L’Évangile selon Saint Matthieu + Monty Python, La Vie de Brian


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Samedi 03 avril 2010 à 20h30

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film  de Pier Paolo Pasolini – Italie – 1964 – 2h17 – vostf

La vie du Christ selon Saint-Matthieu et Pier Paolo Pasolini. Une reconstitution fidèle de l’Evangile.

Film  de Terry Jones – Royaume-Uni – 1978 – 1h44 – vostf

En l’an 0, en terre de Galilée, Mandy et son bébé Brian reçoivent la visite des Rois Mages un beau soir de décembre. Ceux-ci, s’apercevant de leur erreur, remballent prestement leurs présents et filent dans l’étable voisine. Hélas, Brian a tiré le mauvais numéro…

Notre critique

Par Philippe Serve

L’Evangile selon Pasolini et les Monty Python

L’un était marxiste à la Karl révisé Gramsci, tandis que les autres l’étaient tendance Groucho.
Le premier, communiste italien se montrait donc forcément plus respectueux, y compris envers l’opium du peuple (recherche du compromis historique oblige ?), alors que les seconds, citoyens de Sa Gracieuse Majesté, libertaires nourris au féroce et absurde humour british, laissaient l’irrespect leur servir de moteur.
L’un s’appelait Pier Paolo Pasolini, poète, écrivain, scénariste, cinéaste. Les autres se regroupaient sous leur nom de guerre des Monty Python, sous lequel se cachaient Eric, Graham, Terry, John, Michael et Terry (le seul Yankee  du groupe).

Que pouvaient donc avoir en commun ces deux parties dont l’une a officié des années 50  jusqu’à son sordide assassinat dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, à l’heure même où l’autre commençait sa carrière sur grand écran après quelques années de triomphe télévisuel ? Rien, si ce n’est une volonté semblable de consacrer l’une de leurs œuvres majeures à raconter la même histoire… enfin, presque. Cette histoire, vieille de près de 2000 ans – à l’époque des adaptations cinématographiques qui nous concernent – avait déjà été bien souvent portée à l’écran. En réalité, son héros – Jésus Christ – avait même sérieusement trusté les débuts du cinéma. Et quand ce n’était pas lui directement – sa vie, son œuvre -, les cinéastes de ces temps héroïques filmaient la Bible (Ancien Testament) ou la vie des saint(e)s. Bref, l’histoire judéo-chrétienne avait toujours été bien servie par le 7ème Art.

La crucifixion vue par Pasolini et par les Monty Python

Quand Pasolini – deux films pleins déjà réalisés, Accattone et Mamma Roma – décide de tourner L’Evangile selon Saint Matthieu, il est tout à la fois un homme célèbre, célébré et contesté. L’Eglise catholique lui est tombée sur le dos en raison de l’épisode La Ricotta, dans le film à sketchs RoGoPag, tourné en collaboration avec Rossellini et Godard. « Insulte à la religion d’Etat » et blasphème, l’accusation lui vaut procès et condamnation à quatre mois de réclusion, plus une confiscation du film pour neuf mois. La Ricotta montrait un cinéaste – interprété par Orson Welles – tentant de réaliser une version de la Passion du Christ, tout en peignant les à côtés très matérialistes du tournage. Autant dire que son annonce de vouloir s’attaquer à l’Evangile le plus « moral » des quatre inquiète certains. Renonçant à filmer sur les lieux mêmes de l’histoire ou du moins en Palestine car il y trouve trop de modernité, Pasolini tourne ses scènes dans le sud désert de l’Italie, dans les Pouilles et en Camargue notamment.

Sa sélection pour le Festival de Venise a pour conséquence immédiate le retrait de la plainte du procureur au procès en appel de La Ricotta et l’obtention d’un non-lieu. L’Evangile selon St Matthieu remporte à la Mostra le Prix spécial du jury ainsi que celui de l’Office Catholique. Attaqué à sa projection par des néo-fascistes, critiqué négativement un peu partout par les cercles de gauche, le film connait néanmoins un grand succès public. Sa fascination pour le sacré et pour la religion – il avait projeté de tourner un film sur saint Paul, et Théorème (Teorema, 1968) reste l’un des films favoris des cercles chrétiens, obtenant lui aussi le prix de l’Office Catholique – ont fait de Pasolini le cinéaste marxiste chouchou des catholiques progressistes. Il dira plus tard de lui-même, en relation avec son film : « Je ne crois pas que le Christ soit le fils de Dieu, parce que je ne suis pas croyant, du moins consciemment. Mais je crois que le Christ est divin : autrement dit, je crois qu’en lui, l’humanité est si élevée, si rigoureuse, si idéale qu’elle va au-delà des termes ordinaires de l’humanité. »  Ayant tourné ses deux premiers longs métrages sous le sceau d’un sacré profane qu’il professait, il change de style pour L’Evangile, craignant d’en faire trop et de tomber finalement dans un nouvel académisme. Sa réalisation oscille sans cesse entre rigueur, simplicité, dénuement et alternances d’effets, qu’ils relèvent du montage (faux raccords, discontinuité…) ou du style (multiplication des zooms, caméra portée, décadrages…), le tout habillé de musiques très hétéroclites. A l’arrivée, un film très particulier où Jésus apparait tout à la fois dans une dimension très humaine et à la limite du révolutionnaire mais aussi – par le biais de la parole omniprésente – d’essence divine.

