Parasite



Vendredi 06 septembre 2019 à 20h30

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Bong Joon-ho – Corée du sud – 2019 – 2h12 – vostf

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne…

Chers amis cinéphiles,

La rentrée de CSF,vendredi 6 septembre à 20h30 avec Parasites. Vous vous demandez sans doute mais pourquoi diable Parasite, Palme d’or à Cannes cette année, alors que bon nombre de cinéphiles niçois auront largement eu l’occasion de voir le film depuis sa sortie en juin. Eh bien parce que, comme tous les grands films, Parasite méritent au moins une deuxième vision. Surtout avec une présentation et un débat CSF à la clef!

Film fourmillant de trouvailles sur un scénario réglé au millimètre, Parasite est surtout un vrai grand film politique comme on n’en avait plus vu depuis la grande époque de la comedia all’ italiana. C’est en même temps un film qui exploite, sans le moindre temps mort, cette caractéristique du cinéma coréen qui consiste à mêler de manière indissociable le tragique et le burlesque, le dramatique et le cocasse dans une même scène, une même phrase, un même mouvement de caméra.

À découvrir et à redécouvrir sans la moindre hésitation. À vendredi l’équipe de CSF

Dans les temps forts de la rentrée, la projection très bientôt d’un film inédit d’Armand Gatti: El otro Cristobal, tourné à Cuba en 1963 et jamais sorti en salles.

Un pur délire visuel, poétique et politique. Une grande bouffée d’oxygène par ces temps anxiogènes.

Et bien d’autres surprises en réserve pour la saison 2019/2020.

L’Assemblée Générale de CSF aura lieu le samedi 28 septembre à 18h, au 7 rue Maraldi, 06300 Nice (en haut de la rue de La République).

Notre article

par Josiane Scoleri

Parasite est un film comme on en rencontre de loin en loin dans l’histoire du cinéma,  tissant la forme et le fond en un tissu chatoyant où l’on finit par ne plus distinguer l’une de l’autre. C’est un film où tout fait sens: le cadrage (par exemple le premier plan sur la fenêtre de l’entresol où sèchent les chaussettes), le moindre mouvement de caméra ( après ce premier plan fixe, la caméra descend lentement sur le visage du jeune Ki-Woo et ouvre sur le reste de la pièce), la mise en scène elle-même, menée tambour battant, le montage qui accentue la division entre les deux mondes, la ville haute et la ville basse. Séoul, comme un gigantesque « Upstairs, Downstairs« , avec des plongées et contre-plongées bien plus parlantes que tous les commentaires. Et un scénario au cordeau, tellement bien ficelé qu’il ne pourrait pas s’y glisser une aiguille.
Bong Joon- Ho déclare souvent son amour pour le cinéma de genre et il en détourne volontiers tous les codes. Surtout  il se plaît à mixer les genres avec une aisance et un culot peu communs. Il suffit de penser à Memories of murder , thriller sur un serial killer et méditation métaphysique, The Host,  film de monstre et histoire de famille,  ou Mother, mélodrame qui tourne à l’enquête policière. 
Tous les films de Bong Joon- Ho possèdent ainsi, spontanément pourra-t-on dire, de multiples facettes. Ils sont néanmoins reliés dans leur diversité même par l’engagement indéfectible du cinéaste, véritable fil rouge qui traverse toute l’œuvre. Engagement vis à vis des éternelles tribulations des humains pris dans leurs contradictions, les rapports de force qui s’établissent entre eux, en un mot, la difficulté à vivre. C’est peut-être encore plus éclatant dans Parasite où la famille de Ki-Taek tire le diable par la queue, et visiblement, ce n’est pas nouveau… La rencontre, hautement improbable avec la famille Park, incarnation superlative de la haute bourgeoisie triomphante, va constituer la colonne vertébrale du récit et fournir la matière première du film. C’est tout l’art de Bong Joon-Ho de tirer parti de cette opposition frontale, résolument irrémédiable, pour nous mener de surprises en rebondissements, de coups de tonnerre en coups de Trafalgar jusqu’à un dénouement à la fois explosif, grotesque et profondément poignant.

