Mercano, le Martien



Samedi 07 Février 2009 à 15h15 – 7ième  Festival

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Juan Antin – Argentine – 2002 – 1h15

Le Martien Mercano part sur la Terre pour venger la mort de son chien écrasé par la sonde Vogager. Mais il se retrouve coincé en Argentine…

Notre critique

Par Hervé Goitschel

La double forme : la science fiction et le cinéma d’animation

La science-fiction est, en soi, une mise à distance par rapport au réel, puisque le choix du genre nous plonge dès le début dans un monde fictif, sans lien avec nos repères terrestres. 
Le cinéma d’animation renforce cette mise à distance du réel parce qu’il est constitué d’une succession de prises de vues de dessins. Nous sommes donc aux antipodes du réel. 
C’est dans cette double distanciation que l’auteur va trouver matière à glisser une critique sociale de son pays, l’Argentine, à travers la mise en scène de Mercano, le Martien.

Juan Antin, auteur de ce dessin animé, est diplômé en informatique de l’université de Buenos Aires. Il suivra ensuite des cours de cinéma d’animation à l’Institut des arts cinématographique d’Avallaneda (Argentine) puis au Canada. Il dirige depuis 1998 le département 3D de l’Université du cinéma de Buenos Aires. 
Avant de devenir un long métrage, Mercano, le Martien apparaissait, en 1998, sous forme de clip de 2 minutes sur la chaîne de TV privée Much Music TV. 
En 2001, le long métrage, sera réalisé avec l’aide du scénariste Lautaro Nunes de Arco et Ayar Blasco pour la partie graphique. Ce sont un peu plus de 70 personnes qui participeront à l’élaboration de ce projet. 1200 prises de 50 dessins chacune, soit au total 60 000 dessins effectués à la main seront nécessaires à l’élaboration de ce dessin animé, sans compter la partie 3D réalisé informatiquement. Des actrices et acteurs de la scène argentine ont doublé les personnages. Le manque de moyens financiers et sa réalisation dans l’urgence, puisqu’il a participé au festival du cinéma d’animation d’Annecy, mettra en évidence certaines lacunes, notamment en ce qui concerne la fluidité du montage. Le produit fini n’en demeure pas moins une réussite. Juan ANTIN, grâce à ce film, rejoint les créateurs du cinéma d’animation que sont Parker et Stone (South Park), Matt Groening (Les Simpson), Bill Plympton (Les Mutants de l’espace), Lewis Trondheim (2065) sans oublier le très prisé Vampires de la Havane du cubain Juan Pardon. 
Il y a quelques siècles, et jusqu’à un passé relativement proche, des auteurs rédigeaient des fables, pièces de théâtres, contes philosophiques ou roman de science fiction pour s’attaquer aux Puissants et à leur Cour, aux hiérarchies sociales, à l’Église et aux régimes dictatoriaux ou totalitaires. Le cinéma d’animation, en tant que forme d’expression cinématographique, permet de nos jours de s’attaquer à ces nouveaux grands que sont les dirigeants d’entreprises avides de profits et le monde de la finance.

Au service du double fond : la critique et le divertissement

Le Martien nous apparaît à l’écran – peu importe sa forme physique – avec de grands yeux ouverts, comme ahuri, voire surpris par ce qu’il découvre. Rétrospectivement, ce film ne nous apprend rien de plus que ce que nous savons déjà sur cette période économiquement catastrophique de l’Argentine. Fernando Solanas, compatriote de Juan Anttin a tourné sur le sujet un superbe documentaire diffusé en 2004, Mémoires d’un saccage. Or, Antin commença son film dans la première moitié de l’année 2001, avant la crise qui éclata en novembre de la même année. Quelques mois plus tard, l’économie argentine sera saccagée par des montages financiers frauduleux. L’impossibilité pour les argentins d’accéder aux banques et de disposer de leur argent créera un mouvement de révolte et le pillage de magasins qui se manifestera d’abord sous la forme des Cartoneros, recycleurs de cartons qui fouillent les poubelles et les décharges pour se procurer de la nourriture, des Piqueteros manifestants bloquant la circulation, des Cacerolazos ou concerts de casseroles destinés à réclamer la démission des politiciens et juges corrompus. Notre Martien sera aux prises avec toute cette jungle urbaine. Après avoir franchi une première frontière, Mars/Terre, le Martien se heurtera à une barrière linguistique pour finir par trouver refuge dans les sous-sols d’où, à l’aide d’un ordinateur il tentera de rentrer en contact avec les siens et concevra un programme informatique recréant virtuellement son Mars natal, et là encore une nouvelle frontière s’ouvrira. Du genre initial, cinéma d’animation de science fiction, nous aboutirons donc à une transposition de la fiction dans le réel, sous la forme d’un cinéma d’animation d’anticipation.

Sur le web

L’histoire du Martien qui vient sur Terre pour venger la mort de son chien, écrasé par la sonde Voyager, a été créée pour la chaîne câblée Much Music TV en 1998. Il s’agissait de « virgules » de deux minutes encore diffusés dans le milieu underground de Buenos Aires.

C’est en 1999 que Juan Antin se lance dans l’idée d’un long métrage racontant les aventures de ce petit homme vert. N’ayant pas d’expérience préalable sur un tel film, il réunit quelques talents qui deviendront des pièces maîtresses dans l’orientation et la réalisation du dessin animé. D’abord Lautaro Nunez de Arco, déjà remarqué pour le scénario du film Solo por hoy d’Ariel Rotter, devait apporter à l’histoire sa touche humoristique un tant soit peu sarcastique. Ensuite, c’est au dessinateur Ayar Blasco que le cartoon doit son salut grâce à son sens inné de la caricature s’inspirant de South Park.

Mercano, le Martien n’aurait pas vu le jour sans le mécénat ni le prêt de matériel désintéressé de la FUC, jeune université privée de Buenos Aires et dont le président-fondateur n’est autre que Manuel Antin, cinéaste et père de Juan.

Ce dessin animé délivre un message éthique et politique concernant l’évolution actuelle d’un monde globalisant et de plus en plus dépendant de la technologie. A commencer par le nom de son personnage principal, « merca no« , la merca (cocaïne en argot porteno) incarnant un véritable fléau en Amérique du Sud. Surtout y sont présents les principaux chevaux de bataille des intellectuels de gauche tiers-mondistes. Sont en particulier dénoncés les méfaits de la mondialisation à travers l’invasion technologique des foyers par les corporations globales, la corruption et l’incompétence des autorités ainsi que le désenchantement de la jeunesse.

Mercano, le Martien a décroché une mention spéciale d’encouragement du jury au Festival d’Annecy. C’est d’abord la qualité de l’oeuvre qui a été récompensée étant donné la précarité des conditions matérielles, la modicité de son budget et la jeunesse de son metteur en scène (32 ans). C’est également son originalité qui a été soulignée.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Hervé Goitschel.

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