Lucie perd son cheval



Vendredi 10 Février 2023 à 20h

Cinéma Jean-Paul Belmondo (ex-Mercury) – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Claude Schmitz, Belgique, 2021, 1h22

Chez sa grand-mère, en compagnie de sa fille, Lucie rêve de son métier d’actrice.

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Lucie perd son cheval est à la fois le portrait d’une actrice, Lucie Debay, et une réflexion sur le métier d’acteur : « Je pense que j’ai voulu m’intéresser au fait de réaliser le portrait d’une femme. Il se trouve que je connais bien Lucie et que nous travaillons ensemble depuis longtemps. Pour être plus précis je dirai que j’avais envie d’inventer un portrait de femme… Par ailleurs, la réalisation de ce film est liée à un concours de circonstances et n’était pas préméditée. Pour une très grande part, il s’est inventé durant son tournage, pour une autre durant les répétitions d’un spectacle que nous avons créé – à Marseille, notamment – juste avant la seconde vague de la pandémie et dont la tournée a été interrompue brutalement« , explique le réalisateur Claude Schmitz.

Avant de devenir un film dont le cœur se situe dans un théâtre à l’arrêt, Lucie perd son cheval était un spectacle de théâtre. Claude Schmitz confie : « Je réalise depuis un moment des spectacles qui allient théâtre et cinéma. Ce ne sont pas des projections vidéo qu’on y trouve, mais de vrais films qui, alliés au médium théâtre, créent des œuvres hybrides… Quand la tournée du spectacle – qui s’appelle Un royaume – a été interrompue, nous nous sommes retrouvés sur le grand plateau du théâtre de Liège avec nos décors et aucune perspective. Serge Rangoni, le directeur du Théâtre de Liège, m’a alors proposé d’adapter la partie théâtrale de mon spectacle en film… Nous avons donc transformé le théâtre en studio de cinéma et tourné en huis clos – en pleine pandémie – cette épisode que j’ai ensuite ajouté à la partie qui se déroule dans les Cévennes.« 

Claude Schmitz a fait de Lucie une « chevaleresse » pour évoquer son questionnement quant à son métier d’actrice. Le cinéaste justifie ce choix : « Parce que les acteurs et les actrices sont comme des chevaliers errants. Ils sont en quête d’une quête, en quête d’un rôle, en quête d’une mission. C’est un métier étrange. Les acteurs ne sont pas des mercenaires car contrairement à eux, ils ont un code moral, ils servent, pour la plupart, un idéal.« 

A partir d’une situation de départ intime et prosaïque – Lucie en vacances chez sa grand-mère avec sa fille – le récit s’aventure dans des dimensions beaucoup plus romanesques. Claude Schmitz explique ce qui l’attire dans ce basculement d’un registre à l’autre : « C’est la question du « récit » qui m’intéresse. C’est-à-dire, d’interroger comment on raconte une histoire. Les frictions entre fiction et réalité, trivialité et merveilleux, naturalisme et facticité, les ruptures de tons, les virages dramaturgiques serrés – par exemple – amènent le spectateur à s’interroger sur ce qui lui est donné à voir. Mes films ne sont qu’un jeu sur la question de la représentation. C’est-à-dire qu’ils invitent à ce qu’on les croie en même temps qu’ils affirment sans cesse leur duperie.« 

« … Claude Schmitz avait remporté le prix Jean Vigo pour son film Braquer Poitiers en 2018, film de braquage peu ordinaire, où le captif vient à élever une stratégie pour développer sa rentabilité. Le film prenait le temps de saisir les visages, les individus et l’espace dans lesquels ils évoluaient, ouvrant alors une poésie du quotidien et d’une France marginale surprenante. Son nouveau film Lucie perd son cheval en 2021 est sélectionné en Compétition Nationale au Brussels International Film Festival…

… Lucie, actrice d’une trentaine d’années et mère d’une jeune fille, poursuit son rêve de devenir une actrice reconnue, d’atteindre le présent et de ne plus rêver le futur. Avant la mise en scène au théâtre d’une nouvelle adaptation du Roi Lear de Shakespeare, elle rend visite à sa grand-mère pour lui confier son enfant le temps de sa journée de travail. La grand-mère de Lucie, septuagénaire, lui rappelle que la vie est faite de métamorphoses, qu’insidieusement les rêves d’hier peuvent devenir les étoiles mourantes demain, qu’il faut parvenir à connaître les envies du présent, savoir s’écouter et entendre son environnement. Rêveuse, comme l’est sa fille, Lucie s’entraîne à devenir chevalière, à manier l’épée pour les besoins du spectacle. Schmitz nous envoie droit dans l’imaginaire de Lucie, au beau milieu des plaines, au coeur de la représentation qu’elle se fait du texte. A cheval elle parcourt l’horizon jusqu’à ce que le cheval ne lui fasse faux bond, s’échappe vers l’inconnu. Le rêve d’actrice est menacé, l’errance débute, les outils de réalisation s’échappent. Seule, au milieu de nul part, commence le périple de cette femme prise entre plusieurs vies, de cette femme qui ne parvient plus à reconnaître ses rêves, se forçant à choisir entre sa carrière et sa vie de mère. L’accomplissement semble toujours plus proche, lui échappant, une attraction qui l’éloigne impitoyablement de son enfant. Dans cette perdition, Lucie rencontre deux autres femmes ayant également perdu leurs chevaux.

