Vendredi 30 Novembre 2007 à 20h30
Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Sam Wood – USA – 1935 – 1h36 – vostf
Le charme de Driftwood opère sur la très riche Mrs Claypool qui rêve d’évoluer avec aisance dans le petit monde de la culture. Pour ce faire elle consent à faire don d’une grosse somme à l’opéra de New York. Cet argent doit servir a engager un grand ténor italien : Rodolfo Lasspari. Seulement Driftwood et le directeur du theatre ne sont pas d’accord sur le choix du ténor. S’ensuit un des films les plus burlesques des Marx avec la célèbre scène de la cabine de bateau.
Notre critique
Par Josiane Scoleri
La planète Marx ou le cinquième voyage de Gulliver
Lorsqu’on évoque les films des Marx Brothers, les premiers mots qui viennent généralement à l’esprit sont : surréalistes, loufoques, burlesques, délirants, etc. Et effectivement, tous ces qualificatifs sont de rigueur. Toutes les formes de comique sont au rendez-vous. Comique de mots, comique de gestes, comique de situation, comique de répétition, pour reprendre les catégories classiques, à la seule différence que le spectateur se retrouve très souvent confronté, exposé, livré, à toutes ces sortes de comiques en même temps. Véritable feu roulant où les frangins – qui étaient vraiment frères – ( on imagine l’ambiance du moindre repas de famille !!!) se passent le relais sans nous laisser le temps de reprendre notre respiration.
À un bout de la chaîne, Groucho : le déluge verbal, (jeux de mots sous toutes leurs formes) et à l’autre Harpo : le mutisme le plus absolu (et une expressivité jamais démentie). Entre les deux, nous passons par tous stades : burlesque, légèreté, ridicule, grotesque, ironie, dérision, satire, tout est bon.
Mais si j’évoquais Swift et ses voyages de Gulliver, c’est bien évidemment parce que sous ses allures frappadingues le monde des Marx renvoie directement au nôtre, tout autant que les planètes visitées en son temps par Gulliver. Lorsque Groucho se la joue en dictateur parano et mégalomane d’un pays nommé « Freedonia« , nous savons tous, sans l’ombre d’un doute de quoi il nous parle (Ducksoup, La Soupe au Canard,1933). Et les Marx peuvent tout aussi bien tourner en ridicule le système éducatif américain (Plumes de cheval), s’attaquer au mythe fondateur du Far West (Les chercheurs d’or), tirer à boulets rouges sur les Diafoirus (Un jour aux courses) et autres avocats véreux (At the circus), fustiger le monde du spectacle (Animal Crackers) ou carrément parodier sans la moindre hésitation le cultissime Casablanca de Michael Curtiz sous le titre transparent de A night in Casablanca. Et loin de s’arrêter en si bon chemin, les Marx Brothers nous parlent aussi de tous nos travers, petits et grands (vanité, malhonnêteté, appât du gain, morale plus ou moins élastique, etc.). Cela dit, ne vous attendez pas à un discours moralisateur. Chez les Marx, les embrouilles peuvent payer surtout si les embrouillés sont des emmerdeurs imbus d’eux-mêmes. Le puritanisme protestant en prend pour son grade et les mauvaises manières acquièrent en quelque sorte leurs lettres de noblesse. Car sur la planète Marx, le seul pêché capital c’est de se prendre au sérieux. Là pas de quartier, vous serez passés à la moulinette du ridicule sans une once de pitié.
Les Marx Brothers représentent très certainement un moment tout à fait particulier du cinéma américain. Ils ont certes tourné un film muet, Humor Risk, en 1921, mais il n’est jamais sorti et sans doute perdu. On peut donc dire que leurs premiers films correspondent au tout début du parlant. Ce sont en fait des versions filmées de leurs succès au théâtre. Enfants de la scène, (sketches musicaux, vaudeville, boulevard dès l’adolescence), les Marx apportent bien sûr toute leur expérience des planches, mais ils sauront très vite tirer parti du rythme propre au cinéma qui va démultiplier la force de leurs gags.
Je crois qu’on peut dire sans l’ombre d’un doute que les Marx sont à l’origine d’une certaine forme de comédie à l’américaine, de Jerry Lewis à Woody Allen en passant par Terry Gilliam ou Peter Sellers. Ces cinéastes y ont puisé le goût pour l’absurde qui les caractérise et un côté subversif qui fait immanquablement tanguer le « politically correct » hollywoodien.
C’est dire si les Marx Brothers sont depuis toujours un antidote puissant aux conventions sociales, aux préjugés et au conformisme… Ils n’ont pas pris une ride et leur humour décapant s’avère aujourd’hui comme hier une véritable entreprise de salut public par temps d’étroitesse mentale, de frilosité intellectuelle et de repli sur soi. Les Marx Brothers, leurs têtes de métèque, leurs accoutrements qui détonent, leurs accents à couper au couteau et leurs blagues de mauvais goût sont là pour nous tenir en éveil, l’œil en alerte et l’esprit critique. Une manière de lutter contre ce qu’on n’appelait pas encore « la pensée unique « .
Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri.
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