Dimanche 19 janvier 2003 à 14h30
Film de Henry Selick – USA – 1994 – 1h15 – vostf
Jack Skellington, roi des citrouilles et guide de Halloween-ville, s’ennuie : depuis des siècles, il en a assez de préparer la même fête de Halloween qui revient chaque année, et il rêve de changement. C’est alors qu’il a l’idée de s’emparer de la fête de Noël…
Sur le web
«L’Étrange Noël de Monsieur Jack emprunte la forme du conte de Noël pour une nouvelle fois exprimer ce thème burtonien en diable qu’est l’incompatibilité des êtres marginaux avec le monde normal. La séparation est même ici clairement marquée avec la coexistence entre le foisonnant et horrifique univers de Halloween et celui plus paisible et coloré de Noël. Grand maître de cérémonie de Halloween, Jack Skellington est cependant las de cette existence répétitive et retrouvera l’inspiration en découvrant la fête de Noël qu’il va s’approprier. On sent le chemin parcouru par Burton depuis Vincent où tout le visuel ne naissait que de l’emprunt – l’hommage à Vincent Price, le noir et blanc, l’esthétique gothique ténébreuse, la tonalité de film muet et l’influence de l’expressionnisme allemand – revisité par le prisme de sa propre personnalité. Burton a ainsi pu longuement penser le projet qui date du début des années 80 et qu’il conçoit visuellement avec son fidèle collaborateur et directeur artistique Rick Heinrichs (déjà de l’aventure sur Vincent) pour un univers qui ne cessera de prendre de l’ampleur au fil de l’intérêt croissant de Disney. Au départ prévu comme un simple court métrage animé destiné à la télévision, L’Étrange Noël de Monsieur Jack deviendra finalement le monstre que l’on sait. Burton crée ici ses propres mythologie et imagerie où se croisent figures du folklore populaire classique comme le Père Noël et le Boogey Man (soit le croquemitaine, ici rebaptisé Oogie Boogie) avec son Jack Skellington appelé à endosser le même statut. Le gothique hiératique de Vincent, des Batman, en partie d’Edward aux mains d’argent se laisse déborder par la folie contagieuse d’un Beetlejuice, par la bizarrerie de Pee-Wee. Jack Skellington emprunte d’ailleurs la mélancolie et la solitude d’un Edward qu’il mêle à la furie anarchique de Beetlejuice. Le monde de Halloween donne une folie, une énergie et finalement une joie de vivre qui contrebalancent avec les figures horrifiques qu’il abrite : vampires, goules, savants fous et loup-garou y festoient donc joyeusement. A l’opposé, le monde des humains y paraît bien timoré avec ces petites têtes blondes apeurées par les cadeaux macabres offerts par ce drôle de Père Noël qu’est Jack Skellington.
Il faut également saluer l’apport trop sous-estimé de Henry Selick. Contrairement à l’idée reçue, Tim Burton, trop pris par le tournage de Batman, le défi (et de son propre aveu trop impatient pour le laborieux processus qu’est un tournage en stop-motion) n’a absolument pas réalisé le film mais juste conçu l’aspect visuel et la trame générale. Et finalement, si la patte de Burton est évidemment bien visible, on peut néanmoins situer une différence. La grande faiblesse du réalisateur a toujours été sa piètre capacité à dynamiser sa mise en scène alors qu’il excelle à soigner ses cadres, à mettre en valeur un décor. Beetlejuice doit plus sa folie aux idées du script et à la prestation furieuse de Michael Keaton qu’à la réalisation de Burton. Les scènes d’action des deux Batman sont particulièrement laborieuses et ne fonctionnent que par l’apparat visuel qui les entoure ainsi que grâce au charisme des méchants. Rien de tout cela ici avec un Selick déployant un souffle et une énergie de tous les instants, notamment une étourdissante entrée en matière nous plongeant dans l’animation de Halloween avec l’engouement de ses participants. La différence avec le monde plus posé des humains naîtra de cette opposition avec en point d’orgue une confrontation déjantée lorsque Jack endossera pour le pire (et pour le rire) le rôle du Père Noël…
Danny Elfman, investi comme jamais dans l’entreprise, fait preuve d’une créativité sans faille. En pleine ébullition créatrice, le compositeur alimente constamment la bande-son de nouvelles chansons qui obligent Selick à revoir fréquemment ses plans de tournage, ce qui créera quelques frictions avec Burton. Les deux amis en ressortiront brouillés pour un temps mais c’est bien Elfman qui avait raison tant ses chansons rendent la narration fluide, s’intègrent parfaitement à la mise en scène et sont surtout de grandes compositions destinées à devenir des classiques, tel ce somptueux Jack’s Lament d’ouverture. Burton au final respectait également l’esprit de Noël puisque derrière son constat récurrent (l’impossible cohabitation des marginaux et des normaux), l’amour était néanmoins au bout du chemin avec cette belle romance entre Jack et Sally (le superbe doublage de Chris Sarandon et Catherine O’Hara est à saluer). On est loin de la résignation poétique d’Edward aux mains d’argent, Jack se nourrissant même de l’aventure pour un regain d’inspiration. Les incursions dans l’animation constituent d’ailleurs une sorte de fil rouge des états d’âme de Burton…L’Étrange Noël de Monsieur Jack constitue l’adéquation parfaite entre le fond et la forme pour ce qui constitue désormais un classique absolu de l’animation.» (dvdclassik.com)