Dans ce triangle où chacune d’entre elle a perdu sa voie, en pleine errance, Claude Schmitz nous invite à questionner nos certitudes, à reconstruire nos âmes, quitte à balayer des décennies pour s’accomplir pleinement. En proposant de se réinventer, le cinéaste ouvre une oeuvre féministe fascinante qui lorsqu’elle se trouve confrontée à la gente masculine développe sa complexité.

Les hommes patientent en coulisses, jouent avec les mécanismes et ne sont jamais inquiétés dans leur condition, ils apportent au long-métrage une dimension absurde extraordinaire et complètent un tableau sociétal qui invite au rire tant la stupidité de ces derniers est effarante. Du technicien au metteur en scène en passant par le stagiaire ou l’acteur interprétant le Roi Lear, les traits ingrats de la gente masculine sont appuyés, tout en gardant une véritable bienveillance envers les personnages.

Le réalisateur parvient de la sorte à créer une oeuvre à la croisée des chemins entre cinéma, théâtre et documentaire. Il joue avec les arts et met en avant les modalités de création d’une oeuvre. Des écrits de Shakespeare à sa réinterprétation tout est passé au peigne fin pour révéler de manière minutieuse la place de tout à chacun, appuyant sur le caractère collectif de la création des arts vivants. Claude Schmitz s’amuse avec ses décors, ses lumières, ses positions de caméra pour afficher le caractère artificielle de la représentation, pour montrer à quel point le factice peut devenir réel, à quel point l’illusion naît de la poésie, à quel point les croyances ne sont qu’architectures subjectives sujettes à réinventions. Lucie Perd Son Cheval est une oeuvre qui s’émancipe des académismes pour redécouvrir le septième art, pour redécouvrir l’humain et redéfinir une société absurde, où le rêve est l’unique facteur pour faire varier, moduler, le réel.

Il est exaltant de se plonger dans le cinéma de Claude Schmitz, cinéaste tout droit venu du monde du théâtre, qui joue de variations autour des cinéastes de La Nouvelle Vague, quelque part entre Rohmer, Perceval Le Gallois, et Rivette, Jeanne la Pucelle, et trouvant sa place parmi d’extraordinaires réalisateurs contemporains tels que Bruno Dumont, Bertrand Bonello ou encore Bertrand Mandico. Les influences sont palpables et pourtant jamais le cinéma de Schmitz ne copie, il créée son propre onirisme, conçoit un terrain d’expression à l’inventivité éblouissante, révélant des instants de cinéma transcendantaux et des acteurs à la justesse de jeu magnétique.

Lucie Perd Son Cheval affirme le statut de cinéaste contemporain incontournable de Claude Schmitz et offre au spectateur le plus raffiné des films de l’année, réussissant à mêler les genres et les atmosphères, les émotions et les philosophies, pour toucher la grâce, un sommet qui nous rappelle les plus grands tout en s’en affranchissant, offrant un cadre qui couvre le tangible et accède à des réalités extra-sensoriels. Claude Schmitz est un observateur de son époque, donnant la parole à ceux que nous n’entendons pas, ou peu, ouvrant son cinéma sur un féminisme nécessaire, et contant des récits à la rencontre des arts, déstructurant des décennies de mécanismes, brouillant les réalités, pour révéler une oeuvre d’avant-garde à la justesse de ton exquise. » (kinowombat.com)

« … « J’étais partie travailler, il ne faut pas perdre le fil, » se répète Lucie. Et de fait, le fil du récit serpente au gré des associations d’idées et des rencontres de l’héroïne. Sur la plaine, elle croise les chevaleresses qui répondent à sa soif d’indépendance et d’aventure. Dans les coulisses du théâtre, elle échange avec le metteur en scène, le régisseur, l’apprenti comédien, dans une joyeuse mise en abîme.

Le film se vit comme un rêve, une errance au plus profond de laquelle il est bon de se perdre aux côtés de Lucie, comédienne en plein questionnement, elle-même à la recherche de son cheval… et de sens. Mais finalement, la quête elle-même n’est-elle pas le sens ? Et peut-on vivre sans se raconter d’histoires ?

Lucie perd son cheval s’inscrit dans un double contexte, celui de l’oeuvre cinématographique de Claude Schmitz, et celui de la fermeture des théâtres. Alors qu’il répétait sa nouvelle pièce, Un Royaume, une oeuvre déjà hybride, mêlant performance théâtrale et vidéo, se profile la menace du confinement. Bien malins ceux qui savent si, quand et comment les théâtres seront ouverts.

Finalement, Un Royaume est bien représenté au Théâtre de Liège, mais la tournée est ajournée. Et le projet se décline sous forme cinématographique avec ce long métrage atypique, qui tout à la fois dresse le portrait de son héroïne, et questionne sa pratique.

On retrouve d’ailleurs les accents de vérité déjà palpables dans les moyens métrages de l’auteur. Lucie est incarnée et créée par la comédienne Lucie Debay, c’est son expérience qu’elle partage, sa fille, sa grand-mère, sa vie, et sûrement, ses interrogations. Cette entame hyper réaliste n’empêche pas le récit de s’égarer avec délectation sur des chemins de traverse. Lucie questionne son statut et son métier, à la fois combat et errance. Le costume, qui fait office de travestissement, permet de prendre du recul, et de laisser libre cours aux pensées et à l’imagination. » (cineuropa.org)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri.

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h précises.

Entrée : Tarif adhérent: 6,5 €. Tarif non-adhérent 8 €. Adhésion : 20 € (5 € pour les étudiants) . Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier et à l’atelier Super 8. Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club ici


 

 

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