Mais attention, Parasite n’est pas un film bien pensant où les pauvres seraient nécessairement vertueux et les riches d’abominables exploiteurs. Chez Bong Joon -Ho, les prolétaires sont démerdards et magouilleurs par instinct de survie, foin de morale, ni même de solidarité de classe. Le premier stratagème pour éjecter le jeune chauffeur fonctionne au quart de tour. Puis vient le complot pour virer la gouvernante qui sera ourdi et exécuté sans la moindre hésitation par les 3 membres de la famille déjà dans la place. Ils n’en sont pas moins aimables (au sens ancien du terme) et le spectateur apprécie malgré tout les bons tours qu’ils s’évertuent à jouer pour maintenir la tête hors de l’eau. Les riches de leur côté ont cette suffisance qui va avec leur compte en banque, sans être foncièrement antipathiques non plus. Comme le dit la mère : « l’argent est un formidable fer à repasser, il efface tous les plis ».  Et effectivement, le couple Park a l’air de prime abord parfaitement lisse, leur fille aînée pas encore tout à fait (ça ne saurait tarder) et le petit dernier pas du tout ( ça viendra forcément). Mais bien sûr, tout cela n’est qu’apparence. Et les bonnes manières sont un simple savoir-faire qu’il faut acquérir pour marquer son territoire et tracer cette fameuse ligne invisible, mais tout aussi infranchissable que la Grande Muraille de Chine.

Au-delà de cette opposition entre deux mondes, Bong Joon-Ho a l’intelligence de donner de l’épaisseur – et de la profondeur – à chacun des personnages. Tous les petits détails, apparemment sans importance, qui s’égrènent  au fur et à mesure du récit ont leur pertinence et ressortent habilement à un moment- clef (cf le diplôme sportif de la mère, l’expérience de routier du père, le traumatisme de Da-Song, l’affaire des gâteaux taïwanais, la pierre de méditation, etc…). Souvent sur le mode drôlatique, quelquefois plutôt dramatique, mais de préférence les deux en même temps.
Bong Joon -Ho est de fait un maître de l’art très coréen du « piksari », cette manière de faire fusionner en un seul instant un gag comique, voire burlesque et son ombre portée sombre, voire tragique. Ce qui peut constituer une scène ou deux dans la plupart des films coréens, devient ici l’ossature du film, chaque scène portant en elle cette double nature diamétralement opposée.

Le film est servi dans cet exercice périlleux par une palette d’acteurs absolument impeccables, capables d’une variété de jeu et d’expressivité qui leur permet de coller à tous ces brusques changements de registre, où l’on rit et on pleure en même temps. C’est un film où fonctionne à plein le « Hee Lo Ae Lak », littéralement : Joie, Colère, Tristesse, Plaisir. La grande scène de soulographie familiale vers les deux tiers du film est à elle seule emblématique de ce maelstrom émotionnel où les sentiments font passer les personnages par  des montagnes russes de plus en plus rapprochées et de plus en plus vertigineuses.

Si le film met à mal la société coréenne dans son ensemble, ses classes sociales de plus en plus éloignées les unes des autres (cf la scène du déluge), l’occidentalisation galopante du pays, la violence latente des rapports sociaux, il est frappant de constater quel point l’institution de la famille demeure la clef de voûte à la fois du film et des individus (et ce, malgré les multiples coups de butoirs économiques, financiers ou autres auxquels ils sont soumis). Il semblerait que sur ce point-là au moins, la mondialisation n’ait pas (encore?) réussi à dynamiter complètement le tissu social. La suite, sans doute, dans le prochain film de Bong Joon-Ho.                                             

« Personnellement, je me considère comme un réalisateur de films de genre mais je n’aime pas et ne veut pas suivre les codes classiques des films de genre. C’est cette rupture dans les codes et les ajouts de nuances coréennes qui créent ma touche personnelle et aussi mes émotions un peu perverses qui donnent ce côté bizarre à mes films. » (Bong Joon-ho)

