Lundi 19 Février 2024 à 20h – 21ième Festival
Cinéma Jean-Paul Belmondo (ex-Mercury) – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Max Ophüls, USA, 1948, 1h27, vostf
Vienne 1900. Quelques heures avant l’aube et sur le point d’affronter en duel un adversaire, un mari trompé, qu’il a d’ailleurs l’intention de fuir, Stefan Brand, ex-pianiste célèbre, homme à femmes, reçoit une longue missive d’une inconnue, Lisa Berndle. Démarre alors en flashback le récit émouvant et douloureux d’une passion d’une femme pour un homme à son insu, une passion si absolue qu’elle semble irréelle, et pourtant…
Le film sera précédé du court-métrage La Vie du dehors de Pascal Marc (France, 2022, 16’)
Lettre d’une inconnue est le deuxième film réalisé aux Etats-Unis par l’Allemand Max Ophüls. Dans une interview accordée en 1957 à Jacques Rivette et François Truffaut – alors critiques aux Cahiers du cinéma – le cinéaste évoquait les circonstances peu banales dans lesquelles il a convaincu le président d’Universal Bill Goetz de tourner cette adaptation de Zweig : « Pour lui parler en toute tranquillité, je savais combien il était difficile d’obtenir un rendez-vous ; et il y a toujours le téléphone pour interrompre les conversations. Mais il y a un bain turc au studio et je me suis arrangé pour prendre un bain de vapeur en même temps que lui. Tout nu, sous les douches, je l’ai entrepris sur Lettre d’une inconnue ; je lui disais que j’étais le seul metteur en scène au monde à pouvoir faire ce film, et il me répondait simplement, en hochant la tête : « Why not », ce qui signifie « pourquoi pas ». Et voilà.«
Lettre d’une inconnue marque la troisième collaboration de Max Ophüls avec le chef-opérateur Franz Planer. Celui-ci avait en effet déjà travaillé sur Liebelei (1932) tourné en Allemagne, puis sur la première expérience américaine d’Ophüls : L’Exilé (1947).
La nouvelle de Stefan Zweig Lettre d’une inconnue avait déjà été adaptée à l’écran en 1929 par Alfred Abel, qui est surtout connu comme comédien, notamment chez Fritz Lang pour Metropolis (1927) ou Le Testament du docteur Mabuse (1932).
Max Ophüls a procédé à certaines modifications dans le récit : le héros est ainsi pianiste dans le film, alors qu’il est écrivain dans le livre. Par ailleurs, la fin du long-métrage et celle de l’ouvrage diffèrent.
Ce film magnifique et d’une grande délicatesse est ressorti sur les écrans en 2022, restauré en 4K. Le film a fait partie de la sélection Cannes Classics 2021.
Notre article
par Guillaume Levil
Alors que le nombres de lettres distribuées en France est passé de 18 milliards à 6 milliards en 10 ans, les humains – et au sein de tous les milieux sociaux – n’ont pourtant jamais autant écrit en quantité. Mais désormais, ce sont des bribes d’écriture jetés dans les grands flots du numérique. À travers ces deux films, Max Ophuls et Pascal Marc rappellent à quel point la missive pouvait être essentielle, mais leurs deux œuvres ne sont pas pour autant nostalgiques ou empreintes de regret : à travers leurs thématiques et leurs symboles, les films apparaissent comme résolument modernes et sereins. D’un côté du ring épistolaire : Lettre d’une inconnue, 1948, 86 minutes. L’histoire suit l’amour obsessionnel d’une femme pour un homme qui l’ignore depuis des années. À travers une lettre qu’elle lui écrit sur son lit de mort, elle révèle l’intensité de ses sentiments et les sacrifices qu’elle a faits pour lui en secret. De l’autre côté du ring épistolaire : La Vie du dehors, 2022, 16 minutes. Comme l’explique son auteur : « Entre 1979 et 1984, mon père a filmé des souvenirs de famille avec un camescope VHS grand public. Entre 1985 et 1991, ma mère a écrit cent soixante-dix-huit lettres à mon père, incarcéré à la prison de la Santé à Paris. Aujourd’hui, je crée un dialogue entre les mots de ma mère et les images de mon père. »
Le temps et la mémoire
