Samedi 09 Février 2008 à 15h00 et 17h30 – Spécial Inde
Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
A 15h, Conférence présentée par Philippe Serve à la Maison des Associations de Garibaldi:
L’ÂGE D’OR DU CINEMA HINDI (1950-1970)
A 17h30, Film de Ritwik Ghatak – Inde – 1960 – 2h – vostf
Sur le web
« Quand Ritwik Ghatak entame le tournage de son premier film, Nagarik (Le Citoyen) dans les années 1950, le cinéma indien est assez uniforme: depuis l’avènement du cinéma parlant en 1931 avec Alam Ara, c’est la « formule » qui règne en maître, soit le cocktail de chansons et de danses sur fond d’amours improbables que l’on appelle aujourdhui « Bollywood ». Calcutta, l’ancienne capitale indienne du temps des Britanniques, se targue d’être le foyer artistique du sous-continent. De fait, la révolution cinématographique en sera issue: en 1955 sort sur les écrans bengalis et internationaux le film de Satyajit Ray Pather Panchali (La Complainte du sentier), immédiatement vu comme le manifeste de la naissance d’un cinéma artistique indien. Ritwik Ghatak, dont le Nagarik avait été tourné avant Pather Panchali, mais ne sortit sur les écrans qu’en 1977, s’engouffre dans la brèche. Comme Ray, il est fier de sa culture bengalie. Comme Ray, il méprise le cinéma commercial indien. Mais bien que les deux hommes se connaissent et s’apprécient, la comparaison s’arrête là: Ghatak est un idéaliste, un homme engagé; son cinéma, complexe au prime abord, proche du « petit peuple », de sa souffrance et de ses rêves, déroute. Ghatak a du mal à se remettre de la division de sa patrie, le Bengale. Il ne se remettra pas du tout de son échec public croissant, et mourra à cinquante ans, en 1976, après avoir réalisé seulement huit longs métrages. Par cette rétrospective, la Cinémathèque rappelle que le cinéma artistique indien, ce n’est pas seulement Satyajit Ray, et que, peut-être, on est en droit de lui préférer l’œuvre sensible de «l’étoile cachée» du Bengale.
La famille constitue l’essence thématique du cinéma indien, populaire comme artistique, sans doute parce que l’Inde, comme de nombreuses sociétés encore traditionnelles, l’a elle-même placée au cœur de ses préoccupations. Ritwik Ghatak ne fait pas exception: dans ses films, très intimistes, il ne s’autorise que quelques extérieurs au cercle familial étouffant, souvent simplement constitué des parents et de leurs enfants. Mais quelle famille! Dans L’Étoile cachée, elle vit aux crochets de l’une des filles, Neeta, forcée de travailler et d’abandonner ses études pour subvenir aux besoins d’un frère qui se rêve artiste, d’un père malade, d’une mère et d’une sœur égoïstes, et d’un autre frère hospitalisé. Quand le frère artiste devient enfin célèbre et que l’on découvre que Neeta est atteinte de tuberculose, la jeune femme devenue inutile est renvoyée de la maison familiale et doit aller mourir au loin, abandonnée de tous…Ce qui frappe en premier chez Ghatak est la cruauté des rapports entre parents et enfants. Dans L’Étoile cachée et Nagarik, les parents, infantilisés, inutiles, sont dépendants de leurs enfants, mais cette dépendance se traduit soit par une conscience coupable et une souffrance tétanisante (le père), soit par un égoïsme forcené et une méchanceté de marâtre (la mère).Ce sont les relations frère et sœur qui ouvrent une fenêtre d’optimisme, à la limite parfois de l’inceste. Dans L’Étoile cachée, Neeta sacrifie sa vie, son bonheur et l’homme qu’elle aime pour Shankar, son frère musicien. Mais c’est aussi lui qui lui rend son sourire (dans le premier gros plan du film), la console lorsque son fiancé épouse sa sœur, et l’emmène dans son dernier voyage.
En 1951, Ghatak, qui a commencé sa carrière dans le théâtre, rejoint l’IPTA (Indian People’s Theater Association), qui, en tant que « branche culturelle » du parti communiste indien, entend provoquer le réveil culturel de la population indienne, en s’inspirant notamment de son folklore. A l’instar de son compatriote cinéaste Mrinal Sen, Ghatak ne cache pas sa sympathie pour l’extrême-gauche; il refuse cependant de s’enrôler dans un parti. Ghatak n’aime pas les doctrines; en lisant ses écrits sur le cinéma, on comprend vite qu’il n’est pas un suiveur, un bon petit soldat. Ghatak décide de faire comme il l’entend et s’il parle de révolution, ce sera la sienne, pas celle des autres.Il faudrait pourtant voir en Ghatak, plutôt qu’un révolutionnaire, un idéaliste. Étrange constat il est vrai à la première lecture de ses films: un mélodrame peut-il aboutir à la constitution d’un idéal? Oui, répond Ghatak. Ses personnages sont en prison, certes, prisonniers d’un monde qui les laisse seuls avec leur souffrance, comme Neeta (L’Étoile cachée), abandonnée par son fiancé, descendant l’escalier de son malheur en se prenant la gorge comme pour faire taire un cri, dans un gros plan magnifique…
Le symbole de la Partition, chez Ghatak, est la rivière, thème récurrent de ses films…S’il s’agit toujours d’une rivière différente, on peut toutes les relier à la même: le Gange, source de vie en Inde, la déesse Ganga qui facilite la fin du cycle des réincarnations, et surtout chez Ghatak, le fleuve qui sépare géographiquement le Bengale de l’Ouest et le Bengale de l’Est…Dans L’Étoile cachée, Shankar croit y voir marcher à son bord sa sœur Neeta mais ne peut être que déçu – Neeta se meurt en effet chez elle…La rivière chez Ghatak est-elle donc synonyme de déchirement, de séparation? Ce serait encore une fois manquer la foi de Ghatak en l’homme. La rivière ne divise pas seulement, elle peut aussi réunir:l’héroïne de L’Étoile cachée qui y trouve sa raison d’être, son frère Shankar. Ghatak filme longuement, en grands plans d’ensemble, cette/ces rivière(s) qui apaise(nt) et dont le cours puissant, éternel et tranquille ne peut être qu’à peine troublé par le passage assourdissant, mais temporaire d’un train. La rivière est toujours là, et malgré les tourments, elle sera toujours là dans un millénaire, tout comme l’humanité. Reste à savoir ce que l’on veut faire de cette éternité. » (critikat.com)
Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri.
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