Sur le web

Dans son film, Bong Joon Ho a voulu décrire les inégalités qui se creusent de plus en plus non seulement dans la société coréenne mais aussi dans le monde entier où le capitalisme règne sans partage. Seul l’emploi permet à différentes classes sociales de se rencontrer, « lorsque l’une est engagée en tant que domestique au service de l’autre » explique le réalisateur. Il poursuit : « Dans la société capitaliste d’aujourd’hui, il existe des rangs et des castes qui sont invisibles à l’oeil nu. Nous les tenons éloignés de notre regard en considérant les hiérarchies de classes comme des vestiges du passé, alors qu’il y a encore aujourd’hui des frontières infranchissables entre les classes sociales. Je pense que ce film décrit ce qui arrive lorsque deux classes se frôlent dans cette société de plus en plus polarisée ». Il explique également qu’il s’agit d’« Une comédie sans clowns, une tragédie sans méchants » avec laquelle il a cherché à observer comment différentes classes sociales pouvaient cohabiter dans un monde où les rapports de classe sont de plus en plus violents : « Au milieu d’un tel monde, qui pourrait pointer du doigt une famille qui lutte pour sa survie en les affublant du nom de parasites ? Ils n’étaient pas des parasites au départ. Ils sont nos voisins, nos amis et collègues, qui ont été poussés vers le précipice« .

Afin de préserver le plus possible le mystère autour de Parasite, Bong Joon Ho a écrit une lettre à l’attention des journalistes leur demandant de ne rien dévoiler de l’intrigue : « Je vous demande donc de bien vouloir protéger les émotions des spectateurs : Quand vous écrirez une critique du film, je vous prie de bien vouloir éviter de mentionner ce qui va se passer après que le fils et la fille aient commencé à travailler chez les Park, tout comme les bandes annonces s’en sont gardées. Ne rien révéler au-delà de cet arc narratif sera, pour le spectateur et l’équipe qui a rendu ce film possible, une véritable offrande« .

Parasite marque le retour de Bong Joon Ho dans son pays et sa langue d’origine dix ans après Mother.

Parasite marque la 4e collaboration entre Bong Joon Ho et Song Kang Ho après Memories of Murder, The Host et Snowpiercer. Song Kang Ho est l’un des acteurs les plus populaires en Corée. Il a également tourné avec Park Chan-wook (JSA, Sympathy for Mr. Vengeance, Thirst), Kim Jee-woon (Le Bon, la brute et le cinglé, The Foul King, The Age of Shadows) et Lee Chang-dong (Secret Sunshine).

Parasite est le septième film du réalisateur Bong Joon Ho, après Barking Dog (2000), Memories of Murder (2003), The Host (2006), Mother (2009), Snowpiercer (2013) et Okja (2017).

Présenté en compétition au Festival de Cannes 2019, Parasite a remporté la Palme d’Or, décernée à l’unanimité par le jury. Il s’agit de la première Palme d’Or pour un film coréen.

«Tout le génie de Bong Joon-ho réside dans ce mélange de genres qu’il organise subtilement, là où beaucoup de réalisateurs auraient créé des points de ruptures brutaux. S’embarquer dans Parasite, c’est accepter de se perdre dans ses repères cinéphiliques et moraux. C’est accepter de s’amuser d’une comédie sociale, sans avoir peur d’assister en même temps à un thriller cruel et haletant, tout en ne l’ayant pas vu venir.C’est sans doute lorsque la violence sociale, qui apparaît au début comme le véritable antagoniste de cette banale histoire d’arnaque, devient violence physique que le film connaît sa première variation. Et pourtant, la violence semble alors comme une pièce du divertissement, presque jouissive. Le spectateur est déjà acquis à la cause des arnaqueurs. Plus tardif sera le moment où il va s’en apercevoir, plus le retour de bâton sera brutal. L’allégorie du train à plusieurs wagons a, en fait, laissé place à un jeu plus habile encore, qui nous confronte à un thriller social ultra violent et nous laisse face à nos réactions. Tout est malicieusement pensé pour nous faire douter de nos propres sentiments vis-à-vis de ces personnages : doit-on s’attacher à eux parce qu’ils ne font qu’essayer de sortir d’un carcan social ou doit-on les détester parce qu’ils laissent derrière eux des victimes ? La seule certitude, c’est qu’il ne faut pas compter sur Bong Joon-ho pour nous offrir un happy end moralisateur, afin de se donner bonne conscience.» (avoir-alire.com)