Le dénominateur commun de ces deux films qui saute aux yeux, c’est le travail sur la mémoire, en relation avec un temps parfois perceptible, parfois non. Pour Lisa, interprétée par Joan Fontaine dans le film d’Ophuls, le temps s’est arrêté depuis son adolescence, et son amour pour Stefan n’a jamais faibli. Cependant, pour Stefan, le temps a avancé et il a oublié les moments qu’il a partagés avec Lisa. Cette divergence temporelle crée un fossé infranchissable entre les deux personnages, rendant tout retour à leur relation impossible. Parlons-en du « retour », puisqu’en fait dans les deux films que nous mettons en avant ici, il s’agit certes d’un retour d’information à travers des lettres, du retour éventuel d’une personne physique… mais à vrai dire, la thématique forte est plutôt le « non-retour » précisément. Car dans Lettre d’une inconnue, Lisa est condamnée à tourner autour de son potentiel et inaccessible amour, il ne reviendra jamais à elle comme elle le voudrait, en raison d’une prison narcissique qu’il s’est créée. Dans La Vie du dehors, la prison par contre n’est pas psychologique mais bien réelle, faisant converger la narration vers un même résultat dans les deux cas : l’inaltérabilité de la solitude, pour celui qui attend. On pense à Sueurs froides d’Alfred Hitchcock et à La Jetée de Chris Marker. Dans ce premier film, le personnage de Scottie, interprété par James Stewart, est hanté par le souvenir d’une femme qu’il a aimée et qu’il n’a pas pu sauver. Lorsqu’il rencontre Judy, qui ressemble étrangement à son amour perdu, il devient obsédé par l’idée de la transformer en la réplique exacte de cette femme disparue. Cependant, malgré ses efforts pour la ramener à la vie à travers Judy, Scottie réalise finalement que le retour à son amour passé est impossible. Le passé de La Jetée aussi est inaccessible, et c’est encore pire puisque ce passé est diablement mêlé au futur : à travers des expériences de voyage dans le temps, un homme tente désespérément de retrouver ce moment fugace où il aperçoit le visage de la femme, mais il se rend compte finalement que son retour au passé est impossible et qu’il est condamné à revivre éternellement les mêmes instants. Voici donc quatre films qui tentent de décrire les obsessions humaines à travers un temps qui s’écoule inexorablement vers l’échec de l’amour. Le point commun à toutes ces œuvres est qu’elles se servent de la forme pour appuyer sur l’enchevêtrement du temps : Ophuls se sert des flash-backs et des fondus enchaînés à outrance, Pascal Marc ne se soucie guère de l’ordre chronologiques des images filmées par son père, Chris Marker n’utilise que des photos comme si la mémoire était figée… Remarque symbolique gratuite : les escaliers apparaissent à plusieurs reprises dans le film d’Ophuls, symbolisant les obstacles à surmonter ou les transitions entre les différents niveaux de conscience et de réalité.
L’obsession et le choix
Lettre d’une inconnue est donc un film, si l’on peut dire, obsédé par l’obsession. Il s’agit certes de l’obsession d’une femme candide, mais quelques analyses modernes stipulent que Lisa fait partie des premières héroïnes du cinéma à choisir son destin, contrairement à ce qu’on pourrait hâtivement penser. La nouvelle de Stefan Zweig dont est tiré le film était avant tout un cri contre l’inconstance des hommes – surtout dans la société viennoise de l’époque – et l’adaptation en prend également le chemin. Mais le fait que Lisa est toujours dans la décision, et cisèle les parties de sa vie, en font quelque part la porteuse d’un élan féministe. Cette constatation est à prendre avec des réserves, mais va dans le sens de ce que voulait le réalisateur, à savoir donner du relief à ces interrogations. Par exemple, Lisa est filmée, quand elle s’apprête à passer la nuit avec Stefan, en contre-plongée du haut des escaliers. Or, quelques dizaines de minutes avant, on nous montrait exactement le même plan écrasant, mais pendant la jeunesse de Lisa, lorsqu’elle voyait entrer les conquêtes d’un soir de Stefan. L’héroïne décide donc de prendre la place de ces conquêtes, pourtant clairement rabaissées par cette contre-plongée lourde de sens… C’est elle, véritablement, qui tire les ficelles de sa vie, et même en partie de celle de Stefan – mais personne, par contre, ne peut rien contre la fatalité dramatique du destin. Bref, il s’agit là d’une sorte de liberté consciente. Cet exemple de plan qu’Ophuls nous montre deux fois pour faire écho, c’est une autre forme de « retour » intéressant, rappelant que le passé converge inexorablement vers le futur.
