L’homme à la caméra



Samedi 27 février 2010 à 15h15 – 8ième  Festival

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film  de Dziga Vertov – URSS – 1928 – 1h07 – vostf

La petite ville d’Odessa s’éveille. Un jour comme les autres s’annonce. « L’homme à la caméra » sillonne la ville, son appareil à l’épaule. Il en saisit le rythme et, à travers lui, celui des vies qu’il croise. Sans parole ni sous-titre, sans acteur ni décor, le film est d’une grande richesse formelle et le montage y joue un rôle central. Film fondateur du Kino-Glaz (ciné-oeil), L’Homme à la caméra est une démonstration, visant à prouver que le cinéma, quand il s’éloigne du récit, est le seul à pouvoir rendre compte de la réalité.

Nous reproduisons ici deux textes fondateurs de Dziga Vertov, théoricien engagé, inventeur du ciné-vérité, militant radical de la Révolution. Pour lui, la caméra, qu’il appelait le ciné-œil, avait sur l’œil humain l’immense avantage de ne pas être conditionné par les limites du corps humain. Son influence déterminante sur toutes les avant-gardes européennes dans l’entre-deux guerres ne s’est jamais démentie depuis et ressurgit régulièrement (l’exemple le plus frappant aujourd’hui étant celui du cinéaste canadien Guy Maddin).

MANIFESTE DE DZIGA VERTOV, CINE-OEIL (1923)

Je suis un œil.
Un œil mécanique.
Moi, c’est-à-dire la machine, je suis la machine qui vous montre le monde comme elle seule peut le voir.
Désormais je serai libéré de l’immobilité humaine. Je suis en perpétuel en mouvement.
Je m’approche des choses, je m’en éloigne. Je me glisse sous elles, j’entre en elles.
Je me déplace vers le mufle du cheval de course.
Je traverse les foules à toute vitesse, je précède les soldats à l’assaut, je décolle avec les aéroplanes, je me renverse sur le dos, je tombe et me relève en même temps que les corps tombent et se relèvent…
Voilà ce que je suis, une machine tournant avec des manœuvres chaotiques, enregistrant les mouvements les uns derrière les autres les assemblant en fatras.
Libérée des frontières du temps et de l’espace, j’organise comme je le souhaite chaque point de l’univers.
Ma voie, est celle d’une nouvelle conception du monde. Je vous fais découvrir le monde que vous ne connaissez pas.
Le cinéma dramatique est l’opium du peuple.
A bas les rois et les reines immortels du rideau. Vive l’enregistrement des avants-gardes dans leur vie de tous les jours et dans leur travail !
A bas les scénarios-histoires de la bourgeoisie.
Vive la vie en elle-même !
Le cinéma dramatique est une arme meurtrière dans les mains des capitalistes ! Avec la pratique révolutionnaire au quotidien nous reprendrons cette arme des mains de l’ennemi.
Les drames artistiques contemporains sont les restes de l’ancien monde. C’est une tentative de mettre nos perspectives révolutionnaires à la sauce bourgeoise.
Fini de mettre en scène notre quotidien, filmez-nous sur le coup comme nous sommes.
Le scénario est une histoire inventée à notre propos, écrite par un écrivain. Nous poursuivons notre vie sans avoir à la régler au dire d’un bonimenteur.
Chacun de nous poursuit son travail sans avoir à perturber celui des autres. Le but des Kinoks est de vous filmer sans vous déranger.
Vive le ciné-œil de la Révolution !

NOUS

Nous, afin de nous différencier de la meute de cinéastes ramassant pleinement la saleté des poubelles, nous nommons les  » Kinoks « .
Il n’y a aucune ressemblance entre le  » cinéma réaliste des Kinoks  » et le cinéma des petits vendeurs de pacotilles.
Pour nous, le cinéma dramatique psychologique russe-allemand lourd de souvenir infantile ne représente rien d’autre que de la démence.
Nous proclamons les films théâtralisés, romanisés à l’ancienne ou autres, ensorcelés.
Ne les approchez pas !
N’y touchez pas des yeux !
Il y a danger de mort !
Ils sont contagieux !
Nous pensons que l’art du cinéma de demain doit être le reflet du cinéma d’aujourd’hui.
Pour que l’art du cinéma survive, la « cinématographie  » doit disparaître. Nous voulons accélérer cette fin.
Nous sommes opposés à ceux que beaucoup appèle le cinéma de  » synthèse « , mélangeant les différents arts.
Même si les couleurs sont choisies avec soin, le mélange de couleurs affreuses donnera une couleur affreuse, on ne peut obtenir le blanc.
La véritable union des différents arts ne pourra se faire que quand ceux-ci auront atteint leur apogée.
Nous nettoyons notre cinéma de tout ce qu’y s ‘y est insinué, littérature et théâtre, nous lui cherchons un rythme propre, un rythme qui n’ait pas été chapardé ailleurs et que nous trouvons dans le mouvement des choses.
Nous exigeons :
A la porte
Les étreintes exquises des romances
Le poison du roman psychologique
Les griffes du théâtre amoureux
Le plus loin possible de la musique
Avec un rythme, une évaluation, une recherche d’outils propres à nous même, gagnons les grandes étendues, gagnons un espace à quatre dimensions (3 + le temps).
L’art du mouvement qu’est le cinéma ne nous empêche en aucun cas de ne pas porter toute notre attention sur l’homme d’aujourd’hui.
Le désordre et le déséquilibre des hommes autant que celui des machines nous font honte.
Nous projetons de filmer l’homme incapable de maîtriser les évolutions.
Nous allons passer du lyrisme de la machine à l’homme électrique irrécusable.
En dévoilant l’âme de la machine, nous allons faire aimer le lieu de travail de l’ouvrier, le tracteur de l’agriculteur, la locomotive du machiniste…
Nous allons rapprocher l’homme et la machine.
Nous formerons des hommes nouveaux.
Cet homme nouveau, épuré de ses maladresses et aguerri face aux évolutions profondes et superficielles de la machine, sera le thème principal de nos films.
Il célèbre la bonne marche la machine, il est passionné par la mécanique, il marche droit vers les merveilles des processus chimiques, il écrit des poèmes, des scénarios avec des moyens électriques et incandescents.
Il suit le mouvement des étoiles filantes, des évènements célestes et du travail des projecteurs qui éblouissent nos yeux.

Sur le web

Le documentaire de Dziga Vertov est défini comme une oeuvre expérimentale car le réalisateur a fait le choix de ne pas avoir recours au schéma traditionnel qui est un scénario, des intertitres, des décors, des acteurs et des scènes visuelles. Son film a pour but de créer un nouveau langage cinématographique universel.

Dans son documentaire, le réalisateur utilise la théorie du ciné-oeil (kinoglaz en russe). Elle consiste à combiner l’objectif de la caméra et le cadreur, appelé kinok, qui filme et monte les images .

Le tournage de L’Homme face à la caméra s’est déroulé dans les villes de Kiev et Odessa en Ukraine et Moscou en Russie.

Pour son film, Dziga Vertov a tourné 1700 plans, un nombre assez inhabituel dans le monde du cinéma et encore plus dans celui du documentaire.

Au cadrage, Dziga Vertov a fait appel à son frère Mikhaïl Faufman et pour l’assister au montage, à sa femme Yelizaveta Svilova.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri.

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h30 précises.

N’oubliez pas la règle d’or de CSF aux débats :
La parole est à vous !

Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents CSF et toute personne bénéficiant d’une réduction au Mercury).

Adhésion : 20 €. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, ainsi qu’à toutes les séances du Mercury (hors CSF) et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.
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