Moins de quinze ans plus tard, les iconoclastes Monty Python proposent une lecture bien différente basée sur le principe du « et si ? » Et si on s’était trompé de messie ? Les six gugusses – dont, excusez du peu, trois diplômés de Cambridge et deux d’Oxford – avaient fait se plier de rire des foules entières entre 1969 et 1974 avec leur délirant {Monty Python’s Flying Circus} produit par la BBC.

Jouant sur toute la palette de l’Absurde, visuel comme verbal, et de l’irrévérence prononcée envers tous les pouvoirs politiques ou intellectuels, l’univers des Pythons devint vite culte et incontournable. Le phénomène s’avéra mondial lorsque le show télévisé (4 saisons, 45 épisodes) envahit les programmes télévisés étrangers et plus encore à la sortie de leur premier long-métrage original, le désormais mythique Sacré Graal (Monty Python and the Holy Grail, 75) ou comment revoir la légende arthurienne des chevaliers de la table ronde. Les conseils échangés pour déterminer si une jeune femme est oui ou non une sorcière demeure bien entendu toujours valables…

Quatre ans plus tard – et suite à une plaisanterie de Eric Idle annonçant à des journalistes que leur prochain film porterait le titre de Jésus Christ – Soif de Gloire, alors qu’aucun thème n’avait encore été retenu, c’est bien aux Evangiles que les Pythons s’attaquèrent avec pour objectif de dénoncer l’hypocrisie et la crédulité des suiveurs de messie… ou du moins considéré tel. Car le coup de génie du groupe est de partir d’un quiproquo dont le pauvre Brian se retrouve victime. Ce n’est jamais le Christ lui-même (qui n’apparait que brièvement) ou son message – totalement incompris par des bandes de crétins – qui se retrouve mis en cause mais bien la foule des disciples. Quelques années plus tôt, John Lennon avait  déjà fait scandale en proclamant que « Jésus était ok mais ses disciples un peu lourdingues ». C’est un autre ex-Beatle (le groupe était inconditionnel des Pythons), George Harrison, qui permettra financièrement à La Vie de Brian de se monter. Hyper inventif, hilarant et décapant, se concluant sur une scène de pure anthologie, le film remporta un succès immense qui ne s’est depuis jamais démenti. En 2005, un sondage mené par Channel 4, la chaîne de télévision anglaise, plaça La Vie de Brian meilleure comédie de tous les temps. Belle récompense pour une œuvre interdite dans la très catholique Irlande jusqu’en 1987 et en dans la toute aussi religieuse Italie jusqu’en 1990 !

Mettre aujourd’hui en parallèle les chefs d’œuvre respectifs de Pasolini et des Monty Python – au-delà du clin d’œil dans le respect de toutes les croyances et de leur contraires – correspond aussi à la volonté de montrer que le Cinéma est multiple et qu’un sujet peut se prêter à de nombreuses et riches versions très différentes, pour le plus grand plaisir du cinéphile. A condition bien sûr d’être servi par des artistes de talents. Ce qui est ici le cas. Réjouissons-nous-en !

Sur le web

L’Évangile selon Saint Matthieu

Pier Paolo Pasolini était réalisateur, scénariste mais aussi acteur. Mis à part ses documentaires où il se mettait en scène, Pasolini a joué dans trois de ses films : Oedipe roi, Le Decameron et Les Contes de Canterbury. Il a également été au générique de deux films de Carlo Lizzani : Le Bossu de Rome

Pier Paolo Pasolini est non seulement un grand cinéaste, mais aussi un documentariste de talent. Pour se préparer au tournage de L’Evangile selon Saint Matthieu, il s’est rendu en Palestine. A son retour il réalise un documentaire qui relate ses repérages : Repérages en Palestine pour L’Évangile selon saint Matthieu. Citons également Enquete sur la sexualite et Carnets de notes pour une Orestie africaine.

Ce n’est pas la première fois que Pier Paolo Pasolini aborde le sujet de la religion dans ses films. Cinéaste provocateur et controversé, il s’intéresse de près à la société italienne dont il brosse, tout au long de sa filmographie, le portrait acide. Dans La Ricotta (1963), par exemple, Pasolini relate l’histoire d’un tournage mouvementé sur la vie du Christ où les figurants acceptent tous les caprices d’un metteur en scène loufoque (Orson Welles) en échange d’un peu de nourriture.