Remarque symbolique gratuite : la lettre que Lisa envoie à Stefan représente non seulement son amour inconditionnel pour lui, mais aussi son désir de se faire entendre, de se faire reconnaître, et de choisir par elle-même. C’est un acte de révélation, de déclaration, d’émancipation.
Le spectacle et le rêve
Contrairement à la nouvelle d’origine qui est assez crue et brutale, Ophuls choisit une mise en scène en décalage par rapport aux réalités, comme s’il avait envie de sacraliser le « spectacle de l’existence ». C’est de toute façon une de ses idées fixes, car il ira encore plus loin dans La Ronde en 1950, où les histoires de divers personnages se suivent jusqu’à former une boucle inexorable de relations. Le spectacle y est préétabli, inéluctable, contenant les défauts humains ainsi que leurs qualités inévitables. Le choix de Pascal Marc dans son film va également dans ce sens : les mots des lettres envoyées par sa mère sont empreints d’émotion, parfois de dureté, mais ils sont à la fois atténués et exaltés par les images astucieusement choisies d’une famille heureuse d’antan. Le discours d’Ophuls à travers sa mise en scène du spectacle, c’est qu’il est parfois préférable de rêver, que de tremper dans une réalité pure. En d’autres termes : l’illusion a du bon. Dans Lettre d’une inconnue, on se demande si Lisa est consciente de ses rêveries, et du caractère impossible de son amour. Est-il raisonnable de gravir tout de même les échelons de l’espoir ? Lisa pense visiblement que oui, et Ophuls est un optimiste par intérim. Et, dans La Vie du dehors, est-ce raisonnable de dissimuler la vérité aux enfants concernant l’emprisonnement du père ? Certains pourraient dire qu’il s’agit dans les deux cas d’une illusion utile, amenant à une forme de sérénité, bref : un acte d’amour. Lettre d’une inconnue est parsemé de rideaux partout : dans la calèche, dans les chambres, dans les restaurants… comme si Ophuls voulait nous rappeler ses intentions de scène. D’ailleurs, le film commence et finit avec une calèche, à la manière d’un autre rideau de début et de fin, mais qui roule, comme le cycle éternel d’une vie de bonheur et de souffrance. Remarque symbolique gratuite : les miroirs sont utilisés de manière significative par Ophuls pour refléter la manière dont les personnages se voient les uns les autres, souvent à travers un prisme déformé de désir ou d’illusion.
Sur le web
« Lettre d’une inconnue marque l’apogée de la carrière américaine de Max Ophuls, avant son retour en France. Produit par l’esthète John Houseman, autre personnalité atypique de Hollywood, le film est l’adaptation d’une nouvelle de Stefan Zweig. Dès les premières séquences (l’arrivée nocturne d’une calèche dans une rue de Vienne), le cinéaste impose son style et son univers, qui imprègnera tout le récit. C’est d’abord un tournage en studio qui reconstitue admirablement tout un pan de la capitale autrichienne, sans que le cinéaste nous laisse dupe sur les artifices de la transposition (la scène du voyage imaginaire au Prater). C’est aussi une œuvre sur le mouvement : celui des véhicules mais aussi des hommes, filmés en longs travellings et panoramiques : les déambulations de Lisa dans la ville, à la recherche de son amant fantasmatique, font écho aux déplacements de Stefan entre Vienne et Milan et ceux de son jeune fils qui fera un voyage sans retour ; ces mouvements circulaires, traduisant l’instabilité des personnages et la force du destin, annoncent aussi ceux de Madame de… et Lola Montès. On connait par ailleurs le goût d’Ophuls pour le film à costumes avec décors raffinés ; loin d’étouffer ses œuvres, cela leur donne une dimension intemporelle et décalée…
