Mother India


 


Dimanche 15 octobre 2006 à 10h30 et 14h30 –  Festival de Cinéma Indien

Musée des Arts Asiatiques – 405 Promenade des Anglais – Arenas – Nice

Film  de Mehboob Khan – Inde – 1958 – 2h48 – vostf

L’Inde paysanne, dans les années 60. La vie au quotidien d’un jeune couple. Le mari, comme un enfant, brûle d’une passion non dissimulée pour elle. La femme, plus réservée, respectant les traditions indiennes, encore sous le joug de sa mère, n’ose trop s’approcher. Ensemble, ils vivent, travaillent, ont des enfants qu’il faut nourrir et élever. La nourriture vient à manquer, mais face aux difficultés, Rhada tente de garder le sourire, ne supportant pas de punir ses enfants espiègles. Elle devient peu à peu le symbole d’une Inde qui se libère, alliant à la fois tradition et modernité.

Grande fresque populaire et patriotique sur les conditions de vie des paysans. La lutte de Radha pour survivre, son amour pour ses enfants et pour sa terre, prennent une dimension nationale et se transpose en image de l’Inde luttant pour sa survie après l’Indépendance.

Notre critique

Par Philippe Serve

En 2003, une enquête menée auprès de 25 des plus grands cinéastes indiens actuels rendait un verdict sans ambiguïté : Mother India, plébiscité, était élu plus grand film indien de l’Histoire. Qui s’en étonnera ? Depuis près d’un demi-siècle, le film de Mehboob Khan représente le sommet indépassable du genre le plus dominant car le plus populaire du sous-continent : le film Bollywood.. Aventures, (mélo)drame, comédie, saga, métaphore politique, l’éternelle Mère-Inde et ses incontournables fils à l’opposé l’un de l’autre (le « gentil » et le « méchant« , une vraie tradition du côté des studios de Bombay) et, bien sûr, tout son lot de chansons et de danses dans un tourbillon de couleurs, il y a tout et encore plus dans Mother India. Près de trois heures d’un spectacle au souffle épique emportant tout sur son passage, à l’image des éléments naturels déchaînés faisant plier mais jamais rompre la courageuse, l’admirable, l’exemplaire Radha !

Profondément politique, Mother India ne tourne certes pas toujours le dos à la grandiloquence. Il enfile parfois de gros sabots démonstratifs, soulignant tel ou tel effet de manière dramatique au cas où le spectateur n’aurait pas bien compris le message délivré. Mais ce ne sont là que broutilles et cet improbable croisement entre Autant en emporte le vent (pour l’irrépressible souffle) et tant d’œuvres soviétiques des années 20 (surtout signées Dovjenko) finit par enlever la mise. On comprend, en le voyant, pourquoi 172 millions d’Indiens (sur une population alors de 350 millions !) firent un triomphe à ce film à sa sortie… et continuent à le célébrer sans relâche depuis. Mais aussi pourquoi son aura a très vite dépassé les frontières du pays, chaque nouveau public le découvrant en un quelconque point du globe lui réservant toujours un chaleureux accueil, tel, récemment, celui de Beaubourg, crépitant d’applaudissements. Inspiré d’un roman de Pearl S. Buck (situé en Chine) et remake de son propre premier grand film, Aurat(1940), le Mother India de Mehboob fut le premier film indien nominé aux Oscars et rata la statuette d’une voix au troisième tour face aux Nuits de Cabiria de Fellini.

Si les paysages naturels de l’Inde frappent par leur splendeur (tourner en extérieurs était encore très rare à l’époque et le film marqua une grande avancée), si les compositions musicales du grand Naushad, toutes magnifiquement interprétées, notamment par la merveilleuse Lata Mangeshkar, enchantent toujours autant l’oreille et ne sont jamais plaquées à l’action mais la soutiennent et la renforcent (louons aussi la grande qualité des paroles des chansons), si les chorégraphies sont parmi les plus belles du cinéma Bollywood, si l’utilisation du procédé couleur Gévacolor tient toutes ses promesses et ne cède jamais le pas au kitsch (si souvent présent dans les films Bollywood), la performance d’actrice de Nargis reste, elle, inoubliable. Alors âgée de 28 ans, l’interprète de Radha avait rencontré la gloire en 1949 avec Andaz, énorme succès de Mehboob Khan (présenté au musée le 24 septembre dernier). Son naturel et son authenticité révolutionnèrent le jeu des actrices indiennes à un point tel qu’il n’apparaît pas abusif de parler d’un « avant » et d’un « après » Nargis (on dira de même pour la chanteuse Lata Mangeshkar qui double ici Nargis, comme elle le faisait déjà dans Andaz). Le couple que forma l’actrice (sur et hors écran) avec l’immense acteur-réalisateur Raj Kapoor – qui la dirigea également dans plusieurs de ses propres films – hante encore la mémoire de tous les Indiens et fait partie intégrante de la légende du cinéma hindi. Pourtant, Nargis épousera un autre acteur : Sunil Dutt, son… fils dans Mother India, acteur (et futur ministre) qui lui sauva littéralement la vie pendant le tournage du film en la sortant des flammes dans une des plus spectaculaires séquences du film qui faillit bien mal tourner… Ils restèrent unis jusqu’à la mort de Nargis, survenue en 1981 d’un cancer.

Sur le web

Mother India est considéré par beaucoup comme l’équivalent indien de Autant en emporte le vent. Le film est une production titanesque, qui mit cinq ans à être réalisé, mais qui bénéficia du succès du précédent film de Mehboob Khan: Aan. Succès sans précédent dans l’histoire du cinéma indien, Mother India fut distribué internationalement, mais son triomphe ne s’est jamais démenti depuis sa projection dans les salles indiennes en 1957.

Mother India fut le premier film indien à être nominé aux Oscars dans la catégorie Meilleur film étranger, en 1958. C’est finalement Les Nuits de Cabiria de Federico Fellini qui remporta la précieuse statuette.

Mehboob Khan souhaitait donner le plus d’éclat possible à son film; et choisit de le tourner en couleur. Ne pouvant tourner avec le procédé Technicolor, le réalisateur dû opter pour un procédé différent appelé Gevacolor. Il envoya ses bobines à Londres où la pellicule fut traitée, afin que les couleurs se rapprochent le plus possible du Technicolor.

Vivien Leigh, héroïne d’Autant en emporte le vent, et Nargis, personnage principal de Mother India, ont une chose en commun. La première actrice fut choisie alors qu’elle assistait au gigantesque incendie d’Atlanta; la seconde fut sauvée des flammes par son partenaire et futur mari Sunsil Dutt.

Mehboob Khan a en partie songé à une nouvelle de l’écrivain Pearl S. Buck, The Mother, écrite en 1933, qui relate la lutte d’une chinoise abandonnée par son mari. Il s’est aussi inspiré d’un film de Sidney Franklin réalisé en 1937, Visages d’Orient, dans lequel Paul Muni incarne un fermier chinois malmené par le destin.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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