sera élu clowns de l’année en 1969, avant même la séparation des Beatles, crée régulièrement l’évènement. John et Yoko se fichent que l’on puisse se moquer d’eux, les trouver ridicules. L’important est que le message passe : « All we are saying is Give Peace a Chance ! » (Nous disons seulement, Donnez une chance à la Paix !). Ils sont d’ailleurs les premiers à rire de leurs excentricités. Beaucoup ont dit que John s’était soudain pris trop au sérieux sous l’influence néfaste de Yoko, véritable responsable de la séparation des Fab Four ! Ceux-là ne connaissent pas bien l’histoire. L’objectif était très sérieux : la Paix dans le monde. Mais ni John ni Yoko n’ont jamais été dupes de la forme iconoclaste donnée à leur combat.
En ce début des années post-Beatles, John et Yoko sont incontournables et établis à New York. Jamais n’a été aussi grande la popularité de John qui chante dans {God} qu’il n’est plus le Morse (référence à la chanson I’m the Walrus) mais simplement John (et non John Beatle, soit un quart de personnalité collective). La portée de sa voix – 200 000 manifestants anti-guerre chantent pendant des heures son Give Peace a Chance devant la Maison Blanche en réclamant la fin de la guerre au Vietnam – ses liens d’amitiés avec les militants radicaux John Sinclair (dont il contribue à la libération par le biais d’une seule chanson à son nom et d’une participation à un concert de soutien), Jerry Rubin ou Tariq Ali, sans oublier l’un des fondateurs des redoutés Black Panthers, Bobby Seale ou encore la populaire Angela Davis, tout cela commence à sérieusement inquiéter l’administration Nixon et le F.B.I. qui en font leur cible N°1 et cherchent à l’expulser. A la paranoïa naturelle de John vient donc s’opposer une autre, d’Etat celle-là et bien plus puissante et dangereuse. Le bras de fer est inévitable. Aux menaces du FBI, John répond par un album 100% politique conçu avec Yoko et le groupe Elephant’s Memory : Some Time in New York City (1972) . Hommages à John Sinclair et Angela Davis, aux femmes (Woman is the Nigger of the World, Sisters O Sisters), à la lutte des Irlandais contre Londres (The Luck of the Irish et Sunday Bloody Sunday) , la révolte à la prison d’Attica State, ou leur propre histoire (New York City) sorte de suite au Ballad of John and Yoko de la fin des Beatles.
Il faudra le départ de Nixon de la Présidence suite au scandale du Watergate et la défaite des Etats-Unis au Vietnam pour qu’enfin John puisse obtenir sa carte de résident et vivre en paix avec Yoko à New York.
Jusqu’à ce fatal 8 décembre 1980…
« Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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