… Ophuls donne une nouvelle vie au matériau littéraire de Zweig, comme il le fera en France avec ceux d’Arthur Schnitzler (La ronde) et Guy de Maupassant (Le plaisir). La question n’est pas tant de savoir si Ophuls a été fidèle ou non à Zweig (même si on peut penser que la réponse est positive) mais de se demander si le passage au 7e art donne une autre dimension à un roman : on ne peut que constater le pari gagné par le cinéaste.» (avoir-alire.com)
«… Les producteurs d’Universal avaient refusé une sortie américaine à Lettre d’une inconnue en 1948 trouvant le film « trop européen ». Touchant pourtant au sentiment le plus universel, l’amour incompris, le film de Max Ophuls, aujourd’hui restauré, est depuis reconnu pour ce qu’il est : un ballet d’ombres incarnées, de visages et de corps cherchant l’oxygène, une plongée dans les limbes du tragique que seule la poésie d’un réalisateur de cette trempe a le pouvoir de laisser vagabonder avant son expiration.» (critikat.com)
«… Lettre d’une inconnue n’est pas un mélodrame comme les autres, il offre une complexité inattendue du fait des personnages mis en scène, de la nature de leur relations, et surtout par le regard que porte le réalisateur sur ces derniers et par le basculement des points du vue féminin et masculin qui s’opère subtilement au sein du film. La recréation d’un univers ancien disparu, la mélancolie qui innerve profondément le film, l’importance de la musique, le mouvement perpétuel qui emporte les personnages dans une danse sans fin autre que la mort, l’impression d’un rêvé éveillé qui subit les assauts d’une réalité normative, le passage du temps qui détermine la tragédie, le monde vu comme un théâtre dans lequel le destin d’une femme qui s’abîme dans ses emportements passionnels croise celui d’un homme-artiste épris de doutes qui ne réussira à se révéler à lui-même qu’une fois cerné par la mort…» (dvdclassik.com)
«…Lettre d’une inconnue est souvent cité parmi les meilleurs films de l’histoire du cinéma. Et ce n’est pas une réputation usurpée. La réalisation de Max Ophüls est admirable de fluidité, de simplicité, et de poésie. La construction narrative, grâce aux retours en arrière, permet de donner toute son amertume au présent, et son côté inaccessible au passé : la fatalité d’un destin auquel Stefan ne peut échapper… Outre une histoire d’amour poignante, le film propose la radiographie d’une société dans laquelle les hommes ont le droit d’être frivoles mais pas les femmes. Et dans laquelle le poids des conventions peut sceller le destin d’un homme…
… Lettre d’une inconnue a cette qualité qu’il inscrit cette histoire d’amour dans une dimension dramatique poignante qui reste aussi forte à chaque vision. Le film se joue aussi des stéréotypes masculins et féminins tout en les perpétuant : l’homme est frivole et forcément superficiel, alors que la femme est ancrée dans le réel et la maternité, même si elle est prête à tout sacrifier pour retrouver son amant. La musique, elle, joue un rôle important. C’est elle qui stimule l’intérêt de Liza pour Stefan, elle qui scelle leurs retrouvailles bien plus tard, elle encore, par son absence, qui marque la déchéance du pianiste…» (lebleudumiroir.fr)
«… Lettre d’une inconnue raconte dans un premier temps, la quête de l’impossible. L’impulsivité d’un amour innocent et sincère qui fait croire en la réalisation des rêves le plus fous. Il y a énormément de candeur et de douceur, pour que, comme Lisa, nous nous laissions entraîner par cette fraîcheur communicative. Vient ensuite l’accomplissement, la consécration d’un amour, où il ne s’agit plus de rêver, mais simplement de vivre pleinement. Puis, fatalement, aux joies et au bonheur succèdent des désillusions et des trahisons, reflets négatifs d’une félicité innocente. Doux, léger, triste, élégant, cruel, nostalgique, Lettre d’une inconnue est un drame romantique d’une grande beauté, nous faisant vivre toutes sortes d’émotions, parvenant à nous toucher et à vivre quelque chose qui peut être difficilement expliqué.
