L’Île



Vendredi 30 mai 2003 à 20h45

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Kim Ki-duk – Corée du Sud – 2001 – 1h30 – vostf – Interdit aux moins de 16 ans

La belle et fantomatique Hee-jin (Suh Jung) s’occupe d’îlots de pêche au beau milieu d’un site naturel idyllique. Silencieuse, elle accueille les clients et survit en vendant de la nourriture et des boissons. Elle se prostitue occasionnellement. Un jour, Hyun-shik (Kim Yoo-seok), un homme plus désespéré que les autres, débarque sur cet ilôt. A la ville, il a tué sa femme et cherche dorénavant un endroit pour disparaître et oublier sa peine. La souffrance de cet homme intrigue Hee-jin.

Sur le web

« Dans ses excès sadiques et malsains, L’Ile est un film au-delà du bien et du mal, dans la représentation symbolique de la réalité, et proche du surréalisme (donc politique malgré et peut-être avant tout)…L’Ile se place d’emblée hors de la société, dans un décor en vase clos qui théâtralise à outrance ses rites et ses vices (sexe qui se paie, loisirs qui se méritent, humiliations sociales). Une mystérieuse jeune femme, muette et très belle (interprétée par une comédienne non professionnelle), s’occupe d’îlots de pêche au milieu d’un site naturel, sortes de petites cabanes flottantes sur lesquelles des salarymen viennent le week-end tremper leur ligne et leur nouille. Car la pêche, davantage qu’à la méditation, incite ici au sexe, le sport favori de l’homme, et des prostituées viennent visiter les types. La propriétaire de ce bordel flottant donne parfois de sa personne, mais aime également punir ses hôtes, hommes d’affaires et pères de famille qui se paient une bonne tranche de régression (l’un d’eux chie dans l’eau en téléphonant à sa fille). Un homme suicidaire qui vient d’assassiner sa femme et son amant se réfugie dans un des îlots dans l’intention de se tuer, mais une violente attirance charnelle naît entre lui et la fille. On assiste peu à peu à un brouillage de la ligne de flottaison entre la loi, le commerce et la pulsion, et à la naissance d’un couple uni par la souffrance (la scène binaire, déjà fameuse, des hameçons) et le plaisir.

L’Ile et son personnage de femme-piège, prédatrice et animale, évoque bien sûr quelques grands films japonais sur le même sujet, Onibaba ou La Femme des sables, œuvres avec lesquelles il partage en outre un sens hypertrophié de l’esthétisme et du cadre. Chaque plan de L’Ile est magnifiquement composé, regorge de métaphores psychanalytiques. On a affaire à un film de plasticien et de théoricien, sans que ni le discours du film ni ses recherches visuelles en fassent un objet poseur et lénifiant.

L’Ile comporte plusieurs scènes dignes des meilleurs films d’horreur (la naïade vengeresse surgissant des flots) comme des plus noires comédies (les humains pêchés à la ligne). Eros et Thanatos ont bien sûr régulièrement inspiré les arts et le cinéma. La valeur excrémentielle de l’argent, on connaît ça depuis Sade. Le film est pourtant passionnant par sa mise en scène, d’une façon à la fois épurée, littérale et grotesque, des mécanismes pulsionnels de sexe et de mort. Ici, on est particulièrement impressionné par l’univers amniotique créé par le cinéaste…L’Ile mouille à tous les plans, le décor contamine les corps, qui sécrètent plus que de raison. La dernière scène est à la fois la plus belle, la plus picturale et la plus attendue, conclusion logique d’un film parfaitement maîtrisé. L’homme disparaît dans le sexe de la femme, la vie et la mort, le végétal et l’organique se fondent. Une très belle histoire d’eau. » (lesinrocks.com)

L’originalité de L’Ile tient à la fois dans la beauté du cadre, dans la crudité inouïe de sa violence et dans la puissance bouffonne de ses symboles. Pour aller vite, le Coréen Kim Ki-duk, un inconnu qui signe là son cinquième film (les quatre autres sont inédits en France), met en parallèle la condition humaine d’écorché avec celle du poisson et développe toute une thématique autour de la pêche. Les hameçons servent ici autant à attraper les poissons que les hommes. Instruments de mort et de torture, ils sont aussi volontairement avalés ou bien arrimés au fond du vagin (!). Avis donc aux âmes très sensibles !
De l’ingestion au rejet en milieu lagunaire, tel pourrait être le sous-titre pince-sans-rire de cette fantasmagorie humide, où les métaphores érotiques abondent. L’Ile serait-il conceptuel ? Pas du tout, même si c’est une mine pour toutes sortes d’analyses. Ce qui prime, surtout, c’est l’esthétique résolument poétique, cette façon saugrenue de réinventer l’amour fou et transgressif en extirpant l’insolite du calme plat, en déformant les corps jusqu’au seuil du cartoon. Pour preuve cette séquence hallucinante où Hee-jin récupère son amant agonisant au bout de sa ligne, lui fait du bouche-à-bouche, extrait un à un les hameçons de sa gorge et lui fait aussitôt l’amour à califourchon !

Accrochée, découpée, immergée, la chair est ici bien maltraitée. Tandis que l’amour (quel autre mot utiliser ?) s’en sort, fuyant par l’estuaire, direction l’infini, la mer. Si morale il y a dans ce conte cruel, c’est peut-être que l’étrange carnage est une riposte serpentine au bavardage creux des hommes, à leurs marchandages, leur machisme vulgaire. Le point de vue de L’Ile est éminemment féminin, sinon féministe. Hee-jin punit les hommes parce qu’ils ne savent pas l’aimer. Ile languide, nymphe sans voix, Hee-jin les attire pour les avaler.
Variante surréalisante des Dents de la mer, ces « Dents de la lagune » ne seraient rien sans leurs cadrages tranchants, sans l’alternance des plans larges et serrés, des paysages et des détails. Le tout avec un sens du grotesque dévastateur, Kim Ki-duk ne faisant rien d’autre après tout que rapprocher pêcheur et pécheur. Quand on vous parlait de religion… » (telerama.fr)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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