«Le résultat final est au-delà des espérances puisque le film devient culte quasiment instantanément. D’une incroyable beauté formelle, cette féérie musicale emporte immédiatement l’adhésion grâce à une animation parfaitement fluide – et bien moins aseptisée que bon nombre de ses concurrents d’alors, tous obnubilés par les prouesses de l’ordinateur -, mais aussi à une imagination débordante. Truffé de détails iconoclastes, de riches décors et de trouvailles visuelles étonnantes, cet étrange Noël ne ressemble à rien d’autre qu’à lui-même et s’intègre à merveille dans la filmographie du génial cinéaste. Merveilleux hymne à la différence, ce conte macabre n’essaye jamais de séduire les plus petits et assume pleinement sa part d’ombre au point de le faire ressembler à un cauchemar enfantin. Pas étonnant donc que de nombreux gothiques reprennent aujourd’hui l’effigie de Jack, ce rebelle qui s’ignore, grand saboteur de Noël, cérémonie sirupeuse et bien-pensante s’il en est. Il faut voir ce squelette longiligne terroriser les petits pour comprendre toute la force subversive de ce métrage. Outre le message délivré, L’étrange Noël de Monsieur Jack est aussi une enchanteresse comédie musicale sublimée par la partition sans faille du fidèle Danny Elfman. Le spectateur, lui, est emporté dans un tourbillon de rires, de pleurs, de chants et se surprend à aimer ceux dont il est censé avoir peur. Ce n’est pas la moindre des réussites de monsieur Burton, grand poète des forces obscures.» (chronicart.com)
L’Etrange Noël de Monsieur Jack est tiré d’un poème écrit par Tim Burton au début des années 1980. Celui-ci lui aurait été inspiré par la devanture d’un magasin : Burton passa devant au moment où le personnel échangeait des personnages de Halloween pour ceux de Noël, combinant un instant les deux mondes. Le réalisateur s’est toutefois également inspiré de films de Noël tels que Comment le Grinch a volé Noël ! et Rudolph the Red-Nosed Reindeer.
Mélange avoué de Marlene Dietrich et de Lisa Marie, à l’époque égérie de Tim Burton, Sally a été doublée par la chanteuse Nina Hagen dans la version germanophone de L’Etrange Noël de M. Jack.
Le chat héros de Vincent, le premier court réalisé par Tim Burton en 1982, fait une rapide apparition au début de L’Etrange Noël de M. Jack, en sautant d’une poubelle qu’il était en train de fouiller.
L’Etrange Noël de M. Jack marque une étape importante de l’histoire de l’animation. Il s’agit en effet du premier long métrage entièrement réalisé avec la technique du « stop motion« , soit une animation image par image de personnages faits de pâte à modeler ou autres matériaux. Pas moins de 400 expressions de visage ont ainsi été modelées pour Jack Skellington, le héros du film. Le procédé lui-même reste presque aussi ancien que le cinéma lui-même. Le premier King Kong, mais aussi Georges Méliès y faisait déjà lourdement appel. Ce procédé est relativement simple mais extrêmement laborieux. L’Etrange Noël de Monsieur Jack a ainsi demandé environ trois ans de tournage, une minute de film représentant, en moyenne, une semaine de travail.
Une des nombreuses difficultés auxquelles l’équipe technique du film eut à faire face fut, ironiquement, la taille des décors. Afin d’atteindre les marionnettes sans risquer de bouleverser l’arrangement des immenses maquettes (ce qui eût signifié de reprendre toute la scène depuis le début), celles-ci furent décomposées en plusieurs éléments facilement séparables. Les marionnettistes purent ainsi opérer en toute quiétude.
Compositeur attitré de Tim Burton et donc de la bande originale de L’Etrange Noël de M. Jack, Danny Elfman a par ailleurs prêté sa voix à trois personnages du film : Jack lorsqu’il chante, l’un des trois enfants nommé Barrel et le clown.
De par sa nature, sa durée et sa qualité, L’Etrange Noël de Monsieur Jack représente une performance technique, mais il s’est vu ravir l’Oscar des meilleurs effets visuels par un concurrent de poids : les dinosaures de Jurassic Park avaient été ressuscités la même année.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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