L’Evangile selon Saint Matthieu a remporté le prix spécial du jury au Festival de Venise en 1964. L’année suivante, Pier Paolo Pasolini a été sacré meilleur réalisteur par le syndicat national des journalistes italiens.

Monty Python, La Vie de Brian

Formée en 1969, la troupe des Monty Python, qui réunit John Cleese, Terry Gilliam, Eric Idle, Michael Palin, Graham Chapman et Terry Jones, se fait d’abord connaître par l’émission télévisée Monty Python’s flying circus. En 1971, la joyeuse bande passe du petit au grand écran avec La Première folie des Monty Python, sous la direction de Ian McNaughton. C’est ensuite Terry Jones qui réalise Monty Python, sacré Graal en 1975, La Vie de Brian trois ans après, puis Monty Python, le sens de la vie (co-réalisé par Gilliam) en 1983, le dernier film qui rassemble ces figures culte de l’humour britannique.

En 1976, les Monty Python ne parviennent pas à réunir l’argent nécessaire au tournage de La Vie de Brian. En effet, EMI, qui devait financer le film, se désengage au dernier moment par crainte de la polémique. C’est finalement George Harrison, ami et fan des Monty Python, qui leur vient en aide, en fondant pour l’occasion la maison de production Handmade films. L’ancien membre des Beatles, qui fait une apparition, non-créditée, dans le film, retravaillera par la suite avec certains des Monty Python, produisant Bandits, bandits de Terry Gilliam, ou le The Missionary et A private function, deux films avec Michael Palin. Le musicien, disparu en 2001, produira via sa société une vingtaine d’autres longs-métrages, dont Racket de John Mackenzie et Mona Lisa de Neil Jordan, deux films avec Bob Hoskins, ou encore Shanghai surprise avec Madonna.

La Vie de Brian a été tourné en 1978 en Tunisie, et notamment à Monastir. C’est dans cette cité qu’a été réalisé, à la même époque, sur un sujet comparable, mais sur un mode beaucoup plus sérieux, Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli. Dans la même région désertique avaient été tournées plusieurs scènes de La Guerre des étoiles de George Lucas en 1977. Le Sud tunisien sera également choisi vingt ans plus tard par Anthony Minghella pour son Patient anglais.

Pensant que les réactions seront moins hostiles qu’en Angleterre, où les groupes de pression religieuses ont manifesté leur colère dès le début du tournage du film, la production décide de sortir La Vie de Brian d’abord aux Etats-Unis, en août 1979. Mais les dignitaires américains des différents religions ne tardent pas à réagir : le Rabbin Hecht déclare ainsi « Je serais fou de joie si ce film retournait là même où il a été produit : en Enfer. » La Vie de Brian est également condamné par les Églises protestante et catholique, un représentant de cette dernière considérant comme un « péché » le fait d’aller voir le film. Ces exhortations ont surtout pour effet de susciter la curiosité des spectateurs, et le film connaît un grand succès public.

Lors de la sortie du film en Grande-Bretagne en septembre 1979, une association baptisée Festival of light tente d’empêcher le film d’obtenir un visa d’exploitation, mais elle ne parvient pas à ses fins. Le film sera cependant interdit dans certaines municipalités. Le film sera interdit en Norvège pendant quelques mois, en Irlande jusqu’en 1987, et en Italie jusqu’en 1990. Dix ans plus tard, et dans un registre différent, un autre film mettant en scène Jesus, La Dernière tentation du Christ de Martin Scorsese, déclenchera des réactions plus violentes encore. En 2004, sur un thème similaire, La Passion du Christ de Mel Gibson fera lui aussi scandale.

Monty Python, la vie de Brian retrace les péripéties d’un homme né le même que jour que Jésus, mais au départ, les auteurs avaient pensé aller encore plus loin, en réalisant un film sur Jésus-Christ lui-même, auquel ils auraient attribué un autre destin. Sur le ton de la boutade, les Monty Python avaient lancé le titre : Jesus Christ : Lust for glory (Jésus-Christ, la soif de gloire). A l’origine, le film devait avoir pour titre Brian de Nazareth.

En 1999, le British Film Institute lançe un grand sondage auprès des professionnels du cinéma anglais, leur demandant quels sont selon eux les meilleurs films de l’Histoire du cinéma britannique. Monty Python, la vie de Brian arrive en 28ème position de ce classement de 100 films, les trois premiers étant, dans l’ordre, Le Troisième homme de Carol Reed, puis Breve Rencontre et Lawrence d’Arabie de David Lean.

Dans un petit rôle apparaît un des plus célèbres humoristes britanniques des années 50, Spike Milligan. C’est par hasard que ce comique s’est retrouvé dans La Vie de Brian. En effet, Milligan passe ses vacances à Monastir, en Tunisie, au moment où les Monty Python y tournent leur film. Fan du comédien, la joyeuse troupe lui demande aussitôt de participer à l’aventure.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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