Max Ophüls parvient ici à associer l’authenticité et l’onirisme avec, d’une part, ces personnages auxquels on s’attache, qu’on comprend, dont on suit l’évolution avec intérêt et, de l’autre, cette dimension pas tout à fait fantastique mais tirant sa magie en se trouvant dans l’ordre du souvenir, de ce qui fut, mais qui n’est plus. Car, en partant de la fin, le film nous plonge dans les souvenirs, dans une réalité qui fut mais dont nous ne percevons plus que des bribes ou des images éparses. Et ces souvenirs, constituant des briques ayant contribué au façonnement de l’existence, représentent autant de points du chemin entrepris jusqu’alors, que d’embranchements qui ouvraient la voie vers d’autres possibilités…
… Lettre d’une inconnue, ce sont autant de certitudes que de hasards, l’image d’un passé qui offrait maintes possibilités, où les choix qui étaient pris furent le début d’autant d’histoires que la fin d’autres. L’amour, cette force implacable et incontrôlable, se diffuse, et prend de multiples formes, jouant à un drôle de jeu pour tourmenter ces personnages. Joan Fontaine est resplendissante, autant dans la candeur naïve que dans le désespoir, et Louis Jourdan, bellâtre charmeur et élégant, lui donne parfaitement la réplique. Les fantômes du passé resurgissent et refont surface, nous laissant ensuite avec un irrépressible sentiment de nostalgie.» (alarencontreduseptiemeart.com)
«Les plus beaux personnages de Max Ophuls sont des séducteurs piégés par l’ivresse circulaire des plaisirs de la séduction, les prisonniers volontaires de la vie qui est un théâtre d’ombres, un manège, une ronde de simulacres. Faire tomber le masque n’intéresse pas Max Ophuls parce que derrière le masque il n’y a rien. Le masque est la vérité cachée du masque, vérité circulaire comme une ronde, un manège. Quand le masque tombe, la vie n’est pas plus véridique, elle est seulement plus lourde, c’est la vie qui tombe, qui s’arrête comme une toupie. Lettre d’une inconnue est l’histoire d’un homme qui a vécu sa vie comme un rêve et d’une femme dont la mort lui signifie que le rêve est fini. Quand un homme jouit du manège de la vie avec une inconstance qui est aussi la plus grande inconscience, une femme lui rappelle que la vie est tragique. Voilà ce qui reste troublant ici, et à jamais saisissant : un homme a de l’avance sur une femme avant de découvrir qu’elle aura le dernier mot sur sa vie, celui de la mort…
… Lettre d’une inconnue est une histoire singulière de la différence universelle des sexes, sublime de lucidité, absolument désarmante. Quand un homme jouit du manège de la vie avec une inconstance qui est non seulement insouciance mais aussi la plus grande inconscience, une femme lui rappelle que la vie est tragique. Son fantasme à elle est un autre théâtre, non plus la ronde des plaisirs mais la fosse tragique où les amoureux ne se retrouveront vraiment d’accord qu’en s’accordant à se retrouver dans la mort. Voilà ce qui reste troublant ici, et à jamais saisissant : un homme a de l’avance sur une femme avant de découvrir qu’elle aura le dernier mot sur sa vie, ce mot qui est celui de la mort.» (rayonvertcinema.org)
«… A la frivolité inconséquente de Stefan s’opposent ainsi l’abnégation, la fidélité, la pureté morale de la jeune femme. Opposition manichéenne, certes, mais esthétiquement et moralement plus féconde qu’il n’y paraît. En juxtaposant ces contraires, Ophüls les révèle à la lumière l’un de l’autre, dévoile la vanité de la comédie humaine, exalte la beauté cachée et simple qui s’oppose aux oripeaux sociaux de l’élégance, de la séduction et du narcissisme. En cela, Lettre d’une Inconnue s’avère emblématique de l’œuvre du cinéaste. Ce dernier n’a eu de cesse de marier humour et tragédie, gravité et frivolité, sans pour autant en tenter une improbable synthèse. Un entremêlement si inextricable de tropismes contradictoires peut dérouter, provoquer un vertige. Au fil du temps, le style visuel du cinéaste y a gagné en en singularité et en audace…
… C’est à une rêverie musicale que fait souvent penser Lettre d’une Inconnue – d’autant que le thème principal de la musique, qu’elle soit de fosse ou diégétique, est emprunté à un des compositeurs les plus romantiques qui soient, Franz Liszt, qu’Ophüls mettra d’ailleurs directement en scène dans Lola Montès (1955). Le noir et blanc onctueux flatte la rétine par la douceur de ses contrastes et participe à l’élégance élégiaque du film, à son irréalité ouateuse. Les longs flashbacks qui constituent la trame du scénario accentuent le flottement onirique de l’ensemble, rejeté dans les limbes d’un passé impitoyable, miroitant à travers le prisme de la mémoire et peut-être déformé, idéalisé, qui sait ? La limpidité extrême du film, jointe aux ellipses saisissantes de la narration, contribue à la perfection cristalline de Lettre d’une Inconnue, à son mystère et son pouvoir de suggestion…» (iletaitunefoislecinema.com)
Présentation du film et animation du débat avec le public : Guillaume Levil.
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