Vendredi 04 juillet 2008 à 20h30
Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Takeshi Kitano – Japon – 1999 – 1h56 – vostf
Masao (Yusuke Sekiguchi) s’ennuie. Les vacances scolaires sont là. Ses amis sont partis. Il habite Tokyo avec sa grand-mère dont le travail occupe les journées. Grâce à une amie de la vieille femme, Masao (Takeshi Kitano) rencontre Kikujiro, un yakusa vieillissant, qui décide de l’accompagner à la recherche de sa mère qu’il ne connait pas. C’est le début d’un été pas comme les autres pour Masao…
Un film dont on sort heureux ! Beaucoup de tendresse et d’humour. Images et musique (de Joe Hishaishi) superbes. Aurait largement mérité un prix important à Cannes où il était présenté en 1999.
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L’été de Kikujiro est le 8ème film de Takeshi Kitano. À ce moment de sa carrière, le cinéaste japonais peut tout se permettre, auréolé du grand succès de son précédent film, Hana-Bi. Conscient qu’il véhicule une image de cinéaste « violent« , il décide de prendre un virage à 360 degrés en proposant une comédie dramatique émouvante mettant en scène un enfant.
Takeshi Kitano fait à nouveau appel à Joe Hisaishi, son compositeur attitré, également auteur de la musique des films d’Hayao Miyazaki : « Auparavant, je lui montrais toujours les rushes. Ensuite, je le laissais décider. Cette fois, je lui ai spécifié dans les moindres détails le type de mélodie, la progression de l’intrigue, le genre de musique que je souhaitais. De sorte que je l’imaginais pendant le tournage. Voilà pourquoi la musique colle au film« , explique le réalisateur.
Il ne faut pas être trop orgueilleux quand on travaille avec Takeshi Kitano ! En effet, le cinéaste avait décidé de changer de chef-opérateur pour son précédent film, Hana-Bi, en embauchant Hideo Yamamoto ; ce dernier ayant, selon le metteur en scène, « pris la grosse tête après le succès du long-métrage« , il n’a donc pas été de l’aventure de L’été de Kikujiro, le réalisateur lui préférant son directeur de la photographie habituel, Katsumi Yanagijima, avec qui il avait déjà travaillé sur la plupart de ses oeuvres précédentes (Sonatine, Getting Any ?, Kids Return…) : « Je lui ai dit de prendre des risques. De filmer des plans comme on n’en avait jamais vu. Histoire de s’amuser. Il est allé très loin. À quoi bon demander à un cameraman de refaire ce qu’il a déjà fait ? (…) J’ai demandé au cadreur de faire des folies pour m’amuser« , indique Kitano.
Pour incarner Masao, Takeshi Kitano a choisi Yusuke Sekiguchi parmi plusieurs dizaines d’enfants. Le physique du jeune comédien détonne par rapport aux critères de beauté juvénile japonais généralement mis en avant au cinéma. C’est précisément son visage joufflu et ses traits atypiques qui ont poussé le cinéaste à lui offrir le rôle. L’été de Kikujiro marque à l’heure actuelle la seule et unique prestation cinématographique de Sekiguchi.
Dans L’été de Kikujiro, le personnage incarné par Kitano est contraint de venir en aide à Masao, incarné par Yusuke Sekiguchi. Au départ, ils sont très distants et ne se parlent que très peu. Pour maintenir ce degré de réalisme, le cinéaste mettait volontairement de la distance entre lui et le jeune comédien. Avec sa franchise habituelle, Kitano nous parle de sa relation avec l’acteur, lui qui n’est pas très à l’aise avec les enfants : « Au début, Yusuke et moi, on ne se parlait pas. Exactement comme nos personnages dans le film. Il m’évitait. Mais à la fin du tournage, nos rapports sont devenus plus ouverts. L’écart qui nous séparait s’est réduit progressivement. Exactement comme dans l’histoire. (…) Mieux vaut ne pas compter sur le talent d’acteur des enfants. Quand ils essaient de jouer ou quand ils jouent trop bien, ça paraît mieux, mais ensuite, je les trouve prétentieux. Je déteste ceux qui jouent trop bien. Je les préfère mal dégrossis. Ou, disons, quand ils restent eux-mêmes« , affirme le metteur en scène.
Takeshi Kitano n’y va pas de main morte quand il s’agit de décrire sa façon de travailler avec les enfants : « Quand on utilise un enfant, on doit avoir la même approche que lorsqu’on recueille un chien errant. On ne s’attend pas à ce que le chien sache jouer. On veut qu’il ait l’air attendrissant. (rires) Je le dis sans ambages, sur un plateau, ça ne sert à rien d’accabler les enfants d’instructions fastidieuses. (…) Quand on filme un chien errant, si on veut qu’il ait l’air content, il suffit de lui montrer un os. J’ai donc acheté des jouets à Yusuke [Sekiguchi] pour qu’il m’écoute un peu de temps en temps« , relate le réalisateur.
Takeshi Kitano a appelé son personnage principal Kikujiro, qui est le prénom de son père. En effet, le réalisateur n’a jamais vraiment eu de relations avec son paternel, un homme taciturne, alcoolique et violent : « Je me souviens avoir joué une seule fois avec lui. (…) Durant mon enfance, mon père ne m’aura vraiment parlé qu’à peine trois, peut-être quatre fois« , confie le cinéaste. En réalisant L’été de Kikujiro, Kitano fait la démarche de tenter de comprendre ce père qu’il n’a jamais vraiment connu et qui est décédé en 1979 : « Le personnage principal est un homme d’une cinquantaine d’années qui refuse d’admettre sa déchéance. Il se pose des tas de questions. C’est quelqu’un, sentimentalement, de très maladroit. Il ne sait jamais quoi dire à cet enfant de neuf ans, Masao, qui durant les vacances d’été, débarque dans sa vie sans prévenir. Je voulais que ce film soit un road movie, à pied, car quand on marche, pas à pas, le temps passe différemment« , explique l’artiste.
Kitano ne souhaitait pas filmer la rencontre entre Masao et sa mère pour ne pas tomber dans le sentimentalisme facile et larmoyant : « Je veux bien que mes films suscitent du sentiment, mais je ne veux surtout pas de pathos. Alors, Kikujiro invente, dit à l’enfant que ce n’est pas sa mère et préfère l’emmener dans un autre monde. Je préfère cette solution, qui évite les épanchements et qui protège l’enfant de chamboulements affectifs violents« .
« Le film se démarque des autres histoires que j’avais faites jusque-là. Pour une fois, il me semble que ce film penche plutôt du côté de la vie que de la mort. L’enfant symbolise l’espoir, l’avenir, un monde meilleur. Avec ce film, je crois avoir voulu rendre hommage à l’idée que je me fais de l’humanité« , indique Takeshi Kitano.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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