«Extrêmement maîtrisée dans la forme, cette comédie sociale corrosive qui vire au drame allie les codes du film de genre à une critique féroce des inégalités sociales dans un pays livré aux mirages du libéralisme. Ne pas se laisser abuser par le titre du film. Parasite peut évoquer au choix le film d’anticipation ou le film d’horreur, genres que Bong Joon-ho n’a pas hésité à manier dans ses précédents films. Depuis Memories of Murder (2003), qui l’a révélé au public occidental, le réalisateur sud-coréen n’a cessé de naviguer entre les différents genres cinématographiques, du thriller au drame intimiste (Mother), en passant par le film d’horreur (The Host) ou la fable poétique (Okja), ce qui le rend définitivement inclassable…Brouillant volontairement les genres, instillant peu à peu l’angoisse et le malaise par le simple jeu d’une mise en scène usant de lents travellings et panoramiques qui explorent les moindres recoins de la maison, Bong Joon-ho est ici au sommet de son art dans cette lutte des classes en sous-sol. Et délivre un message d’un insondable pessimisme sur l’état de notre monde dans lequel la famille reste l’ultime refuge.» (la-croix.fr)

«Il est déjà remarquable de voir comment Parasite est un film absolument coréen par ses motifs (la pulsion des pauvres d’aller y voir du côté des riches se retrouve dans Burning de Lee Chang-dong en 2018, comme la ségrégation sociale en conséquence de la spéculation immobilière dans Psychokinesis de Yeon Sang-ho aussi en 2018). Cette nouvelle palme d’or entre également en résonance avec la précédente, Une affaire de famille (2018) de Hirokazu Kore-eda, puisque les deux films partagent en effet la même empathie pour les familles précaires s’entassant dans des logements de misère sans jamais cesser cependant de faire preuve de ruse en sachant tromper le jeu des normes sociales. Ce naturalisme réinventé par un esprit carnavalesque afin de fuir les effets de réel et dénaturaliser le social trouverait également un héritage probable du côté du cinéma organique et sardonique du japonais Shôhei Imamura, tout en étant le contemporain de la bouffonnerie caractérisant les dernières réalisations de Bruno Dumont. Et pourquoi pas admettre devant les prodiges de causticité de Parasite qu’il y a toute légitimité à remonter plus loin encore, du côté des grands italiens de la comédie vacharde à l’instar d’Ettore Scola (Affreux, sales et méchants en 1976) et Dino Risi (Les Monstres en 1963 comme chef-d’œuvre du genre et Les Nouveaux monstres en 1977 en guise d’adieu au genre), jusqu’aux passements de jambe entre les tons, les genres et les identités sociales réifiées de Claude Chabrol, Jean Renoir et déjà Charlie Chaplin ?

Avec Parasite, les pauvres ne sont pas les parasites des riches mais les victimes d’un monde où la loi économique de l’offre est préférée à la loi de la demande, à la décharge des riches qui est la charge des pauvres. Dans la perspective esthétique et donc politique du film de Bong Joon-ho, ce sont les faits sociaux qui sont des parasites, parfaitement semblables aux « étreigneurs de visage », autrement dit aux fameux « face-huggers » que l’on trouve dans la saga Alien : ils vous sautent au visage pour que vous vous endormiez afin d’oublier que vous en couvez les plus horribles conséquences. Ainsi, il n’y a pas un corps social mais son carnaval, la farce qui avère la misère de l’organicisme en caractérisant la métaphore réactionnaire. Voilà le monstrueux : il y a plus de pauvres que les riches ne le pensent et les pauvres sont ceux qui se battent pour leurs miettes, jusque sous leur lit. Voilà encore le monstrueux : les pauvres, qui en savent plus sur les riches que les riches sur les pauvres, se font la guerre en défouloir indirect d’une lutte des classes par tout le monde refoulée… Dans Parasite, les pauvres savent aisément où aller pour trouver les riches et les baratiner, mais ils n’imaginent pas être les agents économiques d’une lutte des places qui rejoue dans l’espace domestique une lutte des classes catastrophique…» (rayonvertcinema.org)

«La structure même du film avec ces trois parties si différentes montre la vanité de croire en un changement social possible. C’est déjà ce que constataient La servante (Kim Ki-young, 1960) et La cérémonie (Claude Chabrol, 1995) dont Bong dit s’être inspiré et qui ferait passer The servant (Joseph Losey, 1963) pour un film optimiste. Il ne reste pas même aux Kim la férocité des Italiens des taudis d’Affreux, sales et méchants (Ettore Scola, 1976)…» (cineclubdecaen.com)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h30 précises.

Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents CSF et toute personne bénéficiant d’une réduction au Mercury). Adhésion : 20 €. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.

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